EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 31 octobre 2012, la commission examine le rapport et le texte qu'elle propose pour le projet de loi n° 7 relatif à la mise en oeuvre du principe de participation défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement .

M. Raymond Vall , président . - Le principe de participation du public en matière d'environnement doit être clarifié. Tel est l'objet du projet de loi qui nous est soumis et qui fait l'objet d'une procédure accélérée.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement a été déposé le 3 octobre 2012 sur le bureau de notre assemblée, après avoir été soumis à consultation du public du 11 au 24 septembre, conformément au principe qu'il entend mettre en oeuvre.

Une Feuille de route pour la transition écologique a été établie à l'issue de la conférence environnementale, qui appelle à une participation effective du public dans la mise en oeuvre et le suivi des politiques. Tirant les conclusions de quatre décisions de censure du Conseil constitutionnel, ce projet de loi a pour but de définir les conditions et les limites de la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l'environnement.

Le principe de participation du public provient du droit international. La déclaration de Rio de 1992 a énoncé que « la meilleure façon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens au niveau qui convient ». La Convention d'Aarhus, signée le 25 juin 1998 par la France, vise à garantir le droit à l'information des citoyens en matière environnementale, leur participation au processus décisionnel, leur accès à la justice.

De nombreux États ont mis en oeuvre ce principe. Les États-Unis font figure de modèle, bien qu'ils ne soient pas exemplaires en matière de respect de l'environnement. L 'Administrative procedure act de 1946 prévoit une procédure extrêmement détaillée, s'appliquant à la majorité des textes réglementaires. Au Québec, un Bureau d'audiences publiques permet, depuis 1978, de consulter la population sur les dossiers relatifs à l'environnement et les projets d'infrastructures.

En France, la consécration du principe de participation est intervenue en 2004 avec l'adoption de la Charte de l'environnement, adossée en 2005 à la Constitution. Dans son article 7, la Charte dispose que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. » Cette disposition a été codifiée, à l'occasion de la loi Grenelle II, à l'article L. 120-1 du code de l'environnement. Cet article s'applique quand aucun autre dispositif n'est prévu, une enquête publique par exemple.

Les décisions ayant « une incidence directe et significative sur l'environnement » sont soumises à participation. Si la saisine d'un organisme consultatif est obligatoire, le projet de décision fait l'objet d'une publication, avant d'être transmis à cet organisme. Quand aucun avis n'est requis, le projet de décision est publié par voie électronique et le public formule ses observations.

A l'occasion de l'examen de questions prioritaires de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a jugé non conformes à la Constitution quatre dispositifs spécifiques prévus dans le code de l'environnement et similaires à celui de l'article L. 120-1. Le Conseil a estimé que les décisions individuelles devaient, au même titre que les décisions réglementaires et les décisions d'espèce, faire l'objet d'une participation du public. L'abrogation des dispositions concernées interviendra au 1 er janvier et au 1 er septembre 2013. Une autre décision du Conseil devrait intervenir en novembre, portant cette fois directement sur la constitutionnalité de l'article L. 120-1.

C'est dans ce cadre contraint que nous travaillons. Que cela ne nous empêche pas de proposer des modalités d'application faisant vivre pleinement le principe de participation !

L'article 1 er réécrit l'article L. 120-1, anticipant la décision à venir du Conseil constitutionnel. Son champ d'application, limité actuellement aux seules décisions réglementaires de l'État et de ses établissements publics, est étendu à l'ensemble des décisions autres qu'individuelles. Le critère d'incidence directe et significative sur l'environnement est abandonné, ce qui constitue une réelle avancée. Une procédure de recueil direct des observations du public devra être suivie, avec publication par l'administration d'une synthèse des observations reçues.

Je vous proposerai d'adopter sept amendements sur ce premier article, pour en renforcer la portée, rappeler les objectifs et les principes de la participation du public afin de bien faire comprendre l'intérêt de la réforme, préciser le contenu de la note technique jointe au projet de décision, modifier les délais de transmission des observations - avec le souci de n'exclure aucun citoyen -, prévoir la publicité des observations, comme c'est l'usage aux Etats-Unis, rendre la participation plus efficace et plus transparente, mieux articuler consultation d'un organe collégial consultatif et participation du public, assurer la prise en considération des observations par l'administration, enfin, préciser les critères de dispense de participation, ou au moins de contraction du délai, en cas d'urgence.

