III. COMMENT LUTTER CONTRE CETTE POLITIQUE ?

Il semble bien, au vu des témoignages recueillis et des analyses développées dans les rapports précités, que l'on soit en face d'un système organisé, d'une politique orchestrée au niveau central et exécutée au niveau local, répartie sur l'ensemble du territoire russe, au-delà même des territoires occupés. Comprendre son organisation et son déroulement est essentiel pour structurer une riposte appropriée aux drames humains qui en résultent pour les milliers de familles et d'enfants concernés.

Lutter résolument contre cette politique systématique est un devoir moral, politique et juridique. La tâche est immense mais, au-delà de la sensibilisation des opinions publiques, l'action conjuguée des autorités et des ONG, relayée au niveau européen et international, est déterminante.

A. L'ACTION DES AUTORITÉS ET DES ONG UKRAINIENNES ET LE DIFFICILE DIALOGUE AVEC LES AUTORITÉS RUSSES

1. L'action des pouvoirs publics ukrainiens

Le plan de paix en dix points 8 ( * ) présenté par le Président de l'Ukraine le 15 novembre 2022 lors de la réunion du G20 à Bali, mentionne, dans son quatrième point, l'exigence de libération de tous les civils ukrainiens détenus en Russie, notamment les « enfants qui ont été déportés de force en Russie », dont il précise qu' « ils ont été séparés de leurs parents en pleine connaissance de cause. ».

Le rôle du ministère ukrainien de la Réintégration et du Bureau national d'information a été évoqué supra, ainsi que la recension faite par le site internet et l'ONG éponyme Children of war .

Celui des divers services régaliens ukrainiens de sécurité, police et justice est évidemment important : forces armées ukrainiennes, police nationale ukrainienne, bureau du procureur général de l'Ukraine, service de sécurité de l'Ukraine (SSU), service de renseignement (SZRU).

Le Parlement monocaméral ukrainien, la Rada, n'est pas en reste : sa commission des droits de l'homme, présidée par l'ombudsman de l'Ukraine, M. Dmytro Lubinets, que les rapporteurs ont auditionné, tout comme la vice-présidente de cette commission, également membre de la délégation ukrainienne à l'assemblée parlementaire de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (AP-OSCE) et à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), Mme Yevhenia Kravchuk, et sa sous-commission des droits de l'enfant, présidée par Mme Tetyana Skryptka, également entendue par les rapporteurs, sont très actives.

La Rada a elle-même adopté le 24 février 2023, une résolution spécifique, intitulée « Appel à la commission des droits de l'homme des Nations unies, à la commission des Nations unies sur les droits de l'enfant, au Haut-Commissaire des Nations unies » demandant le « retour des enfants » d'Ukraine déportés 9 ( * ) .

2. Les instances officielles et ONG ukrainiennes s'efforcent de maintenir un dialogue ténu mais essentiel avec la Russie

Les rapporteurs ont questionné leurs interlocuteurs ukrainiens sur les contacts qu'ils entretenaient aves les autorités russes et l'existence de négociations pour le retour des enfants transférés.

Lors d'une réunion organisée par la Turquie, la Médiatrice russe Mme Tetyana Moskalkova aurait assuré que la Fédération de Russie ne souhaitait pas garder les enfants emmenés d'Ukraine qui veulent retourner dans leur pays d'origine, sans toutefois donner les noms et le nombre de ces enfants. Elle aurait ajouté qu'elle était prête à faciliter leur retour, ce qui laisse sceptiques les rapporteurs.

Pour sa part, l'ombudsman de l'Ukraine, président de la commission des droits de l'homme de la Rada, confirme parler à son homologue russe. Et d'autres officiels ukrainiens ont laissé entendre l'existence d'échanges d'informations, voire de tractations dans certains cas. De fait, 307 enfants auraient été ainsi récupérés à ce jour.

Les officielles russes, Mme Maria Lvova-Belova, et la Commissaire russe aux droits de l'homme de la Fédération de Russie, Mme Moskalkova, semblent en revanche réticentes à communiquer les données personnelles des enfants, même aux services officiels ukrainiens.

Les ONG et autorités ukrainiennes se démènent, pour tenter de faciliter le retour des enfants et empêcher leur adoption hâtive et illégale au regard du droit international.


* 8 Publié et traduit pour la première fois en français, le 18 novembre 2022, par la revue Le Grand Continent , https://legrandcontinent.eu/fr/2022/11/18/le-plan-de-paix-de-zelensky/

* 9 Accessible en anglais sur le site internet de la Rada.

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