EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

I. ARTICLE 52 : OUVERTURE D'UNE POSSIBILITÉ DE DÉVOLUTION DU PATRIMOINE MONUMENTAL DE L'ETAT AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES VOLONTAIRES

Le présent article, qui traduit une décision prise dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, a pour objet de permettre aux collectivités territoriales de se porter candidates à la reprise de tout ou partie d'un bien du patrimoine historique de l'Etat ou de ses établissements publics.

A. LE DROIT EXISTANT

Le dispositif proposé prolonge et élargit l'application de l'article 97 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui permettait aux collectivités territoriales, sous certaines conditions, de se porter candidates au transfert d'éléments du patrimoine classé ou inscrit de l'Etat ou du Centre des monuments nationaux.

1. Une procédure de transfert prévue dans le cadre de l'« acte II » de la décentralisation

a) La mise en oeuvre d'une initiative sénatoriale

Selon l'étude d'impact accompagnant le projet de loi de finances, la procédure de transfert prévue par « l'acte II » de la décentralisation « s'inspirait des travaux de la commission présidée en 2003 par l'historien René Rémond, qui avait suggéré d'affecter, par principe, les monuments historiques aux collectivités territoriales et de faire de la propriété de l'Etat l'exception, pour les lieux de mémoire nationale ou les biens de qualité exceptionnelle ». Une telle « attribution de paternité » trahit une mémoire sélective, et il n'est pas superflu de rappeler les origines sénatoriales d'une telle réforme . Dès 2002, votre rapporteur spécial 38 ( * ) avait en effet préconisé la « désétatisation » du patrimoine monumental dans un rapport d'information fait au nom de votre commission des finances 39 ( * ) . Par ailleurs, à la fin de l'année 2008, notre collègue Philippe Richert avait déposé une proposition de loi dont le dispositif proposé par le présent article constitue peu ou prou la reprise 40 ( * ) .

Ces éléments étant précisés, les travaux de la commission « Rémond » avaient, en effet, abouti à répertorier les monuments et sites en trois catégories : ceux qui devaient être conservés par l'Etat, selon des critères exposés plus loin ; ceux sont le transfert était possible ; ceux dont le transfert était souhaitable , en raison de projets de développement portés par les collectivités, d'une gestion déjà confiées à elles ou de la possibilité d'un remembrement d'un site partagé entre l'Etat et les collectivités.

b) Le dispositif de l'article 97

Le dispositif de l'article 97 41 ( * ) de l'« acte II » de la décentralisation ( cf . encadré) prévoyait :

1) que les monuments classés transférables sur demande aux collectivités étaient, parmi les monuments de l'Etat et du Centre des monuments nationaux (CMN), ceux qui figuraient sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat . C'est le décret n° 2005-936 du 20 juillet 2005 relatif aux conditions de transfert de la propriété de monuments historiques aux collectivités territoriales qui, en application de la loi, a établi une liste de 176 monuments historiques transférables ;

2) que la demande des collectivités territoriales devait être formulée au plus tard 12 mois après la publication de ce décret ;

3) que les transferts étaient effectués à titre gratuit et ne donnaient lieu au paiement d'aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraires ;

4) que les collectivités destinataires du transfert avaient pour mission d'assurer la conservation du monument et, lorsqu'il était ouvert au public, d'en présenter les collections , d'en développer la fréquentation et d'en favoriser la connaissance ;

5) que les transferts de propriété valaient transfert de service et s'accompagnaient des transferts de personnels exerçant leurs fonctions dans ces immeubles, dans les conditions de droit commun 42 ( * ) prévues par la loi.

Article 97 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004
relative aux libertés et responsabilités locales

I. - L'Etat ou le Centre des monuments nationaux transfère aux collectivités territoriales qui en font la demande ou à leurs groupements, sous réserve du respect des clauses des dons et legs, la propriété des immeubles classés ou inscrits au titre du titre II du livre VI du code du patrimoine figurant sur une liste établie par décret en Conseil d'Etat, ainsi que la propriété des objets mobiliers qu'ils renferment appartenant à l'Etat ou au Centre des monuments nationaux. Cette liste peut également prévoir le transfert d'objets mobiliers classés ou inscrits appartenant à l'Etat. Ces transferts sont effectués à titre gratuit et ne donnent lieu au paiement d'aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraires.