Les articles 2 et 3 mettent le droit des installations classées en conformité avec la Constitution. Les dispositions de l'article L. 120-1 leur deviendront applicables. Je vous proposerai un article additionnel après l'article 2, afin de tirer les leçons des censures du Conseil constitutionnel en matière de canalisations de transport d'hydrocarbures et de produits chimiques et de plans de prévention des risques naturels prévisibles, deux volets oubliés dans le projet de loi.

L'article 4 met en conformité avec la Constitution l'article L. 211-3 du code de l'environnement relatif aux zones d'alimentation des captages d'eau potable et aux zones d'érosion.

Je vous proposerai un article additionnel après cet article 4, dans le but d'aménager la composition des comités régionaux des trames verte et bleue pour y intégrer les gestionnaires d'espaces naturels, les représentants des usagers de la nature, l'État et ses établissements publics, ou encore les organismes de recherche. L'article 5 modifie l'article L. 914-3 du code rural et de la pêche maritime pour assurer la cohérence avec l'article L. 120-1.

L'article 6 module l'entrée en vigueur du nouveau dispositif. Le texte prendra effet au 1 er janvier 2013, sauf pour les décisions qui ont déjà donné lieu à participation du public en application des articles L. 120-1 du code de l'environnement et L. 914-3 du code rural. C'est une solution de sagesse, afin de ne pas obliger les autorités à réitérer la procédure de participation.

Enfin, l'article 7 habilite le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour prévoir la participation du public aux décisions qui ne sont pas mentionnées à l'article L. 120-1 - décisions des collectivités territoriales et des autorités administratives indépendantes, décisions individuelles. Pour celles-ci, une modulation des exigences sera nécessaire. Le Gouvernement a conscience du paradoxe qu'il y a à légiférer par ordonnance sur un tel sujet. Mais le Conseil constitutionnel ayant fixé la date limite de mise en conformité au 1 er septembre 2013, cette solution apparaît la meilleure. Elle garantira la concertation la plus large avec les collectivités locales et leurs représentants.

Bien que ce texte soit né d'une sanction du Conseil constitutionnel, il n'en constitue pas moins une opportunité pour rendre pleinement effectif le principe fondamental de participation du public. Avec ce texte, nous ferons, je l'espère, un pas de plus vers la mise en place d'une véritable démocratie environnementale. Les délais sont courts, mais imposés par le Conseil constitutionnel. Espérons qu'il ne les censurera pas...

M. Michel Teston . - Je partage la position de Mme la rapporteure. Une question prioritaire de constitutionnalité a été posée. Le Conseil constitutionnel, cohérent avec sa jurisprudence, abrogera sans doute l'article L 120-1. Anticipons cette censure par une nouvelle rédaction, qui élargit le champ de la participation.

M. Henri Tandonnet . - La distinction, artificielle, entre décisions réglementaires et décisions individuelles, et ce pour permettre au gouvernement de légiférer par ordonnance sur ces dernières, est une très mauvaise méthode. Au moment de prévoir la consultation du public, on exclut le Parlement ! La différence entre décisions individuelles et décisions réglementaires est difficile à établir, d'autant que le Conseil constitutionnel y ajoute une catégorie supplémentaire, les décisions d'espèce.

Certaines décisions, en outre, n'appartiennent à aucune catégorie. Mieux vaut parler de décisions publiques ayant une incidence environnementale. D'où mon amendement n°1 qui inclut les décisions individuelles dans le champ du dispositif de participation.

L'article L. 120-2 ne concerne pas des décisions individuelles, comme votre formulation étrange le laisse penser, mais vise des décisions réglementaires, puisqu'il est question de plans, de programmes, etc. Nous partons sur de mauvaises bases. Or, chacun le sait : mal parti, mal arrivé.

Mme Évelyne Didier . - Il faut du temps pour qu'une lettre envoyée par la poste nous parvienne. Il faut du temps pour que chacun soit disponible pour participer à une consultation. Je plaide pour un allongement de certains délais.

Nous devons garantir l'effectivité de la participation. Donnons la possibilité aux citoyens de s'approprier la consultation, laissons-leur le temps de participer, employons un vocabulaire simple - la démocratie est l'art de se mettre à la portée de tous.

Ce texte, examiné dans l'urgence, n'est sans doute pas l' ultima verba , mais nous avançons dans la bonne direction.

