EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 19 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, sur la mission « Égalité des territoires et logement » (et articles 52 à 54).

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - La mission « Égalité des territoires et logement » est très importante, à la fois parce qu'elle est au coeur des préoccupations des Français, et parce qu'elle représente 13 milliards d'euros de crédits budgétaires - et presque autant de dépenses fiscales. Le programme 147 « Politique de la ville » a quitté le présent budget pour rejoindre la mission « Politique des territoires » ; ce nouveau changement de maquette est regrettable, même si la création du Commissariat général à l'égalité des territoires est une bonne chose.

Le Gouvernement affiche toujours un objectif de 500 000 nouveaux logements par an, dont 150 000 logements sociaux à l'horizon 2017. Or nous sommes loin du compte avec, en septembre dernier, 391 000 logements autorisés et 301 758 mis en chantier sur les douze derniers mois, soit des baisses respectives de 12,5 % et 11,7 % par rapport aux douze mois précédents, qui creusent encore la tendance observée en 2013. L'Union sociale pour l'habitat (USH) estime que 93 000 logements sociaux ont été financés en 2014 sur les 135 000 prévus - les 15 000 autres se répartissant entre les opérations ANRU et l'outre-mer. La conjoncture demeure très morose pour le secteur de la construction, qui avait perdu 27 000 postes en un an à fin juin 2014.

Bien tardivement, le 29 août 2014, le Gouvernement a annoncé un plan de relance de la construction de logements visant à libérer du foncier, à relancer la construction de logements neufs et la réhabilitation de l'ancien, par des mesures concernant la plus-value immobilière sur les terrains à bâtir ou le prêt à taux zéro (PTZ) ; le dispositif « Pinel » remplace le « Duflot », qui ne fut pas un grand succès.

Le volume des autorisations d'engagement comme des crédits de paiement progresse : ceux-ci passent respectivement de 7,8 à 13,66 milliards d'euros, et de 7,626 à 13,427 milliards d'euros, non en raison d'une flambée de la dépense, mais essentiellement d'un changement de périmètre du financement des aides personnalisées au logement. À périmètre constant : l'augmentation est beaucoup plus faible avec environ 100 millions d'euros. Seront-ils suffisants ? Les dépenses de guichet sont par nature difficilement maîtrisables et très liées à la conjoncture.

La programmation pluriannuelle 2015-2017 prévoit une augmentation des crédits de 111 millions d'euros en 2016, puis une baisse de 158 millions d'euros en 2017, ce qui peut surprendre, au regard des ambitions politiques affichées et de la situation économique du pays. Le Gouvernement les justifie cependant par deux mesures d'économies importantes : un nouveau mode de prise en compte des ressources des allocataires d'aides personnelles au logement, économisant 296 millions d'euros en 2016 et 456 millions d'euros en 2017 ; la suppression des aides personnelles au logement « Accession », censée économiser 91 millions d'euros en 2016 et 156 millions d'euros en 2017.

Au 1 er janvier 2016 devrait pourtant entrer en vigueur la garantie universelle des loyers, dont on ne sait toujours pas ce qu'elle deviendra : même si le Gouvernement a peu communiqué sur la question, il y a lieu de croire qu'elle disparaîtra et sera remplacée par d'autres mesures comme la caution locative pour les étudiants. Si tel n'était pas le cas, la garantie représentant un coût de 400 à 500 millions d'euros, on serait fondé à s'interroger sur la sincérité des comptes...

Malgré des moyens renforcés, avec une augmentation de 4,5 %, soit près de 60 millions d'euros supplémentaires, le budget du programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » sera insuffisant, puisque la dotation prévue de 1,375 milliard d'euros reste inférieure de 21 millions d'euros à l'exécution 2013. En 2014, la situation est pire encore : les 92 millions d'euros de rallonge dans la loi de finance initiale, la réserve de précaution « dégelée » dès septembre, les redéploiements internes n'ont pas suffi : un décret d'avance a ouvert 56 millions d'euros de crédits au début du mois d'octobre au titre de l'hébergement d'urgence. Las ! Le projet de loi de finances rectificative pour 2014 annonce qu'un décret d'avance devrait encore ajuster les crédits aux besoins en hébergement d'urgence. Et l'article 43 du même projet de loi ouvre 43,8 millions d'euros pour les dépenses liées à l'allocation de logement temporaire. Les crédits 2015 sont donc largement insincères. Il manquera probablement plusieurs dizaines de millions d'euros, même si une estimation précise est difficile à établir.

