Rapport n° 433 (2022-2023) de Mme Muriel JOURDA et M. Philippe BONNECARRÈRE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 15 mars 2023

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N° 433

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 mars 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi pour contrôler l' immigration , améliorer l' intégration (procédure accélérée),

Par Mme Muriel JOURDA et M. Philippe BONNECARRÈRE,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Alain Richard, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

304 et 434 rect. (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Réunie le 15 mars 2023 sous la présidence de François Noël Buffet, la commission des lois a adopté avec modifications , sur le rapport de Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère, le projet de loi n° 304 (2022-2023) pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration .

Alors que la reprise des flux migratoires, réguliers comme irréguliers, à la suite de la covid-19, soulève des défis majeurs, force est de constater que la France ne possède plus de réelle stratégie migratoire depuis plusieurs années et se contente d'une politique au fil de l'eau . Dans ce contexte, la commission des lois a regretté le caractère trop timoré et les nombreux angles morts du texte du Gouvernement, par exemple s'agissant du regroupement familial, de la procédure « étranger malade » ou des modalités d'exécution des décisions d'éloignement.

La commission des lois a donc adopté 71 amendements visant à muscler les dispositions allant dans le bon sens, à supprimer celles relevant d'une pure logique d'affichage et à combler les manques de ce projet de loi . Par un resserrement sans ambiguïté des critères du regroupement familial, la mise en place d'une instruction « à 360° » des demandes de titres de séjour, la réforme de l'aide médicale d'État, l'inscription dans la loi du principe « visas contre laissez-passer consulaires » ou par la création d'un contrat d'engagement au respect des principes de la République, la commission des lois a ainsi entendu donner du souffle à un texte qui en manquait cruellement .

I. FACE À UNE REPRISE DES FLUX MIGRATOIRES, UN PROJET DE LOI QUI N'EST PAS À LA HAUTEUR DES AMBITIONS AFFICHÉES

A. DANS UN CONTEXTE DE REGAIN DE LA PRESSION MIGRATOIRE, UNE POLITIQUE D'IMMIGRATION PLOMBÉE PAR SES INSUFFISANCES

Après un bref repli à la suite de pandémie de la covid-19, les flux migratoires, réguliers comme irréguliers, ont renoué avec des niveaux élevés . Avec plus de 320 000 primo-délivrances, la France n'a jamais délivré autant de titres de séjour qu'en 2022 (+ 17,2 % par rapport à l'année précédente). Par ailleurs, l'immigration étudiante est devenue depuis 2021 le premier motif d'admission au séjour devant l'immigration familiale.

Champ : France métropolitaine. Source : Ministère de l'intérieur.

Pour autant, cette montée en puissance de l'immigration régulière ne répond à aucune stratégie sous-jacente des pouvoirs publics. Alors qu'une politique migratoire cohérente et efficace supposerait de mettre l'accent sur l'immigration économique qualifiée, c'est aujourd'hui tout le contraire qui se produit avec des admissions au séjour principalement tirées par le regroupement familial - dont les conditions d'éligibilité sont notoirement insuffisantes - et l'immigration étudiante - où quasiment aucun contrôle n'est effectué sur la réalité et le sérieux des études suivies. En outre, l'immigration régulière doit aller de pair avec une solide politique d'intégration qui n'est clairement pas au rendez-vous aujourd'hui . Sur le plan linguistique par exemple, on ne peut que déplorer qu'un quart des étrangers en situation régulière parlent ou écrivent très mal le français.

Le tableau n'est guère plus reluisant s'agissant de l'immigration irrégulière . Le ministre de l'intérieur estimait le 2 novembre dernier devant la commission des lois « entre 600 000 et 900 000 » le nombre d'étrangers présents irrégulièrement sur le territoire national , tandis que le budget consacré à l'aide médical d'État n'en finit plus de déraper et dépasse désormais le milliard d'euros. S'il se maintient à des niveaux corrects pour les expulsions et les interdictions du territoire français (ITF), le taux d'exécution des mesures d'éloignement est enfin toujours aussi dérisoire s'agissant des obligations de quitter le territoire français (OQTF) : 6,9 % au premier semestre 2022 1 ( * ) .

Du reste, ce constat d'une politique migratoire sans ligne directrice et conduite « au fil de l'eau » n'est pas nouveau . Il avait déjà été établi par les rapporteurs dans leur avis budgétaire sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2023. Hormis quelques points de satisfaction ayant trait à l'amélioration des délais de traitement des demandes d'asile, ils y relèvent que « les autres composantes de la politique migratoire demeurent défaillantes [et que] la politique de lutte contre l'immigration irrégulière est toujours dans l'impasse » 2 ( * ) .

B. UN TEXTE QUI CONTIENT DE NOMBREUX ANGLES MORTS

1. Un projet de loi qui oscille entre promesses et déceptions

Alors que le contexte migratoire actuel nous invite à des mesures fortes, le projet de loi présenté par le Gouvernement reste au milieu du gué . Certaines dispositions telles que l'obligation de réussite à un examen de langue pour obtenir un titre pluriannuel ( article 1 ), la facilitation de la levée des protections contre l'éloignement ( articles 9 et 10 ) ou celles relatives au respect des principes de la République ( article 13 ) sont intéressantes, même si leur champ pourrait être étendu. C'est surtout le cas de la réforme du contentieux qui est l'aboutissement très attendu d'un travail de longue haleine initié par le Conseil d'État et prolongé par la commission des lois (articles 21 à 23) 3 ( * ) . La commission des lois appelle le Gouvernement à renouveler l'exercice s'agissant de la simplification du régime des titres de séjour, véritable « hydre à 187 têtes ».

Au-delà de ces quelques dispositions prometteuses mais perfectibles, la commission des lois n'a pu que constater que le texte soumis à discussion était loin des ambitions affichées . Ainsi, la plus-value de la création d' « Espaces France Asile » ( article 19 ) et de la réforme de la Cour Nationale du droit d'asile (CNDA, article 20 ) est modeste. De la même manière, le renforcement des sanctions pénales applicables aux passeurs ou aux marchands de sommeil (articles 14 et 15) ne soulève pas de difficulté de principe, même si la commission des lois ne nourrit pas d'illusion sur leur portée concrète. L'utilité de certaines dispositions est enfin peu évidente , par exemple l'article 5.

2. De nombreux enjeux fondamentaux qui ne sont pas traités par le projet de loi

Surtout, le projet de loi laisse de côté des pans entiers de la politique migratoire qui devraient pourtant être traités en priorité . Il ne comprend ainsi aucune disposition relative à la mise en place de quotas migratoires, au resserrement du régime du regroupement familial et de la procédure dite « étranger malade », à l'instruction des demandes de titres de séjour, aux conditions d'une intégration ou encore à la possibilité de restreindre les visas à l'encontre des pays peu coopératifs en matière de délivrance de laissez- passer consulaires.

À partir de ce constat, la commission des lois a entrepris d'améliorer les dispositions les plus intéressantes du texte, de supprimer celles dont l'intérêt n'est pas démontré ainsi que de le compléter par des dispositifs concrets et qu'elle défend de longue date . Comme elle l'avait fait lors de l'examen de la loi « Collomb » en 2018, la commission des lois a entendu présenter un contre-projet plus cohérent, plus robuste et donc plus efficace.

II. LA POSITION DE LA COMMISSION DES LOIS : DOTER LA FRANCE D'UNE RÉELLE STRATÉGIE EN MATIÈRE MIGRATOIRE

A. MAÎTRISER LES VOIES D'ACCÈS AU SÉJOUR ET LUTTER CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE

La commission des lois a tout d'abord créé un nouveau titre dans le projet de loi intitulé « maîtriser les voies d'accès au séjour et lutter contre l'immigration irrégulière » , rassemblant plusieurs dispositions additionnelles visant à :

- établir des quotas en matière migratoire : déplorant le défaut de vision d'ensemble de la stratégie migratoire de la France, la commission a souhaité, conformément à une position constante du Sénat, permettre au Parlement de déterminer, dans le cadre d'un débat annuel et pour chacune des catégories de séjour à l'exception de l'asile, le nombre d'étrangers admis à s'installer durablement en France 4 ( * ) ;

- resserrer les critères du regroupement familial et de la procédure dite « étranger malade » : la commission a voulu mieux encadrer le droit au regroupement familial, dans le respect des normes internationales et européennes en la matière, en renforçant les conditions de séjour préalable et de ressources, et en prévoyant la détention par l'intéressé d'une assurance maladie . Sur le même sujet, elle a adopté un amendement visant à garantir un contrôle effectif par les communes du respect des conditions de ressource et de résidence. Elle a également souhaité resserrer le bénéfice du titre dit « étranger malade » en revenant sur le principal critère actuel - le défaut d'accès effectif aux soins dans le pays d'origine - pour lui substituer le critère, plus restrictif, ayant prévalu jusqu'en 2016 - l'absence de traitement dans le pays d'origine. Considérant préférable que les systèmes assurantiels, publics ou privés, du pays d'origine prennent en charge le coût de ces soins, qu'il ne revient pas à la solidarité nationale de couvrir, la commission a également prévu que le traitement offert au patient concerné serait opéré à l'exclusion de toute prise en charge par l'assurance maladie ;

- assurer un réel contrôle de l'immigration étudiante , en conditionnant la validité d'une carte de séjour pluriannuelle étudiante à la transmission annuelle à l'administration de pièces justifiant du caractère réel et sérieux du suivi des études ;

- expérimenter l'instruction à « 360° » des demandes de titre de séjour , permettant d'examiner dès la première demande et une fois pour toutes, l'ensemble des motifs qui pourraient fonder la délivrance d'un titre de séjour, dans les seuls cas où l'administration s'oriente vers un refus de titre ;

- opérer une réforme structurelle de l'AME : conformément à la position constante du Sénat, l'AME serait transformée en une aide médicale d'urgence centrée sur la prise en charge des pathologies les plus graves ;

- restreindre les conditions d'acquisition de la nationalité pour les étrangers mineurs nés en France.

