LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première délibération, afin de financer le plan « migrants », l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement visant à :

- majorer les crédits du programme 176 « Police nationale » de 22,6 millions d'euros, dont 16 millions d'euros sur le titre 2 ;

- majorer les crédits du programme 152 « Gendarmerie nationale » de 19,9 millions d'euros, dont 12,7 millions d'euros sur le titre 2.

En seconde délibération, afin de respecter la norme de dépenses en valeur de l'État et de mettre en oeuvre les mesures prévues par le protocole relatif à l'avenir de la fonction publique, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement visant à :

- minorer les crédits du programme 176 « Police nationale » de 12,67 millions d'euros, dont 4,67 millions d'euros sur le titre 2 ;

- minorer les crédits du programme 152 « Gendarmerie nationale » de 6,85 millions d'euros, avec une baisse de 7 millions d'euros des crédits hors titre 2 et une hausse de 150 000 euros des crédits de titre 2.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 18 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Dominati, rapporteur spécial, sur les programmes « Gendarmerie nationale » et « Police nationale » de la mission « Sécurités », du rapport de M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial, sur le programme « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » et le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », et du rapport de M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial, sur le programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ».

Mme Michèle André , présidente . - Je salue la présence de nos collègues Alain Gournac et Michel Boutant, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères. Nous examinons à présent le rapport de Philippe Dominati, rapporteur spécial des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ».

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial des programmes « Gendarmerie nationale » et « Police nationale » . - Vendredi dernier, la France a été une nouvelle fois frappée par de sanglantes attaques terroristes. Ma première pensée va aux blessés et aux familles des trop nombreuses victimes. Je salue également le courage et l'efficacité des forces de l'ordre, unanimement reconnus. Ces attaques terroristes bouleversent la hiérarchie des préoccupations de nos concitoyens. Une récente étude de l'Insee a montré que le terrorisme a remplacé la pauvreté à la deuxième place du classement des problèmes qui préoccupent les Français, juste devant la délinquance. Il ne fait aucun doute que les attentats du 13 novembre vont placer le terrorisme à la première place.

Pour les policiers et les gendarmes, cette année 2015 restera exceptionnelle à double titre. La hausse sans précédent de la menace terroriste se traduit par un surcroît d'activité important, d'autant que la France est l'un des pays les plus touchés en Europe par le phénomène des « combattants étrangers » partis en Syrie et en Irak. Les forces de sécurité intérieure sont également confrontées à une crise migratoire de grande ampleur. Si la situation de la France n'a rien de comparable avec celle des pays de première entrée, la sécurisation de certains points de passage et le démantèlement des filières nécessitent une mobilisation exceptionnelle. Pour ne donner qu'un chiffre, 1 125 effectifs mobiles supplémentaires ont été déployés à Calais, en complément des forces locales. Or avant les attaques de vendredi dernier, le Gouvernement n'avait pas tiré toutes les conséquences de ce changement de paradigme.

En effet, le budget que nous examinons est en hausse de seulement 0,9 %, contre 3,5 % en 2009, 2,6 % en 2011 et 2 % en 2013... et alors que le budget de la culture augmente de 4,4 %. Depuis 2012, le Gouvernement a fait le choix idéologique de concentrer l'effort budgétaire sur les créations d'emplois. Le projet de loi de finances prévoit pour l'heure la création de 1 632 postes de policiers et gendarmes, à comparer aux 10 850 postes qui seront créés dans l'enseignement scolaire. Les comparaisons internationales ne témoignent pas d'une sous-dotation des forces de sécurité intérieure de notre pays, bien au contraire. Parmi nos principaux voisins européens, seule l'Italie a des effectifs supérieurs aux nôtres.

Si la menace terroriste, qui pèse de manière asymétrique sur notre pays, justifie un renforcement des effectifs, ces créations de postes masquent une « paupérisation » de nos forces, qui ne disposent plus des moyens en fonctionnement et en investissement nécessaires pour assurer leurs missions. Les moyens de fonctionnement et d'investissement seront en 2016 inférieurs de plus de 330 millions d'euros à ce qu'ils étaient en 2009, pour les mêmes effectifs. La part des dépenses de personnel au sein des deux programmes atteint un niveau critique, 88 %, qui met en danger la capacité opérationnelle des policiers et des gendarmes. Pour maintenir en l'état le parc automobile, il faudrait acheter plus de 6 600 véhicules par an entre 2015 et 2017. Or, le montant alloué à l'achat de véhicules est de 40 millions d'euros, ce qui permettra d'en acquérir seulement 4 000 en 2016. On est loin des mesures d'exception qui avaient été prises en 2009, pour l'achat de 9 000 véhicules. Je regrette que le Gouvernement ne fasse pas preuve de la même réactivité face à la crise sécuritaire que son prédécesseur en 2009 face à la crise financière.

