Rapport général n° 163 (2021-2022) de Mme Isabelle BRIQUET , fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 novembre 2021

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N° 163

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2021

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 2

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L'ÉTAT

Rapporteure spéciale : Mme Isabelle BRIQUET

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 4482 , 4502 , 4524 , 4525, 4526 , 4527 , 4597 , 4598 , 4601 , 4614 et T.A. 687

Sénat : 162 et 163 à 169 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

La mission « Administration générale et territoriale de l'État » retrace les crédits affectés à l'action territoriale de l'État, à la vie politique, culturelle et associative et au pilotage des principales politiques du ministère de l'intérieur . Pour 2022, les crédits de la mission seront en hausse, en partie du fait des élections présidentielle et législatives.

I. L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT FACE À DES RÉFORMES DE GRANDE AMPLEUR

A. LES LIMITES DU PLAN PRÉFECTURE NOUVELLE GÉNÉRATION ONT RAPIDEMENT ÉTÉ ATTEINTES

Le plan « Préfecture nouvelle génération » (PPNG) visait deux objectifs, à savoir mettre en oeuvre la dématérialisation des titres et, en mobilisant les effectifs déchargés par cette dématérialisation, renforcer certaines missions prioritaires : la sécurité et l'ordre public, la coordination des politiques publiques, le renforcement des moyens du contrôle de la légalité et la lutte contre la fraude documentaire. Le plan PNG devait également permettre la suppression de 1 300 ETP entre 2016 et 2018. La dématérialisation des demandes de titres s'est ainsi traduite par la fermeture des guichets d'accueil dans les préfectures et par l'ouverture de 58 centres d'expertise et de ressources titres (CERT).

Répartition géographique des différents CERT

Source : ministère de l'Intérieur

D'après les auditions menées par la rapporteure spéciale, les CERT ne disposent pas des effectifs nécessaires pour faire face aux variations d'activité. Surtout, les chiffres communiqués par le ministère de l'Intérieur témoignent d'une mobilisation très élevée des contractuels pour accompagner la réforme . Si le nombre de contractuels mobilisés a diminué depuis 2018, pour atteindre le niveau toujours très significatif de 22 % des effectifs totaux, ils ont représenté, au moment de la mise en place des CERT, jusqu'à 58 % des effectifs pour les CERT certificat d'immatriculation des véhicules (carte grise).

Comme le soulignait la Cour des comptes dans son rapport public annuel de février 2020, « il est difficile d'admettre que des situations précaires de ce type puissent perdurer au sein du service public, au-delà des périodes de transition pour lesquelles ces concours étaient justifiés ».

Plus largement, les objectifs du plan PNG en matière de renforcement des missions prioritaires n'ont pas été atteints . La rapporteure spéciale considère en particulier qu'il est indispensable de renforcer les moyens du contrôle de légalité, qui constitue à la fois une garantie pour l'État, assuré du respect de la loi sur l'ensemble du territoire, et pour les élus locaux, confiants sur la sécurité juridique de leurs actes. Les objectifs n'ont, sur ce point, aucunement été remplis et il apparait indispensable de redoubler d'ambition. Le « repyramidage » des emplois, qui consiste à diminuer la part relative des emplois les moins qualifiés (catégorie C) au profit des emplois les plus qualifiés (catégorie A) ne saurait suffire à combler les pertes d'effectifs massives de certains services de l'État déconcentré.

B. LA RÉFORME DE L'ORGANISATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT, UN CHANTIER POURSUIVI DANS LE CONTEXTE DE CRISE SANITAIRE

La réforme de l'organisation territoriale de l'État (OTE), définie par la circulaire du Premier ministre du 12 juin 2019, vient, dans la lignée des objectifs fixés par la circulaire du 24 juillet 2018 sur l'organisation territoriale des services publics, fixer le cadre d'importantes mutations pour la mission , entamées dès la loi de finances initiale pour 2020. Si les principales échéances ont été retardées dans le contexte de crise sanitaire, la réforme de l'OTE a bel et bien été déployée, en particulier depuis le début de l'année 2021.

Les principaux objectifs de la réforme de l'OTE

- la clarification de la répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales. Elle doit en particulier conduire à une redéfinition du rôle de l'État dans le développement économique, au renforcement du rôle des régions en matière culturelle et de celui des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en matière d'urbanisme. Afin de favoriser une prise en charge plus large de la jeunesse, les missions relatives à la jeunesse et au sport ont été transférées aux services de l'éducation nationale ;

- la réorganisation des services déconcentrés, notamment via la création des secrétariats généraux communs (SGC) et des directions de l'emploi, du travail et des solidarités (DETS), nées de la fusion des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) et des compétences cohésion sociale des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJCS) ;

- le renforcement de l'efficience de l'action publique, en particulier via la rationalisation des moyens et le renforcement des coopérations entre départements. La fusion des programmes ayant donné naissance à l'actuel programme 354 résulte de cette simplification, de même que la mise en oeuvre des SGC. Une autre dimension importante concerne les mutualisations, que ce soit via le regroupement de certaines tâches dans les services départementaux ou via la création de pôles de compétences mutualisées entre départements ;

- l'octroi de davantage de marges de gestion aux responsables de services déconcentrés, en particulier sur les sujets de politique de l'eau et de traitement de l'habitat insalubre et indigne. Le rôle du préfet de département doit, dans l'ensemble, être renforcé.

II. EN 2022, DES CRÉDITS GLOBALEMENT EN HAUSSE POUR L'ADMINISTRATION CENTRALE ET DÉCONCENTRÉE DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR

A. LES EMPLOIS DE L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR DEVRAIENT ÊTRE PRÉSERVÉS

Depuis 2017, l'évolution tendancielle de la mission a été celle d'une réduction des effectifs de l'administration territoriale, entamée au sein des anciens programmes 307 « Administration territoriale » et 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentré s » : l'administration territoriale au sens du périmètre de l'actuel programme 354 a vu la suppression de 1 571 ETP de 2017 à 2020 . Cependant, les emplois du programme 354 se sont stabilisés à compter de 2021.

Évolution des emplois au sein de l'administration territoriale de l'État

(en ETP)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Programme

P. 307

P. 333

P. 307

P. 333

P. 307

P. 333

P. 354

P. 354

P. 354

Cible

- 485

- 11

- 415

-10

- 200

- 10

- 471

0

0

Réalisation

- 485

- 11

- 415

-13

- 200

- 11

- 436

0

0

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Au titre des engagements du comité interministériel de la transformation publique, 22 postes supplémentaires de directeurs départementaux et d'experts de haut niveau sont créés, notamment dans les départements dans lesquels aucun sous-préfet à la relance n'a été nommé. Si ces nouveaux postes constituent la traduction budgétaire des engagements du CITP, la rapporteure spéciale estime que ceux-ci constituent un apport relativement limité au regard du discours de promotion de la transformation publique et de réarmement des territoires porté par le Gouvernement .

B. LES ÉLECTIONS, UN POSTE DYNAMIQUE EN 2022 MAIS DONT LES DÉPENSES NE PEUVENT ÊTRE CONTRAINTES

Les élections présidentielle et législatives ont pour conséquence une augmentation sensible des crédits du programme 232. Les crédits demandés représentent 4,72 euros par électeur pour l'élection présidentielle et 3,97 euros par électeur pour les élections législatives.

Alors qu'à l'occasion des dernières élections départementales et régionales, les difficultés rencontrées lors de la distribution de la propagande ont été sans précédent , la rapporteure spéciale estime que les réponses apportées par le ministère de l'intérieur sont très insuffisantes à ce stade. Les préfectures des départements les plus denses seraient en effet dans l'incapacité matérielle de procéder à la réinternalisation annoncée de la mise sous plis de la propagande électorale. Après le fiasco du printemps 2021, la rapporteure spéciale ne peut que s'inquiéter du manque de préparation et de clarté, en particulier du point de vue budgétaire, sur le traitement de ces opérations.

De plus, la rapporteure spéciale estime qu'il serait envisageable, après une phase d'expérimentation dans plusieurs départements, de permettre aux électeurs qui le souhaitent de recevoir leur propagande électorale sous format dématerialisé. En ce sens, le rapport de notre collègue et président de la commission des lois François-Noël Buffet sur les dysfonctionnements constatés lors des élections départementales et régionales de juin 2021 1 ( * ) indique qu'il « serait envisageable de permettre aux électeurs qui en feraient la demande expresse, de recevoir la propagande électorale sous format numérique, plutôt que sous format papier ». C ette solution aurait recueilli l'approbation de 60,5 % des maires ayant répondu à la consultation de la commission des lois sur le site internet du Sénat.

III. LA MODERNISATION ET L'ACCESSIBILITÉ AUX SERVICES DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR, UN CHANTIER À POURSUIVRE

A. LA DÉMATÉRIALISATION ET LA MODERNISATION DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR, DES AXES INDISPENSABLES

La direction du numérique (DNUM) du ministère de l'intérieur mène plusieurs chantiers majeurs de modernisation de l'action du ministère. Il s'agit notamment du chantier de l'administration numérique pour les étrangers en France (ANEF). Fin 2021, l'équivalent de 80 % des procédures « étrangers » auront été dématérialisées.

L'ANEF ne devrait cependant pas résulter en une diminution d'effectifs dans l'immédiat : ce n'est que dans un deuxième temps, si les guichets font face à une moindre affluence, que les réductions pourront s'opérer. De plus, l'engagement a été pris de maintenir le même niveau d'effectifs sur la mission « étrangers » des préfectures . Ainsi, les effectifs d'accueil seront, de toute façon, maintenus et affectés à d'autres tâches de la mission.

Le deuxième chantier majeur de la DNUM concerne le réseau radio du futur (RRF). Il vise à moderniser les dispositifs de communication des services de secours.

Les échéances de l'ANEF

(en nombre de dossiers traités)

Source : direction de la modernisation de l'action territoriale du ministère de l'intérieur

B. LES MAISONS FRANCE SERVICES CRÉÉES AU SEIN DES SOUS-PRÉFECTURES NE RÉPONDENT TOUJOURS PAS AUX CRITÈRES FIXÉS PAR LA CHARTE DES MAISONS FRANCE SERVICES

À ce jour, seules 22 sous-préfectures ont été labellisées France Services. Comme l'a indiqué le directeur de la modernisation de l'action territoriale lors de son audition, « l'exigence de deux agents par espace France Services peut constituer un frein à l'émergence de projets de labellisation en sous-préfecture ».

La rapporteure spéciale tient à rappeler ici que les maisons France Services ne doivent pas constituer un moyen pour l'État de se désengager des territoires les plus isolés. Ainsi, il apparaît indispensable que les maisons France services portées par la mission « Administration générale et territoriale de l'État » se donnent au plus vite les moyens des ambitions que l'État a lui-même fixées, en particulier concernant la règle de deux ETP au minimum. Il s'agit à ce jour d'un point bloquant pour la généralisation de la labellisation des maisons portées par l'État.

Réunie le mercredi 27 octobre 2021, sous la présidence de Mme Christine Lavarde, vice-président la commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission le jeudi 18 novembre 2021.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 70 % des réponses étaient parvenues à la rapporteure spéciale en ce qui concerne la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

La mission « Administration générale et territoriale de l'État » retrace les crédits affectés à l'action territoriale de l'État, à la vie politique, cultuelle et associative et au pilotage des principales politiques du ministère de l'intérieur. Depuis la loi de finances initiale pour 2020, elle se compose de trois programmes :

- le programme 354 « Administration territoriale de l'État » , qui porte les moyens du réseau préfectoral mais également ceux des services placés sous l'autorité des préfets de région et des directions départementales interministérielles. En 2022, il devrait être doté de 2,47 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,41 milliards d'euros en crédits de paiement, soit 55 % des dotations totales de la mission ;

- le programme 232 « Vie politique » , qui finance les expressions de la vie politique du pays, en forte hausse du fait de l'organisation des présidentielles et législatives. À compter de 2022, ce programme ne financera plus les cultes, les crédits devant dorénavant être portés par le programme 216. Les crédits demandés s'élèvent à 493 millions d'euros en AE et à 490 millions d'euros en CP ;

- le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » , qui constitue un programme « réservoir » et finance les moyens généraux du ministère de l'intérieur ainsi que certains dispositifs de subventions (1,4 milliard d'euros en AE et 1,5 milliard d'euros, en crédits de paiement, soit 33,8 % des dotations totales de la mission).

