ANNEXE 6 : EXTRAITS DE LA JURISPRUDENCE ADMINISTRATIVE

I. LES ORDONNANCES DE SUSPENSION PRONONCÉES DANS LE CADRE D'UNE PROCÉDURE DE RÉFÉRÉ

A. CONCERNANT LES ASSIGNATIONS À RÉSIDENCE

- Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, ordonnance n° 1510839 du 17 décembre 2015

Pour justifier les mesures prises, le ministre de l'intérieur produit une note des services de renseignements selon laquelle M. X a « évolué dans l'environnement d'un individu soupçonné d'être à la tête d'un trafic d'armes entre la France et la Serbie » et « en relation étroite avec deux velléitaires jihadistes susceptibles de commettre une action violente sur le territoire et de se procurer des armes par son intermédiaire ».

Toutefois, en premier lieu, ces éléments sont insuffisamment circonstanciés dans la mesure où ils ne précisent pas la nature des relations existant entre M. X et ces individus ou leur fréquence, une telle information n'étant pas de la nature de celles relevant du secret de l'enquête insusceptibles d'être communiquées au juge administratif. À ce titre, le ministre de l'intérieur renvoie sur M. X, à travers ses écritures, le soin de s'expliquer sur la nature exacte de ses relations avec les trois personnes évoquées, alors qu'il lui appartient de faire état d'éléments suffisamment graves et concordants pour faire naître des raisons sérieuses de penser que le comportement de M. X est susceptible de justifier une atteinte portée à sa liberté d'aller et venir.

- Tribunal administratif de Melun, ordonnance n° 1510316 du 22 décembre 2015

Considérant que si M. X. admet « pratiquer sa foi avec ferveur », porter une barbe et occasionnellement des habits religieux et avoir voulu apprendre l'arabe littéraire et développer son apprentissage du coran auprès de l'institut de langue arabe « Fajr » au Caire, il ressort des pièces du dossier qu'il a séjourné en Egypte en 2012 et 2013 sans dissimulation, s'étant inscrit au consulat général de France et a suivi des cours auprès d'un organisme reconnu internationalement, notamment par l'ONU et l'UNESCO [...] ; qu'enfin le ministre n'a pas été en mesure d'apporter la moindre précision, tant dans ses écritures qu'à l'audience , sur les mentions de la note des services de renseignements selon lesquelles le requérant serait un proche d'une jeune femme qui a rejoint la Syrie et aurait déclaré à son retour d'Égypte s'être rendu en Syrie , alors qu'il ressort des pièces du dossier et des propos tenus à l'audience que M. X. nie formellement connaitre Mme Z. et avoir déclaré s'être rendu en Syrie, indiquant à cet égard ne jamais avoir été interrogé par la police.

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en l'état du dossier , les seuls indices produits devant le juge des référés par le ministre de l'intérieur, qui ont été sérieusement contestés au cours de l'instruction, ne constituent pas des éléments suffisamment précis et circonstanciés pour laisser à penser que le comportement de M. X. constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ; que la mesure d'assignation à résidence prise à l'encontre du requérant doit dès lors être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme étant de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir de l'intéressé ; qu'il y a lieu, sans qu'il soit besoin de statuer sur les conclusions et moyens relatifs à un aménagement des horaires et aux dispositions à prendre pour assurer sa subsistance, d'ordonner la suspension de l'arrêté contesté.

- Tribunal administratif de Lille, ordonnance n° 1510268 du 22 décembre 2015

(...) Il y est également constaté que « la chambre de l'intéressé comprenait plusieurs amulettes islamiques, ses conversations facebook incluent des rappels à la morale religieuse constants et des référents rigoristes » (...) qu'à l'issue de la perquisition, « l'intéressé effectuait à pied le tour du pâté de maison pour vérifier (sic) qu'il n'était pas suivi, traduisant une attitude rompue aux techniques de surveillance (propre aux milieux délinquants, criminelles et terroristes ». (...)

Toutefois, ces éléments sont peu circonstanciés et le requérant les conteste point par point.

