B. UNE MISSION RÉVÉLATRICE DES DIFFICULTÉS DE MISE EN oeUVRE DE LA LOLF

1. Une mission interministérielle en sursis ?

La mission interministérielle « Sécurité sanitaire » est une des onze missions interministérielles du budget , ce qui se justifie notamment par les liens étroits existant entre les thématiques relatives à la santé humaine et animale, dont témoigne notamment le risque de pandémie de « grippe aviaire ».

Cependant, comme l'a déjà souligné, à de nombreuses reprises 4 ( * ) , votre rapporteure spéciale, si la dimension opérationnelle de l'interministérialité de la mission est avérée, sa dimension budgétaire est encore à parfaire . Certes des progrès semblent avoir été réalisés, notamment s'agissant de la fixation du montant de la subvention pour charge de service public des agences de sécurité sanitaire, qui, d'après les informations recueillies par votre rapporteure spéciale, a donné lieu à une concertation entre les différentes administrations de tutelle.

Néanmoins, votre rapporteure spéciale regrette que la mission « Sécurité sanitaire » ne fasse pas l'objet, au moment de l'élaboration du projet de loi de finances, d'une réelle concertation entre responsables de programme, ni d'arbitrages budgétaires entre les deux programmes qui la composent. Cela s'explique en particulier par le fait que les deux responsables de programme ne sont pas destinataires d'une « lettre de plafond » commune, qui serait, pourtant, de nature à favoriser l'exercice de l'interministérialité budgétaire.

L'analyse développée par votre rapporteure spéciale a été confirmée par le comité interministériel d'audit des programmes (CIAP) dans son avis sur le programme 228 « Veille et sécurité sanitaires » de la mission « Sécurité sanitaire », daté du 5 mai 2006 5 ( * ) , de même que celui sur le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » du 15 mai 2007 6 ( * ) . Ces deux rapports mettent, en effet, en évidence le caractère artificiel de la mission « Sécurité sanitaire » , soulignant qu' « il s'agit d'un affichage de regroupement de programmes, sans coordination des objectifs et des responsabilités ». La question du maintien ou de la suppression de la mission interministérielle y est clairement posée . Si le rapport d'audit relatif au programme 228 « Veille et sécurité sanitaires » préconise son rattachement à la mission « Santé » et sa fusion avec le programme 204 « Santé publique et prévention », le rapport d'audit sur le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » propose d'introduire ce dernier au sein de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

Principales observations du CIAP dans son avis du 5 mai 2006 sur la structuration du programme « Veille et sécurité sanitaires » de la mission « Sécurité sanitaire »

Le CIAP constate, d'abord, un décalage entre l'affirmation de l'importance de la politique de sécurité sanitaire et sa concrétisation dans la structuration du programme « Veille et sécurité sanitaires ».

En effet, le CIAP relève que, dans le budget de l'Etat, de nombreux programmes différents contribuent, par une ou plusieurs actions à cette politique de sécurité sanitaire dont le programme « Veille et sécurité sanitaires » ne représente qu'une partie. Dès lors, le CIAP estime que la structuration du programme « Veille et sécurité sanitaires » et son articulation avec les autres programmes peuvent être améliorées de plusieurs manières, parmi lesquelles :

- une solution radicale qui serait de supprimer la mission interministérielle « Sécurité sanitaire » et de constituer un document de politique transversale (DPT) relatif à la « Sécurité sanitaire » qui serait piloté par le ministère de la santé. En effet, le CIAP estime que cette mission ne constitue qu'une juxtaposition de deux programmes, sans coordination des objectifs et des responsabilités et qu'elle ne recouvre qu'une partie de la politique interministérielle de sécurité sanitaire et ne donne dès lors au Parlement qu'une version tronquée de cette politique ;

- faire vivre le DPT « Sécurité civile » déjà existant , intégrant d'ores et déjà le programme « Veille et sécurité sanitaires », et y intégrer le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » de la mission « Sécurité sanitaire », relevant du ministère de l'agriculture ;

- examiner avec intérêt la proposition de fusionner, en raison des avantages à en attendre en termes de pilotage et de gestion, les programmes « Veille et sécurité sanitaires » et « Santé publique et prévention » de la mission « Santé » , ce dernier relevant du même responsable de programme (le directeur général de la santé) et présentant une grande porosité avec le programme « Veille et sécurité sanitaires », mis en oeuvre de manière enchevêtrée par les mêmes services et souvent les mêmes agents ;

