C. LA POLICE DE PROXIMITÉ : REPENSER LE LIEN AVEC LA POPULATION

1. Des fluctuations préjudiciables au cours des dernières années

Au cours des dernières années, l'approche des Gouvernements en matière de police de proximité a beaucoup fluctué . Plusieurs « outils » ont été créés, ont perduré, ont été modifiés ou ont disparu.

Ainsi, créées en septembre 2008, les Unités Territoriales de Quartier (UTeQ) avaient été mises en place avec pour objectif la lutte contre la délinquance et les violences urbaines, la recherche du renseignement opérationnel ainsi que le développement du lien de confiance entre la police et la population.

Toutefois, à partir des conclusions d'un audit commun de l'Inspection générale de l'administration (IGA), de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et de l'Inspection générale des services (IGS) 19 ( * ) , il a été décidé, en septembre 2010, de faire évoluer les UTeQ en Brigades Spécialisées de Terrain (BST) . Cette décision constituait d'ailleurs un spectaculaire revirement au regard de l'annonce faite par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, alors Brice Hortefeux, peu de temps avant 20 ( * ) de créer vingt-six nouvelles UTeQ.

La police nationale compte désormais quarante-trois BST. Ces brigades sont déployées dans des zones sensibles au périmètre circonscrit (pouvant comporter un ou plusieurs quartiers au sein d'une agglomération), mais évolutif en fonction de la délinquance. Elles ont des missions ciblées de prévention, de dissuasion et de répression , avec pour objectifs de lutter contre la délinquance et les violences urbaines, de rechercher le renseignement opérationnel, tout en développant le lien de confiance avec la population.

Les BST s'intègrent dans le dispositif des patrouilleurs de la police nationale (dont elles remplissent les missions sur leurs secteurs de compétence), expérimenté au printemps 2011 et généralisé en juillet 2011. Le but consiste à accroître la présence des forces de l'ordre en tenue d'uniforme sur le terrain, dans le cadre d'un schéma rénové de couverture des circonscriptions de sécurité publique établi en fonction des spécificités locales. Les patrouilleurs exercent leurs missions sur un périmètre défini et signalé en raison de sa sensibilité et des difficultés recensées. La mission du patrouilleur est une mission de police générale, avec des objectifs traditionnels de prévention, de dissuasion et de répression.

Votre rapporteur spécial estime que les mutations successives des dispositifs de police de proximité, au cours des dernières années, ont traduit en réalité le malaise des anciens Gouvernements en la matière. Il considère qu'il est désormais temps de réinventer cette police en l'axant sur le lien de confiance à nouer réellement avec la population, l'action de prévention (qui doit nécessairement précéder la répression) et l'ancrage dans le temps (seul garant du succès de cette politique) .

2. Une nouvelle stratégie basée sur la création de « zones de sécurité prioritaires » (ZSP)

A la suite de son installation, le nouveau Gouvernement a cherché à ouvrir un nouveau chapitre dans le domaine des relations entre la police et la gendarmerie, d'une part, et la population, d'autre part. Cette volonté s'est traduite par la création de quinze « zones de sécurité prioritaires » (ZSP) dès septembre 2012 .

Les premières créations de « zones de sécurité prioritaires » (ZSP)

Parmi les quinze ZSP initialement créées , six sont situées en secteur de sécurité publique (police), trois relèvent de la préfecture de police de Paris, quatre sont en zone gendarmerie et deux zones sont mixtes entre la police et la gendarmerie.

Leur liste est la suivante :

- Paris : quartier Château-Rouge, dans le XVIII e arrondissement (zone police) ;

- Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) : cités Cordon, du 8-Mai-1945, Soubise, Dhalenne, Charles-Schmidt, Paul-Vaillant, 32 rue Émile Zola (zone police) ;

- Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) : quartiers du centre-ville et de la basilique (zone police) ;

- Mantes-la-Jolie et Mantes-la-Ville (Yvelines) : quartiers du Val-Fourré et des Merisiers (zone police) ;

- Corbeil-Essonnes (Essonne) : quartier des Tarterêts (zone police) ;

- Communes de Méru et Chambly (Oise) (zone gendarmerie) ;