B. LA NÉCESSITÉ DE MUSCLER LA POLITIQUE D'INTÉGRATION

1. Des exigences renforcées en matière d'intégration

Favorable au dispositif de l'article 1er, qui conditionne la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle (CSP) à la connaissance d'un niveau minimal de français, la commission l'a enrichi et prolongé en :

- prévoyant dans la loi la fixation de ce seuil au niveau A2 du cadre européen commun de référence pour les langues et en harmonisant, par cohérence, à des niveaux supérieurs - B1 et B2 respectivement - le niveau requis pour la délivrance d'une carte de résident et pour l'acquisition de la nationalité par naturalisation ;

- prévoyant, sur le modèle d'autres États européens 5 ( * ) , que les bénéficiaires du regroupement familial justifient, sur le territoire de leur pays d'origine, d'un niveau de langue minimal garantissant leur pleine intégration à leur arrivée en France ;

- conditionnant la délivrance d'une CSP à la réussite d'un examen civique .

S'agissant des titres dits « talent », prolongeant l'effort de clarification et de lisibilité prévu à l'article 6, la commission a procédé à la fusion de trois titres destinés à des salariés qualifiés 6 ( * ) . En revanche, elle a supprimé la majeure partie du dispositif de l'article 7, ne conservant que la création d'une CSP de quatre ans pour les seuls praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE) ayant réussi les épreuves de vérification des connaissances (EVC) ; elle n'a pas souhaité que le renforcement de l'attractivité de l'exercice en France s'opère au prix d'un relâchement excessif des conditions d'accès au séjour.

Enfin, la commission a supprimé des dispositions qu'elle a jugées superfétatoires, voire contre-productives . Elle a ainsi supprimé l'article 2 qui paraît, pour une part, de faible portée, et d'autre part excéder dans les contraintes qu'il pose un niveau raisonnable pour les employeurs concernés, constituant une nuisance potentielle à l'insertion sur le marché du travail des étrangers concernés. Elle a également supprimé l'article 5, qui conditionne l'accès au statut d'entrepreneur individuel à la détention d'un titre de séjour valide, dont le Conseil d'État a relevé l'inutilité et dont les effets de bord ont manifestement été mal mesurés par le Gouvernement.

2. Deux dispositions sur lesquelles la commission a réservé son jugement

Sur la création d'un titre de séjour « travail dans des métiers en tension » figurant à l'article 3, du fait des nombreuses réserves exprimées et tenant, selon les cas, à l'opportunité ou aux modalités du dispositif , la commission a réservé son jugement .

D'un côté, l'on peut craindre que ce nouveau titre ne crée une incitation à l'immigration clandestine , le nombre d'étrangers potentiellement éligibles n'étant d'ailleurs pas connu. Quand bien même les étrangers concernés travailleraient dans des secteurs en tension, leur accorder de plein droit un titre de séjour pourrait conduire à créer une prime à la fraude, où le maintien irrégulier sur le territoire national pendant une durée suffisamment longue serait in fine récompensé par l'acquisition d'un droit opposable à l'administration .

D'un autre côté, ce dispositif pourrait avoir le mérite de tenir compte d'une réalité économique difficilement contestable et de s'inscrire dans une démarche pragmatique : ouvrir une voie d'accès au séjour qui ne procède pas du seul bon vouloir de l'administration au bénéfice d'étrangers, certes en situation irrégulière, mais qui travaillent, payent des cotisations et sont, pour une part importante d'entre eux, tout à fait intégrés dans notre société . De ce point de vue, l'enjeu est moins celui la régularité du séjour de personnes qui sont de toute façon déjà présentes sur le territoire national et dont l'éloignement n'est pas une perspective crédible que celui de l'attractivité des métiers en tension. Le risque principal de ce dispositif serait toutefois d'alimenter une trappe à bas salaires qui perpétuerait une situation où certains métiers mal payés et peu considérés sont exercés quasi-exclusivement par des étrangers .

L' article 4 tend à donner un accès immédiat au marché du travail à certains demandeurs d'asile dont le taux de protection internationale serait supérieur à un seuil fixé par décret - l'étude d'impact du projet de loi évoque 50 %. Là encore, deux analyses sont possibles.

La première postule que ce dispositif comporte, en lui-même, le risque d'un appel d'air, alors que le droit européen ne l'impose pas et qu'aucun pays de l'Union européenne ne prévoit de mesure similaire. Le délai d'accès au marché du travail a déjà été réduit en 2018, passant de neuf à six mois à compter de l'introduction de la demande. Le Sénat s'y était opposé pour des motifs toujours d'actualité : si le demandeur est débouté, il est alors en situation irrégulière et l'État aura des difficultés à procéder à son éloignement . La seconde parie plutôt sur une intégration des demandeurs d'asile facilitée par un accès le plus rapide possible par le travail , considérant comme marginal le risque de rejet de leur demande d'asile.

Pour ces raisons, la commission a estimé que l'éventuelle modification des articles 3 et 4 relevait avant tout d'une question de principe . Elle a réservé son jugement pour la séance publique et, afin de garantir la lisibilité des débats, a estimé préférable que la discussion s'y déroule à partir du texte présenté par le Gouvernement.

C. FACILITER LE RETRAIT DU TITRE DE SÉJOUR ET LE PRONONCÉ DE MESURES D'ÉLOIGNEMENT À L'ENCONTRE DES ÉTRANGERS NE RESPECTANT PAS NOS LOIS ET NOS VALEURS

La commission des lois a accueilli favorablement les articles 9 et 10 qui facilitent la levée des protections contre l'expulsion, les ITF ainsi que les OQTF dont bénéficient certains étrangers aux liens d'une particulière intensité avec la France. Il n'est en effet pas tolérable que des étrangers auteurs d'infractions lourdes puissent se maintenir sur le territoire national. Les rapporteurs ont ainsi été frappés par les exemples évoqués par les préfectures auditionnées, avec des profils d'étrangers délinquants multirécidivistes, parfois auteurs de viols ou de violences aggravées, et pourtant inéloignables.

S'inscrivant résolument dans la philosophie de l'article 9, la commission des lois a entendu maximiser sa portée en autorisant systématiquement la levée des protections envers les étrangers responsables de violences intrafamiliales et en généralisant la possibilité pour le juge de prononcer une peine complémentaire d'ITF en cas de condamnation pour un crime ou pour un délit passible de plus de cinq ans d'emprisonnement. Si les modalités de levée des protections contre les OQTF prévues à l'article 10 restent à parfaire, la commission des lois a estimé qu'il s'agissait là d'une réflexion nécessaire et ne les a pas remises en cause dans leur principe.

Consciente de l' intérêt opérationnel pour la police aux frontières de l'article 11 qui introduit en droit des étrangers le relevé signalétique contraint d'empreintes et de photographies , la commission a souhaité renforcer les garanties de ce dispositif (autorisation préalable d'un magistrat, présence de l'avocat et exclusion des mineurs) pour tirer toutes les conséquences d'une décision récente du Conseil constitutionnel sur un sujet similaire en matière pénale.

La commission a également accepté le principe de l'interdiction du placement en centre de rétention administrative des mineurs de seize ans prévue à l'article 12, tout en préservant la possibilité de les placer, lorsqu'ils accompagnent un adulte, en local de rétention administrative ou en zone d'attente. La commission n'a en effet nullement l'intention de donner une immunité absolue contre la rétention, notamment en vue de leur éloignement, des étrangers en situation irrégulière au seul motif qu'ils seraient accompagnés d'un enfant mineur .

Elle a enfin pleinement souscrit à l'article 13 qui tend en particulier à conditionner la délivrance de tout document de séjour au respect de principes de la République et permet au préfet de les retirer ou d'en refuser le renouvellement. Elle a souhaité conforter ce dispositif en consacrant dans la loi un « contrat d'engagement au respect des principes de la République ».

D. AGIR POUR LA MISE EN oeUVRE EFFECTIVE DES DÉCISIONS D'ÉLOIGNEMENT

La commission des lois a ensuite introduit un nouveau titre au projet de loi intitulé « Agir pour la mise en oeuvre effective des décisions d'éloignement » , visant à regrouper les dispositions additionnelles introduites afin de favoriser l'exécution de décisions d'éloignement qui restent encore trop souvent lettres mortes. La première d'entre elles autorise explicitement les restrictions de visas et la modulation de l'aide au développement à l'encontre des pays peu coopératifs en matière de délivrance de laissez-passer consulaires .

La commission a également souhaité que les organismes de sécurité sociale et Pôle emploi soient informés sans délai des OQTF et la radiation automatique des intéressés à l'expiration du délai de recours ou dès le rejet définitif d'un éventuel recours contre la mesure d'éloignement. Elle a par ailleurs souhaité que les déboutés du droit d'asile ne puissent se maintenir sans décision motivée de l'administration dans le logement qui leur a été attribué au titre du dispositif national d'accueil.

L' article 18 du projet de loi prévoyait enfin dans sa rédaction initiale un système complexe par lequel l'étranger demandeur de visa ayant fait l'objet d'une OQTF dans les cinq années précédant devait prouver l'avoir exécutée. La commission des lois a préféré étendre à cinq ans la durée pendant laquelle les préfets peuvent décider d'assortir le prononcé d'une OQTF d'une interdiction de retour sur le territoire national .

E. ÊTRE INTRANSIGEANT CONTRE LES PASSEURS ET LES EXPLOITANTS DE MIGRANTS

Le projet de loi entend répondre au travers de mesures pénales à plusieurs enjeux d'actualité . L' article 14 du projet de loi tend, d'une part, à mieux réprimer les réseaux de passeurs en renforçant les peines prévues dès lors que l'infraction est commise en bande organisée et qu'elle met en danger la vie des étrangers et, d'autre part, à créer une infraction spécifique pour les têtes de réseaux. Il s'agit notamment de sanctionner plus fortement la mise à disposition de « small boats » à destination du Royaume-Uni. Par cohérence, la commission a étendu l'augmentation des sanctions à tous les cas où l'infraction est commise en bande organisée et remplit l'une des autres circonstances aggravantes prévues par l'article L. 823 3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

L' article 15 entend, pour sa part, renforcer les sanctions contre les « marchands de sommeil » en créant une circonstance aggravante lorsque l'habitat est loué à une personne vulnérable, notamment un étranger en situation irrégulière. La commission des lois a approuvé le dispositif tout en relativisant sa portée concrète.

