II. LA PROPOSITION DE LOI : RENFORCER LA LUTTE CONTRE L'HABITAT LOCATIF NON-DÉCENT EN CONSIGNANT LE RESTE À CHARGE DU LOYER DES BÉNÉFICIAIRES D'ALLOCATIONS DE LOGEMENT

A. LA LOI ALUR A INSTITUÉ UN DISPOSITIF DE RETENUE TEMPORAIRE DES ALLOCATIONS DE LOGEMENT POUR LES LOGEMENTS LOCATIFS NON-DÉCENTS

1. En cas de non-décence de son logement, le locataire dispose de différentes voies de recours, qui ont été renforcées ces dernières années

Les propriétaires de logements locatifs non-décents sont tenus de procéder à leur charge à tous les travaux nécessaires pour rendre le logement décent , sur simple demande du locataire. Si le bailleur refuse d'exécuter les travaux nécessaires, le locataire peut saisir le juge, qui ordonne si nécessaire l'exécution desdits travaux, en fixant un délai pour leur exécution. Le juge peut également prononcer une réduction du montant du loyer qui peut aller jusqu'à l'annulation de ce dernier, pour toute la durée pendant laquelle le logement demeure en état de non-décence. Il peut en outre allouer au locataire des dommages et intérêts, selon le préjudice subi.

Le locataire d'un logement non-décent est également fondé à le quitter sans préavis. En revanche, sauf sur décision judiciaire en ce sens, la non-décence du logement ne justifie pas la cessation du paiement des loyers par le locataire, y compris lorsque le propriétaire refuse de procéder aux travaux de remise en état nécessaires .

2. La loi Alur a introduit un mécanisme de retenue des allocations de logement pour inciter les propriétaires de logements locatifs à effectuer les travaux de mise en état de décence

Constatant l'insuffisance des dispositifs préexistant pour protéger efficacement les locataires, et dans le but d'inciter les propriétaires de logements non-décents à effectuer les travaux de remise en état nécessaires, la loi Alur de 2014 30 ( * ) a modifié les conditions d'octroi et de versement de l'allocation de logement (dont le versement est notamment conditionné à la décence du logement occupé), ainsi que les conditions d'habilitation des organismes chargés de constater la non-décence.

Ainsi, depuis 2014, le constat de non-décence est effectué, à la demande du locataire, par la Caisse d'allocations familiales (CAF) ou les Caisses de mutualité sociale agricole (CMSA), ou par un organisme habilité par convention conclue avec ces caisses. À La Réunion, cette tâche a par exemple été confiée par la CAF à l'Agence départementale d'aide au logement (Adil). La procédure de déclaration de non-décence est contradictoire, la CAF invitant le bailleur à formuler ses observations.

En outre, selon une procédure actuellement prévue à l'article L. 843-1 du code de la construction et de l'habitat, dans le cas où un logement locatif est déclaré non-décent, l'organisme payeur cesse le versement de l'allocation de logement au locataire ou, si elle lui était versée directement, au bailleur. L'allocation est conservée par l'organisme pendant une durée fixée par décret à dix-huit mois 31 ( * ) , durant laquelle le propriétaire est invité à mettre le logement en conformité. Cette durée peut, sur demande argumentée du bailleur, être prolongée pour une durée de six mois.

Les parts de loyer ainsi conservées sont versées au propriétaire lorsque le logement a été remis en conformité. Si , en revanche, à l'issue des dix-huit mois (ou vingt-quatre mois en cas de prolongation), la mise en conformité n'a pas été effectuée , les allocations de logement non versées sont définitivement perdues pour le bailleur. Le logement cesse de remplir les conditions pour permettre le versement d'allocations de logement et le locataire doit alors, s'il y reste, s'acquitter de l'ensemble du loyer.

Durant la période où les allocations de logement sont consignées, le locataire continue d'être tenu de s'acquitter du reste à charge du loyer (diminué donc du montant des allocations de logement). Le bailleur ne peut cependant pas invoquer la diminution du montant total du loyer qu'il perçoit pour obtenir la résiliation du bail.

Selon les premiers bilans, cette procédure a été utilisée 2 647 fois en 2017 et 4 079 fois en 2019 32 ( * ) . La très grande majorité des logements ayant fait l'objet de cette procédure ont été mis en conformité dans un délai de six à dix-huit mois , une minorité ayant requis un délai de six mois supplémentaires 33 ( * ) ; au total, plus de 95 % des procédures ont abouti à une remise en état de décence dans les délais impartis 34 ( * ) .


* 30 Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.

* 31 Art. R. 843-2 du code de la construction et de l'habitat.

* 32 Fondation Abbé Pierre, Rapport annuel #27 , p. 74.

* 33 Mise en place de la mesure de conservation de l'allocation de logement en cas de non-décence du logement. Organisation partenariale, mise en oeuvre opérationnelle et résultats. Enquête des réseaux Anil/Adil et Cnaf/Caf , 2019, p. 12-13.

* 34 Fondation Abbé Pierre, Rapport annuel #27 , p. 271.

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