LE RISQUE ÉCONOMIQUE D'UNE CONCURRENCE QUE NE COUVRENT PAS DES MESURES DE DÉFENSE COMMERCIALE PEU EFFICACES

La France, grâce à ses DOM, est le seul des 28 États de l'Union européenne à produire du sucre de canne. La filière Canne-Sucre-Rhum est une ressource essentielle pour la Réunion, la Martinique et la Guadeloupe ainsi que la Guyane. La canne à sucre représente plus d'un tiers de la surface agricole utile (SAU) des DOM. En termes d'emploi, l'ensemble de la filière Canne-Sucre-Rhum représente près de 40 000 emplois directs, indirects et induits.

Sur les 250 000 tonnes de sucre de canne produites annuellement dans les DOM, 60 % sont destinés au raffinage. Le solde, soit 40 %, représente les sucres spéciaux. 60 % de ces sucres sont destinés aux industries agro-alimentaires et 40 % sont des sucres de bouche.

Ce marché des sucres spéciaux est un « marché de niche » qui, s'il représente moins de 1,5 % du marché européen du sucre, est vital pour les économies des DOM en termes de revenus et d'emplois.

Aujourd'hui, le marché du sucre européen est encadré dans un système de quota qui présente trois volets : une production plafonnée à 13,5 millions de tonnes (incluant les DOM) ; une restriction des volumes exportables ; un encadrement des importations, par contingents et mesures de sauvegarde. Or, à partir de 2017, ces quotas seront supprimés. La libéralisation totale du marché du sucre qui en résultera ne garantira plus aux DOM leur accès au marché de l'UE. Ceux-ci seront donc confrontés à la concurrence européenne et extra européenne, indépendamment des conséquences accords de libre-échange conclus par ailleurs.

Or, pour contrer cette nouvelle donne concurrentielle, la marge d'évolution des conditions de production et de compétitivité des DOM pour les sucres spéciaux est quasi nulle, en particulier du fait de conditions de compétitivité qui les pénalisent.

Plusieurs caractéristiques placent en effet les DOM dans une situation défavorable par rapport à leurs nombreux concurrents actuels et potentiels. D'abord le climat, qui impacte des installations dont les coûts d'entretien sont très élevés et dont les manifestations extrêmes, comme les cyclones, ne sont pas rares.

Ensuite, la superficie cultivable réduite par les contraintes naturelles : outre l'insularité de ces territoires, les exploitations ne sont pas extensibles et le relief accidenté vient encore compliquer la donne. L'augmentation des surfaces cultivées en canne pour augmenter la productivité n'est donc pas une option.

Certes, tous les ALE prévoient des mesures de sauvegarde dans les cas où, après accord sur une réduction ou une élimination de droits de douane sur un produit donné, l'impact des quantités importées est tel qu'il cause un préjudice grave aux producteurs du pays importateur. Dans ce cas, et sous réserve de l'existence de preuves et d'un lien direct entre les importations supplémentaires et le préjudice porté aux producteurs, des mesures de sauvegarde provisoires peuvent être décrétées.

La pratique en est cependant complexe et leurs effets aléatoires. La Commission conduit d'abord une enquête et ne décide qu'après avis des États membres pris à la majorité qualifiée. Si la preuve n'est pas apportée de la justification de la sauvegarde, l'État qui l'a mise en oeuvre devra rembourser l'exportateur.

Un autre dispositif de protection - le mécanisme de stabilisation - mis en place dans le secteur de la banane ne fonctionne pas correctement. Ainsi, en 2013 et 2014, les dépassements avérés des seuils dudit mécanisme pour les bananes péruviennes n'ont entraîné aucune réaction de la Commission et les États membres n'ont été informés du dépassement qu'un mois après les faits, les privant de toute capacité d'anticipation. Aucun système d'information des flux en temps réel n'est en effet disponible. Si les données douanières d'importation de bananes sont disponibles en temps réel sur le site de la Commission, il est impossible aux opérateurs d'en extraire des données significatives sur une période déterminée qui leur permettrait d'effectuer un suivi précis des quantités importées et de réagir en conséquence.

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