Par conséquent, pour dégager des marges de manoeuvre sur le plan budgétaire, je préconise une rationalisation des tâches et la mutualisation des moyens. Poursuivons la dynamique engagée en 2009 avec le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur.

À titre d'exemple, le traitement des procurations a mobilisé 737 policiers et gendarmes en équivalent temps plein travaillé en 2012. La dématérialisation soulagerait de cette tâche les forces de sécurité. Pourtant, l'inspection générale de l'administration (IGA) indique dans un rapport d'octobre 2014 que le projet de dématérialisation totale lancé en 2013 « paraît enlisé » et même « à l'arrêt ». Depuis 2012, certaines décisions ont aggravé la situation. L'abandon du jour de carence a conduit à une multiplication par 2,5 des congés maladie d'une journée. La réforme du renseignement intérieur a abouti à la création d'un service dédié au sein de la gendarmerie, portant de trois à quatre le nombre total de services.

L'heure, toutefois, n'est pas à la polémique.

Les décisions annoncées après la manifestation de policiers, place Vendôme, témoignent d'une prise de conscience tardive des enjeux liés à la rationalisation et à la mutualisation, avec par exemple un plan interne de simplification des tâches. J'ai bien évidemment pris note des mesures significatives annoncées par le Président de la République après les attentats de vendredi, avec la création de 5 000 postes dans la police et la gendarmerie et la promesse de moyens d'équipement et d'investissement supplémentaires.

Toutefois, nous ne pouvons pas encore nous prononcer sur l'amendement gouvernemental mettant en oeuvre ces annonces, qui sera sans doute déposé pour la séance.

En l'état, je vous propose donc de réserver notre vote sur la mission « Sécurités ».

M. Jean Pierre Vogel , rapporteur spécial du programme « Sécurité civile » . - Je rends moi aussi hommage aux forces de secours - et en particulier à la brigade de sapeurs-pompiers de Paris - dont la mobilisation exceptionnelle a sauvé de nombreuses vies, vendredi dernier comme ce matin.

Le programme « Sécurité civile » ne représente qu'une part minoritaire des moyens consacrés à cette politique publique. Les autorisations d'engagement et les crédits de paiement sont en hausse de respectivement 1,9 % et 0,8 %. S'agissant du titre 2, la volonté de maîtriser les dépenses de personnel est évidente. Sur la période 2012-2016, la baisse cumulée des effectifs devrait ainsi atteindre 4 %. Si ces efforts sont bienvenus, il faut réaffirmer la nécessité de garantir l'adéquation entre les effectifs de la direction générale de la sécurité civile et le périmètre de ses missions. En effet, des inquiétudes ont été exprimées au sujet d'une paupérisation de l'administration centrale, qui ne parviendrait plus à assumer l'ensemble de ses missions. En septembre 2015, les sapeurs-pompiers volontaires ne pouvaient toujours pas bénéficier de l'accès à la formation professionnelle continue, le manque de personnel à la direction générale ayant empêché de formaliser à temps les documents nécessaires.

S'agissant des dépenses de fonctionnement, je m'interroge sur le niveau des dotations prévues pour les produits retardants, les colonnes de renfort et les secours d'extrême urgence. Les crédits prévus diffèrent des consommations réalisées au cours des cinq derniers exercices, ce qui pourrait être le signe d'une sous budgétisation. Un phénomène similaire avait été observé pour le carburant, dont la dotation avait finalement été augmentée de 2 millions d'euros.

Toutefois, ma principale inquiétude concerne les dépenses d'investissement. Leur évolution est inférieure de 4 millions d'euros en crédits de paiement à ce qui était prévu dans la programmation annuelle - et cela avant même que l'Assemblée nationale ne vote en seconde délibération une baisse de 5 millions d'euros des dépenses de fonctionnement et d'investissement du programme. Après analyse, la moitié de cet écart traduit un report de certains projets d'investissement, du fait de la contrainte budgétaire.