Sur le programme 109 « Aides à l'accès au logement », le financement du Fonds national d'aide au logement (Fnal) est bouleversé par la mise en oeuvre du pacte de responsabilité et de solidarité, qui prive la branche famille de la sécurité sociale d'une partie de ses ressources pour alléger les charges pesant sur les entreprises. Le Gouvernement doit donc, à due concurrence, trouver des moyens de financement. C'est l'occasion d'une clarification bienvenue du financement du Fnal, qui sert principalement deux prestations, l'APL et allocation de logement à caractère social (ALS) ; ces deux aides seront financées essentiellement sur des crédits budgétaires, la troisième, l'allocation de logement à caractère familial (ALF), restant prise en charge par le Fonds national des prestations familiales (FNPF).

Les crédits budgétaires 2015 progressent ainsi de 5,9 milliards d'euros, dont 5,7 milliards d'euros à cause de ce changement de périmètre : 4,75 milliards d'euros pour remplacer les sommes qui provenaient précédemment du budget de la sécurité sociale, 300 millions d'euros pour compenser la baisse de cotisations des entreprises au FNAL pour les salariés touchant entre 1 et 1,6 Smic dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, et 671 millions pour compenser le transfert à la sécurité sociale du produit du prélèvement sur les revenus du patrimoine et les produits de placements.

Les autres ressources du FNAL se résument à 2,55 milliards d'euros au titre des cotisations employeurs et 300 millions d'euros issus de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC). Cette dernière est maintenue au niveau de l'an dernier par l'article 53 rattaché, alors que le Gouvernement s'était engagé vis-à-vis d'Action logement à ne prélever que 150 millions cette année. Ce nouveau changement de pied alimente les interrogations sur l'avenir de la PEEC, dont l'utilisation des moyens échappe de plus en plus aux partenaires sociaux, puisque l'État en dispose en fonction de ses besoins.

Financement du FNAL, financement de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), tout cela se fait au détriment des missions initiales de la PEEC, à savoir l'aide aux salariés pour l'accession à la propriété et les travaux et construction de logements neufs. Les représentants d'Action logement ont estimé à un milliard d'euros sur cinq ans le manque à gagner en retours sur prêts. La ressource est en train de fondre. Le Gouvernement a autorisé Action logement à emprunter un milliard d'euros par an auprès de la CDC sur les fonds d'épargne, remplaçant ainsi une activité générant une recette par de l'emprunt. À l'évidence, le modèle économique de ce que nous appelons encore le « 1 % logement » ne va plus résister très longtemps ; et les rapports avec l'État sont aujourd'hui à la limite de la rupture.

La progression réelle des crédits budgétaires destinés au FNAL n'est donc que de 200 millions d'euros. La question est de savoir s'ils seront suffisants car c'est l'État qui garantit l'équilibre du fond... Or, après un report de crédits d'environ 80 millions d'euros de 2013 sur 2014, le report de 2014 sur 2015 devrait atteindre 200 à 250 millions. La progression des crédits est déjà entièrement consommée ! Il faudrait que la dépense n'augmente pas d'un centime pour que la prévision soit sincère... Elle se fonde sur une stabilisation du chômage. Du reste, les prévisions de recettes issues des cotisations sur les salaires ont toujours été surestimées dans les dernières années.