(...) Il nie avoir tenu des propos qualifiés de « rappels à la religion », sur son compte Facebook et demande que le procès-verbal de la perquisition lui soit communiqué pour qu'il puisse avoir une idée de ce qu'on lui reproche. (...)

S'agissant de son comportement à l'issue de la perquisition administrative du 18 novembre 2015, M. X. précise que celle-ci a eu lieu à 4h20 du matin et a duré plusieurs heures. À l'issue de la perquisition, au cours de laquelle les forces de l'ordre ont saisi un marteau-piqueur en sa possession, il est sortir dans la rue pour fumer une cigarette, a remonté la rue puis est retourné chez lui. Le fait qu'il se soit retourné à plusieurs reprises s'explique par ce qu'il venait de vivre . (...)

Au regard de ces éléments, la mesure d'assignation à résidence prise par le ministre à l'encontre de l'intéressé par décision du 16 décembre 2015 doit être regardée, en l'état de l'instruction, compte tenu des informations données au juge des référés par le ministre de l'intérieur, comme étant de nature à porter atteinte de manière grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir de l'intéressé.

- Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, ordonnance n° 1600238 du 15 janvier 2016

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le ministre s'est fondé sur une note blanche des services de renseignement qui peut être utilisée comme élément de preuve pour autant qu'elle soit suffisamment circonstanciée et précise ; que la note blanche produite par le ministre comporte les mêmes énonciations que celle de l'arrêté, lesquelles s'agissant du premier motif ne précise aucun élément de fait ; qu'en réponse à un supplément d'instruction destiné à connaitre la nature de la relation alléguée avec les groupuscules Ansar Al Charia et la fréquence des contacts que pourrait entretenir le requérant avec cette organisation, le ministre de l'intérieur n'a pas fourni d'explication supplémentaire autres que l'implantation essentiellement tunisienne de cette organisation terroriste et de ce que M. X. a effectué en Tunisie un séjour de deux semaines au printemps 2014 ; que le requérant, de nationalité tunisienne, qui admet avoir séjourné dans son pays d'origine pour des vacances familiales conteste toute appartenance à un groupe terroriste ; que le ministre n'allègue pas qu'il serait dans l'impossibilité de faire état des précisions demandées dans le cas précis de M. X. au regard des contraintes liées à l'activité des services de renseignement qu'il évoque de façon générale dans ses écritures ;

Considérant qu'en soutenant que le CD Rom ne contenait que des chants religieux sans propagande djihadiste, le requérant ne conteste pas utilement les énonciations précises de la note blanche sur le contenu de ce CD Rom ; que toutefois, en se fondant sur ce seul fait, le ministre de l'intérieur ne pouvait retenir à l'encontre de M. X. des liens avec la mouvance jihadiste ; que, par suite, en l'état de l'instruction, le ministre de l'intérieur ne pouvait légalement considérer que ce seul élément caractérisait suffisamment l'existence d'un raison sérieuse donnant à penser que le comportement de M. X. constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ;

Considérant qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, la mesure d'assignation à résidence prise par le ministre de l'intérieur à l'encontre de M. X. par l'arrêté du 17 décembre 2015, doit être regardée, en l'état de l'instruction, comme étant de nature à porter atteinte de manière grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir de l'intéressé ; qu'il en résulte, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen, que l'arrêté du ministre de l'intérieur du 17 décembre 2015 doit être suspendu.

- Tribunal administratif d'Orléans, ordonnance n° 1504254 du 15 janvier 2016

M. X soutient [qu'il a] certes discuté avec M. X, comme d'autres fidèles qui n'ont pour autant pas été inquiétés, au cours d'échanges périodiques qui ne dépassaient pas le cadre de la mosquée, mais il ignorait tout de ses activités ;

(...) fait valoir qu'il n'y a aucune garantie d'authenticité concernant les notes blanches produites, dont l'une est d'ailleurs postérieure à l'arrêté en litige ; qu'aucune précision n'est apportée par le ministre de l'intérieur concernant la réalité et la nature des relations que M. X aurait entretenues avec M. M et M. C, ni sur l'époque à laquelle de telles relations auraient existé ;

À l'issue de l'audience, le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 14 janvier 2016 à 14 heures et a invité la représentante du ministre de l'intérieur à produire , d'une part, l'arrêté d'expulsion pris à l'encontre de M. Z, d'autre part, toute précision qu'il jugera utile concernant les relations entretenues par M. X avec M. M et M. C.

