2. Les apports de la jurisprudence

L'examen des solutions retenues par la jurisprudence en cas d'infractions commises au sein d'un groupe montre que les tribunaux n'hésitent pas à retenir la responsabilité de tous les membres d'un groupement informel qui s'est rendu coupable d'un crime ou d'un délit, dès lors qu'une faute peut être imputée à chacun d'entre eux 12 ( * ) .

Ainsi, lorsque tous les membres d'un groupe ont exercé des violences sur une victime sans qu'il soit possible de rattacher le résultat final à l'oeuvre d'un participant déterminé, la Chambre criminelle de la Cour de cassation considère que « lorsque des violences et voies de fait ont été exercées volontairement et simultanément par plusieurs prévenus au cours d'une scène unique, l'infraction peut être appréciée dans son ensemble, sans qu'il soit nécessaire pour les juges du fond de préciser la nature des violences exercées par chacun des prévenus sur chacune des victimes » 13 ( * ) .

En outre, les juges du fond n'hésitent pas à tenir compte du contexte dans lequel ont été perpétrées les violences ou les dégradations, et en particulier de l' « effet masse » créé par le groupe. Dans une récente décision datée du 12 mai 2009, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi approuvé une Cour d'appel qui avait relevé que « les destructions et dégradations commises par J. R., T. O., W. D. et J. A. n'ont été rendues possibles que parce qu'elles sont intervenues au cours d'un attroupement dont les autres prévenus se sont rendus coupables et qui, par le nombre des participants, leur détermination et les jets d'objets divers, a maintenu les forces de l'ordre à distance et permis les actes générateurs des dommages causés aux véhicules administratifs ».

Enfin, la jurisprudence n'a cessé d'assouplir les conditions d'application du délit d'appartenance à une association de malfaiteurs (voir encadré).

Délit d'appartenance à une association de malfaiteurs

Le texte primitif de l'article 266 du code napoléonien posait un certain nombre de conditions pour que le délit de participation à une association de malfaiteurs soit constitué : il devait en particulier s'agir d'un groupement structuré, hiérarchisé, présentant une certaine permanence dans le temps, comprenant un nombre assez important d'associés au passé judiciaire plus ou moins significatif et envisageant la commission de plusieurs crimes (et pas d'un seul).

L'actuel article 450-1 ne comporte plus ces exigences : tout d'abord, ses dispositions générales permettent de viser les groupements temporaires qui se font et se défont au hasard des opérations envisagées ; le nombre de participants ainsi que le passé judiciaire de chacun d'entre eux est indifférent ; il n'est pas indispensable qu'une hiérarchie existe entre les participants ; la jurisprudence n'impose pas non plus que l'ensemble des membres de l'association délictueuse soient identifiés pour permettre les poursuites à l'encontre de l'un de ces derniers ; enfin, depuis la loi « Sécurité et liberté » du 2 février 1981, la loi n'exige plus que l'association tende à la commission de plusieurs infractions : ses membres sont punissables même s'ils n'envisagent de commettre qu'une seule infraction 14 ( * ) .

En outre, la jurisprudence n'exige pas, comme élément constitutif du délit d'appartenance à une association de malfaiteurs, que les individus rassemblés aient formé le dessein de commettre un crime déterminé de façon précise : il suffit que l'entente établie ait été concrétisée par un ou plusieurs actes préparatoires 15 ( * ) . A ainsi été reconnu coupable du délit d'association de malfaiteurs le prévenu qui revendiquait son appartenance à un groupe qui s'était déjà rendu coupable de plusieurs crimes, dès lors que les circonstances ne laissaient aucun doute sur sa volonté d'apporter son concours à ce groupe, et qu'il en connaissait les buts criminels 16 ( * ) . Par ailleurs, le juge a considéré qu'il n'était pas nécessaire que les membres de l'association aient participé personnellement à plusieurs crimes, dès lors qu'il était constaté que l'inculpé avait agi en connaissance de l'entreprise criminelle dans laquelle s'intégraient les faits retenus à son encontre 17 ( * ) .

Enfin, la jurisprudence n'exige pas des juridictions du fond qu'elles démontrent l'existence de l'entente elle-même. La Chambre criminelle de la Cour de cassation a, à de nombreuses reprises, considéré que des décisions rendues justifiaient suffisamment l'existence d'une telle entente au vu des réunions tenues par les malfaiteurs, de la persistance de leur rassemblement ou de l'accomplissement d'actes préparatoires à l'action tels que les révélaient les filatures policières, les photographies révélatrices, les surveillances de toutes sortes effectuées par la police judiciaire avant le passage aux actes.

* 12 Voir Philippe Salvage, « les infractions commises au sein d'un groupe informel : l'établissement des responsabilités et la méthode du droit », Droit pénal n° 5, mai 2005.

* 13 Notamment Cass. Crim., 10 avril 1975.

* 14 Voir A. Vitu, « participation à une association de malfaiteurs », Jurisclasseur.

* 15 Cass. Crim., 15 décembre 1993.

* 16 Cass. Crim., 22 janvier 1986.

* 17 Cass. Crim., 11 juin 1970.

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