M. Louis Nègre . - Le mieux est parfois l'ennemi du bien. Dans mon département, la réalisation d'une ferme photovoltaïque a demandé quatre ans de procédures, pour quatre mois de travaux... Je crains avec ces amendements un alourdissement des démarches ou des délais, déjà très longs et préjudiciables à la démocratie. L'affichage en mairie est nécessaire, mais, de grâce, n'allongeons pas inutilement les délais.

M. Ronan Dantec . - Nous avons l'occasion de progresser d'un cran vers plus de démocratie - en cela nous avons des marges de progression... Le public ne doit pas se sentir dépossédé du débat. Mme Didier a raison, un délai de quinze jours est trop court. M. Nègre parle d'un autre sujet, l'empilement des procédures. C'est cela qui crée les difficultés, non une consultation du public. Il manque un garant dans la procédure, une autorité indépendante, validant son bon déroulement, afin de limiter les risques de recours.

Les délais ne sont pas satisfaisants. Nous proposerons des amendements en séance. En outre, si le gouvernement demande une habilitation, il devra nous donner des engagements forts, voire recourir à un texte-cadre suivi de décrets. Certes il y a urgence à mettre le système en cohérence, mais donnons-nous le temps de le faire.

M. Roland Ries . - L'empilement des procédures complique la décision publique. Associer les citoyens à la réflexion, oui, mais c'est ensuite aux élus de décider. Ne rendons pas leur tâche plus difficile encore. Dans les grands projets, la réalisation proprement dite est bien plus courte que le travail de préparation, de consultation, de concertation, de traitement des recours, etc.

La concertation avec les collectivités est essentielle pour définir les modalités de la participation du public sur les projets les concernant. Quel en sera le calendrier ? Evitons l'incontinence normative et procédurale, source de blocages.

M. Hervé Maurey . - Il faut donner du temps au temps, disait François Mitterrand, avant Mme Didier. Or tous les textes que le gouvernement nous a soumis depuis la rentrée sont examinés en procédure accélérée ! Certes le Conseil constitutionnel nous fixe le 1 er janvier 2013 comme date butoir, mais sur ce texte court, il y a moyen de mener à son terme une discussion parlementaire. Quant aux décisions individuelles, pour lesquelles le gouvernement demande une habilitation, le délai est plus lointain, 1 er septembre 2013. Dans tous les cas, même si nous sommes un peu en retard sur ces échéances, ce ne sera pas très grave... On prétend donner plus de temps au public pour s'exprimer mais le Parlement, lui, est prié de se dépêcher. Le temps de la concertation doit être suffisant sans être dilatoire ni source de blocage, car les projets sont de plus en plus longs à aboutir.

Mme Évelyne Didier . - En tant que maire je connais ces difficultés et ne souhaite pas les aggraver. Mes amendements s'inscrivent dans la continuité des travaux de notre rapporteure.

M. Philippe Esnol . - Une concertation bien menée en amont évite des déboires en aval. De grands projets lancés par l'État peuvent être bloqués faute de consensus. La loi concerne-t-elle aussi ceux portés par les collectivités territoriales ?

M. Raymond Vall , président . - Tous.

M. Jean-Luc Fichet . - Une concertation bâclée, c'est une perte de temps. Sur les grands projets, les recours devant le tribunal administratif sont devenus systématiques. Mais à quel moment la concertation sera-t-elle considérée comme achevée ? Qu'ajoute le texte aux procédures de concertation existantes ?

M. Henri Tandonnet . - Il ne s'agit pas ici de la concertation en amont sur les projets mais de la participation aux décisions publiques. La seconde procédure suit la première.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - La consultation est une condition de la légalité des décisions. L'objet du texte est de garantir la participation du public, principe de valeur constitutionnelle inscrit dans la Charte de l'environnement. Il faut nous prémunir contre le risque d'impuissance de l'action administrative, et éviter de multiplier les occasions de contentieux.

Sur la procédure accélérée, est-ce la faute du gouvernement actuel si le Grenelle II a été censuré par le Conseil constitutionnel, nous forçant à prendre des décisions en l'espace de deux mois ? Monsieur Maurey, partageons le fardeau de la responsabilité...