La demande des collectivités territoriales ou de leurs groupements doit être adressée au représentant de l'Etat dans la région dans les douze mois à compter de la publication du décret mentionné à l'alinéa précédent. A l'appui de leur demande, les collectivités territoriales ou leurs groupements communiquent un projet précisant les conditions dans lesquelles elles assureront la conservation et la mise en valeur de l'immeuble. Le représentant de l'Etat notifie la demande aux autres collectivités territoriales intéressées dans le ressort desquelles se trouve l'immeuble. Au cas où, pour un même immeuble, d'autres demandes seraient présentées dans un délai de trois mois suivant la plus tardive des notifications, le représentant de l'Etat organise une concertation entre les candidats en vue d'aboutir à la présentation d'une demande unique. A l'issue de cette concertation, il désigne la collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaire du transfert en fonction des projets présentés en vue de remplir les missions précisées au II.

II. - Les collectivités territoriales ou leurs groupements propriétaires d'immeubles classés ou inscrits au titre du titre II du livre VI du code du patrimoine ont pour mission d'assurer la conservation du monument et, lorsqu'il est ouvert au public, d'en présenter les collections, d'en développer la fréquentation et d'en favoriser la connaissance.

III. - Une convention conclue entre l'Etat ou le Centre des monuments nationaux et la collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaire procède au transfert de propriété de l'immeuble et des objets mobiliers dont elle dresse la liste. Elle transfère également les droits et obligations attachés aux biens en cause et ceux résultant des contrats en cours. Elle fixe notamment l'utilisation prévue du monument transféré ainsi que les conditions d'ouverture éventuelle au public et de présentation des objets qu'il renferme. Elle établit, pour une durée qui ne peut excéder cinq ans, un programme de travaux susceptibles d'être subventionnés par l'Etat.

A compter du transfert de propriété, qui vaut transfert de service, les personnels exerçant leurs fonctions dans ces immeubles et dont la convention fixe la liste sont transférés dans les conditions prévues au chapitre II du titre V de la présente loi.

Source : Légifrance

2. 65 transferts actés ou en voie de l'être

a) Un réel intérêt exprimé par les collectivités territoriales

L'application de l'article 97 avait donné lieu, au 23 juillet 2006, à 73 candidatures adressées aux préfets de région, concernant 70 monuments et sites 43 ( * ) tels que les châteaux du Haut-Koenigsbourg et de Chaumont-sur-Loire, les abbayes de Jumièges et de Silvacane, les vestiges du temple de Mercure au sommet du Puy-de-Dôme, le dolmen de la Pierre-Levée à Poitiers ou la chapelle Saint-Jean-du-Liget à Sennevières. Selon le ministère de la culture, « ce résultat témoigne d'un véritable intérêt des collectivités locales pour la conservation et la mise en valeur du patrimoine monumental » .

5 candidatures n'ayant pas abouti ou ayant fait l'objet d'un autre type de procédure 44 ( * ) , ce sont au total 65 monuments et sites dont le transfert a été engagé en application de la procédure de l'article 97. 56 conventions sont, à ce jour, signées et 9 sont en voie de l'être.

Sur les 65 monuments, 44 transferts sont effectués au bénéfice des communes, 15 au bénéfice des départements et 6 au bénéfice des régions . Ces transferts concernent 26 sites archéologiques, protohistoriques ou mégalithiques, 4 monuments antiques, 10 châteaux, châteaux forts ou éléments de fortifications, 18 monuments du patrimoine religieux (chapelle, basilique, abbaye ou parties d'abbaye), 3 monuments du patrimoine civil (maison, hôtels), 3 parcelles de terrain (adjacentes à des édifices religieux) et 1 collection mobilière ( cf . tableau). 11 de ces monuments figurent en outre sur la liste des immeubles gérés par le Centre des monuments nationaux 45 ( * ) .

