F. UNE RÉFORME DE LA POLITIQUE DE L'ASILE QUI DOIT ÊTRE MIEUX ENCADRÉE

La question des délais constitue toujours un enjeu majeur en matière d'asile.

L'article 19 du projet de loi propose de créer des guichets « France asile » permettant au demandeur d'asile en un même lieu de se faire enregistrer, de bénéficier des conditions matérielles d'accueil et d'introduire sa demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Exigeant de voir les effets concrets de cette mesure avant toute généralisation, la commission a souhaité encadrer ce dispositif par la voie d'une expérimentation de l'article 37-1 de la Constitution , d'une durée de quatre ans, dans au moins dix départements définis par arrêté du ministre de l'intérieur, dont au moins un situé en outre-mer. Pour éviter toute ambiguïté et répondre aux craintes exprimées lors des auditions des rapporteurs, la commission a prévu une garantie expresse afin que le demandeur d'asile puisse compléter sa demande avant son entretien personnel, qui ne pourrait intervenir avant un délai de 21 jours.

La réforme de la Cour nationale du droit d'asile, prévue à l'article 20 , a été approuvée par la commission sans grand enthousiasme. Si le projet de territorialisation est bien accepté par les principaux acteurs, les rapporteurs se sont étonnés du développement parallèle d'un projet de construction d'une nouvelle CNDA à Montreuil. Enfin, la commission a accepté le principe du juge unique , considérant que les conditions de renvoi à la formation collégiale permettraient toujours au juge d'y faire droit s'il l'estime nécessaire.

G. UNE RÉFORME DU CONTENTIEUX DES ÉTRANGERS ATTENDUE MAIS PERFECTIBLE

La réforme du contentieux des étrangers était attendue de longue date, tant ce régime est devenu « illisible et incompréhensible » 7 ( * ) sous l'effet de l'empilement des législations . Ce sont ainsi plus d'une douzaine de catégories de procédures différentes qui coexistent, avec à la clé une complexité source d'insécurité juridique pour les étrangers et de découragement pour les magistrats administratifs. À cet égard, le projet présenté par le Gouvernement ne reprend que partiellement les préconisations des rapports du Conseil d'État et de François-Noël Buffet précités , notamment en ce qu'il retient quatre procédures distinctes au lieu de trois. La commission des lois est revenue sur l'architecture à trois procédures dont la mise en oeuvre serait conditionnée au degré d'urgence réel de la situation de l'étranger et qui suscite un large consensus entre les différents acteurs concernés. Concrètement, les trois modifications principales sont les suivantes :

- la suppression de la procédure avec délai de recours à 72h et délai de jugement à 6 semaines , dans la mesure où les OQTF édictées sans délai de départ volontaire et qui ne sont pas assorties d'une mesure d'éloignement ne sont que trop rarement suivies d'un éloignement effectif et ne justifient donc pas des délais aussi contraints ;

- l'application des procédures de droit commun aux OQTF prises à l'encontre des déboutés du droit d'asile afin de préserver la lisibilité du nouveau régime ;

- l'application de la procédure avec délai de recours de 7 jours et délai de jugement de 15 jours aux OQTF émises contre des étrangers détenus , afin d'éviter que des dysfonctionnements dans la communication entre les administrations ne conduisent au placement en rétention de sortants de prison.

Considérant qu'il se justifiait pour des raisons de bonne administration de la justice, la commission des lois n'a ensuite pas remis en cause le recours par principe à l'audience délocalisée ainsi qu'à à la vidéo audience en cas de placement en rétention ou en zone d'attente, tant pour le juge administratif que le juge judiciaire. Elle a néanmoins assorti le dispositif de garanties : mise à disposition du dossier et possibilité pour le juge de suspendre l'audience en cas de difficultés techniques. Afin de tenir compte du nombre réduit d'interprètes pour certaines langues ou dans certains territoires, et dans la mesure où cela ne remet pas en cause le droit du requérant à bénéficier de leurs services, elle est enfin revenue sur l'obligation de présence physique de l'interprète aux côtés du requérant, du juge ou, à défaut, dans toute autre salle d'audience.

Enfin, saluant la possibilité ouverte à l'article 25 de rehausser de 24 à 48 heures le délai dont dispose le juge des libertés et de la détention pour statuer sur une requête aux fins de maintien en zone d'attente dans le cas de placement simultané d'un nombre important d'étrangers, la commission a souhaité préciser la procédure applicable et permettre la mobilisation de magistrats à l'échelle du ressort de la cour d'appel pour faire face à un flux important de requêtes à traiter.

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La commission a adopté le texte ainsi modifié.


* 7 Rapport d'information de François-Noël Buffet précité.

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