M. Hervé Maurey . - Soit.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Le texte vise uniquement les actes administratifs non soumis à d'autres opérations de consultation, enquête publique, commission nationale du débat public, etc. Le texte ne crée donc pas d'empilement. Quatre types de décisions sont concernées : celles de l'État, celles des collectivités territoriales, les décisions individuelles, dont l'exclusion du champ de la participation par la loi Grenelle II a provoqué la censure par le Conseil constitutionnel, et les décisions d'espèce - nouveauté en droit administratif - sans portée générale, limitées à un dossier mais non individuelles. L'article 1 er concerne les décisions de l'État ou de ses établissements publics ainsi que les décisions d'espèce, l'article 7 les décisions individuelles et les décisions des collectivités locales.

M. Ronan Dantec . - Qu'est-ce qu'une décision individuelle ?

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Elle s'applique à une personne physique ou morale particulière.

M. Stéphane Mazars . - Une autorisation, un permis de construire,...

Mme Évelyne Didier . - Un permis d'exploiter, aussi !

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Oui. Mais on ne parviendra pas par le biais du présent projet de loi à réformer le code minier...

M. Henri Tandonnet . - Si le régime juridique varie en fonction des catégories de décisions alors qu'il n'est pas toujours aisé de les distinguer, l'incertitude juridique va régner.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - C'est tout le contraire ! Ne pas distinguer entre les décisions selon leur portée, aligner toutes les procédures sur la forme la plus exigeante serait source de paralysie. Des milliers de décisions quotidiennes sont en jeu. Le texte module le degré d'exigence. Le renvoi à une ordonnance pour les décisions individuelles et des collectivités territoriales donnera du temps au Gouvernement pour élaborer les procédures les plus adaptées, en concertation avec les collectivités. Le Parlement n'est pas dépossédé, il se prononcera sur la loi de ratification. Le Gouvernement a proposé de venir discuter du projet d'ordonnance devant notre commission, conscient de l'expertise sénatoriale en matière de collectivités territoriales.

Mme Évelyne Didier . - Des décisions ayant un fort impact sur l'environnement et sur une population ne sauraient être prises sans information ni consultation du public. Dans notre bassin lorrain, j'ai appris les projets d'enfouissement du CO2 ou d'exploration des réserves de gaz de schiste par une association écologiste. A la préfecture, on m'a répondu que les autorisations avaient été publiées et que je n'avais qu'à les lire.

Même si je n'aime pas le recours aux ordonnances, je suis hostile à l'idée de soumettre toutes les décisions à une même procédure. Nous resterons vigilants.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Dans votre exemple, c'est justement parce qu'il s'agissait d'une décision individuelle qu'elle a pu être prise sans information des collectivités locales. M. Maurey croit qu'il ne serait pas grave de prendre un peu de retard. Au-delà des dates citées, toute décision administrative serait frappée de nullité, si nous ne votions pas un texte.

M. Raymond Vall , président . - Pouvons-nous aboutir à une rédaction consensuelle ?

M. Hervé Maurey . - Je ne veux rien bloquer. Nous comprenons les exigences constitutionnelles et la nécessité de distinguer différentes catégories de décision. Mais plutôt que le recours aux ordonnances pour les décisions individuelles, nous souhaitons le vote d'une loi par le Parlement. Les lois de ratification sont rarement rejetées, elles sont à prendre ou à laisser.

M. Henri Tandonnet . - Je propose de retirer l'amendement n°1 si la commission accepte notre amendement supprimant l'article 7.

M. Roland Ries . - La distinction entre décisions générales et particulières n'est pas toujours aisée : un permis de construire mêle ainsi des décisions réglementaires et individuelles. Il y a des interpénétrations.

M. Stéphane Mazars . - Il s'agit d'une distinction élémentaire en droit public. Les décisions réglementaires s'appliquent à tous tandis que les décisions individuelles s'appliquent à un particulier.

M. Raymond Vall . - Mais si un particulier souhaite ouvrir une carrière sur sa propriété ? La procédure n'est pas encadrée, alors que l'environnement est touché.

M. Stéphane Mazars . - Le texte ne sera applicable qu'en l'absence de procédures déjà existantes. Autant dire qu'il s'agit de cas marginaux.

M. Raymond Vall . - Comme l'installation d'un élevage de 15 000 poulets, avec de multiples conséquences sur l'environnement.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Le texte ne comporte aucune innovation juridique, mais se fonde sur des catégories bien établies en droit public. Peu de cas échappent à l'heure actuelle à toute procédure, même si se posent des problèmes d'information. L'implantation d'une étable de 1000 bêtes passe par des procédures très compliquées. Mais la question est : comment le public est-il informé ?