Le 13 janvier 2016, le ministre de l'intérieur a produit l'arrêté d'expulsion pris à l'encontre de M. Z.

(...) Considérant, d'autre part, que le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont l'arrêté du 4 décembre 2015 en litige serait entaché est, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de cet arrêté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X. est fondé à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du 4 décembre 2015 en litige jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête n° 1504253 tendant à l'annulation de cet arrêté (...)

- Tribunal administratif de Rouen, ordonnance n° 1600136 du 20 janvier 2016

Considérant (...) qu'au contraire, l'ensemble des témoignages et attestations produits laisse apparaître une amélioration significative de l'état de santé et des gages d'insertion présentés par M. X ; que le ministre, qui ne conteste pas la réalité de cette évolution favorable, ne fait pas valoir, par des éléments tangibles, que l'intéressé aurait dissimulé sa situation et ses intentions réels ; que même dans le contexte d'insécurité ayant donné lieu à la déclaration de l'état d'urgence, l'autorité administrative, qui ne peut être regardé comme ayant opéré, dans les circonstances de l'espèce, une conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l'ordre public, a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale d'aller et venir du requérant ;

- Tribunal administratif de Nantes, ordonnance n° 1600385 du 21 janvier 2016

Considérant qu'il appartient au juge administratif, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction sur les points en litige ; qu'au cours et à l'issue de l'audience publique du 19 janvier 2016 puis, au bénéfice d'un nouveau report de la clôture de l'instruction, par une mesure d'instruction écrite du 20 janvier 2016, le ministre de l'intérieur a été invité à qualifier précisément le type de comportement ou de menace pour la sécurité et l'ordre publics que la décision critiquée visait à prévenir ; que le juge des référés a également invité le ministre de l'intérieur à apporter au Tribunal toute précision qu'il jugerait utile et possible de lui soumettre pour lui permettre d'appréhender les faits de l'espèce , notamment en exposant en quoi l'association créée par la requérante pouvait être dite « d'obédience salafiste », en explicitant les conditions dans lesquelles l'intéressée était « apparue en relation » avec des sympathisantes de la mouvance radicale et en confirmant ou en explicitant l'affirmation, formellement contestée par la requérante, selon laquelle celle-ci était « intégralement voilée » ;

Considérant qu'en l'état du dossier et alors qu'il n'a pas été donné suite aux mesures d'instruction évoquées ci-dessus , l'imprécision tant des éléments de fait retenus par la décision attaquée que de ceux avancés pour en justifier le bien-fondé ne permet pas au juge des référés, chargé de s'assurer que cette mesure est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu'elle poursuit , d'apprécier l'existence de raisons sérieuses de penser que le comportement de Mme A., qui a d'ailleurs été autorisée à effectuer un séjour d'agrément de deux jours en région parisienne au début de l'année 2016, constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ; que, dans ces conditions, l'assignation à résidence de Mme A. doit être regardée comme portant une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir de l'intéressée ;

- Conseil d'État, ordonnance n° 396116 du 22 janvier 2016

Considérant que l'arrêté dont la suspension est demandée est motivé par le fait que M. B. appartient à la mouvance islamiste radicale , qu'il a été signalé le 13 mai 2015 aux abords du domicile d'une personnalité faisant l'objet d'une protection particulière alors qu'il prenait des photos dudit domicile et du dispositif policier mis en place et qu'il a été mis en cause dans une affaire de trafic de véhicules de luxe, animé par des acteurs de la mouvance islamiste radicale ;