Or, ces retards se traduiront à moyen terme par des surcoûts pour la sécurité civile. Le projet de remplacement du réseau national d'alerte (RNA) par le système d'alerte et d'information des populations (SAIP) ne sera achevé dans son premier volet qu'en 2019, ce qui implique de souscrire une prestation d'assistance au déploiement complémentaire, qui s'ajoutera à d'autres surcoûts potentiels liés aux intérêts moratoires et à l'augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Compte tenu de ces difficultés, il est aujourd'hui indispensable de s'engager dans une nouvelle dynamique de mutualisation afin de dégager des marges de manoeuvre budgétaires pour l'ensemble des forces de secours. Les enjeux budgétaires sont estimés à 200 millions d'euros, tant la situation actuelle est sous-optimale. Aujourd'hui, chaque autorité d'emploi dispose de ses propres bases, règles de formation, centres de maintenance et outils de formation ; les appareils sont différents selon les forces. Si des efforts de mutualisation entre la sécurité civile et la gendarmerie ont déjà porté leurs fruits, des obstacles culturels empêchent de tirer pleinement parti des possibilités techniques ouvertes. Surtout, une rationalisation plus ambitieuse impliquerait nécessairement un traitement interministériel de ce dossier.

Un deuxième chantier consisterait à mener une politique ambitieuse de réduction du nombre de centres de traitement des appels d'urgence. Nous n'avons plus les moyens de conserver 500 centres d'appels et 11 numéros d'urgence. De nombreux pays se sont déjà engagés dans cette voie avec succès : la Finlande a réussi entre 2009 et 2015 à diviser par trois le nombre de ses centres d'appels et à faire du 112 le numéro de téléphone unique en cas d'urgence. On ne compte plus en Finlande qu'1,1 centre d'appel pour un million d'habitants, soit huit fois moins qu'en France.

Si le ministère de l'intérieur a récemment affirmé sa volonté d'aller vers une plus grande mutualisation, le ministère de la santé semble pour le moment faire « bande à part » en privilégiant la modernisation de son système d'information. Par ailleurs, il faudra être particulièrement vigilant à ce que les regroupements de plates-formes n'aboutissent pas à des transferts de charges pour les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), comme c'est malheureusement le cas en matière de transport sanitaire. Une rationalisation ambitieuse impliquera nécessairement un traitement interministériel et une forte volonté politique.

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial du programme « Sécurité et éducation routières »  et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » . - Je vais vous parler non pas du terrorisme, mais d'un autre fléau, la mortalité routière. Durant les huit premiers mois de l'année 2015, 2 253 personnes ont été tuées en France métropolitaine, soit une hausse de 4,6 % par rapport à la même période en 2014. Une hausse notable de la mortalité avait déjà été enregistrée sur l'année 2014, soit une augmentation de 3,8 %, par rapport à 2013. Ces résultats sont inquiétants et font douter de l'efficacité de nos dispositifs de sécurité routière. Ils sont d'autant plus inquiétants que le Gouvernement s'est fixé pour objectif de réduire à moins de 2 000 le nombre de personnes tuées sur les routes en 2020.

En 2016, les dépenses inscrites sur le programme « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » diminuent de 4,8 % par rapport à 2015 pour s'établir à 39,45 millions d'euros. La charge financière du « permis à un euro par jour » restera stable à 5,1 millions d'euros, grâce aux faibles taux d'intérêt. L'effort sera accentué avec la création d'un prêt complémentaire de 300 euros, éventuellement cumulable avec les montants des quatre tranches existantes (soit, respectivement, 600, 800, 1 000 et 1 200 euros). L'opération est un succès : 810 758 prêts depuis la mise en oeuvre en septembre 2010. Le montant total des intérêts payés par l'État aux établissements de crédits s'élève à 51,58 millions d'euros.