Si le Conseil constitutionnel distingue plusieurs types de décisions, elles ne peuvent être traitées pareillement.

M. Henri Tandonnet . - L'habilitation du gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance vise l'article L. 120-2. Décisions individuelles, dites-vous ? Or cet article mentionne des plans, des programmes. Il vise donc bien des décisions à portée générale. De plus, les décisions d'espèce sont définies comme ne revêtant ni le caractère de décision individuelle ni de décision réglementaire : un classement de site, par exemple, ou une préemption. Elles ont donc une portée générale. D'où des difficultés.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Cet article évite l'empilement des procédures.

M. Jean-Jacques Filleul . - Le texte a simplement pour objet d'organiser des procédures de participation du public sur les décisions individuelles qui ont un impact en matière d'environnement. C'est un progrès. Dédramatisons cette affaire !

M. Henri Tandonnet . - Nous avons le temps. Profitons-en pour mener à bien une concertation sur ce sujet qui concerne les collectivités locales.

M. Jean-Jacques Filleul . - Les procédures dans lesquelles n'est pas prévue une consultation sont rares. Ce sont celles-là qui sont visées par le texte.

Article 1er

M. Henri Tandonnet . - Je retire l'amendement n°1, mais maintiens l'amendement n°2 supprimant l'article 7.

L'amendement n°1 est retiré.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure. - L'amendement n° 9 vise à donner un peu de chair à l'article 1 er , en rappelant les grands principes et objectifs de la participation du public.

M. Hervé Maurey . - La dernière phrase de l'amendement, « les autorités publiques concernées tiennent compte des résultats de la participation », ouvre la voie à de nombreux contentieux, allonge les procédures et fragilise le dispositif.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Cet amendement est cohérent avec un autre qui visera à renforcer la notion de « tenir compte ». Il ne faut pas que le public ait le sentiment de s'exprimer sans être entendu, ce serait une source de frustration.

M. Hervé Maurey . - Telle association ira se plaindre aux tribunaux que l'on n'a pas pris ses observations en compte...

M. Henri Tandonnet . - Des modalités de la participation « proportionnées à la complexité » des décisions, voilà qui va nourrir également un contentieux abondant. L'amendement n'apporte rien.

M. Stéphane Mazars . - Je partage cet avis. Ces dispositions créent un risque de contentieux sans apporter grand-chose au texte : « complexité », « incidences sur l'environnement » sont des notions floues.

Mme Évelyne Didier . - Lorsque les concepts sont flous, moins la loi est bavarde, mieux c'est.

M. Raymond Vall , président - Supprimons les deux dernières phrases.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Cette suppression, qui affaiblit le dispositif de participation, réjouira l'administration.

M. Stéphane Mazars . - Notre souci premier doit être la sécurité juridique.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - La formulation « tient compte » ne lie pas l'administration. Mais si l'on ne précise pas comment le public sera entendu, il n'y a plus de participation, seulement une expression.

M. Raymond Vall , président . - Il ne faudrait pas retarder les procédures ni affaiblir le texte.

M. Michel Teston . - Supprimons ces deux phrases, car la même idée figure dans l'amendement n° 14.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Soit.

L'amendement n° 9 rectifié est adopté.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - L'amendement n° 10 renforce la phase de l'information, préalable à la participation. Une note non technique, « rappelant le contexte de la décision », doit accompagner les projets de décisions pour en expliquer les enjeux en langage compréhensible.

Mme Évelyne Didier . -  De même, avant toute réunion de conseil municipal, les élus reçoivent une note de synthèse explicitant le sens des mesures proposées à leur vote.

L'amendement n°10 est adopté.

Mme Évelyne Didier . - L'amendement n° 3 prévoit que les projets de décisions font l'objet d'un affichage dans les mairies concernées et en préfecture. Il s'agit d'attirer l'attention du public, non d'afficher tout le document.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Le texte concerne également les décisions de l'État ou de ses établissements publics. Ajoutons la mention « le cas échéant ».

Mme Évelyne Didier . - Prévoyons un affichage dans les mairies « concernées ».

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Cela susciterait des contentieux.

M. Stéphane Mazars . - Il est difficile de définir le périmètre des textes réglementaires.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Peut-être « le cas échéant en préfecture ou en mairie » ? Car toutes les décisions ne sont pas territorialisées.