Deux dispositions du projet de loi renforcent enfin les contrôles aux frontières. L' article 16 prévoit un mécanisme de sanction en cas de défaut de consultation par les transporteurs du système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS) afin de vérifier la validité du séjour des étrangers dispensés de visas. L' article 17 prévoit la possibilité pour la police aux frontières de procéder à une visite sommaire des véhicules particuliers dans la bande dite « des 20 kilomètres ». La commission a cherché à prévenir tout risque d'inconstitutionnalité de cette extension des prérogatives de la PAF en prévoyant une garantie supplémentaire pour ce contrôle .

F. UNE RÉFORME DE LA POLITIQUE DE L'ASILE QUI DOIT ÊTRE MIEUX ENCADRÉE

La question des délais constitue toujours un enjeu majeur en matière d'asile.

L'article 19 du projet de loi propose de créer des guichets « France asile » permettant au demandeur d'asile en un même lieu de se faire enregistrer, de bénéficier des conditions matérielles d'accueil et d'introduire sa demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Exigeant de voir les effets concrets de cette mesure avant toute généralisation, la commission a souhaité encadrer ce dispositif par la voie d'une expérimentation de l'article 37-1 de la Constitution , d'une durée de quatre ans, dans au moins dix départements définis par arrêté du ministre de l'intérieur, dont au moins un situé en outre-mer. Pour éviter toute ambiguïté et répondre aux craintes exprimées lors des auditions des rapporteurs, la commission a prévu une garantie expresse afin que le demandeur d'asile puisse compléter sa demande avant son entretien personnel, qui ne pourrait intervenir avant un délai de 21 jours.

La réforme de la Cour nationale du droit d'asile, prévue à l'article 20 , a été approuvée par la commission sans grand enthousiasme. Si le projet de territorialisation est bien accepté par les principaux acteurs, les rapporteurs se sont étonnés du développement parallèle d'un projet de construction d'une nouvelle CNDA à Montreuil. Enfin, la commission a accepté le principe du juge unique , considérant que les conditions de renvoi à la formation collégiale permettraient toujours au juge d'y faire droit s'il l'estime nécessaire.

G. UNE RÉFORME DU CONTENTIEUX DES ÉTRANGERS ATTENDUE MAIS PERFECTIBLE

La réforme du contentieux des étrangers était attendue de longue date, tant ce régime est devenu « illisible et incompréhensible » 7 ( * ) sous l'effet de l'empilement des législations . Ce sont ainsi plus d'une douzaine de catégories de procédures différentes qui coexistent, avec à la clé une complexité source d'insécurité juridique pour les étrangers et de découragement pour les magistrats administratifs. À cet égard, le projet présenté par le Gouvernement ne reprend que partiellement les préconisations des rapports du Conseil d'État et de François-Noël Buffet précités , notamment en ce qu'il retient quatre procédures distinctes au lieu de trois. La commission des lois est revenue sur l'architecture à trois procédures dont la mise en oeuvre serait conditionnée au degré d'urgence réel de la situation de l'étranger et qui suscite un large consensus entre les différents acteurs concernés. Concrètement, les trois modifications principales sont les suivantes :

- la suppression de la procédure avec délai de recours à 72h et délai de jugement à 6 semaines , dans la mesure où les OQTF édictées sans délai de départ volontaire et qui ne sont pas assorties d'une mesure d'éloignement ne sont que trop rarement suivies d'un éloignement effectif et ne justifient donc pas des délais aussi contraints ;

- l'application des procédures de droit commun aux OQTF prises à l'encontre des déboutés du droit d'asile afin de préserver la lisibilité du nouveau régime ;

- l'application de la procédure avec délai de recours de 7 jours et délai de jugement de 15 jours aux OQTF émises contre des étrangers détenus , afin d'éviter que des dysfonctionnements dans la communication entre les administrations ne conduisent au placement en rétention de sortants de prison.

Considérant qu'il se justifiait pour des raisons de bonne administration de la justice, la commission des lois n'a ensuite pas remis en cause le recours par principe à l'audience délocalisée ainsi qu'à à la vidéo audience en cas de placement en rétention ou en zone d'attente, tant pour le juge administratif que le juge judiciaire. Elle a néanmoins assorti le dispositif de garanties : mise à disposition du dossier et possibilité pour le juge de suspendre l'audience en cas de difficultés techniques. Afin de tenir compte du nombre réduit d'interprètes pour certaines langues ou dans certains territoires, et dans la mesure où cela ne remet pas en cause le droit du requérant à bénéficier de leurs services, elle est enfin revenue sur l'obligation de présence physique de l'interprète aux côtés du requérant, du juge ou, à défaut, dans toute autre salle d'audience.

Enfin, saluant la possibilité ouverte à l'article 25 de rehausser de 24 à 48 heures le délai dont dispose le juge des libertés et de la détention pour statuer sur une requête aux fins de maintien en zone d'attente dans le cas de placement simultané d'un nombre important d'étrangers, la commission a souhaité préciser la procédure applicable et permettre la mobilisation de magistrats à l'échelle du ressort de la cour d'appel pour faire face à un flux important de requêtes à traiter.

*

* *

La commission a adopté le texte ainsi modifié.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER A
MAÎTRISER LES VOIES D'ACCÈS AU SÉJOUR ET LUTTER CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE
(Nouveau)

Article 1er A (nouveau)
Débat annuel au Parlement
et détermination d'un nombre d'étrangers admis au séjour

L'article 1 er A, introduit par la commission à l'initiative des rapporteurs et de Bruno Retailleau, tend à prévoir la tenue au Parlement d'un débat annuel, informé par un rapport existant mais dont le contenu est complété, à l'occasion duquel seraient déterminés pour trois ans le nombre de personnes admises à séjourner sur le territoire par catégorie de titres, à l'exclusion de l'asile, et, s'agissant de l'immigration familiale, un objectif en la matière.

1. La nécessité d'une stratégie migratoire d'ensemble

Malgré les appels répétés du Sénat en ce sens, la France ne semble toujours pas s'être dotée d'une stratégie migratoire d'ensemble, comme le déplorait le président François-Noël Buffet lors du débat portant sur la politique de l'immigration qui s'est tenu au Sénat le 13 décembre 2022 :

« Ce qui nous fait aujourd'hui cruellement défaut, c'est une réelle stratégie. Faute d'anticipation et faute de volonté clairement exprimée , nous ne faisons que subir les soubresauts des flux migratoires . Nous avons été dépassés par l'intensité des flux migratoires en 2015, nous le sommes encore aujourd'hui avec la reprise qui succède à l'épidémie de covid. Et nous venons de vivre un épisode particulier avec l'Ocean Viking, notamment de par la complexité des procédures suivies.

« Ce n'est pourtant pas un gros mot que de dire que, comme pour tout État souverain, c'est à nous qu'il revient de décider qui nous accueillons sur notre territoire et qui n'y a pas sa place.

« Pour nous, il y a trois principes à suivre. Tout d'abord, nous voulons une immigration régulière choisie , prioritairement économique et qui trouvera d'autant plus sa place dans notre société qu'elle y contribuera pleinement. Puis, il faut de l'intransigeance dans la lutte contre l'immigration irrégulière . Enfin, l'efficacité de la procédure d'asile doit être accrue. Tels sont les trois piliers sur lesquels doit reposer notre stratégie migratoire. »

Force est de constater que les données relatives à la délivrance de titres de séjour témoignent au contraire d'un défaut de stratégie.

Évolution des primo-délivrances
par catégorie de titres depuis 2007, en France métropolitaine

Source : ministère de l'intérieur 8 ( * )

Comme le montre le graphique ci-dessus, l'essentiel des titres de séjour délivrés pour la première fois le sont pour des motifs familiaux ou pour des étudiants . Bien que connaissant un rebond depuis 2020, les titres délivrés pour motif économique représentent toujours une part relativement faible, de l'ordre de 16,4 % du total des titres délivrés en 2022. L'immigration en France demeure une immigration largement familiale . Au surplus, l'immigration économique demeure insuffisamment qualifiée , malgré les efforts entrepris en la matière : les titres dits « passeport talent » n'auraient représenté en 2022 que 22,7 % du total des titres délivrés pour des motifs économiques 9 ( * ) .

Face à une telle situation, l'instauration de « quotas » semble à nouveau constituer un élément de réponse insuffisamment exploré par les pouvoirs publics.

2. La position de la commission : pour une stratégie migratoire actée annuellement par la représentation nationale

Déplorant le défaut de vision d'ensemble de la stratégie migratoire de la France, la commission a souhaité, conformément à une position constante du Sénat 10 ( * ) , permettre au Parlement de déterminer, dans le cadre d'un débat annuel et pour chacune des catégories de séjour à l'exception de l'asile, le nombre d'étrangers admis à s'installer durablement en France. Par l'adoption des amendements identiques COM-202 des rapporteurs et COM-152 de Bruno Retailleau, la commission a donc inséré l'article 1 er A, qui prévoit un triple dispositif.

En premier lieu, le rapport annuel au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique d'asile, d'immigration et d'intégration, déjà prévu à l'article L. 123-1 du Ceseda 11 ( * ) , serait enrichi en prévoyant qu'il doit inclure, pour les dix années précédentes - et non la seule année civile précédente, comme actuellement prévu - : le nombre des différents visas accordés et celui des demandes rejetées, le nombre d'étrangers admis au titre d'autres formes de rapprochement familial que le seul regroupement familial, le nombre d'étrangers admis aux fins d'immigration de travail, le nombre de mineurs non accompagnés pris en charge par l'aide sociale à l'enfance et les conditions de leur prise en charge, ainsi que le nombre d'acquisitions de la nationalité française pour chacune des procédures.

En deuxième lieu, le dispositif prévoit la tenue d'un débat annuel au Parlement sur les orientations pluriannuelles dessinées par ce rapport, à l'occasion duquel seraient déterminés, compte tenu de l'intérêt national, le nombre des étrangers admis à s'installer durablement en France, pour chacune des catégories de séjour à l'exception de l'asile.

E n matière d'immigration familiale , afin de ne pas encourir le risque d'inconventionalité, au regard des exigences liées au droit à la vie privée et familiale, que poserait un plafond, un tel nombre ne constituerait qu'un objectif .

En dernier lieu et à titre plus subsidiaire, la commission a prévu, conformément à une position constante du Sénat, que ce dernier serait consulté dans le cadre du débat annuel sur les actions conduites par les collectivités territoriales compte tenu de la politique nationale d'immigration et d'intégration.

La commission a adopté l'article 1 er A ainsi rédigé .