Par ailleurs, le produit total des amendes de la circulation et du stationnement devrait atteindre 1,68 milliard d'euros en 2016, soit 0,58 % de plus qu'en 2015. Sur cette somme, 1,37 milliard d'euros sont inscrits en dépenses sur le compte d'affectation spéciale (CAS) « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », dit « CAS Radars », soit une baisse de 0,32 % par rapport à 2015. Le Gouvernement prévoit de commander 454 nouveaux radars en 2016. Il s'agit le plus souvent de remplacements, puisque le nombre de dispositifs de contrôle automatisé en service, quant à lui, ne progressera que de 42 unités, soit 4 122 au lieu de 4 080. Le coût total du déploiement est estimé à 28 millions d'euros. Je conduis actuellement un contrôle budgétaire sur la politique d'implantation des radars, et j'émets quelques réserves quant à ces déploiements, en particulier pour les radars vitesses moyennes et les radars chantiers, dont les coûts d'investissement et de fonctionnement sont élevés. Je propose donc un amendement réduisant les dépenses d'investissement de 5,25 millions d'euros, ce qui financera l'installation de 53 nouveaux radars vitesses moyennes au lieu de 107 et de 11 radars chantiers au lieu de 22. Ni les documents budgétaires ni les réponses au questionnaire budgétaire ne permettent en effet de mesurer leur efficacité et termes de sécurité routière.

S'agissant de la gestion du permis à points, j'avais déjà proposé par amendement la suppression des lettres simples pour les retraits ou les restitutions de points. En 2016, il est prévu d'adresser plus de 15,3 millions de ces courriers aux automobilistes, ce qui coûtera 13,1 millions d'euros. Cette dépense est-elle opportune sachant que le ministère de l'intérieur a ouvert le site Internet Télépoints offrant à tout conducteur de consulter le solde de ses points en ligne ? De plus, une ordonnance du 7 octobre 2015 a également prévu la possibilité pour l'intéressé, sur sa demande, d'être informé du retrait de points par voie électronique. Nous devrions pousser le ministère à faire cette économie, qui pourrait être affectée au désendettement de l'État - tandis que mon amendement précédent sur le nombre de radars déployés produirait un gain destiné aux collectivités territoriales pour financer les équipements de sécurité des axes routiers.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - En ce moment difficile, le soutien nécessaire à nos forces de sécurité exclut toute polémique. Il n'est pas pour autant interdit de se poser quelque questions. Il y a en France un policier ou un gendarme pour 248 habitants, ce qui est supérieur au niveau constaté chez tous nos principaux voisins, à l'exception de l'Italie. Cela pose le problème de l'organisation du travail mais surtout de l'équipement des forces. Par exemple, les 1 300 véhicules les plus anciens du parc de la police affichent une moyenne d'âge de 16,9 ans, certaines mairies ont dû fournir des fax à leur brigade de gendarmerie, etc. Bref, il y a un vrai problème d'équipement. On semble considérer qu'un véhicule coûte plus cher qu'un policier ou un gendarme ! Cela pose aussi la question, récurrente, des tâches qui ne relèvent pas, en principe, des forces de sécurité. Le transfert des prisonniers, à présent, est en partie pris en charge par l'administration pénitentiaire, mais de nombreuses autres tâches administratives continuent à occuper la police et la gendarmerie. Est-il prévu de réduire leur part dans l'emploi des forces ?

Je soutiendrai l'amendement du Gouvernement sur les effectifs supplémentaires, mais combien de temps faudra-t-il pour qu'ils soient disponibles ? Entre le recrutement, la formation et l'affectation, cela peut être long. Ne vaudrait-il pas mieux puiser dans la réserve ? Celle-ci est-elle déjà pleinement utilisée ?

M. Alain Gournac , rapporteur pour avis . - Je me suis concentré sur les crédits de la gendarmerie. Ignorant pour le moment les incidences budgétaires des déclarations du Président de la République à Versailles, il m'est difficile de prendre position. La hausse limitée à 0,9 % dans la version actuelle m'inquiète...

M. Roger Karoutchi . - Le Président de la République a indiqué ce matin qu'il était favorable à l'armement des policiers municipaux. Quel retournement ! Il a précisé que les armes pourraient être prises dans les stocks de la police nationale. J'aimerais autant que notre police municipale soit équipée d'armes modernes... Quel en serait le coût, avec une aide de l'État ? Il y a une dizaine d'années, j'ai fait adopter des conventions entre la région Île-de-France et le ministère de l'intérieur, par lesquelles la région s'était engagée à financer certains équipements de police : véhicules, matériel informatique... Elles sont tombées en désuétude car le ministère de l'intérieur a préféré renoncer à cet apport financier des collectivités. Ne faudrait-il pas y revenir ?