Le Gouvernement justifie le montant qu'il a arrêté par la faible augmentation tendancielle des loyers et des charges, la progression des ressources de la majorité des allocataires avec la revalorisation du SMIC et du RSA et par le changement de mode de calcul des prestations, mesure d'économie estimée à 68 millions d'euros pour l'État et 19 millions d'euros pour la branche famille pour 2015. Mais ce chiffre intègre aussi la transformation des aides personnelles au logement accordées pour l'accession à la propriété en un mécanisme de sécurisation, au profit des acquéreurs qui subiraient une perte d'au moins 30 % de leurs ressources postérieurement à la signature de l'acte. Il est vrai que l'entrée en vigueur de cette disposition a été décalée à 2016 par l'Assemblée nationale. Mais comment le Gouvernement peut-il prétendre soutenir l'accession sociale à la propriété et dans le même temps supprimer les aides qui solvabilisent les acquéreurs aux revenus les plus faibles ? Si le volume des aides diminue, c'est bien sûr dû à la crise, mais ce n'est pas une raison pour les supprimer. Je vous proposerai d'aller plus loin que les députés et de supprimer l'article 52.

Les autorisations d'engagement du programme 135 « Urbanisme, territoire et amélioration de l'habitat », à 522 millions d'euros, baissent de 9 % et les crédits de paiement, à 289 millions d'euros, de 28 %. Sur les aides à la pierre, les autorisations d'engagement, à 400 millions d'euros, reculent de 11 % par rapport à 2014 et les crédits de paiement, à 160 millions d'euros, de 41 %. Les crédits fondent comme jamais... Manifestement, l'État se désengage de la construction de logements sociaux et les crédits budgétaires ne financent plus que les prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI).

M. Jean Germain . - Cela ne date pas d'aujourd'hui.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - Certes, mais bientôt il ne restera plus de crédits du tout ! C'est que le Gouvernement va au bout de la logique. Pour compenser ces baisses, il prévoit de recourir, comme l'an dernier, à un fonds de concours, issu du fonds de péréquation créé à l'article L. 452-1-1 du code de la construction et de l'habitation et géré par la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). Cette contribution augmente, de 173 millions d'euros cette année à 216 millions d'euros en 2015.

Le soutien de l'activité est certes également porté par les nombreuses dépenses fiscales. Mais ce sont surtout d'autres acteurs qui interviennent : Action logement est autorisé à emprunter 1 milliard d'euros par an auprès du fonds d'épargne de la CDC. Cette dernière, banquier des organismes de logement social, totalisait un encours de 137 milliards d'euros fin 2013, année record avec 16,4 millions de prêts nouveaux. En 2014, ces derniers se situent à 11,3 milliards d'euros fin septembre, la dynamique se poursuit donc ; les bailleurs sociaux ont davantage recours à leurs fonds propres - mais cela aura une fin. L'USH a mis en place un mécanisme de mutualisation entre ses adhérents - convention conclue le 22 août 2014 et approuvée par un arrêté publié le 12 septembre 2014. Les collectivités territoriales participent activement à la construction de logements sociaux, mais la baisse de leurs dotations pèsera inévitablement sur leur politique du logement.

L'Agence nationale de l'habitat (ANAH), opérateur du programme 135, est principalement financée par le produit des mises aux enchères de quotas carbone. Avec un plafond fixé par la loi de 590 millions d'euros, elle n'a perçu que 219 millions d'euros à ce titre pour 2013 et ne devrait pas avoir davantage en 2014. Elle perçoit également des recettes issues des certificats d'économie d'énergie. Enfin, 50 millions d'euros devraient lui être versés par Action logement - il était pourtant prévu que ce transfert cesse à compter de 2013...

L'ANAH devrait disposer des sommes dont elle a besoin en 2015. En revanche, le problème de son financement à long terme n'est pas réglé. En juillet dernier, ayant épuisé ses ressources, elle avait été contrainte de demander aux préfets et aux collectivités territoriales délégataires des aides à la pierre de ne plus traiter que les demandes ultra-prioritaires, celles des ménages les plus modestes dans le cadre de la rénovation énergétique des logements. Est-il raisonnable de financer l'ANAH au moyen d'une ressource aussi fluctuante que la vente des quotas carbone ?