Articles 1er B et 1er C (nouveaux)
Resserrement des conditions ouvrant
le bénéfice du regroupement familial

Face au flux migratoire que représente l'immigration au titre du regroupement familial, les conditions ouvrant au bénéfice de ce titre peuvent paraître excessivement lâches.

La commission a donc adopté, à l'initiative des rapporteurs, deux amendements portant articles additionnels 1 er B et 1 er C tendant à resserrer ces conditions.

1. Le regroupement familial constitue une part non négligeable de l'immigration familiale

Le regroupement familial constitue un régime particulier d'immigration familiale , encadré au niveau européen par la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial, et au niveau national par les articles L. 434-1 à L. 434-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda).

Son bénéfice est subordonné au cumul de plusieurs conditions , portant essentiellement sur le « regroupant », c'est-à-dire la personne séjournant en France qui souhaite être rejointe par son conjoint ou ses enfants :

- une condition de séjour régulier : le regroupant doit séjourner régulièrement en France depuis au moins 18 mois 12 ( * ) ;

- des conditions liées à l'accueil des personnes rejoignant le regroupant : ce dernier doit justifier de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille 13 ( * ) et disposer d'un logement « considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique » ;

- une condition d'intégration : il doit se conformer « aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France » 14 ( * ) .

Un nombre non négligeable d'étrangers est en mesure de réunir ces conditions chaque année.

Évolution de l'immigration familiale depuis 2018

2018

2019

2020

2021
(définitif)

TOTAL (hors Britanniques)

91 016

90 534

76 017

86 394

1. Famille de Français

48 747

46 957

38 472

41 801

a. Conjoints de Français

38 314

36 906

29 423

31 396

b. Ascendants étrangers et enfants étrangers de Français

1 358

1 561

1 185

1 102

c. Parents de Français

9 075

8 490

7 864

9 303

2. Membres de famille

26 542

28 711

23 597

29 331

a. Regroupement familial

12 149

12 115

10 041

14 314

b. Membre de famille d'un ressortissant de l'UE

7 173

8 294

6 800

6 170

c. Membre de famille de titulaires de titres Compétence et talents, carte bleue européenne, salarié en mission, scientifique chercheur

2 531

3 631

2 723

4 886

d. Conjoint d'étranger en situation régulière

1 750

1 696

1 537

1 507

e. Parents d'enfants scolarisés

2 939

2 975

2 496

2 454

3. Liens personnels et familiaux

15 727

14 866

13 948

15 262

a. Motifs humanitaires

3 280

3 212

3 093

2 951

b. Mineur devenu majeur

697

657

645

670

c. Résidant en France depuis 10 ans ou 15 ans pour les étudiants

631

565

444

411

d. Talent exceptionnel/service rendu
à la collectivité

7

4

7

24

e. Vie privée et familiale

11 112

10 428

9 759

11 206

Source : ministère de l'intérieur, chiffrés clés de l'immigration, 26 janvier 2023

Le nombre de titres délivrés au titre du regroupement familial a donc connu une hausse de 17,8 % entre 2018 et 2021 , bien que ce chiffre puisse partiellement résulter d'un effet de « rattrapage » des arrivées prévues en 2020 n'ayant pu avoir lieu en raison de la crise liée à l'épidémie de covid-19.

2. Resserrer les conditions d'accès à ce titre

La commission a donc souhaité resserrer les conditions d'accès à ce titre, en adoptant deux amendements.

Par l' amendement COM-200, adopté à l'initiative des rapporteurs, la commission s'est attachée en premier lieu à restreindre le bénéfice de ce dispositif, dans les limites du droit européen . Elle a ainsi prévu de porter de 18 à 24 mois la condition de séjour exigée pour qu'un étranger résidant en France puisse formuler une demande de regroupement familial pour l'un de ses proches, conformément à l'article 8 de la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial 15 ( * ) .

En deuxième lieu, la commission a souhaité imposer au demandeur de disposer d'une assurance maladie pour lui et sa famille , conformément aux dispositions du b) du 1. de l'article 7 de la directive précitée.

En dernier lieu, faisant usage de l'intégralité des possibilités ouvertes par le droit européen, la commission a entendu ajouter une condition de « régularité » des ressources financières pour pouvoir formuler une demande, les ressources devant pour l'heure uniquement être « stables et suffisantes ».

La commission a également adopté un amendement COM-199 des rapporteurs tendant à prévoir que, dans le cadre du regroupement familial, les personnes bénéficiaires justifient d'un niveau minimal de langue française - une condition étendue par l'article 1 er du projet de loi à l'ensemble des titulaires de cartes de séjour pluriannuelle - dans leur pays d'origine. Ce faisant, la commission a notamment souhaité répondre aux difficultés, notamment évoquées par Didier Leschi, directeur général de l'OFII, lors d'une audition à l'Assemblée nationale le 9 juin 2021 : « je regrette que dans le cadre de l'évolution du contrat d'accueil d'intégration en contrat d'intégration républicaine, on ait supprimé la possibilité de commencer les cours de français dans les pays d'origine. Cette décision a fragilisé un public de femmes qui arrivant en France dans le cadre du regroupement familial sont aspirées par les contraintes domestiques , genrées, et ont moins de temps et d'effort à consacrer à l'apprentissage de la langue 16 ( * ) . »

La maîtrise de la langue française tendant à constituer l'une des mesures d'intégration conditionnant l'octroi d'une carte de séjour pluriannuelle (CSP), à laquelle les bénéficiaires du regroupement familial devront en tout état de cause se conformer au terme de leur première année de séjour en France lorsqu'ils sollicitent celle-ci, la commission a prévu que ces personnes devraient justifier d'un niveau de langue minimal dès avant leur arrivée sur le territoire national .

Comme le prévoit le 2 de l'article 7 de la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial, les « États membres peuvent exiger des ressortissants de pays tiers qu'ils se conforment aux mesures d'intégration, dans le respect du droit national . » Dans ce cadre, l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Autriche ou encore le Danemark exigent des personnes bénéficiant du regroupement familial qu'elles justifient d'un niveau de langue minimal dès avant leur entrée sur le territoire national .

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a néanmoins eu une interprétation neutralisante de tels dispositifs. Tout en jugeant que « l'obligation de réussir un examen (...) permet d'assurer l'acquisition par les ressortissants de pays tiers concernés de connaissances qui s'avèrent incontestablement utiles pour établir des liens avec l'État membre d'accueil » et que celle-ci « ne met pas, en elle-même, en péril la réalisation des objectifs poursuivis » par la directive « regroupement familial », elle a ainsi jugé que « les modalités de mise en oeuvre de cette obligation ne doivent pas non plus être de nature à mettre en péril ces objectifs, compte tenu en particulier du niveau des connaissances exigible pour réussir l'examen d'intégration civique, de l'accessibilité aux cours et au matériel nécessaire pour préparer cet examen, du montant des droits applicables aux ressortissants de pays tiers en tant que frais d'inscription pour passer ledit examen ou de la prise en considération de circonstances individuelles particulières, telles que l'âge, l'analphabétisme ou le niveau d'éducation 17 ( * ) . »

Cette position a été complétée par une décision récente de la CJUE relative au droit danois 18 ( * ) , lors de laquelle elle a jugé qu'il « convient de relever, d'une part, que, alors même que l'objectif poursuivi par une législation nationale telle que celle en cause au principal est celui de l'intégration réussie du membre de la famille sollicitant le bénéfice du regroupement familial, une telle législation ne permet aucunement la prise en compte des capacités d'intégration qui lui sont propres, mais repose exclusivement sur la prémisse selon laquelle l'intégration réussie de ce dernier n'est pas suffisamment garantie si le travailleur turc concerné par cette demande de regroupement familial ne remplit pas la condition de réussite portant sur la connaissance de la langue officielle de l'État membre concerné . »

Le présent amendement tend à transposer le dispositif prévu dans ces États au contexte français, tout en en garantissant la conventionalité. Il prévoit ainsi que l'autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial serait délivrée à l'étranger sous réserve qu'il justifie au préalable - donc dans son pays d'origine - d'un niveau de langue, qu'il est proposé de fixer au niveau A1, soit le plus faible du cadre européen commun de référence pour les langues.

Cette justification pourrait être opérée « par tout moyen », ce qui inclurait la réussite d'un examen de langue sans pour autant s'y limiter : un entretien, permettant à l'étranger concerné de faire valoir ses efforts d'apprentissage de la langue française et les capacités d'apprentissage qui lui sont propres, pourrait ainsi satisfaire cette condition. Il appartiendrait au pouvoir réglementaire d'en prévoir les modalités concrètes. Enfin, contrainte par les règles enserrant l'initiative parlementaire, la commission n'a pu adopter un amendement tendant à restaurer le pré-contrat d'accueil et d'intégration (pré-CAI), qui existait jusqu'en 2016, et qui prévoyait la mise à disposition des personnes concernées d'une formation ; une telle disposition créant une charge publique, n'aurait pas été conforme à l'article 40 de la Constitution.

La commission a adopté les articles 1 er B et 1 er C
ainsi rédigés
.

Article 1er D (nouveau)
Contrôle par les communes du respect des conditions de résidence
et de ressources dans le cadre du regroupement familial

Afin d'inciter les communes à contrôler plus strictement le respect des conditions de ressources et de logement applicables aux demandes de regroupement familial, la commission a prévu, à l'initiative des rapporteurs, d'une part, que l'avis de la commune soit réputé défavorable lorsqu'elle s'est affranchie de ce contrôle et, d'autre part, que l'Office français de l'immigration et de l'intégration puisse lui demander d'effectuer une visite sur place en cas de soupçon de fraude ou de fausses déclarations.

La commission a adopté l'article 1 er D ainsi rédigé.

La commission des lois a entendu renforcer le contrôle du respect des conditions de ressources et de logement par les étrangers souhaitant bénéficier de la procédure de regroupement familial . Pour rappel, les conditions à remplir sont les suivantes :

- en matière de ressources (article R. 434-4 du Ceseda) : les ressources du demandeur et de son conjoint sont considérées suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à la moyenne mensuelle du SMIC sur l'année écoulée pour une famille de deux ou trois personnes 19 ( * ) ;

- en matière de logement (article R. 434-5 du Ceseda) : la surface minimale de logement considérée comme normale dépend à la fois de la zone d'habitat et de la taille de la famille. À titre d'exemple, elle est en zones A bis et A de « 22 m² pour un ménage sans enfant ou deux personnes, augmentée de 10 m² par personne jusqu'à huit personnes et de 5 m² par personne supplémentaire au-delà de huit personnes ».