M. Philippe Dallier . - Sur le site d'un grand quotidien national, un article détaillait hier les effectifs de la police et de la gendarmerie. Son titre était : « Depuis 2012, les effectifs des forces de l'ordre ont diminué. » Entre 2002 et 2014, les effectifs réels de la police seraient passés de 143 987 ETPT à 143 050 ETPT et ceux de la gendarmerie de 96 213 à 95 195 ; la hausse affichée du plafond d'emplois ne correspondrait pas à l'évolution de la masse salariale. Avez-vous une idée claire des effectifs réels ?

M. Éric Doligé . - Vous avez insisté à juste titre sur une nécessaire mutualisation de l'alerte. Les sapeurs-pompiers, lors de leur congrès récent, l'ont évoquée. Pour l'heure, personne n'en veut et il y a plus d'affichage que d'action. J'avais réuni ici le médecin urgentiste Patrick Pelloux, la direction des hôpitaux, celle des pompiers : ils en sont presque venus aux mains ! La mutualisation entre les Sdis et les départements commence à peine. Pourtant, elle serait très profitable. Quant au transport sanitaire, il est couvert à 80 % par les pompiers : c'est un vrai problème. Il faut un pilote dans l'avion !

M. Marc Laménie . - Ce contexte dramatique nous impose d'être réactifs et efficaces. Vous avez largement évoqué les moyens humains. De nombreux postes restent vacants dans les départements ruraux, jugés peut-être moins attractifs, et où certaines petites brigades sont fermées à l'occasion des restructurations - qui ont certes leur logique. Le renouvellement du parc automobile est une priorité : certaines motos ont plus de 200 000 kilomètres au compteur. L'esprit de corps ne doit pas faire obstacle au travail en commun. Enfin, certaines tâches indues font perdre trop de temps aux policiers et aux gendarmes.

M. Antoine Lefèvre . - Il n'est plus tolérable que les services de santé continuent à faire bande à part. Nous avons réussi à diviser par deux le nombre de régions : tout le monde est rentré dans le rang et la nouvelle organisation sera effective le 1 er janvier. Pour les centres d'alerte, nous n'y arrivons pas, en raison des susceptibilités que vous avez évoquées. La guerre entre les blancs et les rouges devient kafkaïenne : ils occupent parfois des locaux mitoyens... Le ministre de l'intérieur a-t-il fixé un calendrier pour résoudre ce problème ?

M. François Marc . - La mutualisation des moyens et la rationalisation des tâches sont nécessaires, tout comme le renouvellement du parc automobile. Commentant les crédits de la mission, le rapporteur a déclaré que le Gouvernement n'avait « pas pris pleinement la mesure de la gravité de la situation ». Depuis trois ans, dans un contexte d'assainissement des finances publiques, le Gouvernement a donné la priorité à trois missions : justice, sécurité et éducation. La prise de conscience est là depuis le début de la mandature. Les crédits de paiement sont en hausse de 0,9 %, alors que beaucoup d'autres missions voient leur budget diminuer. Qu'aurait-il fallu faire, selon vous ? Comment auriez-vous financé vos projets ?

M. Maurice Vincent . - Je regrette la tonalité polémique de plusieurs propos, y compris dans les observations du rapporteur spécial. Le contexte ne nous autorise pas, même en commission, ce type de débats, qui ne font pas avancer le problème. Vous semblez regretter que le Gouvernement ait choisi de concentrer l'effort budgétaire sur les créations d'emplois. Je ne peux partager ce point de vue. Le fait que seule l'Italie ait davantage de policiers ne me préoccupe guère.

La mutualisation des centres de traitement des appels d'urgence pose problème depuis des années déjà. Cette situation est préoccupante et engendre des gaspillages. Y a-t-il une solution en vue ? Leur nombre pourrait être réduit à condition, dites-vous, de prévenir tout transfert de charges au détriment des SDIS. Pourquoi faut-il protéger ces derniers ?