- rattacher les crédits de personnel et de fonctionnement courant (titres 2 et 3) au programme « Veille et sécurité sanitaires » au moins, dans l'immédiat, en ce qui concerne la seule administration centrale . Ces crédits relèvent en effet du programme soutien du ministère de la santé, lequel est inclus dans une autre mission. Non seulement cette décision n'est pas conforme à la LOLF mais elle ôte toute marge de manoeuvre au Parlement s'agissant des moyens affectés à la politique publique de veille et sécurité sanitaires ainsi que tous moyens d'arbitrage au responsable de programme pour son pilotage du programme dans une logique de performance ;

- faire apparaître la présentation synthétique de l'ensemble des crédits publics alloués aux sept opérateurs publics du programme dont l'activité est entièrement dédiée à la sécurité sanitaire mais qui, en raison de la maquette du budget de l'Etat, se trouvent éclatés entre différents programmes.

* * *

Principales observations du CIAP dans son avis du 15 mai 2007 sur la structuration du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » de la mission « Sécurité sanitaire »

Reprenant l'argumentation développée lors de l'audit du programme « Veille et sécurité sanitaires » et insistant sur le défaut de justification sur le fond de la mission interministérielle « Sécurité sanitaire » , le CIAP préconise de :

- supprimer la mission « Sécurité sanitaire » en rattachant le programme « Veille et sécurité sanitaires » à la mission « Santé » et le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » ;

- inclure, au sein du document de politique transversale (DPT) « Sécurité civile », le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ».

Lors des auditions menées par votre rapporteure spéciale, il est apparu que si le ministère de la santé, de la jeunesse et des sports était prêt à envisager le rattachement du programme « Veille et sécurité sanitaires » à la mission « Santé » , le ministère de l'agriculture et de la pêche, en revanche, plaidait pour le maintien de la mission « Sécurité sanitaire » , soulignant la réalité opérationnelle de l'interministérialité de cette mission.

Votre rapporteure spéciale estime que les travaux actuellement conduits par la Révision générale des politiques publiques (RGPP), devront conduire à une réflexion de fond sur la structure et la pertinence de la mission « Sécurité sanitaire » , comme de l'ensemble des missions interministérielles.

En tout état de cause, ce constat d'une interministérialité budgétaire lacunaire de la mission « Sécurité sanitaire » repose la question de la difficile réforme de l'organisation administrative de l'Etat , que la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) devait pourtant favoriser grâce au rapprochement de la nouvelle nomenclature budgétaire et des structures administratives.

2. Les marges de manoeuvre du responsable de programme en question

Votre rapporteure spéciale s'interroge, par ailleurs, sur les marges de manoeuvres réelles des responsables de programme de la mission « Sécurité sanitaire ».

La mission « Sécurité sanitaire » ne représente en effet qu' une partie étroite de cette politique publique, puisqu'en 2008, pas moins de seize autres programmes concourent, de fait, à cette politique.

Les seize autres programmes concourant à la politique publique de sécurité sanitaire

Programme

Mission

Ministère pilote

Actions financées

Programme n° 181 « Protection de l'environnement et prévention des risques »

Mission « Ecologie, développement et aménagement durables »

Ministère chargé de l'environnement

Prévention des risques technologiques et des pollutions ;

Prévention des risques naturels ;

Gestion des déchets et évaluation des produits ;

Lutte contre les pollutions de l'eau et des milieux aquatiques ;

Financement de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) et de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS).

Programme n° 217 « Conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable »

Mission « Ecologie, développement et aménagement durables »

Ministère chargé de l'environnement

Financement de l'ADEME.

Programme n° 189 « Recherche dans le domaine des risques et des pollutions »

Mission « Recherche et enseignement supérieur »

Ministère chargé de l'environnement

Recherche sur l'évaluation et la prévention des risques technologiques et des pollutions ;

Recherche sur l'évaluation et la prévention des risques sanitaires environnementaux ;

Evaluation et prévention des risques nucléaires ;

Financement de l'AFSSET, de l'ADEME, l'INERIS et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Programme n° 188

« Recherche dans le domaine de l'énergie »

Mission « Recherche et enseignement supérieur »

Ministère chargé de l'environnement

Compétitivité, sécurité et développement de l'énergie nucléaire ;

Financement de l'ADEME.

Programme n° 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail »

Mission « Travail et emploi »

Ministère chargé du travail

Santé et sécurité au travail ;

Financement de l'AFSSET.