Considérant toutefois qu'il ressort de l'instruction, et notamment des débats au cours des deux audiences tenues les 19 et 21 janvier par le juge des référés du Conseil d'État ainsi que des suppléments d'instruction qu'il a ordonnés à deux reprises, que M. B... a pu justifier de manière cohérente et circonstanciée sa présence aux abords du domicile de la personnalité en question par une visite rendue à sa mère, qui habite à proximité immédiate ; qu'il apparaît, au vu des explications fournies par le requérant aux audiences, que sa position a pu être confondue avec celle d'une personne prenant des photographies, alors qu'il utilisait son téléphone portable en mode « haut-parleur » tenu face au visage afin de pouvoir conserver son casque sur la tête pendant l'arrêt de son scooter à 3 roues pour appeler son épouse qui devait le rejoindre pour se rendre à Paris ; que M. B...a pu établir la réalité de ces appels à l'heure à laquelle il a été observé à proximité du domicile de ladite personnalité ; qu'aucun élément suffisamment circonstancié produit par le ministre de l'intérieur ne permet de justifier que M. B. appartiendrait à la mouvance islamiste radicale ; que s'agissant de sa mise en cause dans une affaire de trafic de véhicules en 2008, il résulte de l'instruction qu'il a en réalité été entendu comme simple témoin , lui-même se disant victime, sans que le ministre ne l'ait contesté à l'audience, et qu'en outre aucun élément produit par le ministre n'a permis d'accréditer, en ce qui concerne ce trafic, l'existence d'un contexte d'islamisme radical ; que, dans ces circonstances, eu égard à l'ensemble des éléments recueillis au cours des échanges écrits et oraux, il apparaît, en l'état de l'instruction, qu'en prononçant l'assignation à résidence de M. B. au motif qu'il existait de sérieuses raisons de penser que son comportement constitue une menace grave pour la sécurité et l'ordre publics, le ministre de l'intérieur a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir ;

-Tribunal administratif de Toulouse, ordonnances n° 1600329 et n° 1600330 du 25 janvier 2016

Considérant que les mesures d'assignation à résidence contestées sont motivées par le fait que Mme X et M. Y font figure de membres historiques de la communauté salafiste d'Artigat, qu'ils sont restés fidèles au cheik M. Z, (...) ; que s'il est constant que les intéressés se sont installés en 1991 au lieu-dit à Artigat et entretenaient alors des relations avec M. Z , alias le « cheikh blanc », ils soutiennent cependant avoir rompu tout contact avec ce dernier depuis 12 ans, être en désaccord avec lui, désapprouver le recours à la violence et n'entretenir aucune relation avec des individus prônant le jihad, y participant ou le soutenant et que leur gendre ne se rend à Artigat que pour visiter sa famille ; qu'ils ont étayé leurs allégations de manière circonstanciée et concordante à l'audience alors d'ailleurs que les décisions contestées ne font état d'aucun élément de fait précis sur leurs activités actuelles de nature à établir que leur comportement , à la date desdites décisions, serait susceptible de constituer une menace grave pour l'ordre et la sécurité publique ; qu'ainsi, il apparaît en l'état de l'instruction qu'en prononçant l'assignation à résidence des intéressés au motif qu'il existait de sérieuses raisons de penser que leur comportement constitue une menace grave pour la sécurité et l'ordre publics, le ministre de l'intérieur a porté une atteinte grave et manifestement illégale à leur liberté d'aller et de venir ;

B. CONCERNANT LES AUTRES MESURES ADMINISTRATIVES

- Tribunal administratif de Nice n° 1504743 du 3 décembre 2015

Il résulte de l'instruction que la décision interdisant la fréquentation des lieux de culte musulman sur les communes de Cannes et de Grasse à M. X., repose en premier lieu sur la circonstance que ce dernier aurait tenté de déstabiliser par des discours intégristes la salle de prière de Grasse et la mosquée du Puy en Velay. S'agissant de cette dernière, le préfet ne produit qu'une « note blanche » aux énonciations générales alors que des explications circonstanciées ont été données à l'audience dont il résulte que des discussions internes à la mosquée et de graves ennuis de santé de M. X. ont conduit ce dernier à une rupture conventionnelle. De même pour ce qui est du licenciement de M. X. de son poste d'iman d'une salle de prière de Grasse, il ne ressort pas du jugement du 27 août 2015 du conseil de prud'hommes de Grasse que cette rupture révèlerait un indice d'une attitude radicale de M. X. dans sa pratique professionnelle.