M. Michel Canevet . - Quel regard portez-vous sur l'évolution du produit des recettes du programme « Sécurité et éducation routière » ? Ce programme pourrait-il être enrichi ? Pour les programmes « Gendarmerie nationale » et « Police nationale », les moyens de fonctionnement seront-ils suffisants ? Les brigades territoriales ont de plus en plus de mal à fonctionner. Le regroupement des bases aériennes ne doit pas conduire au délaissement de certains secteurs. Les Samu louent leurs appareils : quelle est la différence de coût ?

M. Gérard Longuet . - Philippe Dominati évoque l'augmentation du temps de travail, citant à juste titre le rapport que la Cour des comptes a réalisé en 2013 à ce sujet. Dans la police, en particulier parisienne, la durée de travail est-elle une durée réelle ou un simple seuil permettant de basculer plus rapidement dans le régime des heures supplémentaires ? Ce serait bien compréhensible, car cela permettrait d'échapper à la grille indiciaire de la fonction publique. Des réflexions sur ce point avaient été engagées par la majorité précédente.

M. Thierry Carcenac . - Le permis de conduire revêt désormais la forme d'une carte plastifiée. Depuis 2014, le paiement d'un timbre fiscal de 25 euros s'applique pour passer de la forme cartonnée au nouveau format mais, en cas de perte, le nouveau permis est gratuit ! On peut s'attendre à des déclarations de pertes par nos concitoyens...

M. Claude Raynal . - Vous indiquez que nos effectifs de sécurité sont plus nombreux que dans d'autres pays européens et en déduisez qu'ils pourraient être mieux utilisés. Est-ce à dire que la justice allemande, qui compte deux fois plus de fonctionnaires que la nôtre, est inefficace ? Il faut choisir ! Les comparaisons internationales ne doivent pas servir systématiquement à nous fustiger.

L'armement des policiers municipaux avec les stocks d'armes de la police nationale était déjà possible. C'est une solution d'urgence. Comme maire, j'espère que cette situation sera temporaire. Le financement par le conseil régional qu'a évoqué Roger Karoutchi remonte à une époque où la région avait une compétence générale ! Laissons l'État s'occuper de la sécurité.

M. Bernard Lalande . - J'ai été impressionné par la connaissance qu'a Jean Pierre Vogel de la sécurité civile. Président de Sdis, peut-être pourrait-il évoquer la situation du volontariat ? Ne pourrait-on proposer des crédits spéciaux pour dynamiser les équipes de sapeurs-pompiers volontaires, dont le faible coût est assumé par les conseils départementaux et les communes ?

M. Jean-Claude Requier . - Je me réjouis qu'un de vos amendements diminue le nombre de nouveaux radars. Les gendarmes ont mieux à faire !

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - Nous avons des visions très différentes sur les effectifs. Ce budget serait un bon budget dans une année normale. Mais nous sommes frappés par une double crise, terroriste et migratoire, depuis le début de l'année. À plusieurs reprises, le Gouvernement a dû se mobiliser : plan d'urgence contre le terrorisme en janvier, plan migrants en septembre, accueil des syndicats de policiers par le Président de la République après la manifestation place Vendôme, déclaration du Premier ministre sur les caméras piétonnes... On pouvait imaginer, pour 2016, un budget d'exception. La hausse des crédits de paiement n'est pour l'instant que de 0,9 %.

L'augmentation des effectifs est bien nécessaire, mais elle doit être accompagnée de crédits de fonctionnement et d'investissement suffisants. Les frais de personnel atteignent 88 % du total. Les crédits de fonctionnement sont en baisse, ce qui se répercutera comme chaque année sur les budgets d'investissement.

S'agissant des effectifs, je vous confirme des créations d'emplois mentionnées dans la note de présentation. Il ne faut pas confondre schéma d'emplois et plafond d'emplois. La sous-exécution du plafond d'emplois dans la gendarmerie est ancienne mais on continue pourtant de l'augmenter artificiellement en parallèle du schéma d'emplois.

La différence entre le schéma d'emplois et les emplois exécutés résulte d'un dysfonctionnement, qui concerne surtout la gendarmerie, où l'écart atteint 2 %.

Les gendarmes sont régis par un statut militaire. Leur cycle de travail, très souple, devra vraisemblablement être adapté aux normes européennes. Dans la police, les rythmes sont différents. Par exemple, la Cour des comptes avait montré en 2013 que dans certains cycles de travail un rappel au service d'une durée de 5 heures effectué sur des repos légaux crédite le fonctionnaire concerné de 16 heures 20 minutes à récupérer, soit un coefficient multiplicateur qui s'élève de fait à 330 %. C'est pourquoi la masse salariale de nos forces de sécurité est si importante.