Liste des 65 monuments et sites transférés ou en cours de transfert

b) Les financements et transferts de personnels accompagnant les transferts de monuments

Les conventions signées, en application de l'article 97, entre l'Etat et les collectivités précisent les conditions du soutien de l'Etat aux travaux de restauration menés sur les édifices transférés pendant les cinq années suivant le transfert .

De fait, 25 conventions 46 ( * ) ont été assorties d'un programme de travaux spécifiques pour la restauration des monuments, ces travaux étant subventionnés à hauteur de la moitié par l'Etat , pour un coût total de 51,4 millions d'euros sur cinq ans ( cf . encadré). Le financement de l'Etat au titre de ces programmes de travaux s'est élevé à 1,638 million d'euros en AE et 0,05 million d'euros en CP en 2008, et à 2,854 millions d'euros en AE et 0,568 million d'euros en CP en 2009. Selon les réponses au questionnaire budgétaire, « en 2010, ces financements devraient être en augmentation en raison de nouvelles programmations concernant notamment le temple de Mercure (Auvergne) et les trois sites archéologiques transférées à la région Languedoc-Roussillon » .

Par ailleurs, les crédits d'entretien 47 ( * ) auparavant consacrés par l'Etat aux monuments décentralisés ont été transférés aux collectivités concernées au travers de la dotation globale de décentralisation , à raison de 437.630 euros en 2008 et 451.484 euros en 2009.

12 monuments transférés employaient 81 agents, dont :

1) 45 agents titulaires de l'Etat , qui disposent d'un délai de deux ans pour faire valoir leur droit d'option ;

2) 36 agents du Centre des monuments nationaux , dont les collectivités bénéficiaires des transferts avaient obligation de reprendre les contrats.

A ce jour, seuls les personnels du Haut-Koenigsbourg, de l'Abbaye de Jumièges et du château de Chaumont ont exprimé leur droit d'option. Sur les 27 agents concernés 48 ( * ) , 22 agents ont exprimé leur choix, 13 ayant opté pour un détachement sans limitation de durée et 9 pour une intégration dans la fonction publique territoriale 49 ( * ) . La deuxième campagne de droit d'option des agents affectés dans un monument historique a été lancée pour les régions Bourgogne, Midi-Pyrénées et Provence-Alpes-Côte-d'Azur.

Les principaux programmes quinquennaux de travaux

Château du Haut-Koenigsbourg : 6,78 millions d'euros (dont part de l'Etat : 3,24 millions d'euros). Château de Chaumont : 3,205 millions d'euros (dont part de l'Etat : 1,602 million d'euros). Abbaye de Jumièges : 2,642 millions d'euros (dont part de l'Etat : 1,366 million d'euros). Château de Campagne : 4,2 millions d'euros (dont part de l'Etat : 2,1 millions d'euros). Château de Châteauneuf : 1,2 millions d'euro (dont part de l'Etat : 0,6 million d'euros). Tour de Watten : 0,9 million d'euros (dont part de l'Etat : 0,45 million d'euros). Fort du Mont Alban à Nice : 2,5 millions d'euros (dont part de l'Etat : 1,25 million d'euros). Abbaye de Silvacane à La Roque-d'Anthéron : (1,031 million d'euros dont part de l'Etat : 0,515 million d'euros). Château du Roi René à Tarascon : 1,2 million d'euros (dont part de l'Etat : 0,6 million d'euros).

Choeur de l'église Saint-Ayoul de Provins : le financement des travaux de restauration sur ce monument transféré à la ville de Provins sera apporté dans le cadre de la convention-cadre signée entre le ministère de la culture et la ville pour la restauration de son patrimoine, qui a été inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO. Cette convention prévoit, sur une durée de dix ans, un apport financier de l'Etat de 8 millions d'euros pour la restauration des divers monuments de la ville.

Site de la Graufesenque à Millau : ce site bénéficiera des financements qui ont été inscrits au contrat de projet Etat-Région 2007-2013 pour l'aménagement de quatre pôles archéologiques majeurs de Midi-Pyrénées (part de l'Etat sur la durée du contrat pour les quatre sites : 3 millions d'euros).