Aux termes de l'article L. 434-10 du Ceseda, la réalisation de ce contrôle échoit au maire de la commune de résidence de l'étranger ou au maire de la commune où il envisage de s'établir. Matériellement, celui-ci procède à un contrôle des pièces justificatives fournies par le demandeur et peut, sous réserve de son accord 20 ( * ) , effectuer une visite sur place de son appartement. En l'absence de transmission d'un avis motivé par le maire à l'OFII dans un délai de deux mois, cet avis est aujourd'hui réputé favorable .

Force est de constater que les communes s'investissent inégalement dans cette mission. Afin de les inciter à s'en emparer pleinement, la commission a adopté un amendement COM-204 des rapporteurs mobilisant deux leviers :

- l'inversion de la règle de présomption actuelle : en prévoyant qu'en l'absence de réponse de la part de la commune dans un délai de deux mois, l'avis soit réputé défavorable ;

- l'octroi à l'OFII de la possibilité de demander une visite sur place en cas de soupçon de fraude ou de fausses déclarations.

La commission a adopté l'article 1 er D ainsi rédigé .

Articles 1er E et 1er F (nouveaux)
Renforcement des conditions d'accès
au titre dit « étranger malade »

Considérant trop larges les conditions d'éligibilité à l'accès au séjour par le titre dit « étranger malade », la commission a souhaité en resserrer et en clarifier la portée. Elle a adopté à cette fin deux articles additionnels, à l'initiative des rapporteurs et de Stéphane Le Rudulier, tendant à renforcer les critères d'accès et clarifier les conditions d'accès à ce titre.

1. Le titre « étranger malade », une modalité d'accès au séjour spécifique à la France, en voie de resserrement

La procédure d'admission au séjour pour soins est prévue à l'article L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda). Elle est ouverte à l'étranger résidant habituellement en France, sous deux conditions cumulatives :

- l'une liée à l'état de santé de l'étranger , qui doit « [nécessiter] une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité » ;

- l'autre liée à l'offre de soins à laquelle l'étranger a accès : en l'état du droit, ce critère est celui de « l'accès effectif aux soins », entendu comme l'incapacité pour l'étranger, « eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire », d'y « bénéficier effectivement d'un traitement approprié ».

Lorsque ces conditions sont remplies, l'étranger concerné se voit délivrer, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'OFII 21 ( * ) , une carte de séjour temporaire (CST) « vie privée et familiale ».

La France est l'un des rares pays européens , avec la Belgique 22 ( * ) , à prévoir une telle procédure. Elle tend néanmoins à être resserrée depuis 2007, comme le montre le graphique ci-dessous.

Nombre de titres « étranger malade » et de titres pour motif humanitaire
délivrés annuellement depuis 2007

Source : ministère de l'intérieur 23 ( * ) , commission des lois du Sénat

La part des titres « étranger malade » dans le total des titres délivrés pour motif humanitaire est donc passée de 36,7 % en 2007 à 7,5 % en 2021. Une telle évolution s'explique avant tout par la hausse du nombre de titres humanitaires délivrés pour d'autres motifs que les étrangers nécessitant une prise en charge médicale, à l'exemple des réfugiés et apatrides, dont le nombre a particulièrement augmenté à partir de 2015 24 ( * ) . Elle est également due à la réforme de la procédure « étranger malade » à laquelle il a été procédé à partir de 2016 . Gérée par les agences régionales de santé jusqu'à cette date, cette procédure est désormais confiée aux médecins de l'OFII en application de l'article 13 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

Cette réforme a permis d'harmoniser à l'échelle nationale les taux d'avis favorable et de diminuer le nombre général de titres délivrés, comme l'avait relevé la Cour des comptes dans son rapport de 2020 sur l'entrée, le séjour et le premier accueil des étrangers en France.

Extraits du rapport public thématique de la Cour des comptes
relatif à l'entrée, au séjour et au premier accueil des personnes étrangères, 2020

« Auparavant gérée par les agences régionales de santé, cette procédure est placée sous la responsabilité de l'OFII depuis l'entrée en vigueur de la réforme prévue par la loi du 7 mars 2016, qui visait notamment à en harmoniser le régime au vu de disparités territoriales marquées et à mieux lutter contre les cas de fraudes, que la procédure antérieure n'était pas conçue pour détecter. Le dossier médical du demandeur est désormais examiné collégialement par une équipe de trois médecins, sous la supervision du médecin chef de l'OFII. Ce collège est chargé d'émettre un avis au regard des critères médicaux prévus par le Ceseda. Le préfet conserve la responsabilité d'accorder ou non le titre de séjour au vu de cet avis, mais si ce dernier est favorable, “ il ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée (...) ”.

La baisse importante constatée en 2017, parallèle à la croissance du nombre de refus de premiers titres comme de renouvellements, s'explique par la mise en oeuvre de la réforme, dont une plus grande rigueur faisait partie des objectifs. »

2. Renforcer et clarifier les conditions d'accès au titre dit « étranger malade »

Constatant le caractère exceptionnel de la procédure à l'échelle européenne et souhaitant prolonger le resserrement entamé de la délivrance des titres « étranger malade », la commission a adopté l' amendement COM-201 des rapporteurs portant création de l'article 1 er E du projet de loi, tendant à renforcer les conditions d'admission au séjour en vertu d'un tel titre.

En premier lieu, cet article tend à revenir sur le principal critère ouvrant le bénéfice de ce titre - le défaut d'accès effectif aux soins dans le pays d'origine - pour lui substituer le critère, plus restrictif, ayant prévalu jusqu'en 2016 - l'absence de traitement dans le pays d'origine . Cette dernière condition résulte de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité 25 ( * ) . Le législateur avait alors souhaité revenir sur une jurisprudence de 2010 du Conseil d'État qui imposait à l'autorité administrative « d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine » 26 ( * ) . Jugeant le critère du défaut d'accès effectif aux soins excessivement large, la commission a donc souhaité restaurer le critère de l'absence de traitement dans le pays d'origine 27 ( * ) .

En deuxième lieu, la commission a entendu revenir dans cet article sur le principe même d'une contribution de la solidarité nationale aux soins proposés aux personnes étrangères bénéficiant de ce titre . En effet, il apparait préférable que les systèmes assurantiels, publics ou privés, du pays d'origine prennent en charge le coût de ce soin, qu'il ne revient pas à la solidarité nationale de couvrir. Elle a dès lors prévu que le traitement offert au patient concerné serait opéré à l'exclusion de toute prise en charge par l'assurance maladie . Il reviendrait donc au Gouvernement, par des conventions bilatérales, de déterminer les conditions dans lesquelles les systèmes assurantiels étrangers, publics ou privés, peuvent financer cette prise en charge 28 ( * ) . Le décret en Conseil d'État prévu au deuxième alinéa de l'article L. 425-9 devrait déterminer la procédure par laquelle le coût de la prise en charge médicale est estimé et supporté par toute autre personne que l'assurance maladie.

Enfin, la commission a souhaité autoriser les médecins de l'OFII à demander les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de leur mission aux professionnels de santé qui en disposent sans l'accord de l'étranger . Ce faisant, elle a entendu faciliter l'exercice des missions de ces professionnels, qui exercent déjà dans un cadre collégial, respectueux des conditions déontologiques auxquelles sont soumis les médecins .

Par ailleurs, par l'adoption de l' amendement COM-83 de Stéphane Le Rudulier, la commission a introduit l'article 1 er F afin d'inscrire dans la loi les conditions d'appréciation des c onséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé d'un étranger d'un défaut de prise en charge médicale, l'un des critères pour l'admission au séjour au titre de la procédure « étranger malade ». Ces conséquences sur l'état de santé de l'étranger s'apprécieraient dès lors « compte tenu du risque que le défaut de prise en charge médicale fait peser sur le pronostic vital de l'étranger ou l'altération significative de l'une de ses fonctions importantes, mais également de la probabilité et du délai présumé de survenance de ces conséquences . » Ce faisant, la commission a rehaussé au niveau législatif des dispositions actuellement prévues par arrêté 29 ( * ) .

Il paraît effectivement nécessaire que ces critères d'appréciation, qui ont un effet sur les conditions d'accès au séjour de ces personnes, soient expressément mentionnés dans la loi, sans que cet ajout vienne ni

durcir, ni assouplir, mais simplement préciser les conditions
actuellement prévues.

La commission a adopté les articles 1 er E et 1 er F
ainsi rédigés .

Article 1er G (nouveau)
Contrôle du caractère réel et sérieux des études

Face à la hausse continue du nombre de titres de séjour délivrés pour des motifs étudiants et compte tenu du risque de détournement de cette voie d'accès au séjour, la commission a renforcé les contrôles applicables en la matière. À l'initiative des rapporteurs, elle a imposé aux bénéficiaires d'une carte de séjour pluriannuelle « étudiants » de confirmer annuellement la validité de leur titre en transmettant à l'administration des documents attestant du caractère réel et sérieux de leurs études.

La commission a adopté l'article 1 er G ainsi rédigé.

Avec plus de 88 000 titres délivrés en 2021 et plus de 108 000 en 2022, l'immigration étudiante est récemment devenue le premier motif d'admission au séjour en France . Il est dès lors impératif de garantir que les titres de séjour « étudiant » ne soient, d'une part, pas détournés de leur finalité par des individus souhaitant séjourner sur le territoire à d'autres fins que le suivi d'un cursus étudiant et, d'autre part, ne viennent alimenter une filière d'immigration clandestine par le maintien sur le territoire des intéressés au-delà de leur expiration . De manière générale, la commission ne peut que regretter l'absence totale de données sur la part des étrangers en situation irrégulière sur le territoire national qui y sont arrivés de manière régulière.

Primo-délivrances de titres de séjour
pour motifs « étudiants » (2009-2022)

Source : Commission des lois, à partir des données du ministère de l'intérieur

La commission a considéré que la création d'une carte de séjour pluriannuelle pour des motifs étudiants par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France ne s'était pas accompagnée d'un contrôle suffisant de la réalité et du sérieux des études poursuivies par ses bénéficiaires. En l'état du droit, un étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » doit, certes, attester du « caractère réel et sérieux de ses études » pour obtenir une carte pluriannuelle portant la même mention, mais cet élément ne fait par la suite plus l'objet d'aucun contrôle pendant la période de validité de la carte.