À l'Assemblée nationale, pour rétablir l'équilibre général du budget, le Gouvernement a raboté les crédits de la mission pour aboutir à une diminution nette de 23 millions d'euros en seconde délibération qui tient compte de l'inscription des 7 millions d'euros rendus nécessaires par le rétablissement pour 2015 des aides personnelles au logement « Accession ». Il manque plusieurs centaines de millions d'euros, de 400 à 500 millions d'euros si les besoins du FNAL augmentent. Je vous propose donc de ne pas adopter les crédits de la mission.

M. Michel Bouvard . - Merci d'avoir rappelé comment l'État ponctionne Action logement, qui se trouve dès lors contraint d'emprunter à la Caisse des dépôts et consignations (CDC). C'est un détournement de l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). La logique de consolidation des comptes de l'État est battue en brèche. Déjà, certains opérateurs - les agences de l'eau - ont été autorisés sous le ministère de Jean-Louis Borloo à financer des subventions par des prêts sur fonds d'épargne gagés sur des recettes futures. Ce mécanisme, de pure cavalerie, a finalement suscité des inquiétudes et a été supprimé. Les prêts à Action logement sur fonds d'épargne de la CDC sont autorisés par le ministre de l'économie : tout cela est cousu de fil blanc ! Nous devons être très fermes sur ces questions.

M. Marc Laménie . - Dans les Ardennes, comme ailleurs sans doute, la direction départementale des territoires nous a demandé de soutenir l'opération « Habiter mieux » ; mais rapidement, il n'y a plus eu de crédits. C'est un problème pour les personnes aux revenus modestes, comme pour l'activité économique. Bien des entreprises du bâtiment souffrent de la baisse des aides à la pierre.

Je regrette aussi l'abandon des missions d'assistance technique pour raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT) fournie par l'État : les petites communes sont aussi des donneurs d'ordre en investissement.

M. Jean-Claude Boulard . - Le fonds de péréquation de la CGLLS est un mécanisme choquant, car il repose sur les cotisations de l'ensemble des organismes d'HLM, dont les seules ressources sont les loyers : désormais les locataires, et non plus la solidarité nationale, financeront la construction de logements sociaux ! Jusqu'à présent, les organismes cotisaient selon leur potentiel financier : seuls ceux qui construisaient peu étaient sollicités. C'est une rupture très grave dans les mécanismes de solidarité.

M. Pierre Jarlier . - Je constate une parfaite inadéquation entre moyens et ambitions. Le Gouvernement a eu une politique de communication très forte autour du programme « Habiter mieux », faisant croire à bien des gens qu'ils pourraient résorber leur précarité énergétique - beau programme en soi qui répond à de très fortes attentes, mais dès juillet, les élus ont dû expliquer aux demandeurs qu'ils avaient préparé un dossier en vain. Les rallonges ne suffisent pas, le financement de l'ANAH est en danger. Il faudra trouver mieux : on ne peut pas continuer ainsi. Il est justifié d'avoir réservé les aides aux plus démunis dans cette situation ; mais ne faisons pas dans ce cas de promesses aux autres !

La perte de l'aide à l'ingénierie que constituait l'ATESAT est regrettable pour les petites communes et ce n'est pas aux départements de s'y substituer : le bloc communal doit assumer ses compétences. Évitons une tutelle d'une collectivité sur une autre. Nous avons aussi un rendez-vous en juillet 2015 sur les services instructeurs : toutes les communes de plus de 10 000 habitants ou participant à une intercommunalité comptant une commune de plus de 10 000 habitants devront assumer elles-mêmes la délivrance des permis de construire, ce qui posera un vrai problème financier. Au moment où l'on parle de fusion d'intercommunalités, c'est un frein certain, car les communes ne veulent pas franchir le seuil fatidique !

M. Jean Germain . - La présentation précise et dynamique de Philippe Dallier montre que les objectifs ne sont pas atteints, en matière de logement mais aussi de logement social.

