I. UNE LPM 2009-2014 REMISE EN CAUSE PAR LA CRISE ?

La situation très dégradée des finances publiques fait craindre que la loi de programmation militaire (LPM) 2009-2014 ne soit pas mieux respectée que les deux qui l'ont précédée, et suscite de sérieuses inquiétudes sur les perspectives de maintien des capacités opérationnelles à l'horizon 2020.

A. SELON LA PROGRAMMATION ACTUALISÉE DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE, DES RESSOURCES PROCHES DE CELLES PRÉVUES PAR LA LPM EN 2009-2014

1. Malgré la quasi-absence des ressources exceptionnelles, des dépenses supérieures de 1,6 milliard d'euros à la programmation en 2009
a) Un phénomène a priori étonnant...

L'exécution de la LPM 2009-2014 a certes commencé de manière favorable pour le ministère de la défense. En effet, en 2009, malgré la quasi-absence de ressources exceptionnelles, les dépenses de la mission « Défense » ont été supérieures de 1,6 milliard d'euros à la programmation, qui prenait pourtant en compte les crédits de la mission « Plan de relance de l'économie ».

Les ressources et les dépenses de la mission « Défense » en 2009 :
prévision et exécution

(en milliards d'euros de 2008
et au périmètre de 2008, hors pensions)

LPM 2009-2014

Exécution

Ecart*

Ressources

32,2

34,1

1,9

Crédits de paiement de la mission « Défense »

29,7

30,2

0,5

Ressources exceptionnelles

1,6

0,3

-1,3

Crédits de paiement de la mission « Plan de relance de l'économie »

1,0

1,0

0,0

Autres*

0,0

2,6

2,6

Dépenses

32,2

33,8

1,6

Equipements

17,6

17,9

0,4

dont :

dissuasion

3,7

3,9

0,1

entretien programmé des équipements et du personnel

2,9

3,1

0,2

infrastructure

1,3

1,2

-0,1

études de défense hors dissuasion

0,9

0,9

0,0

grands programmes hors dissuasion

8,7

8,8

0,2

Fonctionnement et activité

14,7

15,9

1,2

* Calculs des rapporteurs spéciaux

Source : d'après le ministère de la défense

En 2009, le ministère de la défense a ainsi bénéficié de 1,87 milliard d'euros de ressources supplémentaires, dont 0,77 dans le cadre du plan de relance, en supplément des montants déjà inscrits dans la LPM à ce titre.

La compensation des ressources exceptionnelles manquantes en 2009

(en millions d'euros)

Ressources supplémentaires

Plan de relance

770

Report de crédits au titre du plan de relance de l'économie

500

Avances forfaitaires du plan de relance de l'économie

270

Hors plan de relance

1100

Report de crédits au titre de la compensation des recettes exceptionnelles manquantes

400

Fonds de concours et attributions de produits

700

Total

1870

Source : d'après le ministère de la défense

Une fois qu'on en déduit les ressources exceptionnelles manquantes (1,3 milliard d'euros), ces ressources supplémentaires (1,9 milliard d'euros) ne peuvent toutefois expliquer que les dépenses aient globalement été supérieures de 1,6 milliard d'euros par rapport à la LPM.

b) ... qui provient en grande partie d'une inflation plus faible que prévu en 2009, qui à cause d'un défaut de conception de la LPM réduira le pouvoir d'achat de la mission « Défense » les années suivantes

Le dérapage des dépenses en 2009 est en réalité en partie « optique », et provient notamment de la très faible inflation observée en 2009.

Le dérapage des dépenses constaté en 2009 concerne moins les dépenses en valeur que les dépenses en volume. En effet, l'inflation a été de 0,1 % en 2009, alors que la LPM et la loi de finances pour 2009 avaient été construites sur l'hypothèse d'une inflation de 2 %. Le ministère de la défense calculant l'exécution de la programmation en fonction de l'inflation observée, on observe logiquement une majoration « optique » du dérapage des dépenses, pour un montant de l'ordre de 600 millions d'euros.

Cette faible inflation initiale aura des conséquences importantes les prochaines années , comme les rapporteurs spéciaux l'ont souligné dans leur avis sur le projet de LPM. En effet, celle-ci prévoit que les moyens alloués à la mission « Défense » sont déterminés en fonction de la prévision d'indice des prix à la consommation associée au projet de loi de finances. Or, si à court terme les dépenses de la mission « Défense » dépendent pour les deux tiers environ de l'inflation, tel n'est pas le cas des dépenses de personnel (qui sont d'ailleurs celles qui dérapent en volume en 2009). Autrement dit, les annuités partiront d'un montant en valeur trop bas. L'inflation prévue pour 2010 et 2011 étant également inférieure à la prévision initiale (1,5 % au lieu de 1,75 %), la perte de pouvoir d'achat de la mission « Défense » va probablement encore s'accroître. En supposant que l'inflation est bien de 1,75 % comme prévu de 2012 à 2014, les dépenses en valeur seront inférieures à compter de 2011 d'environ 3 % à ce qui aurait découlé des hypothèses d'inflation initiales. Sur ces 3 %, un tiers environ, soit 300 millions d'euros par an, correspondra à une « perte de pouvoir d'achat » pour la mission « Défense ». Sur la totalité de la loi de programmation, le pouvoir d'achat de la mission « Défense » aura donc été réduit d'environ 1,5 milliard d'euros.