Évolution des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État »

(en millions d'euros et en pourcentage)

Exécution 2020

LFI 2021

PLF 2022 courant

PLF 2022 constant

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (volume)

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (%)

FDC et ADP attendus en 2022

216 - Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur

AE

1 379,6

1 384,4

1 452,9

1 432,4

+ 48,0

+ 3,5 %

22,1

CP

1 427,2

1 405,1

1 489,4

1 468,8

+ 63,7

+ 4,5 %

22,1

354 - Administration territoriale de l'État

AE

2 209,9

2 363,6

2 465,7

2 471,1

+ 107,6

+ 4,6 %

41,1

CP

2 224,2

2 362,1

2 414,1

2 419,4

+ 57,3

+ 2,4 %

41,6

232 - Vie politique

AE

234,7

436,8

492,9

508,9

+ 72,1

+ 16,5 %

0,0

CP

222,1

435,7

490,2

506,3

+ 70,6

+ 16,2 %

0,0

Total

AE

3 824,3

4 184,7

4 411,5

4 412,5

+ 227,7

+ 5,4 %

63,2

CP

3 873,5

4 202,9

4 393,7

4 394,6

+ 191,7

+ 4,6 %

63,7

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

I. L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT FACE À DES RÉFORMES DE GRANDE AMPLEUR

A. LES LIMITES DU PLAN PRÉFECTURE NOUVELLE GÉNÉRATION ONT RAPIDEMENT ÉTÉ ATTEINTES

1. La dématérialisation des demandes de titres, une procédure utile mais qui aurait dû faire l'objet d'une réévaluation des besoins au sein des services instructeurs

Engagé par la directive nationale d'orientation (DNO) des préfectures et sous-préfectures 2016-2018, le plan « préfecture nouvelle génération » (PPNG) visait deux objectifs, à savoir mettre en oeuvre la dématérialisation des titres et renforcer certaines missions prioritaires 2 ( * ) en mobilisant les effectifs déchargés par cette dématérialisation.

Le premier volet de la réforme concernait la délivrance des titres et s'est traduit par la fermeture des guichets d'accueil dans les préfectures et par l'ouverture de 58 centres d'expertise et de ressources titres (CERT). Ces derniers sont consacrés à l'instruction des demandes de titres d'identité (cartes d'identité et passeport), et aux permis de conduire et certificats d'immatriculation des véhicules (CIV).

Répartition géographique des différents CERT

Source : ministère de l'Intérieur

La nouvelle organisation prévue par le plan PNG, une fois pris en compte les redéploiements de personnel vers les missions prioritaires, devait permettre de générer une économie de 1 300 emplois .

Il est rapidement apparu que les gains de productivité avaient été surévalués e t que les objectifs initiaux du plan ne pourraient pas être atteints . La création de nouvelles procédures et leur dématérialisation ne se sont pas traduites par une réduction aussi importante qu'attendue des besoins en moyens humains.

Dès le 1 er janvier 2019, le Gouvernement a donc été contraint de mettre en oeuvre un « plan de renfort exceptionnel en agents non titulaires », ainsi que le fléchage de 50 équivalents temps plein (ETP) vers les CERT, en particulier ceux dédiés aux cartes d'immatriculation des véhicules, qui accusaient des retards importants . Les CERT cartes grises ont connu d'importantes difficultés, de même que le service en charge des échanges de permis étrangers et la délivrance de permis internationaux ( cf. infra ). Au total, les renforts de contractuels ont représenté 316 ETP, pour un coût de 8,5 millions d'euros depuis la création des CERT.

Alors que le premier confinement du printemps 2020 a permis aux CERT de rattraper le retard accumulé du fait de la hausse de 8,1 % des demandes entre les mois de janvier 2020 et de janvier 2019, la viabilité du modèle actuel doit pouvoir être pleinement interrogée.

Les CERT ne disposent pas des effectifs nécessaires pour faire face aux variations d'activité . D'après les échanges avec le directeur de la modernisation et de l'action territoriale (DMAT), auditionné par la rapporteure spéciale, ils seraient calibrés pour fonctionner à flux constant, des renforts permettant éventuellement de prendre en charge les surplus de demandes.

Effectifs affectés aux CERT

(en équivalent temps plein travaillé [ETPT])

2018

2019

2020

CERT permis de conduire

743,0

709,6

695,5

dont titulaires

598,5

585,7

573,7

dont contractuels

144,6

123,9

121,9

CERT carte grise

379,7

383,3

396,3

dont titulaires

160,4

182,3

222,5

dont contractuels

219,3

201,0

174,0

CERT carte nationale d'identité - passeport

571,3

583,4

579,1

dont titulaires

479,1

499,4

512,1

dont contractuels

92,2

84,0

67,0

Total CERT

1 694,0

1 676,3

1 671,1

dont titulaires

1 238,0

1 267,4

1 308,1

dont contractuels

456,0

408,9

362,9

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses apportées au questionnaire budgétaire de la rapporteure spéciale

Les chiffres communiqués par le ministère de l'Intérieur témoignent d'une mobilisation très élevée des contractuels pour accompagner la réforme . Si le nombre de contractuels mobilisés a diminué depuis 2018, pour atteindre le niveau toujours très significatif de 22 % des effectifs totaux, ils ont représenté, au moment de la mise en place des CERT, jusqu'à 58 % des effectifs 3 ( * ) .

La rapporteure spéciale estime ainsi que la part des contractuels demeure trop élevée. Les missions d'instruction des demandes de titres sont confiées au réseau préfectoral et doivent, à ce titre être remplies par des fonctionnaires . Le recours structurel à des contractuels n'est ici justifié ni par la recherche de compétences rares, ni par le caractère non permanent des emplois concernés . Les recrutements au sein des CERT correspondent, pour la quasi-totalité d'entre eux, à des emplois permanents. Comme le soulignait la Cour des comptes dans son rapport public annuel de février 2020, « il est difficile d'admettre que des situations précaires de ce type puissent perdurer au sein du service public, au-delà des périodes de transition pour lesquelles ces concours étaient justifiés ».

D'après les représentants syndicaux auditionnés par la rapporteure spéciale, la situation des contractuels est particulièrement précaire, alors que leurs contrats ne sont pas renouvelés ou encore que certains espèrent un passage en contrat à durée indéterminée ou même une titularisation qui n'intervient pas . Les besoins étant permanents, une telle précarité n'est aucunement satisfaisante.

Par ailleurs, le CERT de Nantes, service à compétence nationale chargé des échanges de permis et de l'établissement des permis internationaux, a fait l'objet de difficultés très importantes lors de son ouverture, qui perdurent encore en partie aujourd'hui. L'importance du flux initial a tenu à ce que la procédure n'a pas été dématérialisée. Des délais d'attente particulièrement importants, et pouvant atteindre un an dans certaines situations, ont largement été relayés par la presse 4 ( * ) .

L'une des réponses apportées a été le transfert au CERT de Cherbourg de la charge des permis de conduire internationaux en mars 2019. Par ailleurs, la dématérialisation de la procédure d'échanges de permis a été mise en oeuvre à compter de mars 2020 pour les permis européens et d'août 2020 pour les permis délivrés en dehors de l'Union européenne.

D'après les auditions menées par la rapporteure spéciale, la situation du CERT de Nantes reste problématique, en partie également du fait de la complexité des procédures et du grand nombre d'États concernés par l'échange de permis 5 ( * ) .

2. Les efforts de réduction d'effectifs concernant les titres n'ont que peu permis de dégager des marges de manoeuvre pour les fonctions prioritaires des préfectures

Une fois pris en compte les objectifs de réduction des effectifs au niveau du ministère, une part des réductions d'effectifs opérées sur la délivrance des titres, 603 emplois, devait être redéployée sur quatre thèmes : la lutte contre la fraude documentaire, l'expertise juridique et le contrôle de légalité, la coordination territoriale des politiques publiques et l'item sécurité et gestion de crise .

Alors qu'au 31 décembre 2015, 2 391 ETP étaient dédiés à ces missions, l'objectif d'y affecter 2 994 ETP devait initialement être atteint d'ici la fin de l'année 2020. Ces objectifs n'ont pas été tenus, du fait de la persistance de schémas d'emplois négatifs. En 2019, le schéma d'emplois du programme 354 imposait une baisse de 200 ETP, puis de 471 ETP en 2020. Le plan PNG s'est donc accompagné d'une réduction très sensible des effectifs.

Par ailleurs, la crise migratoire a contraint le ministère à renforcer prioritairement les emplois dédiés à cette mission. Sur la période 2016-2020, ce sont 327 ETP qui ont été affectés aux services en charge de l'instruction du séjour, de l'asile et de l'éloignement.

Pour compenser en partie cette absence de redéploiement des effectifs dans le cadre du PPNG, le ministère de l'intérieur a mené une stratégie d'augmentation du niveau de qualification des agents, via un « repyramidage » des emplois, visant à faire évoluer les effectifs de l'administration territoriale vers davantage de postes plus qualifiés .

Entre 2016 et 2020, on constate ainsi, sur le programme, une augmentation de plus de 900 agents de catégorie A et de 547 agents de catégorie B, s'accompagnant d'une diminution de près de 3 000 agents de catégorie C 6 ( * ) .

Évolution de la structure des emplois par catégorie
au sein de l'administration territoriale

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Dans la continuité des chantiers engagés dans le cadre de la réforme de l'organisation territoriale de l'État (OTE) et pour consolider les évolutions du PPNG, le schéma d'emplois s'est stabilisé en 2021 et restera stable en 2022 au sein de l'administration territoriale de l'État.

Compte tenu des fortes réductions constatées et des difficultés de fonctionnement rencontrées dans les CERT, la rapporteure spéciale considère que cette préservation des emplois, dans un contexte de réformes de grande ampleur et de crise sanitaire, est indispensable .

3. Le contrôle de la légalité, des efforts à confirmer

Après une dizaine d'années de forte mise à contribution de la mission de contrôle de légalité en termes de réduction d'effectifs, le plan PNG l'avait replacée parmi les objectifs prioritaires. Au titre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), 558 ETP avaient en effet été supprimés entre 2009 et 2012 sur ce poste. Si, depuis 2012, cette mission a été proportionnellement moins mise à contribution dans les réductions d'effectifs, aucun nouvel emploi n'y a été fléché.

Malgré les objectifs initiaux du PPNG en matière de renforcement des pôles de contrôle de la légalité, la traduction budgétaire n'a été que très limitée, tant les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre des CERT et la gestion de la vague migratoire ont capté l'intégralité des emplois disponibles.

En 2021, les effectifs prévisionnels affectés sur les missions de contrôle de légalité en préfecture étaient encore en légère baisse, de 2 % par rapport à 2020, soit une baisse de 18 ETPT. Cette diminution était légèrement en-deçà de celle qui s'appliquait au niveau de la mission mais ne reflète aucunement la dynamique initialement prévue par le Gouvernement . En 2022, 56 % des préfectures réduiront les effectifs dédiés à ce contrôle.

La rapporteure spéciale considère donc qu'il est indispensable de renforcer les moyens du contrôle de légalité, qui constitue à la fois une garantie pour l'État, assuré du respect de la loi sur l'ensemble du territoire, et pour les élus locaux, confiants sur la sécurité juridique de leurs actes.

Les objectifs n'ont, sur ce point, aucunement été remplis et il apparait indispensable de redoubler d'ambition. Il convient de renforcer la qualité de ce contrôle et les qualifications des agents. Le repyramidage opéré sur les missions de contrôle de légalité pour aller vers des emplois plus qualifiés apparaît de ce point de vue aller dans le bon sens mais ne saurait suffire à lui seul.

La montée en compétence via la spécialisation de certains services à compétence nationale ou interdépartementale constitue également un élément positif, à l'image du pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité situé à Lyon .

Pour autant, les objectifs de renforcement des compétences des agents ne doivent pas conduire à déconnecter ce contrôle des territoires : l'équilibre est certes difficile à trouver, mais le contrôle de légalité doit d'abord nourrir le dialogue entre les élus et les services de l'État.