L'autorité administrative se fonde en second lieu sur la rencontre en août 2015 d'un islam salafiste avec M. X. Il résulte de l'instruction que ce dernier n'avait pas été invité par le requérant mais nouait également contact avec d'autres lieux de culte sur la Côte d'Azur.

En troisième lieu, s'il est avéré que M. X. a employé en public après les attentats de janvier 2015 une formule dont le caractère ambigu est regrettable, il condamne simultanément de façon claire lesdits attentats .

Il résulte de ce qui précède que les faits reprochés à M. X. soit ne sont pas suffisamment établis au vu du dossier, soit ne peuvent, sans erreur manifeste d'appréciation, constituer l'indice d'une radicalisation de l'intéressé pouvant laisser craindre une menace pour l'ordre public , alors d'ailleurs que ce dernier est un membre actif de l'association multiconfessionnelle « Vivre ensemble » et produit de nombreuses attestations de personnalités de diverses confessions en sa faveur . L'arrêté susvisé du 24 novembre 2015 est dès lors entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation.

- Tribunal administratif de Nice n° 1504932 du 18 décembre 2015

Il résulte de tout ce qui précède, alors que les liens entre son gérant et la mouvance radicale et/ou des activités criminelles ou délictuelles, d'une part, et l'existence vraisemblable en son sein d'une activité de propagande et de prosélytisme en faveur de l'islamisme radical, d'autre part, ne sont pas ou pas suffisamment caractérisés, qu'aucun élément précis et circonstancié constituant des indices suffisants donnant à penser que l'activité de l'établissement « Must Kebab » représente, par elle-même, une menace grave pour l'ordre et la sécurité publics ne résulte de l'instruction . Ainsi, à la date de la présente ordonnance et en l'état de l'instruction menée devant le juge des référés, il apparaît, même en tenant compte de la situation créée par les attentats perpétrés à Paris le 13 novembre 2015 et requérant, en particulier au vu du contexte local caractérisant les Alpes-Maritimes, de prendre des mesures pour parer à la menace terroriste, notamment en empêchant le départ en Syrie de personnes « radicalisées » pour y effectuer le   jihad », et plus généralement pour préserver la sécurité et l'ordre publics, qu'en prononçant la fermeture provisoire du restaurant exploité par M. X. pour les motifs sus-évoqués, le préfet des Alpes-Maritimes a commis une erreur dans l'appréciation de la menace que constitue l'activité dudit lieu pour la sécurité et l'ordre publics et, ce faisant, ne peut être regardé comme ayant opéré la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l'ordre public. Par suite, en prenant une telle mesure, l'autorité de police a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'entreprendre du requérant .

- Tribunal administratif de Grenoble n° 1507833 du 11 janvier 2016

Considérant qu'invité à produire après l'audience des éléments circonstanciés de nature à accréditer l'existence d'une menace pour l'ordre public liée au fonctionnement et à la fréquentation de l'établissement , le préfet n'a communiqué qu'une note non datée rédigée en termes généraux n'apportant pas de précisions significatives aux faits invoqués dans son mémoire en défense ; que s'il y invoque en particulier le fait qu'un des clients du Bosna Market a été interpellé à la frontière entre la Croatie et la Slovénie en possession d'armes de guerre et, plus généralement l'existence probable d'une collusion entre réseaux criminels et filières djihadistes dans l'agglomération annécienne, ces éléments ne permettent pas d'accréditer l'existence d'une menace liée au fonctionnement de l'établissement ;