La commission a estimé que cet angle mort pouvait constituer une incitation au maintien irrégulier sur le territoire national . À l'issue de leur première année d'études en France, les intéressés peuvent ainsi se détourner totalement de leur parcours universitaire sans qu'aucune conséquence n'en soit tirée quant à leur droit au séjour. Cette situation confère une forme d'attractivité aux titres de séjour étudiants qui n'a, malheureusement, que peu à voir avec le rayonnement universitaire de la France . S'il est établi que d'autres facteurs rentrent en ligne de compte dans l'augmentation tendancielle du nombre de titres étudiants délivrés ces dernières années, les risques de détournements de cette voie d'accès au séjour invitent néanmoins à la plus grande vigilance .

Afin de garantir que les personnes bénéficiant d'une carte de séjour pluriannuelle « étudiant » ne séjournent pas en France pour d'autres motifs, la commission a donc adopté un amendement COM-205 des rapporteurs modifiant le régime de ce titre de deux manières :

- par la création d'une nouvelle obligation faite aux détenteurs de cette carte de transmettre annuellement à l'administration des éléments attestant du caractère réel et sérieux de leurs études (attestation d'inscription, relevés de notes, etc.), permettant ainsi de confirmer la validité du titre . Afin de ne pas imposer une surcharge de travail aux services des étrangers dans les préfectures, cette transmission pourrait être dématérialisée et le silence de l'administration vaudrait accord. De cette manière, les services des étrangers pourraient s'investir dans ce contrôle en fonction de leurs moyens et concentrer leurs efforts sur les dossiers les plus susceptibles de recouvrir de la fraude ;

- par la création d'un nouveau motif de retrait de la carte de séjour pluriannuelle « étudiant » à l'encontre des étrangers ne s'étant pas conformés à l'obligation décrite ci-dessus. Du reste, le a) du 1 de l'article 21 de la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 autorise les États membres à refuser de renouveler un titre de


séjour « étudiant » lorsque « le ressortissant du pays tiers séjourne sur le territoire à d'autres fins que celles pour lesquelles son séjour a été autorisé ».

La commission a adopté l'article 1 er G ainsi rédigé .

Article 1er H (nouveau)
Expérimentation de l'instruction « à 360° »
des demandes de titres de séjour

Conformément aux recommandations du rapport de mars 2020 du Conseil d'État relatif à la simplification du contentieux des étrangers et de son rapport d'information de mai 2022 intitulé « Services de l'État et immigration : retrouver sens et efficacité », la commission, à l'initiative des rapporteurs, a souhaité mettre en place une expérimentation, sur le fondement de l'article 37-1 de la Constitution, de l'instruction dite « à 360° » des demandes de titres de séjour. Dans les départements concernés, l'autorité administrative examinera dès la première demande l'ensemble des motifs susceptibles de fonder la délivrance d'un titre de séjour. En contrepartie, la recevabilité de toute nouvelle demande serait subordonnée à la présentation de faits ou d'éléments nouveaux.

Elle a adopté l'article 1 er H ainsi rédigé.

1. L'état du droit : des pratiques d'instruction des demandes de titres de séjour insatisfaisantes

Les pratiques actuelles d'instruction des demandes de titres de séjour sont unanimement décrites comme insatisfaisantes . Dans son rapport de mars 2020 intitulé « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l'intérêt de tous », le Conseil d'État insistait ainsi sur le fait que l'autorité administrative n'est tenue d'examiner une demande de titre de séjour qu'au regard des motifs présentés par le demandeur 30 ( * ) et que, en conséquence, celui-ci peut déposer plusieurs demandes successives sur des fondements différents. À titre d'illustration, le Conseil d'État mentionnait notamment le fait qu'« il n'est pas rare qu'un étranger demande d'abord l'asile, puis le réexamen de sa demande si elle est rejetée par l'OFPRA et la CNDA, avant de solliciter un titre de séjour en raison de son état de santé, puis de le faire à nouveau en se prévalant de sa vie privée et familiale, avant de demander son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des articles L. 313-14 et suivants du Ceseda, ou du pouvoir de régularisation de l'administration ».

Cette instruction par itérations successives n'est satisfaisante pour personne en ce qu'elle rallonge les délais de délivrance de titre pour les demandeurs, alourdit la charge de l'administration et contribue à faire « gonfler » le contentieux des étrangers. La commission des lois avait par la suite renouvelé ce constat dans son rapport de mai 2022 intitulé « Services de l'État et immigration : retrouver sens et efficacité ».

2. Une instruction « à 360° » des demandes de titre de séjour déjà pratiquée de manière informelle et qui a fait l'objet d'une expérimentation a minima

Dans le prolongement des recommandations du Conseil d'État, la commission avait plaidé dans son rapport précité pour une refonte des pratiques d'instruction, à travers la mise en place d'une expérimentation de l'examen dit « à 360° » des demandes de titres de séjour . Au coeur de cette proposition, se trouve l'idée d'examiner le droit au séjour d'un étranger plutôt que son droit à un titre de séjour en particulier . Concrètement, il s'agit d'examiner dès la première demande l'ensemble des motifs susceptibles de fonder la délivrance d'un titre de séjour. En contrepartie, la recevabilité de toute nouvelle demande serait subordonnée à la présentation de faits ou d'éléments nouveaux.

L'ensemble des acteurs ont potentiellement à gagner à ce changement de paradigme dans l'examen des demandes de titre de séjour . Les demandeurs seraient fixés plus rapidement sur leur droit au séjour, tandis que l'administration comme le juge n'auraient plus à multiplier les décisions sur l'accès au séjour d'un même étranger.

Du reste, l'instruction « à 360° » est déjà pratiquée par certaines préfectures . Néanmoins, cette pratique demeure informelle et sa portée limitée : elle repose sur le volontarisme d'agents et n'a d'autres conséquences que de diriger le demandeur vers le dépôt d'une nouvelle demande fondé sur un autre motif a priori plus adéquat. En outre, l'instruction « à 360° » a déjà fait l'objet d'une expérimentation dans le département du Maine-et-Loire , où une délégation de la commission des lois s'était rendue. En l'absence de base légale ad hoc , la portée de cette expérimentation était toutefois structurellement limitée puisqu'elle n'empêchait en rien le dépôt d'une nouvelle demande sur un autre motif en cas de refus. Elle ne portait par ailleurs que sur certaines catégories de titres de séjour.

3. La position de la commission : s'engager pleinement dans l'expérimentation

Par l'adoption de deux amendements identiques des rapporteurs ( COM-203 ) et d'André Reichardt ( COM-38 ), la commission a adopté la mise en place d'une expérimentation, sur le fondement de l'article 37-1 de la Constitution, de l'instruction dite « à 360° » des demandes de titres de séjour.

Celle-ci se tiendrait dans cinq à dix départements pour une durée maximale de trois ans. Pour permettre l'instruction transversale de son dossier, le demandeur aurait l'obligation de fournir à l'administration l'ensemble des documents nécessaires à la prise d'une décision sur son droit au séjour 31 ( * ) . À l'issue de l'examen de sa demande, il pourrait se voir délivrer, sous réserve de son accord, un autre titre de séjour que celui qui faisait l'objet de sa demande initiale.

En contrepartie, la recevabilité de toute nouvelle demande serait subordonnée à la présentation d'éléments et de fait nouveaux ou dont il est établi qu'il ne pouvait en avoir connaissance au moment de sa demande. Par ailleurs, la commission a explicitement précisé que ces éléments nouveaux ne sauraient procéder du seul écoulement du temps . C'est pourquoi le dispositif prévoit que « l'administration examine toute nouvelle demande en prenant en compte la durée de résidence sur le territoire national et l'ancienneté professionnelle de l'étranger à la date de l'introduction de la première demande ».

Afin que cette expérimentation ne se traduise pas par une surcharge de travail pour les services des étrangers et conformément aux préconisations du rapport d'information précité, l'instruction « à 360° » ne serait néanmoins activée que dans les cas où l'administration s'oriente vers une décision de rejet de la demande de titre.

La commission s'est par ailleurs réjouie du consensus autour de l'idée d'une instruction « à 360° » des demandes de titre de séjour, puisque le ministre de l'intérieur et des outre-mer s'est dit favorable à l'introduction du dispositif dans le projet de loi lors de son audition par la commission des lois le 28 février 2023 32 ( * ) .

La commission a adopté l'article 1 er H ainsi rédigé .

Article 1er I (nouveau)
Transformation de l'aide médicale d'État
en aide médicale d'urgence

Reprenant une position constante du Sénat, la commission a souhaité opérer une réforme structurelle de l'aide médicale d'État. Elle lui a substitué, à l'initiative de Françoise Dumont, une « aide médicale d'urgence » recentrée sur la prise en charge de quatre catégories de soins déterminées.

La commission des lois a adopté l'article 1 er I ainsi rédigé .

L'aide médicale d'État (AME) est un dispositif visant à garantir un accès aux soins aux étrangers en situation irrégulière . Son régime est principalement fixé par chapitres I à III du titre V du livre II du code de l'action sociale et des familles qui autorisent son attribution dès lors que deux conditions de ressources et de résidence sont remplies. Cette deuxième condition est satisfaite lorsque l'étranger réside en France de manière irrégulière et ininterrompue depuis au moins trois mois. Le titulaire de l'AME bénéficie, pour une durée d'un an renouvelable, d'une prise en charge à 100 % de ses frais médicaux et hospitaliers, dans la limite des tarifs de la sécurité sociale.

Le nombre de bénéficiaires de l'AME tend à augmenter sur la période récente, de même que le budget qui lui est consacré . Plus de 380 000 personnes bénéficiaient ainsi de cette prise en charge en fin d'année 2021, contre 318 000 trois ans plus tôt. De la même manière, la dotation de l'AME s'élève à plus de 1,2 milliard d'euros au PLF pour 2023 -en augmentation de 12,4 %-, alors que le montant qui lui était consacré était encore légèrement supérieur à 500 millions d'euros en 2009 ( voir tableau ci-après ).