M. Raymond Vall , président . - Ou alors : « dans les préfectures ou mairies concernées territorialement » ?

M. Jean-Luc Fichet . - On a vu des PLU annulés pour un simple défaut d'affichage.

M. Michel Teston . - Je propose : « en tant que de besoin ».

Mme Évelyne Didier . - Je retire l'amendement et le proposerai en séance dans une meilleure rédaction.

L'amendement n°3 est retiré.

Mme Évelyne Didier . - L'information du public par la seule voie électronique n'est pas suffisante car de nombreuses personnes ne disposent pas d'internet. L'amendement n° 8 prévoit que l'intégralité du dossier puisse être consultée dans un lieu physique, sur version papier ou sur ordinateur.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Cet amendement crée une obligation de présentation matérielle, nouvelle condition de légalité. Si le texte concerne un périmètre territorial bien défini, soit, mais qu'en est-il des circulaires ou règlements à portée nationale ? Où devront-ils être consultables ? Le risque d'annulation contentieuse est élevé.

Mme Évelyne Didier . - La note doit être rendue accessible au public. Je me borne à ajouter, dans les modalités, la consultation dans un lieu physique.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Mais où ? C'est tout le problème.

M. Philippe Esnol . - Ceux qui n'ont pas internet ne seront pas informés.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - On informe plus de gens par internet qu'en placardant une affiche sur le mur de la préfecture, à 70 kilomètres de là où vivent les intéressés.

M. Henri Tandonnet . - La formulation du projet de loi est la bonne. L'article 7 de la Charte de l'environnement laisse le soin au législateur de fixer les conditions et les limites dans lesquelles chacun a droit d'accéder aux informations. Nous sommes au vingt-et-unième siècle ! Si l'on n'a pas internet chez soi, on peut aller à la mairie.

Mme Évelyne Didier . - Soit : je suis convaincue. Je retire l'amendement.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Nous pourrons tout de même interroger le Gouvernement sur cette question.

L'amendement n°8 est retiré.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Pour ceux qui n'ont pas accès à internet, des documents imprimés circuleront. En revanche, tout le monde n'a pas d'adresse électronique, ne sait pas taper sur un clavier : le public doit être en mesure d'adresser ses observations par voie postale. Pour tenir compte des délais d'acheminement du courrier, je propose dans l'amendement n° 14 de fixer un délai minimal de quinze jours pour le courrier postal et de vingt-et-un jours pour le courrier électronique, faute de quoi nous nous exposerions à des contentieux.

M. Hervé Maurey . - Ne faudrait-il pas plutôt l'inverse ?

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Non : si le délai est de vingt-et-un jours pour tout le monde, les courriers postés la veille de son expiration n'arriveront qu'après. Il faut donc fixer un délai plus court pour adresser ses observations par voie postale.

Pourquoi vingt-et-un jours plutôt que trente, comme Evelyne Didier le propose dans l'amendement n°4 ? Parce que je vous proposerai plus loin un amendement prévoyant que la synthèse des observations du public est transmise aux organismes consultatifs compétents avant que ceux-ci ne rendent leur avis, afin qu'ils puissent en tirer profit. N'allongeons donc pas trop les délais, sinon la procédure risque de durer trois mois.

M. Philippe Esnol . - Je comprends mal la rédaction : pourquoi écrire que le délai « ne peut être inférieur à quinze jours » ?

Mme Évelyne Didier . - Quinze jours pour le courrier postal, c'est court. Les lettres qui me sont envoyées de la commune voisine mettent trois jours à me parvenir !

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Le texte impose à l'administration un délai minimal, sans fixer de délai maximal - son intérêt est que ses projets aboutissent sans tarder. Rien ne lui interdit d'accorder un délai plus long.

M. Hervé Maurey . - Trente jours, c'est trop long. N'ai-je pas entendu plusieurs d'entre vous appeler à ne pas trop accroître la durée des procédures ?

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - En effet, du point de vue de l'administration, trente jours, c'est beaucoup. Ne l'incitons pas à recourir trop souvent à l'urgence.

Mme Évelyne Didier . - La célérité de l'administration ne m'était pas apparue...

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Portons si vous le souhaitez le délai à vingt-et-un jours par voie postale et trente jours par voie électronique - je rectifie l'amendement n°11 en ce sens - et laissons le Gouvernement nous exposer toutes les bonnes raisons pour lesquelles il faut aller plus vite.

L'amendement n°4 est retiré.