Considérant en revanche que les requérantes ont versé au dossier le compte rendu de la perquisition administrative dont il ressort que les deux étrangers en situation irrégulière n'ont fait l'objet d'autre procédure que leur prise en charge par la police aux frontières en vue de leur éloignement ; que, s'agissant des transferts financiers supposés, ce même document ne mentionne que la saisie d'un carnet délivré par une association culturelle bosniaque qui, d'après le service départemental du renseignement territorial (SRDT), « pourrait avoir un lien avec les mouvements radicaux modérés » et à qui le compagnon de Mme X. aurait fait un don de 150 euros ; qu'enfin ce rapport mentionne que « les recherches approfondies menées dans l'ensemble des pièces du restaurant et le véhicule n'ont amené la découverte d'aucun élément susceptible de rattacher Mme X. ou son conjoint à une quelconque entreprise terroriste ou à un mouvement extrémiste connu » et qu' « aucun document tombant sous le coup de la loi n'était découvert » ;

Considérant dans ces conditions et alors que les manquements aux règles d'hygiène ne sont pas au nombre des motifs pouvant justifier une fermeture administrative sur le fondement des dispositions de l'article 8 de la loi du 3 avril 1955, le moyen tiré de l'existence de l'erreur d'appréciation commise par le préfet de la Haute-Savoie en mettant en oeuvre le pouvoir qu'il tient de ces dispositions est, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 9 décembre 2015 (...)

II. LES ORDONNANCES PORTANT INJONCTION DE MODIFICATION DES ASSIGNATIONS À RÉSIDENCE

- Conseil d'État, ordonnance n° 395622 du 6 janvier 2016

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme C... élève seule les trois enfants qu'elle a eus avec M. A...et qui sont nés en France en 2009, 2012 et 2014 ; (...) ; que l'arrêté du 22 novembre 2015 fixe à trois fois par jour (9 h, 14 h et 19 h), soit le maximum prévu par l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 modifié, l'obligation de se présenter aux services du commissariat d'Arpajon qui est situé à 10 kilomètres de Brétigny-sur-Orge où réside Mme C . alors que cette commune de 25 000 habitants abrite un poste de police ouvert, en principe, du lundi au vendredi de 8 h 30 à 12 h et de 14 h à 18 h 30 ; qu'il ressort des pièces produites par la requérante, en particulier de l'attestation de sa voisine qui indique garder, dans la mesure du possible, ses trois enfants en fin d'après-midi ainsi que des éléments recueillis au cours de l'audience publique , que l'exécution de cette obligation fait peser de très fortes contraintes sur Mme C. et ses trois enfants ; que ne disposant pas d'un véhicule personnel, elle est en effet tenue d'effectuer, trois fois par jour, le trajet aller-retour de Brétigny-sur-Orge à Arpajon en empruntant un bus de son domicile à la gare puis le train jusqu'à Arpajon ; que la nécessité de devoir accompagner deux de ses enfants à l'école le matin avant de rejoindre Arpajon la conduit parfois à se présenter avec quelque retard dont il lui est fait reproche ; (...) qu'il en est de même s'agissant des week-end et jours fériés durant lesquels, faute de liaison par bus, elle doit se rendre à pied à la gare, au terme d'un trajet de 45 minutes ; qu'en tout état de cause, elle ne regagne jamais son domicile avant 19 h 45 ; que, dans ces conditions, il apparaît que le respect de ces obligations de présentation fait peser, tant en raison de la localisation à Arpajon du lieu des convocations, du nombre de celles-ci par jour que des horaires fixés, des contraintes excessivement lourdes sur Mme C. quant à l'organisation de sa vie de famille que ne justifient manifestement pas les motifs ayant conduit à décider de son assignation à résidence ; que, dans cette mesure, les modalités de l'assignation à résidence telles qu'elles étaient déterminées par l'arrêté du 22 novembre 2015 portent une atteinte grave et manifestement illégale au droit de Mme C...au respect de sa vie familiale ainsi qu'à l'intérêt supérieur de ses enfants auquel une attention primordiale doit être accordée en vertu de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ; que, toutefois, par un arrêté du 6 janvier 2016 pris au vu des éléments échangés au cours de l'audience publique, le ministre de l'intérieur a modifié l'article 2 de l'arrêté du 22 novembre 2015 afin de déterminer de nouvelles modalités de l'assignation à résidence de Mme C. ; que le nombre des obligations de présentation est ramené à deux par jour ; que la requérante devra désormais se présenter du lundi au vendredi au poste de police de Brétigny-sur-Orge ; que les conclusions de la requête sur ce dernier point sont donc devenues sans objet ; que, néanmoins, l'arrêté modificatif prévoit qu'en cas de fermeture exceptionnelle de ce poste de police dans la semaine ainsi que les samedi et dimanche, Mme C...continuera de devoir se présenter au commissariat d'Arpajon ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur, afin de faire cesser les atteintes constatées aux libertés fondamentales de Mme C., de prendre, sans délai, toute mesure de nature à permettre, par tous moyens, à l'intéressée de s'acquitter dans tous les cas et tous les jours de ses obligations de présentation dans la commune de Brétigny-sur-Orge (...)

- Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, ordonnance n °1510561 du 15 décembre 2015

Considérant que, par l'arrêté du 7 décembre 2015 dont il est demandé en référé de suspendre les effets, le ministre de l'intérieur a astreint M. X à résider sur le territoire de la commune de Montrouge et du 18 e arrondissement (...)

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et des observations présentées à l'audience que M. X., s'il est amené à exercer des missions ponctuelles de gardiennage d'immeubles pour un syndic de copropriété dont le siège social est situé dans le 18 e arrondissement de Paris, ne travaille pas à cet endroit mais est appelé à intervenir dans des immeubles situés en région Ile de France, au gré des mission qui lui sont confiées ; que l'assignation à résidence de M. X dans le 18 e arrondissement et l'obligation qui lui est faite de se présenter trois fois par jour au commissariat du territoire de cette commune, n'est pas autrement justifiée par le ministre de l'intérieur ; que le moyen tiré de l'erreur de droit , à l'exclusion de tout autre, est de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse (...)

- Tribunal administratif de Paris, ordonnance n° 1520961 du 26 décembre 2015

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en se fondant sur le fait concernant l'environnement familial du requérant, et sur ce seul fait, le ministre de l'intérieur ne s'est pas fondé sur un fait matériellement inexact ; (...) que toutefois, le requérant justifie par des différentes pièces produites au dossier, pièces non contestées par le ministre de l'intérieur, qu'il exerce régulièrement une activité professionnelle afin de subvenir au besoin de sa famille ; qu'il est par ailleurs atteint d'une pathologie récurrente et que son épouse ait actuellement enceinte ; qu'ainsi la mesure en litige porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la liberté et à la sûreté et à la liberté d'aller et venir de M. X ; qu'il convient donc d'enjoindre le ministre de l'intérieur de modifier les conditions de l'assignation à résidence du requérant

III. LES JUGEMENTS EN EXCÈS DE POUVOIR DES ASSIGNATIONS À RÉSIDENCE

- Tribunal administratif de Poitiers n° 1502827 du 27 décembre 2015

Considérant, en second lieu, que la signature d'une pétition contre l'expulsion d'A. est ainsi qu'il vient d'être dit, reconnue, que le changement de comportement alimentaire, vestimentaire et social, ainsi que les relations entretenus avec des personnes présentées comme appartenant à la mouvance islamique radicale ne sont pas contestés, notamment par la production d'attestations ou de témoignages ; que la note blanche concernant M. X indique l'accomplissement du pèlerinage à La Mecque en 2015, outre une suspicion de suivi d'un enseignement du Coran en Égypte ; que toutefois, le ministre de l'intérieur ne pouvait, en se fondant sur ces seules circonstances, retenir une radicalisation de M. X constituant une activité qui s'avère dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics (...)

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