B. VOTRE COMMISSION REFUSE DE VOIR CETTE RÉFORME PARASITÉE PAR DES DISPOSITIONS DE MISE EN oeUVRE DE TEXTES EUROPÉENS

Votre commission considère que les articles 3 à 8 n'ont pas leur place dans le présent texte : à l'initiative de votre rapporteure, elle les a donc supprimés.

1. Des dispositions sans aucun lien avec la réforme des ports d'outre-mer

Ces articles n'ont aucun lien avec la réforme des ports d'outre-mer . Leur présence dans le présent projet de loi marque donc une forme de mépris à l'égard des outre-mer : aurait-on imaginé que le Gouvernement fasse figurer par exemple dans le projet de loi relatif au Grand Paris plusieurs articles l'habilitant à prendre par voie d'ordonnance les mesures législatives nécessaires à la mise en oeuvre de textes européens ?

Votre rapporteure note plus largement que le lien de ces articles avec les problématiques ultramarines est inexistant . Le dispositif introduit en séance publique à l'Assemblée nationale à l'article 8 semble ainsi indiquer qu'il n'est aucunement dans l'intention du Gouvernement d'adapter les dispositifs des ordonnances à la spécificité des outre-mer.

2. Des dispositions qui illustrent les difficultés récurrentes du Gouvernement à transposer à temps

Votre rapporteure est consciente des retards récurrents de la France en matière de transposition des directives européennes .

Le Conseil européen de mars 2007 a ramené l'objectif fixé aux États membres de 1,5 % de déficit maximum de transposition des directives du marché intérieur à 1 % à compter de 2009.

La France a réalisé de réels progrès puisque le taux de déficit était de 4,1 % en mai 2004, de 3 % en mars 2005 ou de 1,9 % en juillet 2006. Notre pays éprouve cependant de grandes difficultés à respecter le taux de 1 % : le taux de déficit de transposition a ainsi atteint 0,7 % en mars 2010, 1,2 % en septembre 2010 et 0,8 % en février 2011. La France se situait à cette dernière date à la 9 ème place en matière de transposition de directives.

Votre rapporteure rappelle par ailleurs que les retards de notre pays en matière de transposition avaient conduit plusieurs de nos collègues , à savoir Jean Bizet, Jean-Paul Emorine et Gérard Longuet, à déposer en 2010 une proposition de loi visant à accélérer la mise en oeuvre de nombreux textes européens en matière d'environnement, d'énergie ou de transports 96 ( * ) . Votre rapporteure estime révélateur que des parlementaires aient été contraints de prendre l'initiative à la place du Gouvernement en la matière.

La décision du Gouvernement de faire figurer dans le présent projet de loi des articles visant à mettre en oeuvre par voie d'ordonnance plusieurs textes européens confirme son incapacité récurrente à présenter dans les délais des textes d'adaptation de la législation nationale .

3. Le « chantage à l'amende », un prétexte pour recourir aux ordonnances

Votre commission note que le Gouvernement justifie le recours aux ordonnances pour mettre en oeuvre cinq textes européens 97 ( * ) par l'urgence , la France étant sous la menace d'une condamnation par la Cour de justice de l'Union européenne en cas de défaut de transposition des directives.

Votre rapporteure estime que :

- d'une part, le recours systématique aux ordonnances en matière de transposition de textes européens constitue une atteinte aux droits du Parlement. Elle rappelle que la loi du 5 janvier 2011 issue de la proposition de loi précitée comptait, sur 20 articles, pas moins de sept articles habilitant le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance afin de mettre en oeuvre douze directives et neuf règlements européens 98 ( * ) ;

- d'autre part, l'argument de l'urgence utilisé par le Gouvernement n'est pas recevable . Comme l'a judicieusement relevé M. Daniel Fidelin, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, cet argument était incohérent avec un délai d'habilitation fixé initialement à dix-huit mois. Par ailleurs, le caractère urgent de la transposition des directives est le fait du Gouvernement : les dates de transposition figuraient en effet dans leur texte dès leur adoption.

En conclusion, votre commission estime que la méthode de transposition utilisée par le Gouvernement n'est pas adaptée . Une telle méthode devrait être revue. Certaines propositions avaient été formulées par notre Haute assemblée dès 2002. La délégation pour l'Union européenne avait alors proposé 99 ( * ) que :

- le Gouvernement remette aux assemblées parlementaires, dans les trois mois suivant la notification d'une directive, un échéancier d'adoption des textes législatifs permettant sa transposition en droit interne ;

- une séance par mois soit réservée à la transposition des directives communautaires et à l'autorisation de ratification ou d'approbation des conventions internationales.

Votre rapporteure estime que ces propositions sont toujours d'actualité , la Commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale ayant appelé en 2010 à « une modernisation de l'intervention parlementaire dans la transposition des directives » 100 ( * ) .


* 96 La proposition de loi a abouti à la loi n° 2011-12 du 5 janvier 2011 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne.

* 97 Six avant l'examen du texte en séance publique à l'Assemblée nationale.

* 98 Trois ordonnances n'ont d'ailleurs toujours pas été publiées à ce jour.

* 99 Cf. Rapport d'information n° 250 (2001-2002) fait au nom de la délégation pour l'Union européenne sur l'amélioration des procédures de transposition des directives communautaires en droit français, M. Hubert Haenel.

* 100 Communication de M. Didier Quentin, rapporteur, devant la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale, 7 décembre 2010.

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