B. LA RÉFORME DE L'ORGANISATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT, UN CHANTIER POURSUIVI DANS LE CONTEXTE DE CRISE SANITAIRE

La réforme de l'organisation territoriale de l'État (OTE), définie par la circulaire du Premier ministre du 12 juin 2019, vient, dans la lignée des objectifs fixés par la circulaire du 24 juillet 2018 sur l'organisation territoriale des services publics, fixer le cadre d'importantes mutations pour la mission , entamées dès la loi de finances initiale pour 2020. Les principaux objectifs affichés par le Gouvernement sont les suivants :

- la clarification de la répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales. Cette clarification doit en particulier conduire à une redéfinition du rôle de l'État dans le développement économique, au renforcement du rôle des régions en matière culturelle et du rôle des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en matière d'urbanisme. Afin de favoriser une prise en charge plus large de la jeunesse, les missions relatives à la jeunesse et au sport ont également été transférées aux services de l'éducation nationale ;

- la réorganisation des services déconcentrés , notamment via la création des secrétariats généraux communs (SGC) et des directions de l'emploi, du travail et des solidarités (DETS), nées de la fusion des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) et des compétences cohésion sociale des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJCS) ;

- le renforcement de l'efficience de l'action publique , en particulier via la rationalisation des moyens et le renforcement des coopérations entre départements. La fusion des programmes ayant donné naissance à l'actuel programme 354 résulte de cette simplification, de même que la mise en oeuvre des SGC. Une autre dimension importante concerne les mutualisations, que ce soit via le regroupement de certaines tâches dans les services départementaux ou via la création de pôles de compétences mutualisées entre départements ;

- l'octroi de davantage de marges de gestion aux responsables de services déconcentrés , en particulier sur les sujets de politique de l'eau et de traitement de l'habitat insalubre et indigne. Le rôle du préfet de département doit, dans l'ensemble, être renforcé.

Pour assurer la bonne mise en oeuvre de ces réformes, des comités interministériels régionaux des transformations des services publics ont été créés par le décret du 24 juillet 2019 7 ( * ) et sont présidés par les préfets de région . En sont membres les préfets de département, les directeurs des services régionaux de l'État, les recteurs de régions académiques, les directeurs généraux des agences régionales de santé et les directeurs régionaux des établissements publics de l'État.

Ce comité a pour mission de garantir la stratégie d'ensemble des réorganisations et d'en organiser le calendrier en prévoyant les modalités de la concertation avec les élus et les parties prenantes .

1. La création du programme 354 en 2020, première étape vers une réorganisation de grande ampleur

Dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2020, le programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrés », qui relevait jusqu'alors de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », a été absorbé par le programme 307 « Administration territoriale » , d'ores et déjà rattaché à la mission « Administration générale et territoriale de l'État » et renommé programme 354 « Administration territoriale de l'État ».

Le programme 333 portait les crédits consacrés aux directeurs départementaux interministériels et leurs adjoints (DDI), aux secrétaires généraux pour les affaires régionales (SGAR) et à leurs adjoints, aux chargés de mission des SGAR, aux agents des plates-formes régionales « ressources humaines », aux agents des plates-formes régionales « achats », à une partie des agents chargés de la gestion des crédits des BOP régionaux du programme 333 et enfin aux agents affectés dans les services interministériels départementaux des systèmes d'information et de communication de l'État (SIDSIC).

Ainsi, le transfert de 1 803 équivalents temps plein travaillés (ETPT) en provenance des secrétariats généraux des directions départementales interministérielles a entraîné une augmentation des crédits de personnel du nouveau programme 354 de 101,1 millions d'euros 8 ( * ) . Tous titres confondus, les transferts ont représenté 115,8 millions d'euros .

2. Les effets de la réforme de l'organisation territoriale de l'État sur le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur »

Traduisant dans la maquette budgétaire les effets de la réforme OTE, de nombreuses lignes de crédits auparavant portées par d'autres programmes budgétaires ont été ajoutées au programme 216.

Au total, 4 626 ETPT ont été transférés sur le programme, pour un montant de dépenses de personnel de 242,2 millions d'euros . Ces effectifs correspondent principalement aux effectifs des secrétariats généraux du ministère de l'intérieur (SGAMI, pour 87 % d'entre eux), mais proviennent aussi de la constitution d'un service ministériel d'achat et plus modestement de la création de l'agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT), dotée de 30 ETPT.

Les crédits hors titre 2 ont également connu une forte dynamique, qui s'explique notamment par la création de la direction du numérique (DNUM), qui regroupe les moyens auparavant portés par une série de programmes (161, 232, 152, 176, 303, 122, 354) relevant de différents ministères.

3. Plusieurs étapes majeures de la réforme OTE ont été franchies en 2021

Alors que les différentes directions départementales interministérielles étaient jusqu'à présent placées sous l'autorité du Premier ministre, le décret du 14 août 2020 9 ( * ) dispose que les DDI seront désormais placées sous l'autorité du ministère de l'intérieur .

L'article 1 er du décret dispose ainsi que « les directions départementales interministérielles sont des services déconcentrés de l'État relevant du ministre de l'intérieur. Elles sont placées sous l'autorité du préfet de département. Le ministre de l'intérieur assure la conduite et l'animation du réseau des directions départementales interministérielles, en y associant les ministres concernés et dans le respect de leurs attributions respectives . »

En confiant au ministère de l'intérieur la gestion du pilotage de la réforme et du dialogue social, le décret renforce l'ascendant du préfet sur les directeurs départementaux, nouveau rapport hiérarchique qui a pu être qualifié de « préfectoralisation » par les syndicats entendus par la rapporteure spéciale. Placées sous l'autorité du préfet, les DDI sont désormais organiquement liées au ministère de l'intérieur, qui assume un rôle de pilotage plus large.

a) La mise en oeuvre des secrétariats généraux communs au 1er janvier 2021 n'a pas été sans soulever un certain nombre de difficultés

La mise en place des secrétariats généraux communs (SGC), initialement prévue pour le premier semestre 2020 10 ( * ) , est intervenue à compter du 1 er janvier 2021 .

Au total, sur l'ensemble du territoire, les SGC ont été dotés de 6 115 ETP au 1 er janvier 2021, l'essentiel (3 674 ETP) étant issu des anciens secrétariats généraux des préfectures . Les autres ministères contributeurs sont le ministère de la transition écologique (19 %), le ministère de l'agriculture et de l'alimentation (7 %), les ministères sociaux (6 %) et les ministères économiques et financiers, de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et de la culture (1 %).

Alors que la rapporteure spéciale avait soulevé des interrogations sur le financement des dépenses immobilières visant à favoriser ces mutualisations et sur les budgets de fonctionnement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, le ministère de l'intérieur a confirmé que ces points avaient posé un certain nombre de difficultés en cours d'année.

Les 10 « irritants » de la création des secrétariats généraux communs
identifiés par la direction de la modernisation de l'action territoriale (DMAT)

Entendu par la rapporteure spéciale, le directeur de la modernisation de l'action territoriale a présenté un certain nombre de difficultés, rencontrées lors de la mise en place des secrétariats généraux communs :

- l'éclatement entre plusieurs sites des secrétariats généraux communs, qui limite la capacité des agents à travailler ensemble et à se connaître ;

- les retards, parfois très importants, pour distribuer la carte agent ministérielle donnant notamment accès aux systèmes d'informations, notamment en matière de ressources humaines ;

- les difficultés en matière de gestion des ressources humaines, alors que les agents des SGC sont issus de ministères différents et que la gestion de la paie s'est avérée complexe dans les premiers mois (prise en charge par les ministères d'origine de la paie au-delà du 1 er janvier 2022) ;

- les problématiques de moyens et d'accès informatique ;

- le sujet de la pluralité des systèmes d'informations entre les différentes directions et les problématiques de gestion des ressources humaines associées ;

- les sujets de gestion budgétaire ;

- des difficultés spécifiques pour accueillir les agents issus des anciennes unités départementales des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) ;

- le pilotage en direction départementale et les référents de proximité, qui n'ont pas été mis en place dans l'ensemble des départements ;

- des interrogations quant au positionnement des secrétariats généraux départementaux face aux directions départementales ;

- les sujets d'animation, d'accompagnement et de formation pour favoriser la création d'une identité professionnelle propre.

Source : audition du directeur de la modernisation de l'action territoriale

La rapporteure spéciale prend acte du plan d'action engagé par la DMAT pour répondre à ces difficultés et insiste sur l'importance de parvenir à susciter l'adhésion des agents pour favoriser la réussite de la réforme 11 ( * ) .

b) La mise en place des directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS) au 1er avril 2021

La circulaire du Premier ministre du 12 juin 2019 prévoyait également la création de nouvelles directions départementales dédiées à l'emploi, au travail et aux solidarités (DDETS). Il s'agit, pour le Gouvernement, d'assurer un service public de l'insertion et de l'emploi, afin d'offrir un parcours complet aux publics les plus fragiles.

Comme indiqué dans les réponses adressées au questionnaire budgétaire de la rapporteure spéciale, « les DDETS-PP regroupent les compétences en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion des 42 ex directions départementales de la cohésion sociale, des 46 ex directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations, des 8 ex directions déléguées départementales des directions régionales et départementales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et les compétences des unités départementales (UD) des Direccte ».

Ces nouvelles directions, créées le 1 er avril dernier, sont composées de 9 500 agents environ et contribuent à la mise en oeuvre d'un très large spectre de politiques publiques liées : l'alimentation, l'aménagement, le logement, la cohésion sociale, l'emploi et la formation professionnelle ainsi que la prévention et lutte contre la pauvreté. L'objectif est ainsi de rapprocher l'insertion sociale et professionnelle de la politique de l'accès au logement.

La direction de la modernisation et de l'administration territoriale (DMAT) du ministère de l'intérieur est chargée du pilotage de cette réforme, en lien avec les ministères chargés des affaires sociales, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, le ministère de la transition écologique, les ministères économiques et financiers et la direction générale de l'administration et de la fonction publique. La création des directions a été précédée d'une phase de préfiguration, en lien avec un cabinet de conseil privé 12 ( * ) .

c) La création, au sein des préfectures, des services de la main d'oeuvre étrangère (SMOE)

La création des services de la main d'oeuvre étrangère est également intervenue au 1 er avril 2021, entrainant le transfert entrant de 100 ETPT depuis le programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » . Les missions effectuées par les services de main d'oeuvre étrangère au sein des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) ont donc été transférées aux services des préfectures.

Au total, et d'après les éléments transmis par la DMAT, les services de la main d'oeuvre étrangère présentent un premier bilan plutôt positif.

II. EN 2022, DES CRÉDITS GLOBALEMENT EN HAUSSE POUR L'ADMINISTRATION CENTRALE ET DÉCONCENTRÉE DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR

A. POUR LA DEUXIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE, LES EMPLOIS DE L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR DEVRAIENT ÊTRE PRÉSERVÉS

1. L'absence de nouvelles réductions d'effectifs dans l'administration territoriale

Comme cela a été relevé plus haut, le ministère de l'intérieur fait l'objet d'importantes réformes, qui, jusqu'en 2021, se sont traduites par des efforts considérables pour l'administration territoriale de l'État. Depuis 2017, l'évolution tendancielle de la mission a été celle d'une réduction des effectifs de l'administration territoriale, entamée au sein des anciens programmes 307 « Administration territoriale » et 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentré s » : l'administration territoriale au sens du périmètre de l'actuel programme 354 a vu la suppression de 1 571 ETP de 2017 à 2020 .

Évolution des emplois au sein
de l'administration territoriale de l'État

(en ETP)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Programme budgétaire

P. 307

P. 333

P. 307

P. 333

P. 307

P. 333

P. 354

P. 354

P. 354

Cible

- 485

- 11

- 415

-10

- 200

- 10

- 471

0

0

Réalisation

- 485

- 11

- 415

-13

- 200

- 11

- 436 13 ( * )

0

0

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Si la rapporteure spéciale soutient l'interruption des réductions d'emplois, elle tient à rappeler la situation très dégradée dans laquelle se trouve aujourd'hui l'administration territoriale. Un réel déficit persiste dans le réseau territorial, en partie comblé par les services civiques et la mobilisation d'étudiants en apprentissage. Les contractuels deviennent également des intervenants indispensables du fonctionnement normal des préfectures et sont mobilisés sur un éventail très large de missions. Si des redéploiements d'effectifs sont sans doute encore possibles entre les différentes missions, la rapporteure spéciale considère que l'interruption dans les réductions d'effectifs ne doit pas constituer une simple pause mais bel et bien une remise en cause de la logique de rabotage sur le réseau territorial de l'État.

