B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ ET LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

1. Le nouveau mécanisme et ses justifications

Le dispositif proposé par le présent article consiste à prolonger l'application de l'article 97, avec toutefois de notables nuances .

a) Un principe général de « transférabilité », assorti d'une clause de sauvegarde

En effet, le périmètre des monuments et sites transférables est étendu, puisqu'il n'est plus limité à une liste fixée par décret et qu'il pourra s'agir de monuments appartenant à l'Etat et à ses établissements publics , et non plus seulement au Centre des monuments nationaux. Le présent article pose donc, en quelque sorte, un principe général de « transférabilité » des monuments de l'Etat et de ses établissements publics. Ce principe prend la forme d'une possibilité ouverte à l'Etat et à ses établissements publics 50 ( * ) .

Par ailleurs, le dispositif n'est plus borné dans le temps , alors que l'article 97 de la loi de 2004 prévoyait que la demande des collectivités territoriales devait être formulée au plus tard 12 mois après la publication du décret fixant la liste des monuments transférables.

Corrélativement à ces évolutions, une clause permet explicitement au représentant de l'Etat de ne désigner aucune collectivité bénéficiaire du transfert, au vu :

1) de l'importance qui s'attache au maintien du bien concerné dans le patrimoine de l'Etat ;

2) de l'intérêt des finances publiques . Selon l'étude d'impact, le respect de ce critère emporte que « le coût financier pour l'Etat ne saura (...) jamais dériver du fait d'une telle opération. En revanche, des bénéfices financiers pour les collectivités sont à attendre d'un projet visant à une meilleure valorisation » ;

3) des conséquences statutaires du transfert pour les personnels concernés 51 ( * ) ;

4) ou de l'insuffisance du projet présenté par la collectivité candidate , insuffisance qui sera vraisemblablement évaluée au regard des objectifs de conservation, de présentation des collections, de développement de la fréquentation et de la connaissance fixés au II de l'article.

Enfin, les transferts pourront désormais porter sur la propriété de tout ou partie des immeubles classés ou inscrits. Les autres dispositions de l'article 97 ne sont pas modifiées.

b) Les justifications avancées

L'étude d'impact accompagnant le projet de loi de finances pour 2010 justifie cette mesure par le fait que « les résultats des transferts sont très positifs , non seulement pour les monuments les plus en vue comme le château du Haut-Koenigsbourg, repris par le conseil général du Bas-Rhin, mais aussi pour des éléments du patrimoine moins connus, qui se trouvent souvent mieux entretenus et valorisés par des collectivités que par l'Etat ».

Cette étude indique toutefois que toutes les potentialités de la politique de transfert n'ont pas été mises à profit et qu'il est donc nécessaire de « relancer le mouvement de transfert de patrimoine aux collectivités volontaires » , qui « portent une vision du patrimoine dynamique et soucieuse de l'intérêt général, à plus forte raison lorsqu'il représente un intérêt local marqué » .

A cet égard, le Gouvernement aurait pu opter pour une campagne de cessions pures et simples d'éléments du patrimoine de l'Etat, à laquelle les collectivités auraient pu se porter candidates. Cette solution n'a toutefois pas été retenue, dans la mesure où elle aurait entraîné, selon l'étude d'impact, une « perte de contrôle financier et scientifique de l'Etat sur l'entretien et la réparation du patrimoine, alors que la possibilité de transfert demeure dans une relation privilégiée entre l'Etat et les collectivités, et est enserrée dans une convention » .

2. Les modifications adoptées à l'Assemblée nationale

En première délibération, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements à l'article 52, précisant l'intervention des ministres et les obligations incombant aux collectivités territoriales dans le cadre de procédure.

A titre liminaire, votre rapporteur spécial observe que notre collègue député Nicolas Perruchot, rapporteur au nom de la commission des finances, a fait valoir un point de vue critique sur le dispositif proposé, jugeant « pour le moins surprenant qu'aucune concertation préalable sur un sujet d'une telle importance pour de nombreux Français, mais aussi pour tous les touristes étrangers, n'ait eu lieu avec les acteurs du patrimoine et avec le Parlement ». Le rapporteur a également relevé des « incertitudes » quant aux conséquences de la mise en oeuvre de l'article 52 sur la cohérence de la politique patrimoniale et douté de l'opportunité de rendre l'ensemble des éléments patrimoniaux nationaux transférables.

a) L'avis des ministres

A l'initiative de notre collègue Marc Bernier, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, l'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant que le transfert à une collectivité demanderesse d'un monument de l'Etat ou d'un de ses établissements publics serait précédé d'un avis du ministre de la culture et de la communication 52 ( * ) .

L'Assemblée nationale a également adopté un amendement disposant que le représentant de l'Etat désigne la collectivité ou le groupement bénéficiaire du transfert « après avis du ministre en charge des monuments historiques et du ministre en charge du domaine » , soit le ministre du budget.

b) Les obligations incombant aux collectivités territoriales

En second lieu, l'Assemblée nationale a adopté un amendement 53 ( * ) de M. Bernier, au nom de la commission des affaires culturelles, précisant que les missions incombant aux collectivités bénéficiaires d'un transfert comprennent, en sus de la conservation du monument, de la présentation de ses collections et de la promotion de sa connaissance et de sa fréquentation, sa « réutilisation éventuelle dans des conditions respectueuses de son histoire et de son intérêt artistique et architectural » .

Nos collègues députés ont enfin adopté un amendement prévoyant que la collectivité ou le groupement bénéficiaire du transfert remet, dans les dix années 54 ( * ) suivant ce transfert, d'un rapport au ministre chargé des monuments historiques détaillant la mise en oeuvre du projet de conservation et de mise en valeur du monument. A défaut de transmission, ou s'il apparaissait que la gestion du monument n'est pas conforme à la convention de transfert, le ministre pourrait demander la résiliation de cette convention.

* 50 La rédaction proposée dispose que l'Etat et ses établissements publics « peuvent transférer » et non plus « transfèrent ».

* 51 Sur ce point, l'étude d'impact de l'article se borne à préciser que « les conventions de transfert devront assurer que les conséquences pour l'emploi des personnes concernées ne soient pas défavorables » .

* 52 La commission des affaires culturelles de l'Assemblée souhaitait que cet avis soit conforme, mais nos collègues députés y ont adopté un sous-amendement de Mme Muriel Marland-Militello supprimant cette mention.

* 53 Identique à un amendement de Mme Marland-Militello.

* 54 La durée initiale prévue par l'amendement était de 7 ans, et a été portée à 10 ans par l'adoption d'un sous-amendement de Mme Marland-Militello.

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