- Amiens : quartier nord (zone police) ;

- Lille : quartier Moulins (zone police) ;

- Communes de Fameck et Uckange (Moselle) (zone gendarmerie) ;

- Strasbourg : quartier Neuhof (zone police) ;

- Lyon : quartier de la Duchère, dans le IX e arrondissement (zone police) ;

- quartiers nord de Marseille (III e , XII e , XIV e , XV e et XVI e arrondissements) et les communes de Gardanne et Bouc-Bel-Air (Bouches-du-Rhône) (zone police et zone gendarmerie) ;

- communes de Vauvert et Saint-Gilles (Gard) (zone gendarmerie) ;

- communes de Lunel et Mauguio (Hérault) (zone gendarmerie) ;

- communes de Cayenne, Matoury et Remire-Montjoly (Guyane) (zone police et gendarmerie).

Par ailleurs, le 2 octobre 2012, Manuel Valls a annoncé la création d'une ZSP à Grenoble (quartier de la Villeneuve) et, le 3 octobre, il a indiqué la mise en place d'une ZSP à Nice .

Source : d'après le ministère de l'intérieur

Selon la circulaire NOR INTK 1229197 J du 30 juillet 2012 du ministre de l'intérieur, Manuel Valls, ces ZSP ont vocation à « répondre, au plus près, aux préoccupations de nos concitoyens, souvent parmi les plus démunis, confrontés dans des quartiers urbains ou des territoires ruraux à la délinquance, à la violence et aux trafics de toutes sortes qui sapent les fondements même de notre société et mettent en péril le lien social ». L'ambition est de notamment de juguler « l'économie souterraine, les trafics de stupéfiants et d'armes, les violences, les cambriolages, les regroupements dans les parties communes d'immeubles d'habitation, les nuisances de voie publique et autres incivilités ».

Le PAP pour 2013 précise l'organisation des ZSP :

« Dispositif souple et adaptable, les zones de sécurité prioritaires s'organiseront autour :

« - d'un accroissement de la présence policière : patrouilles spécifiques, associées, le cas échéant, au renfort, en sécurisation, des forces mobiles de la police nationale ;

« - d'une coordination renforcée de l'ensemble des forces de sécurité compétentes sur le territoire concerné : services de voie publique, services d'investigation et de renseignement ;

« - de la désignation d'interlocuteurs privilégiés auprès de la population, les délégués police-population, et d'un référent pour chaque ZSP s'impliquant dans le dialogue avec les partenaires de l'action de sécurité publique ;

« - d'actions de prévention de la délinquance ciblées autour de la prévention de la récidive grâce à l'emploi du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

« Le pilotage du dispositif sera réalisé en lien étroit avec l'autorité judicaire, les élus locaux et la population . ».

Votre rapporteur spécial se félicite de l'approche retenue pour la mise en place des ZSP. Il est en effet favorable à une meilleure gouvernance de la sécurité, territorialisée et plurielle (c'est-à-dire associant les élus, les citoyens, la police, la gendarmerie, les partenaires institutionnels...) .

En termes d' organisation , deux structures locales sont mises en place : une « cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure » et une « cellule de coordination opérationnelle du partenariat ».

En outre, certaines actions relevant de la politique de la ville « pourront utilement être harmonisées ou coordonnées pour compléter l'action menée dans les ZSP, notamment en matière de prévention de la délinquance » .

Une cinquantaine de ZSP devrait, au total, voir le jour. Elles concerneront les territoires particulièrement concernés par les problèmes d'insécurité. Leur liste définitive devrait être connue en décembre 2012 .

Votre rapporteur spécial se félicite de la mise en place de ce dispositif, qui représente un progrès notable et attendu. Les ZSP sont un des outils pour répondre au défi d'une police de proximité revisitée. Il sera attentif aux résultats obtenus au niveau de ces zones. Il rappelle que le succès de cette politique dépendra, pour une part, du bon dimensionnement des effectifs affectés sur ces missions (avec le cas échéant des créations de postes à la clef).


* 19 Rapport de janvier 2010.

* 20 Annonce du 24 juin 2010.

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