L'amendement n°11 rectifié est adopté.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Mon amendement n° 12, très important, impose que les observations de chacun soient consultables par tout le monde. Ainsi la participation ne sera pas seulement verticale, entre les particuliers et l'administration, mais aussi horizontale.

L'amendement n°12 est adopté.

Mme Évelyne Didier . - Le délai de quatre jours à compter de la clôture de la consultation, que doit observer l'administration avant de rendre sa décision, me paraît trop court : mon amendement n° 5 le porte à une semaine.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - J'ai évoqué la question avec le ministère. La plupart des projets de décisions ne donnent lieu à aucune observation, il n'est donc pas nécessaire d'attendre plus longtemps. Cependant, ce n'est qu'un délai minimal. L'administration ne pourra de toute façon rendre sa décision qu'après avoir fait la synthèse des observations du public, s'il y en a.

L'amendement n°5 est retiré.

Mme Évelyne Didier . - Les municipalités doivent être informées des projets de décisions qui les concernent. Ma commune de Conflans-en-Jarnisy était située dans un périmètre d'exploration des réserves de gaz de schiste et nous ne le savions pas ! Il suffit d'une lettre simple, invitant à consulter le site du ministère. Laissons aussi aux conseils municipaux le temps de se réunir, car ceux des petites communes ne le font pas chaque semaine, loin s'en faut. Tel est l'objet de l'amendement n° 7.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Votre préoccupation est juste et fondée sur l'expérience, mais on ne pas généraliser cette mesure, l'imposer pour n'importe quel arrêté préfectoral : il faut qualifier les projets concernés. Je vous propose de redéposer cet amendement en séance, afin que le Gouvernement trouve une rédaction satisfaisante.

Mme Évelyne Didier . - D'accord, à condition d'avoir votre soutien.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Vous pouvez y compter. La chose n'est pas simple : on ne peut demander à une secrétaire de mairie qui travaille deux demi-journées par semaine d'examiner tous les projets d'arrêtés pour voir s'ils méritent ou non une réunion du conseil municipal.

M. Ronan Dantec . - L'Etat doit prendre l'habitude d'envoyer aux collectivités tout projet de décision les concernant, sans décider à leur place de ce qui est important ou non. Un courriel peut suffire. Les municipalités trieront, disposeront d'un délai pour se prononcer, et dans neuf cas sur dix ne donneront aucune suite. Je préférerais que nous votions l'amendement, afin d'obliger le Gouvernement à prendre position.

M. Jean-Jacques Filleul . - Moi aussi.

M. Raymond Vall , président . - Soit, mais n'en faisons pas un motif de blocage.

Mme Évelyne Didier . - Je suis prête à réduire le délai à trois semaines.

M. Henri Tandonnet . - Cela me paraît exclu : on donne trente jours au public, peut-on en donner moins aux conseils municipaux ?

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Evitons cependant que les délais s'ajoutent les uns aux autres.

Mme Évelyne Didier . - Les procédures de consultation peuvent se poursuivre parallèlement.

L'amendement n°7 est adopté.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Mon amendement n° 13 oblige à transmettre les observations du public aux organismes consultés, afin que les procédures ne soient pas étanches. Le public peut avoir des choses intéressantes à dire.

L'amendement n°13 est adopté.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - L'administration devra assortir sa décision définitive d'une synthèse des observations du public. Evelyne Didier réclame, par l'amendement n° 6, qu'elle motive sa décision. C'est un sujet délicat. La loi de 1979 impose à l'administration de motiver toute décision individuelle défavorable ; elle n'a pas à le faire dans les autres cas, même si elle peut y être amenée en cas de recours pour excès de pouvoir. Il serait déraisonnable de bouleverser ces règles au détour de ce projet de loi.

Cependant, mon amendement n° 14 fait un pas dans votre sens en exigeant que la synthèse fournie par l'administration indique les observations dont elle a tenu compte.

M. Raymond Vall , président . - L'Etat reconnaîtra ainsi les résultats de la concertation.

M. Henri Tandonnet . - L'amendement de la rapporteure nous ferait franchir un cap, puisqu'il impose bien une forme de motivation. L'administration ne devra-t-elle pas alors se justifier de n'avoir pas tenu compte des autres observations ?

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Non, car la loi ne le prescrira pas.

M. Ronan Dantec . - Les observations dont il est tenu compte... C'est un peu dangereux. Je propose que l'on fasse la synthèse des observations.