Le logement reste trop cher. Nous sommes néanmoins moins sévères que vous ; il y a des améliorations : le PTZ amélioré, la TVA à 5,5 % pour l'ensemble des quartiers prioritaires de la politique de la ville, les terrains moins taxés, le dispositif « Pinel » améliorant le « Duflot ». Il doit y avoir une corrélation entre l'action de l'État sur le logement et celle des collectivités territoriales ; construire au plus près du terrain nécessite un accord entre l'État, la région, le département, les communes et leurs groupements. Il est impossible de traiter séparément l'action de l'ANRU, les contrats de ville, le logement social, or ces questions sont désormais trop éclatées, nous privant d'une vision globale. Le logement coûte trop cher, y compris le logement social. Il est naturel de vouloir laisser quelque chose à ses enfants. Tout ce qui pénalise l'accession à la propriété des personnes modestes est un problème majeur. Lors de l'examen des amendements, nous montrerons que nous partageons certaines de vos remarques.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Nous examinons une mission importante, avec 13 milliards d'euros de crédits budgétaires, presque autant de dépenses fiscales. Le logement en France est caractérisé par un prix élevé et un parc vieillissant. Il faudra se pencher sur la corrélation que l'INSEE signale entre les loyers élevés et les aides publiques. Quant aux dépenses fiscales, chaque ministre du logement invente un nouveau dispositif qui remplace le précédent avant même, parfois, sa mise en application. Cette politique est illisible : la fiscalité sur la plus-value immobilière change sans cesse. Malgré le régime favorable pour les terrains à bâtir, toute cela est coûteux et apporte très peu de résultats : on n'a jamais aussi peu construit en France. La suppression du dispositif d'accession à la propriété pour les plus modestes à l'article 52 est un très mauvais signal.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Le dispositif est absurde et injuste : après cinq ans, le logement vendu en accession sociale est retiré du décompte des logements sociaux en vertu de l'article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU). Les bailleurs sociaux de ma ville me demandent de mettre en vente des logements sociaux au profit de leurs habitants ; si j'accepte, ces logements sont défalqués du total de nos logements sociaux. Et cela concerne des résidences entières ! Des locataires me font part de leur désir de devenir propriétaires et disent ne pouvoir obtenir de crédit que cette année ; mais le préfet tient son compte et me juge sur un stock, pour lequel ma commune ne répond pas aux exigences alors qu'elle est plutôt bonne élève sur le flux.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - Avec l'emprunt d'1 milliard d'euros à la CDC, Action logement a de moins en moins de moyens et met le doigt dans un engrenage de mauvaise gestion. Cela ne durera pas : ses responsables sont à bout, à force de promesses non tenues. Le programme « Habiter mieux », c'est vrai, est victime de son succès - preuve qu'il répond à un vrai besoin. C'était une mauvaise idée d'asseoir une dépense certaine de l'ANAH sur une ressource aussi volatile que des ventes de quotas carbone. Espérons que les crédits seront au rendez-vous pour répondre aux objectifs fixés en 2015. Je partage votre avis sur l'assistance technique aux petites communes.

L'idée de mettre chacun à contribution pour le fonds de péréquation de la CGLLS était bonne ; mais nous pourrions en effet discuter des critères. Lors de la création de la contribution des bailleurs sociaux par la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (loi MOLLE), nous avions longuement discuté de son montant, afin que les modalités soient justes. Même si je partage votre avis, Monsieur Boulard, il faut bien trouver un financement là où il n'y a plus de crédits budgétaires. Le PTZ intéresse des demandeurs de plus en plus nombreux. Le dispositif « Pinel » remplace avantageusement le « Duflot » qui ne fonctionnait pas : certes, mais une génération coûtera malgré tout 1,7 milliard d'euros.

Les dépenses fiscales ont-elles un effet inflationniste, de même que celui que relève le rapport de l'INSEE pour les aides personnelles au logement ? Je le crois. Le vendeur intègre dans le prix tout avantage, aide ou incitation fiscale. La bonne formule n'est pas facile à trouver. On pourra à nouveau louer à ses ascendants et descendants, ce qui suscitera peut-être un effet d'aubaine excessif. Je proposerai un amendement pour l'éviter.