2. L'effort en termes d'emploi reste cependant important sur le programme 216

Conformément à l'engagement du ministre de l'intérieur, l'effort de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » en termes de réduction du nombre d'emplois est concentré sur l'administration centrale du ministère . Si le plafond d'emploi est positif (+ 185,4 ETP), cette hausse correspond à des évolutions de périmètre, à hauteur de 30 ETP, à des mesures de transfert, et, à hauteur de 250 ETP, à la part prise par le programme au titre du plan 10 000 jeunes. À périmètre constant, il y a bien une suppression de 99 ETP envisagée pour 2022. Les catégories C seront principalement concernées par les suppressions emplois (- 56 ETP), ainsi que les personnels techniques (- 22 ETP).

Sur le programme 216, plusieurs opérations structurantes ont été engagées ces dernières années et sont poursuivies en 2022 :

- la création d'un service ministériel d'achat (le service de l'achat, de l'innovation et de la logistique [SAILMI]), par l'intégration des différents agents des services correspondants portés par les programmes « Gendarmerie nationale » et « Police nationale » de la mission « Sécurités ». Les crédits de fonctionnement nécessaires sont cependant laissés sur ces programmes ;

- la constitution d'une direction du numérique (DNUM) ;

- la création de l'agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) par le décret du 18 novembre 2019 14 ( * ) ;

- le transfert en 2020 des effectifs et autres moyens des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (les SGAMI) en provenance du programme 176 « Police nationale ».

3. Les efforts faisant suite aux engagements du sixième comité interministériel de transformation publique sont très limités

Le 23 juillet 2021, le sixième comité interministériel de transformation publique a constitué l'occasion pour le Gouvernement de prendre une série d'engagements concernant l'administration territoriale de l'État. Alors que le Premier ministre a alors indiqué vouloir « accélérer et continuer le travail de réarmement de notre État territorial au service de nos concitoyens et de nos agents publics », force est de constater que les engagements qui ont été pris visent plutôt à stabiliser l'existant qu'à véritablement renforcer les capacités de l'État déconcentré.

Les engagements du sixième comité interministériel
de transformation publique

Engagement n° 1 : mettre fin à la baisse systématique des effectifs des services départementaux de l'administration territoriale de l'État.

Engagement n° 2 : donner la priorité à la mise en oeuvre de la réforme de l'organisation territoriale de l'État, en accélérant la convergence des systèmes d'information et des pratiques de ressources humaines.

Engagement n° 3 : la moitié du ré-abondement de 80 M€ prévu en PLF 2022 du Fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP) sera consacrée au renforcement de l'efficacité de l'État de proximité.

Engagement n° 4 : les préfets pourront redéployer en 2022 jusqu'à 3 % des effectifs en fonction des priorités locales.

Engagement n° 5 : l'évaluation sur la base des résultats sera généralisée. Une partie de la rémunération des préfets sera déterminée en s'appuyant sur l'évaluation interministérielle des feuilles de route. Les directeurs régionaux verront leur rémunération variable proposée par les préfets de région.

Engagement n° 6 : une administration plus proactive sera encouragée grâce au numérique et au partage des informations entre services publics.

Engagement n° 7 : le programme Services Publics + sera pleinement déployé d'ici la fin de l'année pour améliorer l'efficacité des services publics en continu.

Source : dossier de presse du 6 e CITP

Au titre de ces engagements, 22 postes supplémentaires de directeurs départementaux et d'experts de haut niveau ont été créés , principalement dans les départements dans lesquels aucun sous-préfet à la relance n'a été nommé. Ces nouveaux postes constituent la traduction budgétaire des engagements du CITP, soit un apport limité au regard du discours de transformation publique porté par le Gouvernement. Pour rappel, le Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale avait indiqué que « libérer les territoires, c'est libérer les énergies. C'est faire le pari de l'intelligence collective. Nous devons réarmer nos territoires ».

B. LES ÉLECTIONS, UN POSTE DYNAMIQUE EN 2022 MAIS DONT LES DÉPENSES NE PEUVENT ÊTRE CONTRAINTES

1. L'organisation des élections présidentielle et législatives sont à l'origine d'une nouvelle hausse des crédits du programme 232 « Vie politique »

Les élections présidentielle et législatives prévues pour 2022 ont pour conséquence une augmentation sensible des crédits du programme 232 dédié à la vie politique.

Ces élections devraient représenter un coût total de 416,4 millions d'euros en AE et de 412,7 millions d'euros en CP. Ces crédits représentent 4,72 euros par électeur pour l'élection présidentielle et 3,97 euros par électeur pour les élections législatives.

En l'état, les éventuelles dépenses supplémentaires liées à la pandémie (équipements de protection individuelle, plexiglas, gels hydro-alcooliques) ne font l'objet d'aucune budgétisation . D'après les informations communiquées à la rapporteure spéciale, les crédits nécessaires seraient ouverts en loi de finances rectificative, en fonction de l'évolution de la pandémie.

2. La question de la mise sous plis de la propagande électorale, une question non résolue après le fiasco du printemps 2021

Malgré son coût budgétaire, la propagande électorale est un élément indispensable de la démocratie : elle permet à chaque citoyen de prendre connaissance des programmes des candidats aux différentes élections. Alors que tous nos concitoyens ne disposent pas d'internet, la rapporteure spéciale estime qu'une distribution de la propagande au format papier doit être conservée car elle constitue un vecteur indispensable de distribution des contenus politiques pour les élections, locales comme nationales.

Lors des dernières élections départementales et régionales, les difficultés rencontrées lors de la distribution de la propagande ont été sans précédent . Ainsi, le prestataire Adrexo n'a pas rempli les objectifs qui lui avaient été contractuellement imposés. Comme l'a relevé notre collègue et président de la commission des lois François-Noël Buffet dans le rapport sur les dysfonctionnements constatés lors des élections départementales et régionales de juin 2021 15 ( * ) , c'est près de la moitié de la propagande du deuxième tour des élections régionales confiée à Adrexo qui n'a pas été livrée.

Nombre de plis distribués au deuxième tour
des élections départementales et régionales

Source : commission des finances du Sénat, d'après les chiffres de du rapport sur les dysfonctionnements constatés lors des élections départementales et régionales de juin 2021

Notre collègue souligne ainsi que« pas moins de 91,3 % des élus déclarent que des dysfonctionnements ont été constatés dans la distribution des plis de propagande électorale dans leur commune . »

Pour répondre à ces difficultés, et alors que le Président de la République a tranché en faveur du maintien de la propagande papier, le Gouvernement a fait le choix de réinternaliser au sein des préfectures sa mise sous plis. Le ministère a ainsi indiqué à la rapporteure spéciale que, « à la suite des graves dysfonctionnements intervenus dans les opérations de mise sous pli lors du double scrutin de juin 2021, le Ministre a souhaité prendre des mesures fortes afin que de telles anomalies ne se reproduisent plus . » 16 ( * ) À ce stade toutefois, les intentions du Gouvernement restent particulièrement floues.

Ainsi, s'il est prévu que la mise sous plis soit réalisée en régie préfectorale ou via des conventions avec certaines communes, la situation des départements les plus peuplés n'a pas encore été arbitrée. Les préfectures de ces départements seraient dans l'incapacité matérielle de procéder à la mise sous plis massive qu'impose l'envoi de la propagande électorale. Après le fiasco du printemps 2021, la rapporteure spéciale ne peut que s'inquiéter du manque de préparation et de clarté, en particulier du point de vue budgétaire, sur le traitement de ces opérations.

3. La dématérialisation partielle de la propagande électorale pourrait être envisagée

Aucune contrainte constitutionnelle n'empêche la dématérialisation de la propagande, le Conseil constitutionnel ayant jugé qu'« en l'état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour l'exercice de la démocratie, le législateur pouvait, sans méconnaître aucune exigence constitutionnelle, prévoir que l'information serait communiquée par voie électronique aux électeurs » 17 ( * ) . Le Conseil d'État a complété cette analyse en indiquant qu'« il n'existe pas d'obstacle constitutionnel à ce que la propagande soit dématérialisée », retenant cependant l'obligation de « maintien d'une possibilité physique d'accéder à ces documents, afin que les citoyens qui ne disposeraient pas d'un accès satisfaisant aux services en ligne puissent s'informer » 18 ( * ) .

Ainsi, sans remettre en cause le principe de la propagande électorale sous format papier, la rapporteure spéciale considère qu'il devrait être possible pour les électeurs qui le souhaitent de se désinscrire des listes de distribution, au profit d'un envoi dématérialisé.

Selon les informations recueillies auprès de la DMAT, le répertoire électoral unique (REU) tenu par l'INSEE permettrait de réaliser cette opération. C'est en effet à partir de ce fichier que sont retraitées les informations et que sont imprimées les étiquettes d'envoi de la propagande.

Comme l'avait déjà recommandé la rapporteure spéciale lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, il serait envisageable, après une phase d'expérimentation dans plusieurs départements, d'inverser la logique de distribution : tous les électeurs recevraient un courrier accompagné d'une enveloppe pré-timbrée qu'ils devraient retourner en indiquant s'ils souhaitent continuer ou non à recevoir leur propagande électorale sous format papier.

En ce sens, le rapport précité de la commission des lois indique qu'il « serait envisageable de permettre aux électeurs qui en feraient la demande expresse, de recevoir la propagande électorale sous format numérique, plutôt que sous format papier ». D'après le rapport, cette solution aurait recueilli l'approbation de 60,5 % des maires ayant répondu à la consultation de la commission sur le site internet du Sénat.

Cette option permettrait de diminuer le coût pour les finances publiques de la distribution sous format papier et de réduire l'empreinte écologique des scrutins .

C. LA CONDUITE ET LE PILOTAGE DES POLITIQUES DE L'INTÉRIEUR, DES MISSIONS INDISPENSABLES, HEUREUSEMENT SANCTUARISÉES

Le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » porte les fonctions de pilotage du ministère de l'intérieur au travers des activités d'état-major, d'expertise, de conseil et de contrôle.

Le programme regroupe également les crédits relatifs aux affaires juridiques et contentieuses du ministère, ceux du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) et, depuis le 1 er janvier 2020, ceux de la nouvelle direction numérique et ceux du fonctionnement des secrétariats généraux pour l'administration (SGAMI).

D'après les informations transmises à la rapporteure spéciale, la stratégie pour 2022 est principalement structurée autour de trois axes :

- poursuivre les efforts engagés en termes d'amélioration de la prévision et de pilotage des dépenses de contentieux et de protection fonctionnelle des fonctionnaires ;

- assurer la mise en oeuvre des programmes d'action de prévention de la délinquance et de la radicalisation ;

- maintenir la qualité des prestations réalisées au profit des directions et services du ministère en améliorant l'efficience de la gestion des moyens dont ils disposent et la maîtrise du coût des fonctions support.

1. Des efforts de chiffrage des dépenses de contentieux qui doivent être poursuivis

Dans le cadre de la mise en oeuvre du PPNG , sept pôles d'appui juridique ont été créés : trois en matière de police administrative, deux en matière de contentieux statutaire et deux en matière de concours de la force publique et responsabilité de l'État. La direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) pilote ces différents pôles, dont le principal objectif consiste à prévenir les contentieux et à renforcer la défense de l'État.

D'après les informations transmises à la rapporteure spéciale, la DLPAJ a mené d'importants efforts en termes de prévision budgétaire, pour identifier le plus en amont possible les contentieux à fort enjeu financier ainsi que ceux qui n'ont pas vocation à être imputés sur le programme 216.

La maitrise du coût des différents contentieux reste l'un des enjeux majeurs de maîtrise de la dépense par le ministère. En 2019, les dépenses de contentieux avaient en effet dépassé de 10 % les ouvertures prévues en loi de finances initiale, alors même que la DLPAJ avait assuré avoir entamé dès 2018 son effort de sincérisation de la budgétisation de ces dépenses. En 2020, un dépassement de plus de 2 millions d'euros sur l'action a également été constaté.

