LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première délibération, l'Assemblée nationale a adopté sans modification les crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et « Provisions » ainsi que les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ».

Elle a adopté l'article 67 sans modification et a adopté un amendement de coordination à l'article 68.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 novembre 2013, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a examiné le rapport de MM. Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier, rapporteurs spéciaux, sur les missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » (et articles 67 et 68) et « Provisions » et le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » .

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » (GFPRH) est marquée par le poids prépondérant de la direction générale des finances publiques (DGFiP), qui représente à elle seule 73 % des crédits de la mission, soit 8,6 milliards d'euros sur un total de 11,5 milliards d'euros, loin devant la douane, l'autre grande administration à réseau de la mission. Enfin, les programmes de pilotage économique et financier, de modernisation de l'administration, de formation et d'aide sociale de la fonction publique, et d'entretien des bâtiments de l'État se répartissent les 13 % des crédits restants.

Comme les années précédentes, la mission participe à l'effort de redressement des finances publiques : ses crédits de paiement baissent de 1,5 %, soit 174 millions d'euros, effort supérieur de 60 millions à celui prévu dans le cadre de la programmation triennale. Comme la masse salariale représente 77 % du total des crédits de la mission GFPRH, les dépenses de personnel représentent le principal levier d'économie. Ainsi, les crédits de personnel baissent de 0,87 %, soit 77,4 millions d'euros, même si le pilotage du titre 2 est frappé d'incertitudes, et victime des rigidités du CAS « Pensions ». Cette baisse correspond à une suppression de 2 424 équivalents temps plein (ETP), contre 2 198 l'an passé. Le taux de remplacement des personnes partant en retraite est proche du ratio de un pour deux. Cet effort est presque intégralement supporté par la DGFiP.

Les autres économies sont présentées comme des efforts sur les dépenses de fonctionnement courant et comme les dividendes de la dématérialisation et de la simplification administrative (télédéclaration, dématérialisation d'une partie du contentieux fiscal, guichet unique de dédouanement, portail Internet pour les collectivités territoriales, etc.). Pourtant, la réalité est plus complexe. Si les dépenses de fonctionnement baissent de 40 millions d'euros, soit 1,9 %, en crédits de paiement, elles augmentent de 104 millions d'euros, soit 4,8 %, en autorisations d'engagement ! La hausse est même de 11 % pour la DGFiP, avec une étonnante augmentation des frais de déplacement, des fournitures ou autres achats de matériels divers. Même si tous les programmes n'affichent pas de tels écarts, il apparaît que les efforts budgétaires ne tiennent pas principalement à des économies de fonctionnement.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - En effet, ce sont surtout les dépenses d'intervention et d'investissement qui diminuent, passant de 623,8 millions d'euros à 567,2 millions d'euros, soit une baisse de 9 %. Parmi les dépenses d'intervention, la baisse concerne surtout l'action sociale interministérielle. En ce qui concerne les dépenses d'investissement, les réductions sont réparties dans tous les programmes, signe d'une vision court-termiste préoccupante. Heureusement, certaines dépenses sont préservées, comme le déploiement des logiciels Chorus (comptabilité) et SI-Paye (paie des fonctionnaires), ou encore les investissements de l'administration des douanes (avions, navires et systèmes informatiques).

Un service spécial de l'administration des douanes avait été installé à Metz pour assurer la mise en place de l'écotaxe poids lourds (le STPL), fort de 130 agents, pour un coût annuel de 23 millions d'euros ; 50 recrutements supplémentaires étaient prévus. Avec la suspension...

M. François Marc , rapporteur général . - Provisoire...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - ... de l'écotaxe, annoncée le 29 octobre dernier par le Premier ministre, ce service constitue une lourde charge financière à l'utilité incertaine. Il faudra envisager des redéploiements.

La logique de court terme n'est nulle part plus visible qu'en matière d'immobilier. D'abord, le programme 309 de la mission, qui porte les crédits d'entretien des bâtiments de l'Etat accuse une baisse drastique d'un quart de ses crédits, qui passent de 214 millions d'euros à 160 millions d'euros. Espérons que les bâtiments dégradés n'appelleront pas demain des réparations coûteuses.