Source : commission des finances (données de la CNAM et calculs de la DSS).

Afin d'éviter des détournements et de renforcer la lutte contre la fraude, les conditions d'éligibilité à l'AME ont été légèrement durcies par l'article 264 de la loi de finances pour 2020 .

Premièrement, l'ouverture des droits à l'AME a été conditionnée à une résidence irrégulière pendant l'ensemble des trois mois précédant la demande et non plus simplement au jour de son introduction. Deuxièmement, la demande doit désormais être déposée physiquement auprès de la caisse primaire d'assurance maladie compétente ou, par exception, par l'intermédiaire d'un établissement de santé dans lequel le demandeur ou un membre du foyer est pris en charge. Troisièmement, un délai de carence de neuf mois a été introduit pour la prise en charge de certaines prestations programmées et ne revêtant pas un caractère d'urgence.

À l'évidence, ces dispositions paramétriques n'ont pas rencontré le succès escompté et n'ont permis ni de lutter plus efficacement contre la fraude ni de freiner l'augmentation tendancielle des dépenses d'AME . Le rapport spécial de la commission des finances du Sénat sur les crédits de la mission « Santé » inscrite au projet de loi de finances pour 2023 n'arrive pas à une conclusion différente. Le rapporteur Christian Klinger y relève que « l'effet de ces différentes mesures, dont l'entrée en vigueur a été en partie perturbée par la crise sanitaire, n'a pas véritablement été mesuré, les années 2020 et 2021 présentant en outre un caractère atypique. Il apparaît néanmoins très limité au regard de la tendance à la progression continue des dépenses d'AME ». Du reste, le champ des soins pris en charge est significativement plus étendu que chez la plupart de nos voisins européens . En règle générale, seuls les soins urgents, liés à la maternité et aux mineurs ainsi que les dispositifs de soins préventifs sont concernés.

Dans ce contexte, le Sénat défend de longue date la mise en place d'une réforme structurelle de l'AME . C'est l'objet de l' amendement COM-3 de Françoise Dumont adopté par la commission. Ce dernier substitue à l'AME une nouvelle « aide médicale d'urgence » recentrée sur la prise en charge de la prophylaxie et du traitement des maladies graves et des douleurs aiguës, des soins liés à la grossesse, des vaccinations réglementaires et des examens de médecine préventive.

Un dispositif similaire a été adopté à plusieurs reprises par le Sénat, à l'initiative de Roger Karoutchi lors de l'examen en 2018 de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie ou, plus récemment 33 ( * ) , de Christian Klinger lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023 34 ( * ) .

La commission a adopté l'article 1 er I ainsi rédigé .

Article 1er J (nouveau)
Exclusion des étrangers en situation irrégulière des réductions tarifaires
accordées par les autorités de transport

L'article 1 er J issu d'un amendement de Philippe Tabarot tend à prévoir une condition de régularité pour bénéficier des tarifs de solidarité dans les transports.

La commission a adopté l'article 1 er J ainsi rédigé.

L'article L. 1113-1 du code des transports prévoit l'obligation pour les autorités organisatrices de transport de prévoir une réduction tarifaire d'au moins 50 % sur leurs titres de transport ou une aide équivalente pour les personnes dont les ressources sont égales ou inférieures au plafond de ressources permettant l'accès à la complémentaire santé universelle (soit 767 euros de revenus par mois pour une personne seule depuis avril 2022).

Les étrangers en situation irrégulière, bénéficiaires de l'aide médicale d'État remplissent cette condition de revenus et sont donc éligibles à cette tarification.

Comme l'indique l'exposé des motifs de l'amendement de Philippe Tabarot, une délibération contraire du Syndicat des transports d'Île-de-France (Stif, établissement public local aujourd'hui devenu Île-de-France Mobilités) du 17 février 2016, a été annulée par la juridiction administrative. Dans son jugement du 25 janvier 2018 35 ( * ) , le Tribunal administratif de Paris a considéré que : « les dispositions de l'article L. 1113-1 du code des transports ne subordonnent le bénéfice de la réduction tarifaire dans les transports qu'à la seule condition de disposer de ressources égales ou inférieures au plafond prévu par l'article L. 861-1 du code de la sécurité sociale ; qu'elles ne posent pas de conditions supplémentaires selon lesquelles le bénéfice de cette réduction tarifaire serait, en ce qui concerne les ressortissants étrangers, réservé aux personnes en situation régulière bénéficiant de la couverture maladie universelle complémentaire » et « qu'ainsi, en excluant de la réduction tarifaire les étrangers en situation irrégulière bénéficiant de l'aide médicale d'Etat, le STIF a commis une erreur de droit ».

Le présent article tend donc à compléter l'article L. 1113-1 en prévoyant une condition de régularité pour accéder au tarif de solidarité.

Considérant que le bénéfice des dispositifs de solidarité doit d'abord bénéficier à ceux dont le séjour en France est régulier, la commission a adopté l'amendement COM-141.

La commission a adopté l'article 1 er J ainsi rédigé .

TITRE IER
ASSURER UNE MEILLEURE INTÉGRATION
DES ÉTRANGERS PAR LE TRAVAIL ET LA LANGUE

CHAPITRE IER
MIEUX INTÉGRER PAR LA LANGUE

Article 1er
Conditionnalité de la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle
à la connaissance d'un niveau minimal de français

L'article 1 er tend à prévoir que la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle est conditionnée à la connaissance d'un niveau minimal de langue française . Ce faisant, il ajoute à l'obligation de moyens existant en matière d'apprentissage de la langue française dans le cadre du contrat d'intégration républicaine (CIR), une obligation de résultat.

Partageant pleinement cet objectif, la commission a adopté cet article et en a complété le dispositif en prévoyant dans la loi le niveau de langue demandé, qu'elle a fixé au niveau A2 du cadre européen commun de référence pour les langues et prévu les harmonisations nécessaires pour la suite du parcours d'intégration des étrangers. Elle a également enrichi le dispositif en liant également la délivrance d'une CSP ou d'une carte de résident à la démonstration d'un niveau de connaissances en matière civique à l'issue de la formation délivrée dans le cadre du CIR en la matière, dont le contenu serait étoffé pour inclure l'histoire et la culture françaises.

1. Le dispositif proposé : d'une obligation de moyens dans l'apprentissage de la langue à une obligation de résultat dans sa maîtrise

1.1. Le parcours d'intégration d'un étranger en France prévoit une obligation de moyens dans l'apprentissage de la langue française

Lors de son arrivée en France, l'étranger admis pour la première fois au séjour ou qui entre régulièrement en France entre l'âge de 16 et 18 ans et souhaite s'y installer durablement s'engage dans un « parcours personnalisé d'intégration républicaine », qui prend généralement la forme d'un contrat d'intégration républicaine (CIR). Certaines personnes en sont néanmoins exemptées.

Les cas d'exemption de la signature du CIR

Plusieurs catégories d'étrangers primo-arrivants sont dispensées de la signature d'un CIR, généralement à raison de leur pays d'origine, de leur éventuelle éligibilité à la protection internationale ou de la pertinence d'un tel parcours d'intégration au regard de leur situation personnelle :

- les ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

- les personnes dont le statut est régi par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- les personnes réfugiées, apatrides ou bénéficiaires de la protection subsidiaire. Pour autant, ce parcours leur est ouvert ;

- les personnes n'ayant pas vocation à s'installer durablement en France, à l'exemple des étudiants, des stagiaires, des travailleurs saisonniers, des travailleurs détachés « ICT », des visiteurs 36 ( * ) ;

- les personnes présentant des garanties d'intégration suffisantes, telles que les titulaires d'une carte de résident ou d'une CSP dite « passeport talent », ou encore les personnes ayant effectué leur scolarité dans un établissement d'enseignement secondaire français pendant au moins trois années scolaires ou ayant suivi des études supérieures en France d'une durée au moins égale à une année universitaire 37 ( * ) .

La signature du CIR ouvre droit au bénéfice de trois dispositifs 38 ( * ) :

- une formation civique , obligatoire, « relative aux valeurs, aux principes, et aux institutions de la République, à l'exercice des droits et devoirs liés à la vie en France ainsi qu'à l'organisation de la société française », se déroulant sur quatre journées 39 ( * ) ;

- un « conseil en orientation professionnelle et un accompagnement destiné à favoriser son insertion professionnelle », délivré « en association avec les structures du service public de l'emploi » ;

- une formation linguistique, prescrite à l'issue d'un test de niveau en début de cycle . Dans le cas où la personne atteint le niveau A1 dans le cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL), il ne lui est prescrit aucune formation, bien qu'elle puisse éventuellement en bénéficier si elle le souhaite 40 ( * ) . À l'inverse, dans le cas où la personne ne dispose pas d'un niveau A1, elle se voit prescrire un quantum d'heures de formation oscillant entre 100 et 600 heures 41 ( * ) visant à l'acquisition de ce niveau. L'ensemble de ces options sont récapitulées dans le document signé par l'étranger concerné, dont un modèle est consultable ci-après.

Il n'existe pas de sanction immédiate au non-respect des obligations éventuelles dans le cadre du CIR. En revanche, l'étranger signataire d'un CIR est tenu d'avoir suivi avec sérieux et assiduité les formations qui lui ont été prescrites s'il souhaite se voir délivrer, au terme d'une année de séjour régulier, une carte de séjour pluriannuelle (CSP) 42 ( * ) .

Modèle du CIR tel qu'actualisé depuis 2021 43 ( * )

1.2. Ajouter à l'obligation de moyens existante une obligation de résultat

Le dispositif de l'article 1 er tend à ajouter à cette obligation de moyens existante une obligation de résultat . En sus de l'obligation de suivi sérieux et assidu des formations prescrites dans le cadre du CIR 44 ( * ) - qui serait maintenue - il prévoit que l'étranger souhaitant se voir délivrer une CSP serait désormais également tenu de justifier « d'une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret en Conseil d'État ». Il en dispense par ailleurs les personnes non signataires du CIR et procède aux coordinations nécessaires au sein du Ceseda.

D'après l'étude d'impact, une telle disposition poursuit deux objectifs :

- réserver la délivrance de titres pluriannuels, témoignant d'une volonté d'installation durable, « aux étrangers qui ont démontré une volonté et une capacité à s'intégrer en France » ;

- « rendre le système plus incitatif en conduisant les étrangers soumis au CIR à se mobiliser davantage dans leur apprentissage du français » 45 ( * ) .