Programme n° 108 « Administration territoriale »

Mission « Administration générale et territoriale de l'Etat »

Ministère de l'Intérieur

Coordination de la sécurité des personnes et des biens, intégrant la sécurité et la défense civiles.

Programme n° 128 « Coordination des moyens de secours »

Mission « Sécurité civile »

Ministère de l'Intérieur

Préparation et gestion des crises.

Programme n° 161 « Interventions des services opérationnels »

Mission « Sécurité civile »

Ministère de l'Intérieur

Interventions spécialisées sur les autres catastrophes naturelles et technologiques.

Programme n° 171 « Offre de soins et qualité du système de soins »

Mission « Santé »

Ministère chargé de la santé

Niveau et qualité de l'offre de soins ;

Amélioration de la gestion des risques.

Programme n° 204 « Santé publique et prévention »

Mission « Santé »

Ministère chargé de la santé

Déterminants de santé ;

Nutrition ;

Environnement ;

Financement de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES).

Programme n° 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales »

Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

Ministère de chargé du travail

Financement des personnels et des moyens de fonctionnement agissant pour le programme n° 228 « Veille et sécurité sanitaire ».

Programme n° 154

« Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural »

Mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales »

Ministère chargé de l'agriculture

Modernisation des exploitations et maîtrise des pollutions.

Programme n° 215

« Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture »

Mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales »

Ministère chargé de l'agriculture

Financement des moyens de l'administration centrale, des moyens des directions régionales de l'agriculture et de la forêt (DRAF) et des moyens communs.

Programme n° 227

« Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés»

Mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales »

Ministère chargé de l'agriculture

Participe au financement de l'action 05 « élimination des farines et coproduits animaux » du programme 206 « Veille et sécurité sanitaires ».

Programme n° 199

« Régulation et sécurisation des échanges de biens et services »

Mission

« Développement et régulation économiques »

Ministère chargé de l'économie

Sécurité du consommateur.

Programme n° 134

« Développement des entreprises, des services et de l'activité touristique »

Mission « Développement et régulation économiques »

Ministère chargé de l'économie

Financement de l'ADEME et de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA).

Source : réponse au questionnaire budgétaire du ministère de la santé, de la jeunesse et des sports

Surtout, les fonctions support de la mission sont portées par d'autres missions budgétaires : les dépenses du titre 2 (dépenses de personnel) et du titre 3 (moyens de fonctionnement courant) destinées au programme « Veille et sécurité sanitaires » sont portées par le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». De même, mais dans une moindre mesure, tous les emplois qui concourent au programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » ne sont pas rattachés à ce dernier, mais à la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

Enfin, un troisième élément tend à réduire les marges de manoeuvre des responsables de programme, notamment celui du programme « Veille et sécurité sanitaires » : près de 85 % des crédits inscrits sur le programme « Veille et sécurité sanitaires » pour 2008 correspondent à des subventions pour charges de service public destinées aux agences de sécurité sanitaire (86 % des AE et 84 % des CP du programme) .

Cette dispersion des crédits destinés au financement de la politique publique de sécurité sanitaire, ainsi que l'importance des crédits versés aux agences de sécurité sanitaire limitent considérablement les possibilités de fongibilité, notamment de fongibilité asymétrique .

3. La LOLF, un dispositif transposable aux opérateurs ?

La mise en oeuvre de la LOLF a eu des conséquences importantes sur la budgétisation et les modalités de gestion interne des opérateurs, ce qui s'est traduit, pour la plupart d'entre eux, par des lourdeurs administratives fortes et des difficultés d'apprentissage , dont il convient de tenir compte.

Mais surtout, la mission de contrôle budgétaire, que votre rapporteure spéciale a récemment menée sur les agences de sécurité sanitaire 7 ( * ) , l'a conduite à s'interroger, de façon plus transversale, sur la déclinaison des principes de la LOLF aux opérateurs de l'Etat . Le thème des agences sanitaires a, en effet, joué comme un révélateur de l'ambiguïté de la notion d'opérateur et de l'application difficile des principes de la loi organique à ces derniers .

A cet égard, votre rapporteure spéciale accueille favorablement les travaux actuellement menés sur ce sujet par la mission « Performance de l'action publique » de la direction du budget. Au cours de leur audition, les responsables de cette mission ont exposé leurs « chantiers » de réflexion, qui, pour l'essentiel, recoupent les interrogations déjà soulevées par votre rapporteure spéciale .