Ensuite, le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », qui finance la modernisation du parc immobilier, voit ses crédits baisser de 9,6 %, pour s'établir à 565 millions d'euros en 2014. Enfin, les produits de cessions devraient revenir en 2014 à 470 millions d'euros.

Plus fondamentalement, il faut s'interroger sur le sens de la politique immobilière de l'Etat. La vente de la résidence du consul de France à Hong Kong, qui avait rapporté 52 millions d'euros en 2011, a abouti à une location à des frais élevés et de surcroît instables. Nous avons les mêmes craintes pour la vente de la résidence de l'ambassadeur auprès des Nations Unies à New York. Il y a là une logique de court terme, qui consiste à récupérer des recettes immédiates, quitte à supporter des charges locatives durables.

De plus, la volonté d'utiliser les cessions immobilières pour désendetter l'État paraît affaiblie : d'une part, la contribution inscrite dans le CAS relève d'un pur artifice comptable, car ses 80 millions d'euros sont financés par un déficit du même montant ; d'autre part, la loi « Duflot » du 18 janvier 2013 prévoit la vente à un prix inférieur à leur valeur vénale de certains biens de l'État afin de construire des logements sociaux, ce qui est contradictoire avec l'objectif de désendettement. Ainsi, la caserne de Reuilly a été vendue à la mairie de Paris pour 40 millions d'euros au lieu de 65 millions d'euros.

La mission « Provisions » est originale ; ses deux programmes sont destinés à couvrir des dépenses indéterminées au moment du vote de la loi de finances, tandis que, conformément aux dispositions de la LOLF, elle ne comporte pas de stratégie de performance. Avec 155,6 millions d'euros en crédits de paiement, cette mission est la moins dotée du budget général. La dotation du programme « Provision relative aux rémunérations publiques » n'est pas budgétée pour 2014, signe d'une bonne répartition a priori des dépenses de personnels sur les différentes missions.

Le programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles » est destiné à faire face aux dépenses urgentes liées à des catastrophes naturelles, en France ou à l'étranger, ou à des événements extérieurs exigeant le rapatriement de Français. Sa dotation s'élève à 455,6 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 155,6 millions d'euros de crédits de paiement. La différence de 300 millions d'euros en autorisations d'engagement correspond à la constitution d'une provision spécifique en vue de financer les éventuelles prises à bail privées des administrations qui pourraient survenir dans l'année.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - Deux articles sont rattachés à la mission GFPRH. L'article 68 supprime l'Agence nationale d'indemnisation des Français d'outre-mer (Anifom), principalement les rapatriés d'Algérie, qui n'a plus aujourd'hui lieu d'être. Ses archives seront transférées à l'Office national des anciens combattants (ONAC). Nous vous proposons de l'adopter sans modification.

L'article 67 abroge le jour de carence des fonctionnaires, conformément à une promesse de la ministre de la fonction publique. Ce dispositif, instauré en 2012 par la précédente majorité, prévoit que les fonctionnaires en congé maladie simple ne perçoivent pas leur rémunération au titre du premier jour de ce congé. Il s'agissait de lutter contre les arrêts maladies abusifs, de réaliser des économies budgétaires et de restaurer l'équité avec les salariés du secteur privé, qui sont soumis à trois jours de carence.

Ce mécanisme rapporte 164 millions d'euros par an pour les trois fonctions publiques, ce qui est en soi un argument majeur en faveur de son maintien. Il a fait diminuer l'absentéisme de 16,7 % pour la fonction publique d'État et de 12,5 % pour la fonction publique territoriale. Une lettre de la Fédération hospitalière de France (FHF)°à la ministre, qui a été rendue publique, fait état d'une baisse de 7 % de l'absentéisme dans les CHU, pour une économie de 22,4 millions d'euros.

Le Gouvernement fait valoir que le jour de carence des fonctionnaires n'est pas vraiment une mesure d'équité, dans la mesure où 64 % des salariés du privé bénéficient d'une prise en charge de leur jour de carence par leur complémentaire. Mais que dire des 36 % restants ? Ils sont plus nombreux que les fonctionnaires ! Les salariés des cliniques privées, par exemple, ne bénéficient d'aucune prise en charge. Et peut-on ignorer que ceux qui bénéficient d'une couverture paient des cotisations pour cela, contrairement aux fonctionnaires ?