Je partage entièrement l'avis de Marie-Hélène Des Esgaulx sur l'article 55 de la loi SRU, mais je n'y peux rien : si un bailleur décide de vendre, la commune risque de passer en dessous du seuil SRU, sans que la destination des logements ou la population ait changé. C'est tout le problème de cette comptabilité en stock qui ne prend suffisamment en compte ni la situation des habitants, ni les flux.

Les crédits nécessaires étant sous-estimés de 400 à 500 millions d'euros - excusez du peu, à l'heure où nous nous efforçons de convaincre Bruxelles de la conformité du budget à nos engagements - j'en propose le rejet.

La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement ».

Article 52

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - Je propose de supprimer cet article.

L'amendement de suppression est adopté.

Article 53

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - Cet article prévoit de porter à 300 millions d'euros, au lieu des 150 millions promis, le prélèvement exceptionnel sur la PEEC au bénéfice du Fonds national d'aide au logement (FNAL). Je propose de le supprimer : il est temps que le Gouvernement comprenne qu'il ne peut manquer indéfiniment à sa parole.

M. Daniel Raoul . - Je vous suis pleinement : il n'est pas sain de diminuer l'aide à la pierre au profit de l'aide à la personne car la priorité est de construire. Le rapport de l'INSEE me conforte dans l'idée que les aides personnelles au logement ont un effet inflationniste. La construction de logements est en France 30 % plus cher qu'en Allemagne. Pourquoi ?

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - Il faut « utiliser le marché contre le marché ». Les mécanismes qui solvabilisent les personnes sont pris en compte par les bailleurs et les vendeurs, qui augmentent leurs prix en conséquence. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas de tels dispositifs mais il faut essayer de trouver le moyen de réguler tout ça.

M. Jean-Claude Boulard . - Il est hallucinant d'entendre que les aides personnelles au logement font monter le prix de la construction...

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - Les loyers, en tout cas.

M. Jean-Claude Boulard . - Au-delà d'en parler ici, je me demande lequel d'entre vous irait publiquement dénoncer les aides personnelles au logement dans sa circonscription ! Le coût de la construction baisse actuellement de près de 20 %, sans que les aides personnelles au logement aient été modifiées, parce que les marges étaient auparavant excessives, faute de concurrence suffisante. Des rentes de situation s'étaient formées. Les aides personnelles au logement sont avant tout le financement des logements sociaux.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - Je pense que Daniel Raoul parlait des loyers, non du coût de la construction. La fondation Abbé Pierre elle-même, avec laquelle nous discutons de ces sujets, s'interroge sur l'effet inflationniste de l'aide personnelle au logement. Dans ma commune, en plein coeur de la Seine-Saint-Denis, un deux-pièces de 50 mètres carrés a été loué 2 000 euros à une famille qui bénéficiait à la fois de l'aide personnelle au logement et d'une allocation de 600 euros au titre de ses enfants de moins de trois ans.

M. Jean Germain . - Le coût de la construction et les loyers sont évidemment liés. Partageant certaines objections du rapporteur, nous nous abstiendrons sur cet amendement.

L'amendement de suppression est adopté.

Article 54

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - Je propose d'adopter cet article, car il faut bien trouver l'argent quelque part.

M. Jean-Claude Boulard . - Je déposerai un amendement pour ouvrir un débat public sur le financement de la construction neuve par les loyers des HLM : la taxe n'étant plus modulée en fonction de la situation financière des assujettis, elle est injuste. C'est la première fois dans l'histoire du logement social que le financement de la construction neuve, porté habituellement par le budget général de l'État, est payé par les locataires des logements sociaux. C'est inadmissible !

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 54.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 20 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission, de supprimer les articles 52 et 53 et d'adopter, sans modification, l'article 54.

Page mise à jour le

Partager cette page