Source : réponses au questionnaire budgétaire.

* 38 Qui avait, au demeurant, siégé au sein de la commission « Rémond ».

* 39 51 mesures pour le patrimoine monumental (n° 378, 2001-2002).

* 40 Proposition de loi concernant les nouvelles possibilités de transfert d'affectation aux collectivités territoriales du patrimoine de l'Etat (n° 17, 2008-2009).

* 41 L'article 99 de la même loi prévoyait qu'une expérimentation était engagée pour une durée de quatre ans, afin de permettre aux régions et, à défaut, aux départements, de gérer les crédits budgétaires affectés à l'entretien et à la restauration des monuments (immeubles, orgues et objets mobiliers) classés ou inscrits au titre du code du patrimoine, n'appartenant pas à l'Etat ou à ses établissements publics. Parmi les collectivités qui ont fait connaître leur intérêt pour l'expérimentation (conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, département de l'Eure-et-Loir, département du Lot, département de la Savoie), seul le département du Lot a finalement confirmé officiellement sa candidature à l'issue des délais fixés par le décret du 20 juillet 2005. Après négociations avec les services de l'Etat, le montant des crédits pour l'entretien et la restauration des monuments n'appartenant pas à l'Etat dont la gestion a été confiée au département du Lot a été fixé à 550.000 'euros. Ces crédits ont été intégrés à la dotation générale de décentralisation 2008 du département et seront reconduits d'année en année pendant toute la durée de l'expérimentation (quatre ans). Selon un premier bilan transmis par le département concerné pour l'année 2008, le montant des aides attribuées par le département au nom de l'Etat et du conseil général s'est élevé à 0,94 million d'euros (dont 0,55 million d'euros de l'Etat et 0,34 million d'euros du département), au travers de 88 subventions. Ces aides se sont réparties comme suit : 1) 0,38 million d'euros pour la restauration des monuments classés ; 2) 0,11 million d'euros pour la restauration des monuments inscrits ; 3) 0,36 million d'euros pour l'entretien des monuments et des orgues classés ; 4) 0,09 million d'euros pour la restauration d'objets mobiliers classés ou inscrits. Un bilan complet sera dressé à l'issue de la période d'expérimentation.

* 42 Les agents fonctionnaires bénéficiant du traditionnel droit d'option (voir plus loin).

* 43 Deux monuments ayant fait l'objet de candidatures multiples.

* 44 La candidature de la commune de Salses-le-Château au transfert du fort de Salses a été rejetée par le préfet de la région Languedoc-Roussillon, en raison des faibles capacités de la commune et d'un projet de valorisation culturel insuffisant. Le transfert du bastion Nord de la citadelle de Bastia a d'autre part été effectué par un rectificatif à l'acte de vente de la citadelle à la commune. Le département des Alpes-Maritimes, bien qu'ayant été désigné par le préfet comme bénéficiaire du transfert de couvent des Franciscains à Saorge, a finalement renoncé à ce transfert, de même que la commune des Andelys, pour le transfert du donjon de Château-Gaillard.

* 45 Château de Haut-Koenigsbourg, dolmen de Peyrelevade, château de Châteauneuf, site des Fontaines Salées, château de Chaumont, Maison du Maréchal Foch à Tarbes, site de la Graufesenque, chapelle des Carmélites à Toulouse, abbaye de Jumièges, abbaye de Silvacane, château du Roi René à Tarascon.

* 46 Deux conventions feront l'objet d'avenants ultérieurs pour y intégrer un programme de travaux, dont la définition est subordonnée à la remise d'études préalables architecturales en cours. L'état sanitaire des 20 autres monuments a été jugé suffisamment satisfaisant pour ne pas nécessiter de programme de restauration spécifique.

* 47 Et, pour les monuments qui n'étaient pas gérés par le CMN, de fonctionnement.

* 48 11 au château de Haut-Koenigsbourg, 4 à l'Abbaye de Jumièges et 12 au château de Chaumont.

* 49 Les 5 agents restants ont été placés en disponibilité, sont partis à la retraite, ou bien ont été mutés.

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