2. Le renforcement du rôle du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation
a) La hausse des crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation

Les missions du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) sont définies à l'article D. 132-2 du code de la sécurité intérieure 19 ( * ) . Le secrétariat général du CIPDR (SG-CIPDR) coordonne l'animation des réseaux des services déconcentrés de l'État et des réseaux associatifs . L'objectif du secrétariat général est de décliner les politiques de prévention de la délinquance et de la radicalisation sur tous les territoires.

Le comité s'appuie notamment sur les conseils locaux ou intercommunaux de prévention de la délinquance, issus de la loi du 5 mars 2007 (CLSPD ou CISPD), leurs groupes opérationnels, leur articulation avec les autres services de l'État, les élus locaux et les acteurs associatifs.

Le comité doit veiller à la mise en oeuvre des politiques publiques de prévention et permettre de coordonner l'action des ministères et l'utilisation des moyens budgétaires consacrés à ces deux politiques.

Les politiques menées par le SG-CIPDR s'appuient principalement sur deux cadres d'intervention : le plan national de prévention de la radicalisation « prévenir pour protéger » du 23 février 2018 et la stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020-2024. En 2022, les crédits demandés sur l'action dédiée au fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPD) sont en hausse, passant de 65,98 millions d'euros en 2021 à 69,4 millions d'euros en 2022.

Le FIPD porte des dépenses d'intervention destinée à accompagner des projets au niveau départemental (85 %) et des porteurs de projets associatifs exerçant des actions à rayonnement national (15 %).

Le premier poste de dépense concerne les actions de prévention (47 %), suivi par la sécurisation des sites sensibles et la vidéo protection représentent une part importante des crédits du FIPD (30 % des dépenses).

Les dépenses de prévention de la radicalisation (15,8 millions d'euros) recouvrent à la fois les dépenses relatives aux actions de prévention de la radicalisation, au contre-discours républicain et à la lutte contre les dérives sectaires. La rapporteure spéciale estime que se trouvent ainsi mêlés des crédits qui devraient, du fait de la différence entre les objectifs poursuivis, être plus nettement distingués .

De nouvelles actions de prévention doivent en particulier permettre de renforcer la prévention de la pauvreté et intégrer la lutte contre l'islamisme radical dans le programme du service national universel .

La stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020-2024

Succédant à la stratégie précédente de 2013, cette nouvelle stratégie a été adoptée par le Premier ministre le 5 mars 2020. Elle fixe les orientations gouvernementales de la politique de prévention de la délinquance pour cette période.

La stratégie a vocation à être déclinée sur l'ensemble du territoire national, dont les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et les quartiers de reconquête républicaine. Une place plus large a été faite à l'initiative locale et à l'expérimentation.

La stratégie comporte 40 mesures et vise notamment à proposer un panel d'actions sous forme de « boîte à outils » à destination des acteurs de la prévention de la délinquance. Les évolutions de la stratégie concernent principalement :

- la prévention de la délinquance dès le plus jeune âge (moins de 12 ans) par la mobilisation plus systématique des familles et la mise en oeuvre d'actions de sensibilisation et d'éducation sur des nouvelles formes de délinquance (par exemple la cyberdélinquance), l'éducation aux médias et à la citoyenneté, la prévention de l'entrée dans les trafics et les phénomènes de bande, avec le maintien du volet prévention de la récidive des jeunes ;

- la protection, le plus en amont possible, des personnes vulnérables dans une approche « d'aller vers » les victimes invisibles : les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les femmes victimes de violences, les mineurs. Leur accompagnement sera en particulier renforcé par le déploiement des postes d'intervenants sociaux en commissariat et en gendarmerie ;

- une implication plus forte de la population et de la société civile dans la prévention de la délinquance et la production de tranquillité publique : la population doit être davantage associée et consultée (y compris sur l'installation de la vidéo-protection), la société civile sollicitée pour faciliter l'insertion des jeunes : monde sportif, entreprenariat engagé ;

- une gouvernance rénovée par une adaptation à chaque territoire et une coordination entre les différents acteurs (préfets, autorité judiciaire, maires et présidents d'intercommunalités), accompagnée de nouveaux outils d'évaluation et de formation, notamment pour les nouveaux élus.

Source : audition du SG-CIPDR

Dans la lignée du discours du Président de la République à Mulhouse le 18 février 2020, le rôle du SG-CIPDR en matière de lutte contre le séparatisme islamiste a été renforcé, en lien avec les préfets de département. D'après les informations communiquées par le SG-CIPDR, une unité de contre-discours républicain a ainsi été créée en son sein.

b) Le rattachement de la Miviludes au CIPDR

Le décret du 15 juillet 2020 20 ( * ) a rattaché la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) au ministère de l'intérieur, en en confiant la présidence au secrétaire général du CIPDR. Le rattachement prend la forme du transfert de deux ETP.

Le rattachement de la Miviludes
au secrétariat général du comité interministériel
de prévention de la délinquance et de la radicalisation

La mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) participe à la détection et la lutte contre les différentes formes d'emprise et de manipulation dans le cadre de dérives sectaires.

L'intégration de la Miviludes au sein du SG CIPDR a été présentée comme permettant de renouveler et d'asseoir sa coopération avec des services de l'État les plus impliqués dans la lutte contre les dérives sectaires, à savoir les services du ministère de l'intérieur. Ce rattachement aurait permis, d'après le secrétariat général du CIPDR, de coupler à l'expertise de la Miviludes les capacités juridiques et d'enquête du ministère.

Les effectifs de la Miviludes devraient se stabiliser autour de 10 agents, avec l'arrivée progressive de nouveaux conseillers mis à disposition par différents ministères.

Source : secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation

La rapporteure spéciale considère que les missions de la Miviludes ne doivent pas être confondues avec la prévention de la délinquance et la radicalisation . Il s'agit de problématiques différentes dont il ne faut pas faire l'amalgame. Elle salue néanmoins l'effort financier réalisé, alors que les transferts financiers depuis la mission « Direction de l'action du Gouvernement » avaient été relativement limités en 2021.

Ainsi, d'après la réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale « la ministre déléguée a lancé un appel à projets national d'un million d'euros pour soutenir la politique publique de lutte contre les dérives sectaires, assurer la prévention contre ce phénomène, renforcer la prise en charge des victimes et familles de victimes de dérives sectaires et permettre à travers des travaux de recherches notamment, de développer une analyse plus fine du sujet et des thématiques connexes . »

III. LA MODERNISATION ET L'ACCESSIBILITÉ AUX SERVICES DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR, UN CHANTIER À POURSUIVRE

A. LA DÉMATÉRIALISATION ET LA MODERNISATION DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR, DES AXES INDISPENSABLES

Le ministère de l'intérieur a fait l'objet d'intenses transformations numériques, dont les étapes les plus significatives ont été la dématérialisation des demandes de titres et la création d'une nouvelle direction du numérique, en charge du pilotage d'une stratégie globale pour le ministère.

1. La dématérialisation des demandes de titres a démontré les limites du processus et les besoins d'anticipation, notamment en faveur des publics les plus fragiles
a) Le bilan de la dématérialisation : un chantier particulièrement complexe qui a laissé de côté les populations n'ayant pas accès aux outils informatiques

Dans son rapport public annuel pour 2020, la Cour des comptes a choisi de traiter le sujet du numérique au service de la transformation publique. En première partie , la Cour traite plus spécifiquement des gains de productivité et de la qualité de service liés à la dématérialisation de la délivrance de titres par les préfectures.

La Cour estime ainsi que les « objectifs de restructuration des services préfectoraux ont été globalement atteints malgré une préparation insuffisante et une mise en oeuvre difficile des projets informatiques. Les leçons de cette expérience devraient permettre de mieux exploiter les potentialités ouvertes par la dématérialisation et de mettre au centre des réformes à venir la qualité du service rendu aux usagers . »

La principale critique adressée par la Cour concerne les insuffisances dans la prise en compte des difficultés spécifiques aux publics les plus fragiles.

En effet, d'après l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), 17 % de la population française serait en situation d'illectronisme, c'est-à-dire ne sachant pas utiliser internet ou n'y ayant pas accès. La Cour dresse ainsi le constat d'insuffisances dans l'assistance téléphonique et une sous-estimation des coûts informatiques. Elle dénonce également une gestion « défaillante » de la délivrance des cartes grises.

De plus, dans son rapport « Dématérialisation et inégalités d'accès aux services publics » de 2019, le Défenseur des droits relève de « nombreux dysfonctionnements techniques du site internet ANTS.GOUV.FR empêchant de réaliser les démarches [...], notamment des problèmes de conception du site, qui n'intégraient pas certaines situations ».

b) Le ministère de l'intérieur et l'ANTS ont pris des mesures pour corriger les principales difficultés rencontrées par les usagers

Pour répondre à cette difficulté, le ministère de l'intérieur et l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS) ont mis en place des dispositifs d'accompagnement des usagers, reposant en particulier sur :

- un accompagnement de proximité via la mise en place de 330 points numériques en préfectures et sous-préfectures afin d'aider les usagers dans leurs démarches. Ces points d'accueil numérique complètent le réseau des maisons France service ;

- le renforcement du centre contact citoyen, localisé à Charleville-Mézières, standard téléphonique dont les capacités ont été multipliées par quatre entre 2018 et 2020, passant de 60 téléconseillers en août 2018 à près de 300 actuellement, permettant également désormais d'accompagner les demandeurs étrangers de titres de séjour 21 ( * ) . Cet accompagnement est également accessible aux personnes en situation de handicap.

Par ailleurs, l'ANTS a engagé une refonte globale de son site internet qui devait initialement être mis en service début 2021. Le site est supposé être « plus ergonomique, plus intuitif et plus accessible avec un contenu enrichi, il permettra l'accès à l'information au plus grand nombre . » Des associations travaillant avec des publics handicapés ont été associées à la phase de création du site.

Le nouveau site a été mis en service la semaine du 11 octobre 2021 seulement, soit plusieurs mois après l'échéance initiale.

De plus, un chantier a été annoncé sur le système d'immatriculation des véhicules, auquel ont recours de nombreux acteurs 22 ( * ) et occasionnant entre 30 et 40 millions de connexions par an . Le système d'informations actuel, dont l'ensemble des acteurs souligne la vétusté, doit impérativement être remplacé.

La refonte du système d'immatriculation des véhicules

Alors que le système d'immatriculation des véhicules (SIV) avait été confronté à d'importantes difficultés, en particulier fin 2017, la décision a été prise de remplacer le système d'information actuel, en partie grâce à des financements de la mission « Plan de relance ».

Le dossier de refonte du SIV a fait l'objet d'une transmission avant l'été à la direction interministérielle du numérique (Dinum) dans la mesure où il s'agit d'un chantier informatique d'un montant supérieur à 9 millions d'euros. La Dinum a rendu un avis favorable sur le projet dans le courant du mois d'octobre.

L'objectif de notification, après une procédure négociée, a été fixé en juillet 2022.

La première étape de la refonte SIV consiste en la mise en place d'un moteur de taxation dans le SIV actuel et qui sera intégré dans la solution cible. Ce chantier a été lancé à la fin de l'été, pour une mise en service au deuxième semestre 2022.

La refonte globale du SIV est pilotée par une équipe intégrée constituée d'agents de la délégation à la sécurité routière, de l'Agence nationale des titres sécurisés et de la direction du numérique du ministère de l'intérieur.

Le chantier devrait s'étendre sur quatre années, afin de permettre une migration progressive sans interruption de service.

Source : réponses aux questionnaires de la rapporteure spéciale

2. Le rôle de pilotage de la direction du numérique doit être renforcé

Le décret du 27 septembre 2019 23 ( * ) a créé la direction du numérique (DNUM), qui a pour mission, en lien avec l'ensemble des services, d'élaborer et de conduire la stratégie numérique du ministère. Elle est chargée d'assurer la cohérence et la sécurité de ses systèmes d'information et de communication. Rattachée au secrétariat général, elle interagit avec les différents services responsables 24 ( * ) .