Votre rapporteure spéciale encourage la poursuite de ces réflexions et retient principalement la nécessité de :

- préciser la notion d'opérateur et l'inscrire au sein d'un texte de valeur juridique supérieure à celle de la simple circulaire, comme c'est le cas aujourd'hui ;

- poursuivre l'harmonisation des règles budgétaires et comptables applicables aux opérateurs ;

- profiter des réflexions actuelles sur la pluriannualité budgétaire pour approfondir la question du contenu et de l'articulation des contrats d'objectifs et de moyens ou contrats de performance , signés entre les administrations de tutelle et les opérateurs, avec les projets annuels de performances .

La RGPP devra, là aussi, apporter des éléments de réponse à cette question essentielle.

Rappel des principales conclusions du rapport de contrôle
de votre rapporteure spéciale sur les agences de sécurité sanitaire

L'opérateur, un objet juridique non identifié ?

La notion d'opérateur existait avant la mise en oeuvre de la LOLF . Elle figurait notamment dans la circulaire du Premier ministre du 26 juillet 1995 relative à la réforme de l'Etat. « Les « opérateurs », dont le rôle « consiste à gérer, à appliquer des réglementations ou à servir des prestations », étaient alors définis par opposition à l'État « régulateur » » 8 ( * ) .

Mais le terme n'apparaît pas en tant que tel dans la LOLF . Il s'agit d'une notion budgétaire et comptable élaborée a posteriori pour accompagner sa mise en oeuvre.

Plusieurs documents ont tendu à clarifier ce concept , démontrant par la même le caractère mouvant de la définition 9 ( * ) , la dernière d'entre elles est donnée par la circulaire du 14 mai 2007 relative au projet de loi de finances pour 2008 : « une entité dotée de la personnalité morale, quel que soit son statut juridique est présumée appartenir au périmètre des opérateurs de l'Etat dès lors qu'elle répond cumulativement à trois critères :

-  une activité de service public ;

- un financement assuré majoritairement par l'Etat (dotation budgétaire ou ressources affectées) ;

- un contrôle direct par l'Etat ».

Outre la valeur juridique réduite des documents qui définissent cette notion, votre rapporteure spéciale a relevé une contradiction : l'Etablissement français du sang (EFS) et l'Institut national de transfusion sanguine (INTS) sont inscrits sur la liste des opérateurs de la mission « sécurité sanitaire », alors même qu'ils ne reçoivent pas de subventions publiques et ne répondent donc pas au second critère de la définition d'un opérateur.

D'après les propos recueillis auprès de la direction du budget, ces deux agences seraient des opérateurs secondaires . Néanmoins, selon votre rapporteure spéciale, il convient de clarifier cette définition, dans un texte de valeur juridique supérieur à celle d'une simple circulaire, afin de déterminer la nature du contrôle et du pilotage que les responsables de programme sont en mesure d'exercer sur ces derniers .

* * *

L'exercice de la tutelle budgétaire

Comme les interlocuteurs de votre rapporteure spéciale ont pu le souligner, la LOLF induit, s'agissant de l'exercice de la tutelle budgétaire des agences, une nouvelle configuration des rôles respectifs des ministères et de la direction du budget . A terme, celle-ci devrait tendre à recentrer son rôle sur l'analyse de la justification au premier euro, qui détermine le montant de l'enveloppe budgétaire globale allouée au programme concerné . La direction du budget ne serait dès lors plus chargée de déterminer le montant de la subvention pour charges de service public de chaque opérateur et d'examiner en détails les crédits alloués à ces derniers. Il reviendra, en revanche, au responsable de programme de ventiler les crédits entre BOP et opérateurs , ventilation qui devra intervenir après un dialogue de gestion avec l'agence. En cours d'exécution, le responsable de programme devrait également être conduit à piloter cette subvention en fonction de la réalisation ou non des objectifs fixés à l'opérateur .

Si votre rapporteure spéciale approuve cette nouvelle répartition des compétences entre la direction du budget et les responsables de programme, et estime que le rôle de ces derniers dans la budgétisation initiale des crédits alloués aux agences doit se renforcer, elle s'interroge néanmoins sur leurs marges de manoeuvre actuelles , ainsi que sur leurs compétences techniques pour assumer ce nouveau rôle .