La suppression du jour de carence constitue une mesure idéologique, et nous pourrions même employer le mot clientéliste. Elle est inéquitable et ses conséquences pourraient être lourdes pour nos finances publiques, pour le fonctionnement des services publics. Dans son exposé des motifs, le Gouvernement parle de « diversification des instruments de prévention de l'absentéisme ». Surprenante dialectique. La CPAM n'accentuera pas les contrôles sur les absences de courte durée... Le ministre n'a d'ailleurs donné aucun élément chiffré sur les moyens qui seraient affectés à la CPAM pour renforcer ses contrôles.

Il est également proposé, en compensation, de sanctionner les fonctionnaires en cas de non-transmission de l'arrêt maladie sous 48 heures. C'est étonnant car nous savons bien qu'il arrive que ce délai ne soit pas respecté, et parfois pour de bonnes raisons.

Nous vous proposons donc un amendement visant à maintenir le jour de carence.

Vos deux rapporteurs spéciaux s'abstiendront de voter les crédits de la mission.

M. Roger Karoutchi . - La politique immobilière de l'État est de plus en plus incohérente. Le bâtiment qui héberge ce qui fut mon ministère a été mis en vente, puis, après dix-huit mois, retiré de la vente. Combien cela a-t-il pu coûter ? Y a-t-il une stratégie ? Est-il vraiment avantageux de vendre, si c'est pour louer pendant des décennies ?

Je voterai en faveur de l'amendement des rapporteurs rétablissant le jour de carence. Un récent rapport de la chambre régionale des comptes sur l'absentéisme du personnel de la région Île-de-France est accablant. Tout élément favorisant une prise de conscience serait bienvenu. Il est anormal qu'un fonctionnaire du privé subisse deux ou trois jours de carence et un fonctionnaire aucun. Où est l'équité ?

Mme Michèle André . - Un diplomate m'a récemment fait remarquer que le coût d'entretien de la résidence à New-York était au-dessus de nos moyens. Il y a quelques années, le ministère des affaires étrangères a initié un plan de vente avisé. À Vancouver, par exemple, la villa du consul était trop grande pour les fonctionnaires, souvent célibataires, qui étaient affectés à ce poste.

M. François Marc , rapporteur général . - Nous avons déjà débattu de la gestion immobilière de l'État. La mission GFPRH participe à l'effort à hauteur de 1,5 % des dépenses. C'est une contribution conséquente ! Les dépenses de personnel représentent 77 % des crédits de la mission. Je souhaite que nous adoptions les crédits de la mission, mais pas l'amendement des rapporteurs.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Nous ne voterons pas les crédits pour deux raisons : la baisse drastique des crédits d'entretien risque de générer, à long terme, d'importants coûts de remise en état. Notre consul à Hong-Kong m'a expliqué que, le niveau des loyers pouvant évoluer rapidement, la location pourrait devenir rapidement plus onéreuse que ne l'était la propriété. Nous vendons un ministère tout en y faisant des travaux : c'est absurde ! Et nous risquons de devoir louer, pour une durée indéterminée, des locaux comparables à proximité de Matignon.

M. Philippe Marini , président . - Une solution pourrait être de supprimer certains ministères !

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Le chiffre que nous avançons sur le jour de carence provient du bleu budgétaire.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - Ce serait un très mauvais signal que de supprimer le jour de carence à un moment où nous demandons des efforts à tous. L'idée d'une contrepartie au gel du point n'a plus de sens cette année. Nous maintenons donc notre amendement, même s'il risque d'être rejeté.

M. Philippe Marini , président . - Point n'est besoin d'espérer pour entreprendre...

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », ainsi que de la mission « Provisions » et du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Après avoir rejeté l'amendement des rapporteurs spéciaux, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter l'article 67, ainsi que l'article 68.

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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2013, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission des finances a confirmé sa décision d'adopter sans modification les crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et « Provisions », les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » ainsi que les articles 67 et 68.

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