B. LA SIMPLIFICATION DITE D'INITIATIVE PARLEMENTAIRE

1. La méthode des propositions de loi de simplification du droit

Notre collègue député Jean-Luc Warsmann s'est engagé dans un vaste programme de simplification à compter de sa désignation à la présidence de la commission des lois de l'Assemblée nationale en juin 2007, programme qui a donné lieu au dépôt et à l'adoption des propositions de loi de 2007 et 2009. Ce programme s'est ensuite singulièrement amplifié, au travers de deux missions temporaires auprès du Premier ministre, confiées au titre de l'article L.O. 144 du code électoral, qui ont donné lieu au dépôt de deux nouvelles propositions de loi, la première adoptée en 2011, il y a seulement quelques mois, la seconde étant la présente proposition de loi.

En juin 2008, notre collègue Jean-Luc Warsmann s'est vu confier une première mission temporaire auprès du Premier ministre, selon deux axes : d'une part, « formuler une méthodologie de la simplification du droit ; rendre plus effectif l'objectif constitutionnel d'intelligibilité ; garantir l'accessibilité de tous les citoyens à l'ensemble des normes juridiques » et, d'autre part, proposer « des modifications législatives et réglementaires destinées à simplifier certaines contraintes légales particulièrement complexes et dont la complexité même contrevient aux objectifs d'intelligibilité du droit, de sécurité juridique et de mise en oeuvre des politiques publiques » 17 ( * ) . Force est de constater, pour votre commission, que la méthodologie de la simplification ainsi retenue, dans le domaine de compétence du législateur, n'est pas convaincante. Ce rapport a été remis au Premier ministre en janvier 2009 18 ( * ) .

Posant le principe selon lequel « la politique de simplification doit se concevoir comme une politique publique en tant que telle », ce rapport plaide en faveur de lois régulières de simplification, au moins annuelles 19 ( * ) , de manière à vérifier en permanence l'adaptation des normes à l'évolution des conditions de leur application et à passer au crible tous les textes nouveaux. « Le travail de simplification a d'ailleurs ceci de déroutant que l'ouvrage paraît devoir toujours être remis sur le métier. » En d'autres termes, l'instabilité législative serait le corollaire inévitable de la simplification permanente. De plus, ce rapport semble annoncer, de façon quasi prémonitoire, les dérives que l'on peut constater aujourd'hui dans les lois de simplification : « il ne suffit pas que certaines dispositions se disent de « simplification » pour qu'elles le soient réellement », craignant un « effet d'aubaine législatif » qui attirerait toutes sortes de dispositions n'ayant qu'un rapport lointain avec la simplification et ne seraient pas « consensuelles » comme devraient l'être celles d'une loi de simplification.

En janvier 2011, à la demande du Président de la République, notre collègue s'est vu confier une nouvelle mission auprès du Premier ministre, en vue d'élaborer des mesures plus ciblées de simplification au bénéfice des acteurs économiques. Ce rapport, qui a contribué à l'organisation des Assises de la simplification 20 ( * ) , a été remis définitivement au Premier ministre en juillet 2011 21 ( * ) . Il a servi de base aux dispositions de la présente proposition de loi, suivant un calendrier particulièrement resserré.

La méthode d'élaboration de ces propositions de loi de simplification consiste à procéder à des auditions des organisations et des professionnels concernés, comme peut le faire un rapporteur d'un texte au Parlement, mais avec un appui très important des services du Gouvernement, ainsi que la participation d'experts juridiques extérieurs, dans une forme de « coproduction législative » qui abolit quelque peu la distinction entre les pouvoirs exécutif et législatif, entraînant une certaine confusion des responsabilités, et estompe l'autonomie de la délibération parlementaire 22 ( * ) . La simplification législative semble ainsi conçue comme un processus continu dans lequel le Parlement n'est plus qu'un rouage et non le lieu démocratique de l'examen, par la représentation nationale, de la pertinence tant technique que juridique ou politique de mesures élaborées par le Gouvernement.

2. Le choix de la soumission au Conseil d'État

La présente proposition de loi, comme celle qui l'a précédée, a été soumise pour avis au Conseil d'État, comme le permet la Constitution depuis la révision de juillet 2008.