Ces nouveaux acteurs impliquent, en effet, de repenser les logiques administratives traditionnelles , qui ne peuvent plus reposer sur une organisation hiérarchique de l'administration, mais sur son organisation en réseau. La LOLF invite, en effet, à dissocier la responsabilité managériale du niveau hiérarchique . Or, ceci suppose un changement culturel fort qui ne semble pas encore avoir eu lieu.

* * *

L'articulation des programmes annuels de performances (PAP) et les contrats d'objectifs
et de moyens (COM) ou contrats de performance

En ce qui concerne la mesure de la performance des opérateurs , votre rapporteure spéciale entend souligner certaines difficultés ou contradictions :

- s'agissant, tout d'abord, de la couverture de l'activité des opérateurs au sein des PAP, une contradiction semble émerger entre, d'une part, la nécessité de réduire le nombre d'indicateurs présentés dans ces documents et, d'autre part, la nécessité d'y retracer l'activité de tous les acteurs participant à la performance du programme (services de l'administration centrale, services déconcentrés et opérateurs). C'est pourquoi la déclinaison des objectifs et indicateurs doit avant tout passer par les COM et contrats de performance signés entre opérateurs et administration de tutelle ;

- cette première réflexion appelle une seconde remarque : la nécessaire articulation des COM ou des contrats de performance avec les objectifs des PAP. Comme votre rapporteure spéciale l'a souligné, les contrats, qui viennent d'être signés avec certaines des agences sanitaires, sont essentiellement axés sur les missions des opérateurs et non sur les objectifs du programme. Ceci peut, certes, s'expliquer par le fait qu'il s'agissait des premiers contrats signés et que leur but était, à ce stade, de préciser les missions et le positionnement de l'agence dans le schéma d'ensemble de la sécurité sanitaire. Néanmoins, à terme, il convient de veiller à une meilleure articulation des deux documents ;

- enfin, une clarification semble nécessaire s'agissant de la contractualisation sur les moyens . Il est vrai qu'un engagement financier pluriannuel peut être source de rigidités budgétaires et être difficilement compatible avec l'annualité budgétaire. Néanmoins, il donnerait aux opérateurs plus de visibilité et leur permettrait de mieux planifier leurs activités . D'ailleurs, il semble difficile de s'inscrire dans une logique de performance, -qui doit mettre en relation les résultats attendus par rapport aux moyens engagés-, sans contractualisation sur les moyens .

* * *

La gestion et le suivi des effectifs

Quant aux effectifs, la LOLF implique des règles nouvelles de gestion avec notamment la règle du « plafond d'emploi » et de la « fongibilité asymétrique » , selon laquelle les excédents de crédits de personnel peuvent servir à financer des dépenses de fonctionnement, mais pas l'inverse.

Selon votre rapporteure spéciale, il apparaît nécessaire de réfléchir à leur application aux opérateurs de l'Etat, sous peine de renoncer à la LOLF.

Le plafond d'emploi

Les emplois rémunérés par les opérateurs n'entrent pas aujourd'hui dans le plafond d'emplois ministériels, voté par le Parlement .

Certes, ces emplois font l'objet d'un plafond voté par le conseil d'administration de l'agence. Par ailleurs, la présentation du détail des emplois des opérateurs dans les PAP permet d'améliorer l'information du Parlement . Il semble également, selon les propos recueillis par votre rapporteure spéciale, que l'inscription des effectifs prévisionnels des opérateurs dans les PAP soit un instrument important de négociation avec les agences ; ce plafond devenant une sorte de référence opposable à l'agence. Cependant, il n'est pas soumis au vote du Parlement et les dépenses de personnel des opérateurs n'entrent pas dans la norme de dépense de l'Etat.

Pour votre rapporteure spéciale, la question du contrôle des effectifs des opérateurs doit néanmoins être examinée au regard du principe d'autonomie de gestion des agences. En effet, inclure les effectifs des opérateurs sous le plafond d'emploi de l'Etat permet, certes, un contrôle accru du Parlement, mais pourrait être de nature à remettre en cause l'autonomie de gestion des opérateurs.

La fongibilité

Le budget de l'agence est voté en trois enveloppes : dépenses de personnel, de fonctionnement, d'investissement. La fongibilité s'exerce à l'intérieur de ses trois enveloppes. Ceci a introduit une certaine souplesse de gestion en réduisant de façon significative le nombre de décisions modificatives jusqu'alors nécessaires. En revanche, les mouvements de crédits entre ces trois enveloppes doivent toujours faire l'objet d'un vote de décision modificative par le conseil d'administration.