Quatre objectifs stratégiques lui ont été fixés :

- insuffler la transformation numérique à l'échelle du ministère de l'intérieur, (impacts et opportunités en matière d'intelligence artificielle, de blockchain , de 5G, d'internet des objets...), en proposant des outils aux différents métiers, en organisant le processus d'innovation et en étant à l'écoute des attentes des usagers ;

- piloter la stratégie numérique globale dans le cadre de la stratégie Tech.Gouv de l'État (environnement numérique de travail, Cloud, réseau radio sécurisé) ;

- rationnaliser et réduire les coûts de la fonction informatique, en réduisant les doublons et dépenses redondantes ;

- améliorer l'attractivité du ministère de l'intérieur, en recrutant des compétences rares nécessaires, « en faisant évoluer l'organisation et les conditions de travail des services numériques, en développant l'image de marque du ministère au travers d'initiatives et d'innovations technologiques et en développant les partenariats avec les mondes académique et universitaire . » 25 ( * )

Cependant, la Cour des comptes relève, dans son rapport sur la conduite des grands projets numériques de l'État 26 ( * ) , qu'il existe un risque que « les responsabilités traditionnelles de maîtrise d'oeuvre des DSI [directions des systèmes d'information] l'emportent sur la production de services aux usagers et la transformation des organisations administratives dont sont chargées les DNUM . » La rapporteure spéciale considère que, sans remettre en cause le rôle de maîtrise d'ouvrage des DSI, il est indispensable que les décisions informatiques stratégiques soient pleinement intégrées au ressort de la DNUM.

La DNUM a notamment la charge de plusieurs projets de grande ampleur, comme la dématérialisation des procédures destinées aux publics « étrangers » ou encore la mise en place du réseau radio du futur, en partie financé par la mission « Plan de relance ».

a) Le chantier de l'administration numérique pour les étrangers en France

Alors que le plan PNG reposait en grande partie sur la dématérialisation des demandes de titres, des interrogations subsistent sur les objectifs et les conséquences du chantier de l'administration numérique pour les étrangers en France (ANEF). En effet, les étrangers sont aujourd'hui les derniers usagers à pouvoir encore se présenter aux guichets en préfecture.

Pour l'instant, ont été déployés les procédures dématérialisées pour les visas long séjour valant titre de séjour en 2019, les titres « étudiant » en septembre 2020, les autorisations de travail en avril 2021 et les passeports « talent » à compter du 25 mai dernier. Fin 2021, l'équivalent de 80 % des procédures « étrangers » auront été dématérialisées.

Les échéances passées et prévisionnelles de l'ANEF

(en nombre de dossiers traités)

Source : direction de la modernisation de l'action territoriale du ministère de l'intérieur

D'après les informations communiquées par la DMAT, le chantier de la dématérialisation des titres pour les étrangers n'a pas été conçu comme le plan PNG et ce à deux titres :

- d'abord, aucune diminution d'effectif n'est envisagée dans l'immédiat : ce n'est que dans un deuxième temps, si les guichets font face à une moindre affluence, que les réductions pourront s'opérer ;

- ensuite, l'engagement a été pris de maintenir le même niveau d'effectifs sur la mission « étrangers » des préfectures. Ainsi, les effectifs d'accueil seront, de toute façon, maintenus et affectés à d'autres tâches de la mission.

Le coût des développements serait de l'ordre de 100 millions d'euros . Le ministère évalue que l'ANEF pourrait être à l'origine d'une économie annuelle équivalente à 15 millions d'euros : alors que les demandes seraient traitées plus rapidement, des économies seraient à prévoir via la réduction des allocations pour demandeurs d'asile versées dans l'attente du traitement des demandes.

b) Le « réseau radio du futur », un projet de modernisation très attendu

Le projet réseau radio du futur devrait bientôt entrer dans une phase opérationnelle, le marché devant être signé au mois de novembre 2021.

Les réseaux radio actuels gérés par le ministère de l'intérieur reposent sur une technologie comparable à la technologie 2G des réseaux commerciaux des années 1990, soit une technologie obsolète.

Ce type de réseau radio ne permet que la transmission de la voix ou de courts messages et ne devrait bientôt plus pouvoir être utilisé dans certaines zones géographiques, en particulier en région parisienne. L'objectif du nouveau réseau serait d'être opérationnel pour la coupe du monde de Rugby en 2023, dans la perspective des Jeux Olympiques de 2024.

Le nouveau réseau radio du futur (RRF) devrait permettre l'accès à une messagerie instantanée, aux données de géolocalisation (y compris renvoyées sur le terminal de l'utilisateur), aux systèmes d'information du ministère de l'intérieur, aux flux vidéo ou aux objets connectés. Le réseau doit pouvoir être accessible tant à la Gendarmerie et à la Police nationales qu'aux moyens nationaux de la sécurité civile, à l'administration pénitentiaire, aux douanes, aux sapeurs-pompiers ou encore aux polices municipales.

Le programme RRF vise ainsi à répondre aux besoins opérationnels des utilisateurs, à savoir les services en charge des missions relevant du traitement de l'urgence, tant dans le domaine de la sécurité publique que dans celui du secours aux personnes et aux populations .

Le calendrier cible du ministère de l'intérieur prévoit le déploiement de RFF dans 22 départements en 2023 27 ( * ) , 38 en 2024 et des 36 derniers en 2025.

Les moyens financiers devraient être conséquents, à la hauteur de l'objectif cible du déploiement de 700 000 dispositifs. Une part très significative de ces dépenses sera portée par les différents services de sécurité et de secours qui auront souscrit aux offres d'abonnement du réseau, sur leur propre budget et dans les volumes qu'ils auront choisis.

Le besoin d'investissement a été évalué à 688 millions d'euros avec un effort budgétaire conséquent au départ pour « acquérir l'ensemble des ressources techniques (coeur de réseau, services d'applications missions critiques, contrats avec les opérateurs de réseaux mobiles, terminaux mobiles et accessoires, etc.) suivi par une baisse de l'effort d'investissement à partir de 2023 (début du déploiement) » 28 ( * ) .

Modèle économique du réseau radio du futur

Source : réponses au questionnaire budgétaire de la rapporteure spéciale

Alors que les crédits pour 2021 et 2022 sont portés par la mission « Plan de relance », la rapporteure spéciale s'étonne que des crédits normalement portés par la mission « Administration générale et territoriale de l'État » soient sortis de la mission et considérés comme une mesure de relance, alors même que ceux-ci relèvent de dépenses ordinaires, qui devaient de toute façon être engagées.

B. LES MAISONS FRANCE SERVICES CRÉÉES AU SEIN DES SOUS-PRÉFECTURES NE RÉPONDENT TOUJOURS PAS AUX CRITÈRES FIXÉS PAR LA CHARTE DES MAISONS FRANCE SERVICES

À compter de l'été 2019, les maisons de services au public (MSAP) ont été appelées à évoluer, pour renforcer leur offre de services. Cette montée en gamme donne lieu à la délivrance d'un label, les maisons France Services (MFS) . Dans un discours du 25 avril 2019, le président de la République a affiché son projet de disposer d'une MFS dans chaque canton d'ici la fin du quinquennat, soit 2 000 MFS, contre 1 344 MSAP actuellement .

Le financement de chacune des MSAP pour 2020 a été arrêté sur une base forfaitaire de 30 000 euros par maison existante, dont 50 % au titre du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) et 50 % au titre du fonds inter-opérateurs (FIO). Pour les MSAP portées par le groupe La Poste, la somme forfaitaire apportée par l'État et les collectivités territoriales est en revanche fixée à 26 000 euros, complétés par 4 000 euros du FIO.

La montée en gamme des MSAP souhaitée par le président de la République à compter du 1 er janvier 2020 vise à répondre en partie aux critiques des élus locaux et aux réserves formulées par la Cour des comptes dans son rapport de mars 2019 sur l'accès aux services publics dans les territoires ruraux 29 ( * ) .

La Cour avait alors relevé que d'importantes marges d'amélioration étaient possibles dans ce domaine : l'offre de service des MSAP était notamment jugée trop hétérogène et insuffisamment connue, tandis que le bilan des services rendus dans les maisons portées par La Poste était plus que sévère.

La labellisation maison France services entend donc répondre à ces critiques . Le Gouvernement a pour ce faire fixé trois objectifs :

- améliorer l'accessibilité aux services publics en faisant croître le réseau des MSAP et en mettant en place de services itinérants, les bus France services ;

- simplifier les démarches des usagers en regroupant effectivement dans un même lieu les différents services, sans avoir à rediriger les usagers vers d'autres services ;

- renforcer substantiellement la qualité du service rendu et offrir un panier de services homogène entre les différentes maisons.

Conformément à la Charte France services, chaque structure devra installer un accès libre et gratuit à un point numérique ou à tout outil informatique permettant de réaliser des démarches administratives dématérialisées .

Afin d'éviter que le rôle des MFS ne se limite à la réorientation des usagers et à la prise de rendez-vous, il est prévu que les opérateurs et administrations disposent de référents locaux, qui tiendront lieu de « back office » facilement joignables par téléphone par les agents locaux, ou même par visio-conférence directement par les usagers.

À ce jour, seules 22 sous-préfectures ont été labellisées France Services. Comme l'a indiqué le directeur de la modernisation de l'action territoriale lors de son audition, « l'exigence de deux agents par espace France Services peut constituer un frein à l'émergence de projets de labellisation en sous-préfecture ».

La rapporteure spéciale tient à rappeler ici que les maisons France services ne doivent pas constituer un moyen pour l'État de se désengager des territoires les plus isolés. Ainsi, il apparaît indispensable que les maisons France Services portées par la mission « Administration générale et territoriale de l'État » se donnent au plus vite les moyens des ambitions que l'État a lui-même fixées, en particulier concernant la règle de deux ETP au minimum. Il s'agit à ce jour d'un point bloquant pour la généralisation de la labellisation des maisons portées par l'État.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté les crédits de la mission avec deux amendements.

L'amendement n° II-789 déposé par la rapporteure spéciale de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Jennifer de Timmerman, vise à augmenter de 15 millions d'euros en AE et en CP les crédits du programme 354 « Administration territoriale de l'État » afin de renforcer les effectifs titulaires au sein des centres d'expertise de ressources et des titres (CERT) . Cet amendement de crédits a été adopté malgré un avis défavorable du Gouvernement. Ces crédits pourront permettre d'apporter une réponse aux constats dressés par la rapporteure spéciale sur la situation rencontrée dans les CERT.

Il diminue de 15 millions d'euros les dépenses de personnel de l'action 01 « État-major et services centraux du programme » du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ».

L'amendement n° II-979 déposé par le Gouvernement, adopté avec un avis favorable de la commission des finances, majore les crédits de la mission de 844 000 euros en AE et en CP. Ces crédits doivent permettre, d'une part, d'apporter les moyens supplémentaires nécessaires à la direction générale des étrangers de France pour la gestion du volet frontière de la réserve d'ajustement Brexit et, d'autre part, de créer un vingt-troisième poste d'expert de haut-niveau auprès des préfets de région.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 27 octobre 2021, sous la présidence de Mme Christine Lavarde, vice-président, la commission a examiné le rapport de Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale, sur la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Mme Isabelle Briquet , rapporteure spéciale de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » . - Après un changement d'échelle en 2020, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE) a poursuivi sa transformation en 2021. Le projet de budget pour 2022 n'apporte pas de modification majeure à la trajectoire engagée, mais ne transcrit que très partiellement les promesses de réarmement de l'État territorial.

Le budget de la mission se stabilise et est même en légère hausse, du fait principalement des élections. Pour la deuxième année consécutive, en 2022, il ne devrait pas y avoir de nouvelles réductions d'effectifs au sein de l'administration territoriale de l'État, soit le périmètre du programme 354. Ce point me paraît particulièrement important. Après plusieurs années d'une baisse considérable des crédits et des emplois dédiés à l'administration territoriale, la logique de désengagement de l'État dans les territoires s'interrompt.

Entamé il y a cinq ans, le plan préfectures nouvelle génération (PPNG) avait un double objectif : d'une part, mettre en oeuvre la dématérialisation des titres - carte d'identité, passeport, permis de conduire et carte grise -, d'autre part, grâce aux effectifs déchargés par cette dématérialisation, supprimer 1 300 équivalents temps plein (ETP) et renforcer certaines missions prioritaires comme la sécurité et l'ordre public, la coordination des politiques publiques, le contrôle de la légalité et la lutte contre la fraude documentaire. La dématérialisation des demandes de titres s'est traduite par la fermeture des guichets d'accueil dans les préfectures et par l'ouverture de 58 centres d'expertise et de ressources des titres (CERT).

