B. LES RÉPONSES APPORTÉES PAR LE PROJET DE LOI

Le projet de loi crée trois outils : la formation d'apprenti junior, parcours d'excellence inscrit dans le cadre prometteur de la formation en alternance ; le contrat première embauche, contrat à durée indéterminée assorti d'une période de consolidation de deux ans et de droits solides, destiné aux jeunes actuellement prisonniers d'un cycle cumulatif de contrats à durée déterminée, stages répétitifs et intérims sans lendemain ; un statut des stages, afin de mettre un terme à des abus qui enferment dans une forme particulière de précarité, voire d'exploitation, une jeunesse souvent très diplômée.

1. L'apprentissage, une formule gagnante

Telle est la formule qui vient à l'esprit quand on considère l'évolution de cette formation en alternance. En 2004, près de 246.000 nouveaux contrats d'apprentissage ont été enregistrés dans le secteur marchand, ce qui représente une augmentation de 5 % par rapport à 2003. Si les secteurs ayant le plus contribué à cette hausse ont été de façon assez traditionnelle la construction, en augmentation de 12 %, et les services aux particuliers, en augmentation de 7 % ; si les entreprises de moins de cinq salariés ont encore embauché 41 % des apprentis ; si les formations de niveau CAP-BEP représentent toujours quelque deux tiers des contrats, l'apprentissage évolue. Il convient de se féliciter de ce qui en témoigne et démontre sa profonde adéquation avec l'évolution globale du marché de l'emploi. Ainsi, 20 % des contrats enregistrés en 2004, contre 11 % dix ans auparavant, sont conclus au niveau du baccalauréat, et les diplômes supérieurs représentent aujourd'hui près de 13 % des formations préparées, contre 6 % il y a dix ans. Inversement, la part des jeunes en apprentissage sans qualification reconnue s'établit à 45 %, contre 52 % il y a dix ans. Ceci doit rassurer ceux qui craignent que les annonces faites dans le sillage des émeutes de la fin de 2005 ne jettent une suspicion sur l'image et le devenir de l'apprentissage. Les résultats tangibles de l'apprentissage sont un autre démenti à ces craintes : 80 % des apprentis obtiennent un contrat de travail à durée indéterminée dans l'année qui suit leur sortie de formation , et c'est au niveau Bac + 2 qu'ils sont le plus fréquemment embauchés par le maître d'apprentissage.

La loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, qui a notablement conforté l'attractivité de l'apprentissage et le statut de l'apprenti, a contribué à ces résultats. Il est ainsi permis de croire en la réalisation de l'objectif de 500.000 apprentis à l'horizon 2009, fixé dans le plan de cohésion sociale en cours d'exécution.

Le projet de loi s'inscrit dans cette perspective en créant une formation d'apprenti junior à partir de quatorze ans. Son but est de permettre à une partie de la jeunesse, mal à l'aise dans les formes traditionnelles de l'enseignement académique, de découvrir le monde de l'entreprise tout en poursuivant l'acquisition du socle des connaissances indispensables à la vie moderne, qu'elle soit personnelle, familiale ou professionnelle.

La loi encourage, dégage des pistes. Il appartient ensuite aux différents acteurs d'assumer leur part de responsabilité . A cet égard, le niveau assez élevé du taux de sortie de contrat avant l'échéance ne peut manquer d'interpeller. A l'occasion des auditions qu'il a menées pour préparer le présent rapport, votre rapporteur a recueilli des éléments d'informations dont il faut tirer des enseignements. Un responsable de la Jeunesse ouvrière chrétienne, notamment, tout en notant que de très nombreux jeunes trouvent dans l'apprentissage une voie d'accomplissement personnel, a noté que n'étaient pas rares toutes sortes d' abus , souvent médiocres, parfois plus sérieux, en tout état de cause très démobilisateurs pour les jeunes devant y faire face, largement dépourvus de recours et d'appui. Votre rapporteur note l'importance d'une mobilisation toute spéciale des inspecteurs du travail sur ce plan : il serait désastreux qu'une partie notable des 500.000 jeunes attendus dans l'apprentissage à partir de 2009 fasse à cette occasion la découverte de l'injuste bêtise humaine, à quoi se réduisent souvent les faits évoqués. Cet interlocuteur a aussi insisté sur le désespoir latent de la fraction de cette jeunesse marquée par la discrimination ethnique. De ce point de vue, votre rapporteur a eu la confirmation, en auditionnant l'auteur d'un rapport sur l'égalité des chances dans l'apprentissage 1 ( * ) , que des phénomènes de discrimination tenant à une inadmissible passivité à l'égard de préjugés illégaux prévalant dans certains secteurs du marché de l'emploi, sont à l'oeuvre dans des centres de formation des apprentis. Votre commission souhaite, là encore, que les autorités de tutelle manifestent une extrême vigilance. Afin de contribuer à leur prise de conscience, elle a adopté un amendement prévoyant l'exercice d'un contrôle spécifique dans ce domaine .

Ouverture réciproque des uns et des autres, exactitude dans l'application de la loi, telles sont en effet les conditions du succès des efforts entrepris pour relancer l'apprentissage.

* 1 L'égalité des chances : un défi à relever dans l'apprentissage, Nora Barsali, juin 2005.

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