J'ai constaté une véritable paupérisation des moyens de nos forces. Sans essence pour les voitures, sans gilets pare-balles, comment nos hommes accompliront-ils leurs missions ? Pourtant, vendredi, le Gouvernement rabotait à l'Assemblée nationale le budget de la police et de la gendarmerie de 20 millions d'euros... Lors d'un déplacement, j'ai vu 13 agents du renseignement territorial se partager une seule connexion Internet ! Sans parler du parc automobile, qui continue de vieillir. Du coup, les collectivités territoriales sont tentées d'investir pour conserver une brigade, ce qui peut contredire la logique de redéploiement. Les rapports avec la justice manquent par ailleurs de fluidité.

Les régions auront un rôle à jouer dans la sécurité, par exemple pour la vidéosurveillance, notamment dans les transports. L'équipement de la police municipale pose problème. Les armes non létales peuvent, dans certaines circonstances, mettre en danger les fonctionnaires. Il est vrai que des stocks d'armes sont disponibles, souvent d'un calibre sous-dimensionné pour la police nationale. Dans le cadre du plan de lutte anti-terroriste, 20 millions d'euros ont été attribués au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), dont 2,4 millions d'euros doivent servir à équiper les polices municipales. Pour l'heure, l'armement de base n'est pas à la hauteur de la menace...

Élu d'un département qui a vécu un massacre, je crois avoir modéré mes propos, qui auraient pu être bien plus acides. Nous avons environ 100 000 gendarmes et 140 000 policiers, dont une partie dépend de la Préfecture de police de Paris. Peut-être pourrions-nous simplifier l'organisation de nos services ? Deux ministres de l'intérieur ont donné des impulsions en ce sens : Nicolas Sarkozy a placé la gendarmerie sous l'autorité du ministre de l'intérieur, et Manuel Valls a prolongé cette dynamique, qui me semble à présent interrompue. Il est anormal, par exemple, qu'un laboratoire scientifique soit créé pour la gendarmerie dans un département où il en existe déjà un pour la police nationale.

Mme Michèle André , présidente . - Lors de votre mission de contrôle, vous aviez souligné la qualité de l'action de nos services de renseignement.

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - En effet, les fonctionnaires y font preuve d'un engagement admirable - ce qui n'empêche pas de s'interroger sur la complexité de l'organisation administrative !

M. Jean Pierre Vogel , rapporteur spécial. - La mutualisation de l'alerte a été abordée dans un rapport de la Cour des comptes de 2011, qui recommandait déjà de rendre obligatoire dans les meilleurs délais la mutualisation des centres de traitement de l'alerte (CTA), car celle-ci dégagerait des économies de plusieurs millions d'euros. À l'occasion du 122 e congrès national des sapeurs-pompiers, le colonel Éric Faure a rappelé que face aux enjeux technologiques, aux menaces et à la contrainte économique, notre pays n'a plus les moyens de conserver une centaine de CTA pour le 18, une centaine de CTA pour le 15 et près de 300 centres pour le 17. Certes, les obstacles culturels au rapprochement sont nombreux. Président d'un Sdis depuis dix-huit ans, j'avais tenté de mutualiser les moyens : impossible ! Cela réclame un traitement interministériel contraignant. Et le personnel craint des suppressions de postes à cette occasion. De fait, pouvons-nous continuer à payer la maintenance de matériels sous-utilisés ? Nous avons 500 CTA !

Toutefois, il faut veiller à ce qu'il n'y ait pas de transfert de charges de l'État vers les Sdis. Le budget de ceux-ci, qui s'élève à près de 4,5 milliards d'euros, repose déjà à 57 % sur les départements. Les litiges sur la refacturation des carences sanitaires montrent bien que cette tentation existe. Dans mon département, j'avais dû émettre un titre de recettes de 150 000 euros sur le Samu. Le préfet a finalement rendu un arbitrage qui a mis fin à la difficulté. Bref, les règles du jeu doivent être claires.