Je souhaite relever l'importance de la mobilisation des contractuels au sein des CERT. Ils ont représenté, au moment de leur mise en place, jusqu'à 58 % des effectifs pour les CERT cartes grises. Aujourd'hui 22 % des effectifs de ces structures sont des contractuels. Cette part demeure beaucoup trop élevée. Je fais mien le constat formulé par la Cour des comptes dans son rapport public annuel de février 2020 : « il est difficile d'admettre que des situations précaires de ce type puissent perdurer au sein du service public, au-delà des périodes de transition pour lesquelles ces concours étaient justifiés ».

De plus, les redéploiements d'effectifs vers les missions prioritaires n'ont pas eu lieu, du fait notamment des redéploiements à destination des missions « étrangers ».

Par ailleurs, la réforme de l'organisation territoriale de l'État engagée depuis 2019 a franchi d'importantes étapes en 2021 via la création des secrétariats généraux communs (SGC) des préfectures et directions départementales interministérielles dès le 1 er janvier, la mise en place des directions de l'emploi, du travail et des solidarités aux niveaux départemental et régional (DDETS/DRETS) au 1 er avril, le transfert au ministère de l'éducation nationale des missions « sport » et « jeunesse » exercées par les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJCS) et les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS), et enfin le transfert aux préfectures des missions effectuées par les services de main d'oeuvre étrangère (SMOE) au sein des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte).

Je partage l'objectif de cette réforme, qui est de favoriser les mutualisations et d'interrompre la logique visant à « raboter » les services de l'État dans les territoires. Cependant, il me semble que plusieurs difficultés persistent.

Tout d'abord, la réforme ne remet pas en cause les diminutions d'effectifs passées. Tout au plus engage-t-elle la stabilisation des effectifs de l'État territorial sans proposer de réarmement des missions prioritaires. Je pense en particulier au contrôle de légalité, qui continue à faire l'objet de réductions d'effectifs.

Le ministère de l'intérieur oppose sur ce point un « repyramidage des emplois », c'est-à-dire une diminution de la part relative des emplois les moins qualifiés, de catégorie C, au profit des emplois les plus qualifiés, de catégorie A. Cette seule logique ne saurait suffire à pallier les manques du contrôle de légalité et à justifier la poursuite de la diminution des effectifs sur cette mission.

Le contrôle de légalité constitue une garantie pour l'État, assuré du respect de la loi sur l'ensemble du territoire, et pour les élus locaux, confiants dans la sécurité juridique de leurs actes. Les objectifs n'ont, sur ce point, aucunement été remplis et il apparaît indispensable de redoubler d'ambition.

De plus, dans le cadre de la réforme de l'organisation territoriale de l'État, de nombreux sujets n'ont pas été suffisamment anticipés. Je pense en particulier à l'éclatement des nouveaux SGC en plusieurs sites, aux difficultés d'accès aux systèmes d'information ou encore aux difficultés en matière de ressources humaines rencontrées par les agents.

Par ailleurs, les maisons France Services ne doivent pas constituer un moyen pour l'État de se désengager. Alors que l'État impose à tous, et en particulier aux collectivités territoriales, la présence de deux ETP dans chaque maison pour obtenir le label, je considère encore une fois qu'il est urgent que l'État se donne les moyens des ambitions qu'il a fixées pour tous. À ce jour, seules 22 maisons de services au public (MSAP) portées par l'État ont été labellisées France Services.

Un autre axe de la rationalisation de la présence de l'État dans les territoires concerne la dématérialisation.

Le ministère a engagé un grand chantier de dématérialisation des titres à destination des publics étrangers, qualifié d'administration numérique pour les étrangers en France (ANEF). D'ici à la fin de l'année 2021, l'équivalent de 80 % des procédures « étrangers » auront été dématérialisées.

Pour répondre à la crainte de nouvelles réductions d'effectifs, le ministère a apporté deux garanties : les réductions ne s'opéreront que dans un deuxième temps, si les guichets font face à une moindre affluence, et, à terme, le niveau global d'effectifs de la mission « étrangers » des préfectures sera maintenu. Les effectifs dédiés aux étrangers seront de toute façon affectés à d'autres tâches de la mission.

Enfin, je souhaite évoquer le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), qui couvre également des actions relatives à la radicalisation. Le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR) a vu son rôle renforcé via l'intégration de nouvelles missions liées à la prévention des dérives sectaires - qui ne peuvent être traitées de la même façon que la radicalisation - et au « contre-discours républicain », dont les contours ne sont pas clairement définis. Le budget du FIPD est en légère hausse par rapport à 2021, ce qui apparaît conforme aux engagements.

Vous l'aurez compris, j'ai certaines réserves à l'égard du budget qui nous est proposé. La logique de rabot et de désengagement de l'État des territoires qui prévaut depuis une quinzaine d'années pose problème. Alors que la stabilisation des effectifs proposée par le Gouvernement est très loin des engagements de réarmement des territoires, je vous proposerai de ne pas adopter les crédits de la mission.

Mme Christine Lavarde , président. - Alors que les machines à voter font l'objet d'un moratoire, je considère que celles-ci permettraient des économies substantielles lors des scrutins. De plus, elles résoudraient nos difficultés à trouver assesseurs et scrutateurs. Le ministère de l'intérieur envisage-t-il la levée de ce moratoire, qui de surcroît entraine de réelles difficultés sur l'entretien du parc de machines existant ?

M. Jean-François Husson , rapporteur général. - Je partage l'alerte donnée par la rapporteure spéciale au sujet des élections. On se souvient tous du fiasco de la distribution de la propagande électorale lors des dernières élections. À ce jour, les préfectures ne sont toujours pas en mesure d'assumer ces opérations. Aucune solution claire n'est présentée par le Gouvernement. Alors que l'on a vu à la télévision une préfète effectuer elle-même des mises sous plis de la propagande électorale, l'impréparation des services de l'État sur ce sujet est flagrante.

De plus, dans la perspective des prochaines élections, aucun équipement de protection n'est budgété à destination des bureaux de vote. Alors que ces équipements auraient dû faire l'objet de crédits en loi de finances initiale, j'ose espérer que ces dépenses ne s'ajouteront pas à celles des collectivités !

Le Premier ministre évoque le « réarmement » de l'État territorial. Or manifestement, on n'assiste qu'à un rapiéçage, avec des redéploiements d'effectifs au détriment par exemple des services de contrôle de légalité, pourtant bien utiles aux collectivités territoriales.

Je suis aussi frappé de la faiblesse de l'implication de l'État dans les maisons France services : il est incapable d'affecter du personnel dans les maisons qu'il pilote lui-même alors qu'il l'impose aux collectivités ! Certaines maisons France services fonctionnent très bien, mais pour celles-ci, la participation relative de l'État est bien maigre. Alors que ces structures permettent de rendre un certain nombre de services qui sont du ressort de l'État, nous devons rester intransigeants sur son niveau de participation : l'État ne doit pas se délester sur les collectivités territoriales !

M. Antoine Lefèvre . - J'ai été le co-rédacteur, avec Alain Anziani, d'un rapport de la commission des lois consacré au vote électronique : je ne suis pas aussi enthousiaste que Madame Lavarde sur les machines à voter qui posent nombre de questions. Alors que les théories du complot gagnent du terrain, je pense qu'il faut que nous fassions très attention à ce type de dispositifs.

Après la grande désorganisation de l'acheminement de la propagande électorale par Adrexo, comment l'État s'organisera-t-il l'année prochaine pour les deux scrutins ? Évitons de rééditer les mêmes erreurs.

M. Michel Canévet . - Je ne partage pas le scepticisme de la rapporteure spéciale et du rapporteur général : le budget de la mission augmente tout de même de 5,4 % en autorisations d'engagement et de 4,6 % en crédits de paiement. Il me semble normal que l'administration territoriale de l'État fasse des efforts de rationalisation et de diminution d'effectifs, comme l'ensemble des services de l'État.

La dématérialisation permet des économies de gestion et doit logiquement conduire à des suppressions de postes. On ne peut pas demander des économies d'un côté et réclamer dans le même temps le maintien des postes : soyons cohérents !

Néanmoins, à la suite des dysfonctionnements observés lors des dernières élections, je partage le constat selon lequel des améliorations doivent impérativement être apportées d'ici aux échéances du printemps.

M. Marc Laménie . - Alors que les emplois de la mission sont en très forte baisse depuis plusieurs années, disposons-nous d'une répartition de cette diminution d'effectifs entre d'une part l'administration centrale du ministère et, d'autre part, l'administration déconcentrée ? De plus, alors que nous restons attachés au rôle du représentant de l'État auprès des élus, des habitants et du monde économique, des regroupements de sous-préfectures sont-ils à l'ordre du jour ?

Concernant l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), qui relève également de la mission, je m'interroge sur l'évolution de ses effectifs.

À mon sens, le fiasco de la distribution de la propagande électorale est lié au résultat des appels d'offre sur la mise sous plis et la distribution. L'opérateur historique, la Poste, ne posait pas autant de difficultés...

M. Stéphane Sautarel . - Je partage les remarques de notre rapporteure spéciale, ainsi que celles de notre rapporteur général. Cette mission est intéressante : on voit, en particulier pour les missions France Services, que l'État fait encore une fois peser sur les autres acteurs des obligations qu'il ne s'impose pas à lui-même.

Je constate également une forme de « paradoxe des effectifs », à savoir que même lorsque l'on maintient des effectifs, ceux-ci ne sont jamais placés là où l'on en a besoin. Il me semble que, dans le budget qui nous est présenté, il y une inadéquation entre les besoins réels des territoires et des usagers et l'utilisation des effectifs...

Le contrôle de légalité est nécessaire, mais il est trop souvent exercé avec la volonté de reprendre le pouvoir perdu sur les collectivités territoriales. Il faudrait plus de conseil et d'accompagnement que de contrôle.

M. Jean-François Husson , rapporteur général. - Tout à fait !

M. Stéphane Sautarel . - Ma question porte donc plus généralement sur la réalité territoriale de la répartition des effectifs.

M. Jean-Marie Mizzon . - Dans le cadre de la réforme de l'organisation territoriale de l'État, est-il envisagé de revoir le périmètre des arrondissements afin de les faire coïncider avec la nouvelle réalité territoriale, à savoir celle de la coopération intercommunale ? En effet, les arrondissements ne correspondent pas aux cartes des EPCI.

Si la dématérialisation nous amènera sans doute sur le chemin du bonheur j'observe que, pour l'instant, elle fait beaucoup de malheureux. La lutte pour l'inclusion numérique n'est pas encore gagnée et des millions de Français se sentent mis à l'écart. Il est impératif de conserver un accueil physique ou téléphonique, comme le préconise la Défenseure des droits.

Je crains que le regroupement des secrétariats généraux communs n'aboutisse à une moins bonne connaissance des problématiques spécifiques aux différentes directions et, partant, à une baisse de la qualité de service.

M. Jean-Claude Requier . - Les Suisses organisent quatre votations par an, il serait intéressant d'examiner leur système en matière de votation électronique, sujet qui me semble tout de même poser un certain nombre de difficultés. Si l'on peut être favorable à l'idée d'un envoi de la propagande électorale par voie numérique, encore faut-il pouvoir ouvrir ses courriels ! Dans le monde rural, nous ne sommes pas toujours très à l'aise avec les outils informatiques...

Les sous-préfectures sont essentielles dans le monde rural, même si l'on peut regretter que les sous-préfets s'en aillent au bout de deux ans, quand enfin ils sont opérationnels ! À mon sens, il faut renforcer les sous-préfectures, en leur confiant davantage de missions et en maintenant un vrai lien de proximité entre les sous-préfets et le territoire.

Les maisons France services favorisent la proximité. Mais je dois reconnaître que les élus ne donnent pas toujours le bon exemple en matière de proximité de l'action publique : voyez les grandes régions, les grandes intercommunalités ! Il y a 400 kilomètres entre mon ancien canton et Montpellier, chef-lieu de la Région Occitanie.

M. Bernard Delcros . - Je partage globalement l'analyse de notre rapporteure spéciale. Nous avons besoin de mesurer plus précisément l'impact de la réforme de l'administration territoriale de l'État en termes d'emplois et de services sur nos territoires.

Je partage l'avis de Stéphane Sautarel sur rôle du contrôle de légalité et la nécessité d'un dialogue des services de l'État avec les collectivités. En revanche, je rejoins Michel Canévet quant à son appréciation générale sur les crédits de la mission.