Le dernier alinéa de l'article 39 de la Constitution dispose en effet :

« Dans les conditions prévues par la loi, le président d'une assemblée peut soumettre pour avis au Conseil d'État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par l'un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s'y oppose. » 23 ( * )

Lors des débats préparatoires à la révision constitutionnelle de juillet 2008, le Sénat n'avait pas témoigné d'un enthousiasme unanime à l'idée de soumettre des propositions de loi au Conseil d'État 24 ( * ) . Notre collègue Jean-René Lecerf, appuyé par nos collègues Patrice Gélard et Hugues Portelli, proposa la suppression de cette disposition, considérant que « le Conseil d'État, qui est d'abord le conseiller du Gouvernement, n'a pas vocation à devenir celui du Parlement » et qu'il « risquerait de se transformer progressivement en une nouvelle chambre dont les avis deviendraient rapidement incontournables ». De même, au nom du groupe socialiste, notre ancien collègue Bernard Frimat s'exclama : « Le Conseil d'État est le conseiller du Gouvernement. Qu'il le reste ! », avant d'évoquer le risque de confusion des rôles qu'il y voyait : « Le Conseil d'État, quelque grands que soient ses talents, n'a déjà que trop tendance à vouloir se comporter comme une chambre parlementaire pour que nous ne lui demandions pas d'être notre conseiller ! » 25 ( * )

Force est de constater que cette nouvelle procédure n'a pas rencontré un large succès. Votre rapporteur observe que seules six propositions de loi ont été soumises au Conseil d'État depuis 2009, alors que plusieurs dizaines ont été examinées en commission et adoptées par les assemblées 26 ( * ) .

La proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit a été la première à être transmise pour avis au Conseil d'État, en août 2009. La présente proposition de loi a donc aussi été transmise au Conseil d'État, en juillet 2011, lequel a rendu son avis à l'auteur de la proposition le 19 septembre 2011. Dans les deux cas, le rapport de notre collègue député Etienne Blanc, au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, comporte, pour chaque article de la proposition de loi, l'extrait correspondant de l'avis du Conseil d'État, qui en justifie la rédaction ou la modification.

Votre commission s'interroge sur la participation du Conseil d'État à l'initiative parlementaire, qui serait justifiée par le fait qu'il s'agit d'un texte de simplification élaboré en collaboration avec le Gouvernement. En quelque sorte, ce texte étant formellement une proposition de loi mais matériellement un projet de loi, il convenait de le soumettre au Conseil d'État.


* 17 Lettre de mission du Premier ministre.

* 18 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.gouvernement.fr/premier-ministre/rapport-warsmann-sur-la-simplification-du-droit-remis-au-premier-ministre

* 19 « L'idéal serait de pouvoir compter sur deux textes par an en la matière. En tout état de cause, une loi de simplification par an apparaît comme un minimum. » Sans doute est-ce l'insuffisance du nombre de textes de simplification soumis au Parlement qui explique leur volume actuel.

* 20 Voir infra , page 18.

* 21 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.pme.gouv.fr/simplification/rapport-warsmann.pdf

* 22 À cet égard, la lettre par laquelle le Président de la République demande à notre collègue Jean-Luc Warsmann de conduire une nouvelle mission indique : « Les mesures de nature législative qui s'en dégageront à l'issue seront ensuite rassemblées dans un texte de loi dont l'examen par le Parlement s'engagera à l'été. »

* 23 Cette procédure de consultation est organisée par l'article 4 bis de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qui résulte de la loi n° 2009-689 du 15 juin 2009 :

« Le président d'une assemblée parlementaire peut saisir le Conseil d'État d'une proposition de loi déposée par un membre de cette assemblée, avant l'examen de cette proposition en commission.

« L'auteur de la proposition de loi, informé par le président de l'assemblée concernée de son intention de soumettre pour avis au Conseil d'État cette proposition, dispose d'un délai de cinq jours francs pour s'y opposer.

« L'avis du Conseil d'État est adressé au président de l'assemblée qui l'a saisi, qui le communique à l'auteur de la proposition. »

* 24 Cette idée figurait toutefois parmi les propositions, en juillet 2002, du groupe de réflexion sur l'institution sénatoriale, présidé par notre ancien collègue Daniel Hoeffel.

* 25 Compte rendu de la séance du Sénat du 23 juin 2008, consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/seances/s200806/s20080623/s20080623003.html#Niv3_art_Article_14

* 26 Au Sénat, seule la proposition de loi n° 779 (2010-2011), présentée par notre collègue Éric Doligé, de simplification des normes applicables aux collectivités locales a fait l'objet d'une transmission pour avis au Conseil d'État. Ce texte est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/leg/ppl10-779.html

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