La démographie médicale influe aussi sur l'activité des Sdis, dont l'activité de secours à la personne augmente de façon continue. Une expérimentation devrait être lancée en 2016 dans quelques départements, sur le modèle de la plate-forme parisienne de la préfecture de police, qui regroupe les appels au 17 et au 18 de Paris et des départements 92, 93 et 94 dans la perspective de l'euro 2016. Étrangement, les appels au 15 ne sont pas concernés.

Pour la première fois depuis près d'une décennie, le nombre de volontaires est en hausse. Il faut s'en réjouir. Toutefois, le problème concernant les volontaires porte davantage sur leur disponibilité que sur leur nombre. Le turn over est très important. En la matière, il faut regarder le quantitatif et le qualitatif.

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - Le débat porte davantage sur la sécurité que sur la sécurité routière. Nous reparlerons de manière plus détaillée de la politique de sécurité routière lorsque je vous présenterai mon rapport de contrôle budgétaire sur la politique d'implantation des radars. J'indique que les recettes de la sécurité routière sont constantes et que le permis de conduire plastifié, la simplification et le renouvellement des titres d'identité relèvent de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), dont les crédits émargent à la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Mme Michèle André , présidente . - A la création de l'ANTS, le sujet était très difficile : cela ne s'est pas arrangé depuis...

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - Réservons les crédits de la mission mais adoptons les amendements qui portent sur le compte spécial.

Mme Michèle André , présidente . - Demain, nous devrions recevoir le texte du projet de loi de finances de l'Assemblée nationale, et nous examinerons définitivement les missions lors de notre réunion de commission. Nous ne disposerons sans doute pas de tous les éléments concernant la mission « Sécurités », et devrons reporter l'examen définitif des crédits de cette mission à la semaine prochaine. Le délai limite de dépôt d'amendements est fixé au vendredi 27 novembre à 11 heures.

Nous devrons aussi examiner un décret d'avance qui sera présenté le 23 novembre.

Le vote sur les crédits de la mission « Sécurités » est réservé.

Mme Michèle André , présidente . - Nous en arrivons à l'examen des amendements relatifs au compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

Article additionnel après l'article 63

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - L'amendement n° 1 modifie le code de la route et supprime l'envoi de lettres simples pour informer du retrait et de la restitution des points. En effet, le nombre de points retiré figure déjà sur le procès-verbal de contravention et peut être consulté sur un site internet.

M. Claude Raynal . - Sur le principe je ne vois pas de difficultés, c'est un signal. Mais maintenons la lettre annonçant qu'il ne reste plus aucun point !

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - C'est prévu, je ne remets pas cette règle en cause.

M. Gérard Longuet . - Le rapporteur pourrait-il étudier la possibilité de fractionner le nombre de points perdus - utiliser par exemple des demi-points ? Une vitesse excessive d'un kilomètre heure coûte autant que dix kilomètres heure de plus ! Nous progresserions dans la voie de la sagesse et de la justice.

M. Daniel Raoul . - On pourrait augmenter à 24 le nombre de points, afin d'éviter les fractionnements tout en parvenant au résultat que vous recherchez.

M. Gérard Longuet . - C'est une autre solution.

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - Nous en débattrons lors de la présentation de mon rapport sur l'implantation des radars, où je formulerai des propositions.

L'amendement n° 1 est adopté.

Article 26 (état D)

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - L'amendement n° 2 de conséquence supprime 13,1 millions d'euros du dispositif concerné qui seront réaffectés au désendettement de l'État.

L'amendement n° 2 est adopté.

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - L'amendement n° 3 limite l'installation de nouveaux radars « vitesses moyennes » et « chantiers », dont le coût d'investissement et de fonctionnement est élevé, sans que leur efficacité soit réellement prouvée ; 5,25 millions d'euros seront affectés à la contribution des collectivités territoriales à la sécurité routière.

M. Maurice Vincent . - C'est un mauvais signal ! Voilà le laxisme !

L'amendement n° 3 est adopté.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver sa position sur les crédits de la mission « Sécurités » et de proposer au Sénat l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » ainsi modifiés.

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Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, a décidé de réserver son examen définitif des crédits de la mission « Sécurités », a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » tels que modifiés par ses amendements et a confirmé l'adoption d'un article additionnel après l'article 63 .

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Réunie à nouveau le jeudi 26 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Sécurités » tels que modifiés par l'amendement déposé par le Gouvernement, auquel elle a donné un avis favorable.

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