Ce problème vient du fait que, contrairement aux lois de programmation militaire précédentes, la LPM 2009-2014 programme non seulement les dépenses d'équipement, mais aussi les autres dépenses. Elle rend donc la mission « Défense » très dépendante de l'inflation : une inflation forte lui est favorable, une inflation faible défavorable.

2. Une réduction de crédits de 3,6 milliards d'euros en 2011-2013 par rapport à la LPM, qui serait partiellement compensée par la perception de 2,4 milliards d'euros de ressources exceptionnelles manquantes en 2009-2010

Selon le ministère de la défense, « par rapport à la LPM sur la période 2011-2013, la mission « Défense » verra ses crédits budgétaires réduits d'un montant total de 3,6 milliards d'euros, partiellement compensés par un gain de 2,4 milliards d'euros au titre des recettes exceptionnelles, soit une perte de ressources nette de 1,3 milliard d'euros sur trois ans » 2 ( * ) .

La présentation des ressources de la mission « Défense » de 2011 à 2013
par le ministère de la défense

(en crédits de paiement
et en milliards d'euros courants)

Source : ministère de la défense, « Projet de loi de finances 2011 - budget de la défense », 2010

Le « gain de 2,4 milliards d'euros au titre des recettes exceptionnelles » correspond à des recettes qui auraient dû être perçues en 2009-2010 et dont en 2009 l'absence a été plus que compensée par diverses ressources non prévues.

Le graphique ci-après permet de visualiser l'impact sur les dépenses d'équipement.

Les dépenses d'équipement des lois de programmation

(en milliards d'euros de 2008)

NB Le périmètre pris en compte est celui de la loi de programmation concernée.

Sources : ministère de la défense, calculs de la commission des finances

3. Une programmation révisée qui se traduirait par un quasi-respect des montants prévus par la LPM en 2009-2014

Selon la programmation actualisée du ministère de la défense, l'exécution financière de la LPM serait satisfaisante, comme le montre le graphique ci-après.

L'exécution financière de la LPM 2009-2014 :
la programmation révisée du ministère de la défense

(en milliards d'euros de 2008
et au périmètre de 2008 hors pensions)

NB : les scénarios A1 à A3 sont des scénarios de la commission des finances.

Sources : textes mentionnés, ministère de la défense, calculs des rapporteurs spéciaux

On rappelle que le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 prévoyait une stabilisation en volume des ressources totales (y compris les ressources exceptionnelles) de la mission « Défense » de 2009 à 2011, puis leur augmentation en volume de 1 % par an jusqu'en 2020. Le texte initial du projet de LPM 2009 a considérablement revu ce montant à la hausse, les ressources exceptionnelles venant désormais en supplément. A ces montants sont venus d'ajouter ceux du plan de relance, inscrits dans la LPM en cours de discussion.

Par rapport à la LPM, l'exécution 2009 fait déjà apparaître, selon les données transmises par le ministère de la défense, des dépenses supplémentaires de 1,6 milliard d'euros (en euros de 2008), et ce, alors même que les ressources exceptionnelles ont été très inférieures aux prévisions (cf. ci-avant).

L'article 6 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 prévoit quant à lui, pour la période 2011-2013 uniquement, des plafonds de crédits des différentes missions du budget général de l'Etat. Il en découle, dans le cas de la mission « Défense », une révision à la baisse des moyens prévus par rapport à ceux résultant de la LPM, même après prise en compte des ressources exceptionnelles désormais attendues sur la période. En effet, le total des ressources serait désormais à peu près indexé sur l'inflation. L'objectif d'augmentation de 1 % par an des ressources de la mission « Défense » à partir de 2012, prévue par le Livre blanc comme par la LPM, serait donc abandonné. Ainsi, en 2014 les moyens de la mission « Défense » seraient inférieurs d'environ 1 milliard d'euros à la programmation, si l'on suppose que la règle du « zéro volume » appliquée par la programmation révisée est maintenue en 2014.

Cependant, en cumulé sur la période 2009-2014, les ressources supplémentaires de début de période réduiraient la perte nette de ressources à seulement 0,8 milliard d'euros en cas de maintien en 2014 de la règle du « zéro volume » appliquée par la programmation révisée. Le choix qui sera fait au sujet de l'année 2014 (on le rappelle non couverte par les plafonds des missions fixés par l'article 6 du projet de loi des finances publiques pour les années 2011 à 2014) conditionnera en grande partie le degré de sous-exécution financière de la LPM, comme le montre le tableau ci-après.

Les scénarios d'exécution financière de la LPM,
en supposant la programmation révisée respectée

(en milliards d'euros de 2008 et à périmètre 2008 hors pensions)

En 2014

En cumulé sur 2009-2014

Scénario A1 : maintien du « zéro volume » à partir de 2014

-1,0

-0,8

Scénario A2 : passage au « zéro valeur » à partir de 2014

-1,6

-1,3

Scénario A3 : scén. A1 + point de départ de 2014 limité aux CP de 2013

-2,0

-1,8

Source : calculs de la commission des finances


* 2 Ministère de la défense, « Projet de loi de finances 2011 - budget de la défense », 2010.

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