M. Rémi Féraud . - L'accueil des étrangers pose des problèmes d'accès aux droits, tout particulièrement en Île-de-France. La poursuite de la dématérialisation est-elle vraiment raisonnable ? Le député Jean-Noël Barrot a récemment préconisé dans son rapport sur la loi de règlement pour 2020 d'embaucher 250 contractuels sur une durée de deux à trois ans pour rattraper les retards dans l'examen des demandes de titres de séjour : cela est-il pris en compte dans ce budget pour 2022 ? Ce sujet ne doit-il pas constituer un point d'alerte spécifique sur la mission ?

Mme Christine Lavarde , président. - Je partage ce constat : obliger les gens à attendre pendant des heures devant un ordinateur pour obtenir un rendez-vous n'est pas respectueux. Mieux vaut fixer clairement un rendez-vous, même si c'est dans six mois.

Je ne suis pas certaine qu'il faille « occuper » les sous-préfets comme le suggère notre collègue Requier. Dans mon département, on compte sept sous-préfets pour 36 communes... Ils en viennent à organiser des réunions sur des thématiques qui relèvent de la compétence des EPCI ou des communes !

Mme Isabelle Briquet . - Madame la présidente, la direction de la modernisation de l'action territoriale est particulièrement prudente sur les questions de vote électronique et sur les machines à voter. Le ministère a ouvert plusieurs chantiers dans la perspective des élections de l'année 2022, en particulier concernant les procurations et le vote électronique à l'étranger. Il y a en revanche une très forte réticence sur la dématérialisation du vote sur le territoire national, avec un très fort attachement à la garantie que représentent l'isoloir et l'urne.

Comme l'a souligné le rapporteur général, seules 22 sous-préfectures ont été labellisées France services et il en reste une quinzaine en attente de labellisation, faute de personnel de l'État. C'est très insuffisant et il nous a été indiqué qu'il n'y aurait pas d'effet de rattrapage à court terme.

Les inquiétudes de Monsieur Lefèvre sur la sécurité des machines à voter sont pleinement partagées par la direction de la modernisation de l'action territoriale. Pour la distribution de la propagande électorale en 2022, un marché public a été lancé, il devrait être attribué en fin d'année, peut-être au profit de la Poste. Pour la mise sous plis, c'est l'option de la réinternalisation au sein des préfectures qui a été décidée. Ce choix risque de poser des difficultés très importantes dans les départements les plus denses, pour lesquels il y a une réelle insuffisance des moyens humains au sein des préfectures pour effectuer ces opérations.

Par ailleurs, si les crédits de la mission augmentent, c'est principalement du fait des élections et des principaux chantiers de dématérialisation. Ainsi, pour répondre à Monsieur Canévet, si les effectifs restent stables, on constate que sur de nombreuses missions les objectifs sont loin d'être atteints en termes de services à l'usager et vis-à-vis des territoires. Mon désaccord sur les crédits de la mission se justifie par le grand nombre de réserves que j'ai émises.

Monsieur Laménie, en 2022, 99 emplois seront supprimés en administration centrale, soit le périmètre du programme 216, tandis que les effectifs de l'administration déconcentrée resteront stables. Aucun regroupement de sous-préfectures n'est envisagé cette année. Concernant le site de l'ANTS de Charleville-Mézières, celui-ci regroupe désormais plus de 300 personnes. Il a été progressivement renforcé afin de répondre aux critiques sur la dématérialisation « à marche forcée ». De plus, les compétences de ce centre téléphonique ont été étendues au soutien des publics étrangers dans le cadre de l'ANEF.

Je partage le constat de Monsieur Sautarel sur le rôle du contrôle de légalité, mais il me semble qu'il faut renforcer ces services et leur donner de nouveaux moyens précisément pour permettre que le contrôle de légalité puisse se développer vers des missions de conseil aux collectivités.

Par ailleurs, le chantier de redécoupage des arrondissements que Monsieur Mizzon appelle de ses voeux n'est pas envisagé. Sur le sujet de l'inclusion numérique, celui-ci est de mieux en mieux pris en compte et je me dois de souligner que d'importants progrès ont été réalisés.

Je partage pleinement le constat de Monsieur Requier, suivant lequel les sous-préfets sont essentiels en zone rurale.

Pour répondre à Monsieur Delcros concernant l'impact de la réforme de l'organisation territoriale de l'État sur les effectifs de l'État et l'efficacité de son action, celle-ci est d'abord indolore en termes d'emplois. Il s'agit de rationaliser la structure administrative et d'inciter à des mutualisations pour parvenir à dégager des gains d'efficience à moyen terme.

La question de l'accueil des étrangers, soulevée par Monsieur Féraud, est essentielle : il y a des manques structurels, identifiés par la plupart des acteurs. Alors que 80 % de la dématérialisation relative aux étrangers a été réalisée ; le Gouvernement a prévu de ne pas réduire les personnels à l'accueil. Ce renfort numérique pourra permettre d'accélérer le traitement de certains dossiers tout en conservant un accompagnement, compte tenu de la complexité des procédures.

La commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 18 novembre 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - La commission des finances n'a pas adopté les crédits de la mission. En première délibération, l'Assemblée nationale a adopté les crédits de la mission tels que modifiés par deux amendements de crédits.

Les crédits votés par l'Assemblée nationale visent notamment à renforcer les effectifs titulaires des centres d'expertise ressources titres (CERT), résolvant en partie une difficulté qui avait été relevée par la rapporteure spéciale, Mme Isabelle Briquet.

Malgré cette légère avancée, celle-ci vous propose de confirmer le rejet des crédits de la mission.

Après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Secrétariat général du ministère de l'intérieur

- M. Olivier JACOB, secrétaire général adjoint, directeur de la modernisation et de l'administration territoriale ;

- M. Jean-Gabriel DELACROY, sous-directeur ;

- M. Aurélien ADAM, chef du bureau des moyens de l'administration territoriale ;

- Mme Stéphanie MARIVAIN, chef du bureau de la qualité et du pilotage de la performance de l'administration territoriale ;

- Mme Maud GUÉRIN-GREGOIRE, cheffe de cabinet du directeur de la modernisation et de l'administration territoriale.

Direction du numérique

- M. Jérôme LETIER, directeur du numérique du ministère de l'intérieur ;

- Mme Carole PUIG-CHEVRIER, cheffe du service du pilotage stratégique et de la gouvernance.

Secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR)

- M. Christian GRAVEL, secrétaire général ;

- M. Jean-Pierre LAFFITE, secrétaire général adjoint.

Agence nationale des titres sécurisés (ANTS)

- Mme Anne-Gaëlle BAUDOUIN, directrice.

Confédération générale du travail du ministère de l'intérieur

- M. David LECOCQ, secrétaire général ;

- Mme Karine TARTAS, secrétaire générale adjointe.

Syndicat national force ouvrière des personnels des préfectures et des services du ministère de l'intérieur

- M. Romuald DELIENCOURT, secrétaire national ;

- M. Olivier BERGER, conseiller national.

DÉPLACEMENT À LA PRÉFECTURE DU NORD
(5 OCTOBRE 2021)

Secrétariat général

- M. Simon FETET, secrétaire général ;

- Mme Amélie PUCCINELLI, secrétaire générale adjointe ;

- M. Fabien LORENZO, directeur de la réglementation et de la citoyenneté ;

- Mme Fabienne GAUTHIER, cheffe du centre d'expertise et de ressources titre ;

- Mme Patricia DOOSE, adjointe en charge du pôle production ;

- M. Éric NOWACKI, adjoint en charge du pôle lutte contre la fraude.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2022.html


* 1 Dysfonctionnements constatés lors des élections départementales et régionales de juin 2021, Rapport d'information n° 785 (2020-2021) de M. François-Noël BUFFET, fait au nom de la commission des lois, déposé le 21 juillet 2021.

* 2 Ces missions étaient alors la sécurité et l'ordre public, la coordination des politiques publiques, le renforcement des moyens du contrôle de la légalité et la lutte contre la fraude documentaire.

* 3 Pour les CERT certificat d'immatriculation des véhicules (carte grise).

* 4 Voir par exemple https://www.francetvinfo.fr/replay-jt/france-2/20-heures/video-echanger-son-permis-etranger-pour-un-permis-francais-il-ne-faut-pas-etre-presse_3433157.html .

* 5 D'après les réponses de la direction de la modernisation de l'action territoriale au questionnaire de la rapporteure spéciale : « la France permet aux ressortissants de plus de cent États d'échanger leur permis, alors que ce chiffre n'excède souvent pas dix ou vingt chez la plupart de nos partenaires européens. »

* 6 Essentiellement par non remplacement des départs à la retraite. Parmi ces suppressions, 900 ont permis de financer les nouveaux emplois de catégorie A et B.

* 7 Décret n° 2019-769 du 24 juillet 2019 relatif au comité interministériel régional de transformation des services publics.

* 8 Les transferts entrants représentant une augmentation de 104,5 millions d'euros tandis que 37 emplois de la médecine de prévention (3,4 millions d'euros) ont été transférés au programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ».

* 9 Décret du 14 août 2020, modifiant le décret du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles.

* 10 Projet annuel de performance de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », p. 18.

* 11 Pour une présentation plus précise de la réforme, se reporter au rapport sur le projet de loi de finances pour 2021 : Administration générale et territoriale de l'État de Mme Isabelle BRIQUET, annexe n°2 au rapport général n° 138 (2020-2021), fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020.

* 12 Cabinet Bearing Point.

* 13 La cible initiale a été réévaluée en cours d'année du fait de la création d'emplois dédiés à la lutte contre le cyber-djihadisme (5 ETP) et 30 ETP de sous-préfets en charge de la relance.

* 14 Décret n° 2019-1190 du 18 novembre 2019 relatif à l'Agence nationale de la cohésion des territoires.

* 15 Dysfonctionnements constatés lors des élections départementales et régionales de juin 2021, Rapport d'information n° 785 (2020-2021) de M. François-Noël BUFFET, fait au nom de la commission des lois, déposé le 21 juillet 2021.

* 16 En réponse au questionnaire budgétaire de la rapporteure spéciale.

* 17 Décision n° 2013-673 DC du 13 juillet 2013 sur la représentation des Français de l'étranger.

* 18 Jean-Eric Schoettl, vice-président de la section de l'intérieur du Conseil d'État, dans sa note annexée au rapport IGA-IGF « Revue des dépenses- l'organisation des élections » (2015).

* 19 Décret n° 2016-553 du 6 mai 2016.

* 20 Décret n° 2020-867 du 15 juillet 2020 modifiant le décret n° 2002-1392 du 28 novembre 2002 instituant une mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.

* 21 D'après la convention conclue entre la direction générale des étrangers en France (DGEF) et l'ANTS, le numéro téléphonique dédié doit permettre 1. d'offrir aux usagers  une « aide au clic » 2. l'identification des anomalies 3. un rôle de remontée et de relais de la DGEF avec les usagers.

* 22 Le SIV permet à la fois la perception de taxe sur les véhicules, versement de certaines aides, l'émission d'amendes, l'identification de véhicules volés, la sécurisation de transactions automobiles ou encore l'information de professionnels du secteur.

* 23 Décret n°2019-994 du 27 septembre 2019 modifiant le décret n°2013-728 du 12 août 2013 modifié portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et du ministère des outre-mer.

* 24 - le service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure ;

- la direction de l'innovation, de la logistique et des technologies chargée du numérique de la préfecture de police ;

- les services des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur ;

- l'agence du numérique de la sécurité civile dont elle assure également la tutelle ;

- l'agence nationale des titres sécurisés dont elle assure également la tutelle ;

- l'agence nationale de traitement automatisé des infractions.

* 25 Direction du numérique du ministère de l'intérieur, auditionnée par la rapporteure spéciale.

* 26 La conduite des grands projets numériques de l'État, Communication à la commission des finances du Sénat, juillet 2020 .

* 27 D'après les réponses au questionnaire budgétaire « les 12 départements hôtes de la coupe du monde de rugby seront déployés à compter de juin 2023 afin d'être pleinement opérationnels en septembre 2023 au moment du démarrage de la coupe du monde de rugby, les 10 autres départements seront déployés à compter de septembre 2023. »

* 28 Réponses au questionnaire budgétaire de la rapporteure spéciale.

* 29 Cour des comptes, L'accès aux services publics dans les territoires ruraux, mars 2019.

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