Mme Évelyne Didier . - Le projet de loi prévoit déjà cette synthèse et personne ne la supprime.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Je maintiens mon amendement. Cette proposition ne crée pas d'obligation lourde  pour l'administration : on lui demande simplement d'indiquer les observations dont elle a tenu compte, pas de s'expliquer sur les autres. La question du contentieux ne se pose pas. C'est un premier texte, mais nos ambitions en matière de participation du public sont plus grandes pour l'avenir.

M. Ronan Dantec . - Je propose un amendement différent : « la synthèse des observations indique la manière dont les observations du public ont été prises en compte ». En l'état, le texte prévoit de mentionner ce dont il a été tenu compte, et il occulte le reste. Il faut une synthèse globale !

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Si la décision change en cours de procédure de participation, l'administration dira simplement ce qui a fait évoluer sa position. Dans le cas contraire, elle n'a pas d'obligation de se justifier.

M. Michel Teston . - La rapporteure a expliqué les raisons de fond. J'y ajoute des raisons de forme : lors de l'examen du deuxième amendement, on a apporté des modifications et supprimé certaines dispositions au motif qu'on les reprendrait à l'amendement n° 14. Nous y sommes !

M. Raymond Vall , président . - Même si la ligne directrice de la commission consistait à ne pas trop allonger les délais, cela me paraît justifié.

Mme Évelyne Didier . - L'amendement de la rapporteure est intéressant car il consiste à ne retenir que les éléments positifs. En outre, il nous permettra d'évaluer le nombre de décisions dans lesquelles il a été tenu compte des remarques du public.

M. Jean-Jacques Filleul . - Je suis d'accord. Il est bon d'informer ainsi le public des suites.

M. Raymond Vall , président . - Donner le sentiment de mettre des contributions à la poubelle serait méprisant. L'information sera de nature à calmer ceux qui espéraient voir retenues toutes leurs observations.

L'amendement n°14 est adopté.

L'amendement n°6 devient sans objet.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Le III de l'article L. 120-1 offre la possibilité de contourner l'étape de la participation en cas d'urgence. C'est indispensable : le préfet ne peut pas toujours attendre un mois pour prendre une décision. L'amendement n° 15 est un amendement de précision, pour qu'il n'y ait pas, entre les deux alinéas où le mot est employé, élargissement des critères de l'urgence.

L'amendement n°15 est adopté.

L'article 1 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

L'article 2 est adopté sans modification.

Article additionnel après l'article 2

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Cet amendement tire les conséquences des décisions du Conseil constitutionnel et rend applicable la procédure de participation aux dispositions du code de l'environnement relatives aux canalisations de transport et aux plans de prévention des risques naturels prévisibles.

L'amendement n°16 est adopté et devient article additionnel.

Les articles 3 et 4 sont adoptés sans modification.

Article additionnel après l'article 4

Mme Laurence Rossignol , rapporteure. - L'amendement n° 17 met les comités trames verte et bleue en conformité avec le nouveau projet de loi.

Mme Évelyne Didier . - Est-ce un cavalier ?

Mme Laurence Rossignol , rapporteure . - Non, c'est un article additionnel exclusivement consacré à la participation du public dans les comités trames verte et bleue, en musclant leur composition. Dans sa rédaction actuelle en effet, le code de l'environnement prévoit une liste limitative de membres qui n'inclut pas plusieurs parties prenantes, comme les représentants des gestionnaires d'espaces naturels, des propriétaires et usagers de la nature, de l'État et de ses établissements publics, de la communauté scientifique, d'organismes de recherche, d'études ou d'appui aux politiques publiques et des personnalités qualifiées.

L'amendement n°17 est adopté et devient article additionnel.

Les articles 5 et 6 sont adoptés sans modification.

Article 7

Mme Laurence Rossignol , rapporteure. - L'amendement n° 2 de notre collègue Tandonnet tend à supprimer la possibilité pour le gouvernement de légiférer par ordonnance.

Mme Évelyne Didier . - Nous aurions eu le temps de faire une loi d'ici septembre 2013...

Mme Laurence Rossignol , rapporteure. - J'attire votre attention sur l'étape de consultation des collectivités territoriales. Si jamais, pour des raisons de calendrier parlementaire, cette deuxième loi n'était pas adoptée dans les délais, vous seriez le 1 er septembre dans une situation difficile.

L'amendement n°2 est rejeté.

L'article 7 est adopté sans modification.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

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