C'est pourquoi, comme le préconise la mission d'audit de modernisation menée sur les opérateurs du ministère de la culture 10 ( * ) , votre rapporteure spéciale s'interroge sur la possibilité d'autoriser à terme une plus grande fongibilité des crédits des opérateurs entre les trois enveloppes, à condition d'appliquer parallèlement la règle de la « fongibilité asymétrique », c'est-à-dire uniquement des crédits de personnel vers les crédits d'investissement ou de fonctionnement.

4. Le difficile dialogue de gestion

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, votre rapporteure spéciale avait mis en évidence le caractère lacunaire du dialogue de gestion territorial, qui tenait, en partie, à l'émiettement des budgets opérationnels de programme (BOP).

Si votre rapporteure spéciale accueille favorablement les progrès réalisés s'agissant de la cartographie des BOP du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », elle insiste sur la nécessité, pour les deux programmes de la mission, d'approfondir le dialogue de gestion, qui, malgré certaines améliorations, reste encore perfectible.

a) La cartographie des BOP du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation »

D'après les informations recueillies par votre rapporteure spéciale, une simplification de la cartographie des BOP du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » devrait intervenir en 2008, les moyens des directions départementales des services vétérinaires (DDSV) devant être supprimés et fondus au sein des BOP régionaux du programme, répondant ainsi à une des recommandations du CIAP, dans son avis précité du 15 mai 2007.

Le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » comportera ainsi :

- deux BOP centraux , un premier BOP central « Interventions » sous la responsabilité de la direction générale de l'alimentation (DGAL), un second BOP central « Interventions », correspondant à l'action « Elimination des farines et coproduits animaux » sous la responsabilité d'une sous-direction de la direction générale des politiques économique, européenne et internationale (DGPEI) ;

- deux types de BOP déconcentrés , les premiers placés sous la responsabilité des directions régionales de l'agriculture et de la forêt ( DRAF ), couvrant les actions mises en oeuvre en matière de prévention des risques sanitaires et phytosanitaires, les seconds interdépartementaux, sous la responsabilité des DDSV des départements chefs lieux de région, couvrant les actions mises en oeuvre au niveau local par les services vétérinaires , ainsi que les moyens de fonctionnement des services.

Le nombre de BOP du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » passera ainsi de 154 à 54 (2 BOP centraux, 22 BOP placés sous la responsabilité des DRAF, 22 BOP placés sous la responsabilité des DDSV, auxquels s'ajoutent les BOP des départements et collectivités d'outre-mer).

Votre rapporteure spéciale accueille favorablement cette simplification de la cartographie des BOP, dès lors qu'elle s'avèrera de nature à donner aux responsables de BOP de plus grandes marges de manoeuvre .

b) La cartographie des BOP du programme « Veille et sécurité sanitaires »

La déclinaison opérationnelle du programme « Veille et sécurité sanitaires » n'est, quant à elle, pas modifiée . Elle repose sur un BOP central et 26 BOP régionaux gérés en direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS).

Votre rapporteure spéciale rappelle que le CIAP, dans son avis précité du 5 mai 2006, avait mis en évidence, s'agissant du programme « Veille et sécurité sanitaires » :

- une déclinaison des objectifs peu lisible dans les BOP déconcentrés ;

- un émiettement des BOP régionaux en unités opérationnelles départementales qui, portent, en général, sur de très faibles montants ;

- le manque de bases structurées pour la mise en place d'un dialogue de gestion adapté à la logique de la LOLF.

* 4 Rapport général n° 99 (2005-2006), tome III, annexe 28 ; rapport d'information n° 451 (2005-2006) ; rapport général n° 78 (2006-2007), tome III, annexe 28 ; rapport n° 393 (2006-2007).

* 5 CIAP, Rapport d'audit n° 2006-AI-R-39-01 sur le programme 228.

* 6 CIAP, Rapport d'audit n° 2007-R-57-01 sur le programme 206.

* 7 Rapport d'information n° 355 (2006-2007).

* 8 Mission d'audit de modernisation, IGF/IGAAC, rapport sur la tutelle et le pilotage des opérateurs au ministère de la culture, avril 2007.

* 9 Note d'orientation de la direction de la réforme budgétaire du 11 avril 2003 ; circulaire du 31 juillet 2006 de la direction du budget.

* 10 Mission d'audit de modernisation, IGF, IGAAC, rapport sur la tutelle et le pilotage des opérateurs de la culture, avril 2007.

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