Le niveau à atteindre serait renvoyé au niveau réglementaire. L'impact concret de la mesure sur les délivrances de CSP varierait donc largement en fonction du niveau fixé . Comme le rappelle l'étude d'impact :

- 3 000 à 5 000 étrangers (hors bénéficiaires de la protection internationale et Algériens) se voient prescrire une formation obligatoire dans le cadre du CIR et n'atteignent pas le niveau A1 à l'issue de celle-ci. Ils se verraient donc refuser le bénéfice d'une CSP avec la nouvelle obligation de résultat ;

- 15 000 à 20 000 personnes se verraient refuser le bénéfice d'une CSP si le seuil exigé était le niveau A2 ;

- 40 000 personnes environ se verraient refuser la délivrance d'une CSP si le seuil exigé était le niveau B1 .

Les personnes devenues inéligibles à la délivrance d'une CSP ne seraient pas pour autant privés de toute voie d'accès au séjour régulier . Elles pourraient demeurer sur le territoire en bénéficiant du renouvellement de leur carte de séjour temporaire (CST).

L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui a récemment amélioré certaines de ses mallettes pédagogiques à destination des publics non-lecteurs non-scripteurs et a doublé en 2019 ses forfaits horaires, pourrait au demeurant mettre en oeuvre des mesures tendant à accompagner les publics susceptibles d'échouer à un tel test de langue, à l'exemple du « bonus d'heures » de 10 % qui peut être accordé aux personnes proches d'atteindre le niveau A1 au terme de leur parcours.

2. La position de la commission : compléter et enrichir un dispositif bienvenu

2.1. Préciser et compléter le dispositif sur le niveau linguistique demandé

Partageant l'objectif poursuivi par l'article 1 er , les rapporteurs relèvent néanmoins que rien n'impose que le niveau de langue requis soit fixé par le seul pouvoir réglementaire . Si l'article 34 de la Constitution est particulièrement silencieux sur le droit des étrangers, il n'en demeure pas moins que la fixation des critères d'intégration des étrangers à la société française semble relever, dans l'importance qu'elle revêt pour les droits et devoirs des personnes concernées comme pour le choix politique qu'elle emporte, du niveau législatif. Ainsi, lorsqu'elles y font référence dans les mesures d'intégration qu'elles prévoient, les législations d'autres États membres de l'Union européenne qualifient généralement le niveau de langue souhaité, même sommairement 46 ( * ) .

Par ailleurs, un renvoi systématique au pouvoir réglementaire pose la question d'une incompétence négative du législateur , ce dernier ne définissant pas a priori de hiérarchie en les différents niveaux de langue demandés tout au long du parcours d'intégration : qu'il s'agisse de la délivrance d'une CSP, d'une carte de résident ou de l'acquisition de la nationalité française, ces dispositions, dans la rédaction retenue par le Gouvernement, renverraient toujours à « la connaissance d'un niveau de langue déterminé par décret en Conseil d'État », sans même qu'il soit explicitement prévu que ce niveau varie en fonction de l'intensité de l'intégration de la personne à la société française. Le pouvoir réglementaire pourrait ainsi fixer un niveau identique pour l'ensemble des étapes du parcours d'intégration . Il a donc semblé nécessaire à la commission que le législateur procède lui-même au choix du niveau demandé.

Par l'adoption de l'amendement COM-206 des rapporteurs , la commission a donc précisé explicitement que le niveau requis pour la délivrance d'une CSP serait le niveau A2 du CECRL . Elle a en conséquence rehaussé le niveau nécessaire pour l'octroi d'une carte de résident - qui serait désormais le niveau B1 - et celui pour acquérir la nationalité française - qui serait désormais le niveau B2.

Une telle mesure ne poserait aucun problème de conventionalité , notamment au regard de la directive 2003/109/CE relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée : d'une part, le niveau de langue demandé serait limité ; d'autre part, s'agissant de la délivrance de la CSP, les pouvoirs publics mettent à disposition des formations permettant d'atteindre le niveau exigé et le coût de la certification linguistique serait soit supporté par l'OFII - dans le cadre des évaluations qu'il organise déjà pour le CIR -, soit à la charge du demandeur mais représenterait un coût modéré (de 90 à 150 euros selon l'étude d'impact).

Enfin, il n'a pas paru utile de prévoir des conditions d'aménagement ou de dispense d'une telle justification de français pour les personnes incapables de la fournir . En effet, s'agissant de l'appréciation de la condition d'intégration pour la délivrance de la carte de résident, aucune condition n'est prévue dans la loi. En revanche, l'article R. 413-15 du Ceseda prévoit que les « personnes qui présentent un handicap ou un état de santé déficient chronique peuvent (...) bénéficier d'aménagements d'épreuves pour le passage d'un test linguistique si leur état le justifie ou, en cas d'impossibilité de passer un tel test, être dispensées de la production des diplômes ou certifications » justifiant de leur niveau de français. Il appartiendra dès lors au pouvoir réglementaire de prévoir les mêmes aménagements et dispenses dans le cadre du présent dispositif .

2.2. Enrichir le dispositif sur le volet civique de l'intégration et le respect du CIR

Considérant qu'une intégration réussie dans la société française ne saurait être réalisée par la seule maîtrise du française, la commission a également souhaité enrichir le dispositif proposé s'agissant du volet civique de l'intégration . Elle a ainsi, par l'adoption de l'amendement COM-206 des rapporteurs :

- élargi le contenu , déjà prévu par la loi, de la formation civique du CIR, en disposant que celle-ci s'étend à l'histoire et à la culture françaises 47 ( * ) ;

- prévu que cette formation ferait l'objet d'un examen ;

- conditionné la délivrance d'une CSP et d'une carte de résident à la réussite de cet examen , qui pourrait être identique pour les deux catégories de titres ;

- prévu plus généralement que la délivrance de la carte de résident tienne compte du respect par l'étranger de son CIR .

La commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 2 (supprimé)
Formation professionnelle au français
pour les salariés allophones

L'article 2 tend à étoffer les possibilités de formation en français langue étrangère (FLE) ouvertes, au titre de la formation professionnelle, aux salariés allophones en emploi. Il crée une faculté générale, pour les employeurs, de proposer des formations en FLE à leurs salariés allophones et leur impose, pour ceux de ces salariés signataires d'un contrat d'intégration républicaine (CIR), de considérer ce temps de formation comme un temps de travail effectif donnant lieu au maintien de la rémunération ou, lorsque le salarié mobilise son compte personnel de formation (CPF), d'accorder de droit une autorisation d'absence.

Jugeant les possibilités actuelles de formation suffisantes et ne souhaitant pas imposer aux employeurs des obligations qui relèvent davantage des pouvoirs publics , la commission a supprimé l'article 2 .

1. L'état du droit : des possibilités de formation au français langue étrangère déjà existantes

La formation professionnelle au français langue étrangère (FLE) pour les salariés allophones constitue aujourd'hui, pour l'essentiel, une faculté à la main des employeurs et salariés . Une action de formation professionnelle en la matière peut ainsi être effectuée soit à l'initiative du salarié soit à celle de l'employeur.

En premier lieu, les salariés ont la faculté de mobiliser leur compte personnel de formation 48 ( * ) (CPF) pour bénéficier d'une formation à la langue française. Comme le rappelle l'étude d'impact du projet de loi, les formations en FLE « enregistrées au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ou au répertoire spécifique (RS) sont éligibles au financement par le CPF » 49 ( * ) .

Des formations au FLE sont ainsi proposées sur la plateforme « Mon compte formation », qu'elles soient orientées vers l'insertion professionnelle ou visent à l'acquisition d'une compétence linguistique plus générale . Selon les données fournies par le Gouvernement 8 516 formations ont été dispensées de janvier à octobre 2022 à ce titre, pour un coût pédagogique moyen de 1 306 euros.

En second lieu, la poursuite d'actions de formation au FLE peut résulter de l'initiative des employeurs . Dans cette hypothèse, l'article L. 6321-1 du code du travail prévoit que les obligations de l'employeur varient selon la transférabilité des compétences concernées, qui ne se limitent d'ailleurs pas à la seule maitrise d'un niveau de langue française :

- lorsque la formation professionnelle répond à la nécessaire adaptation du salarié à son poste de travail , l'employeur est tenu d'y pourvoir 50 ( * ) ;

- lorsqu'elle vise à maintenir la capacité du salarié à occuper un emploi , l'employeur est uniquement tenu d'y veiller ;

- enfin, s'agissant plus généralement du développement des compétences du salarié, l'employeur n'a qu'une simple faculté de proposition de formations professionnelles.

Il découle de ce qui précède qu'il n'existe pas pour l'heure d'obligation de portée générale, incombant aux employeurs, de formation au FLE des salariés allophones mais que, comme pour l'ensemble des compétences, l'intensité des obligations de l'employeur en matière de formation au FLE s'apprécie en fonction du salarié et du poste concerné .

L'employeur peut ainsi se voir imposer une obligation de formation dans le cas où la maîtrise d'un certain niveau de français pourrait




constituer un prérequis pour l'adaptation du salarié à son poste 51 ( * ) ou dans le cas où l'absence de formation au FLE ferait obstacle au maintien de la capacité du salarié à occuper un emploi. Dans l'ensemble des autres cas, la formation professionnelle au FLE ne constitue donc qu'une simple faculté à la discrétion de l'employeur . En tout état de cause, les obligations de l'employeur s'apprécient au regard de l'usage par le salarié dans son poste ou son emploi de la compétence professionnelle que peut constituer la maîtrise du français.

Sollicités par les rapporteurs, les services de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) ont indiqué n'être pas en mesure de fournir le nombre de formations au FLE proposées à l'initiative de l'employeur.

2. Le dispositif : un renforcement des obligations des employeurs en matière de formation au français langue étrangère

Le dispositif proposé par le Gouvernement à l'article 2 s'articule autour de trois dispositions.

En premier lieu, il tend à ouvrir aux employeurs la faculté de proposer des formations FLE à tous leurs salariés allophones (1° de l'article). Il ajoute ainsi au nombre des formations que l'employeur a la faculté de proposer dans le cadre du développement des compétences de ses salariés celles « visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau par décret ». Ces formations s'ajouteraient ainsi à celles participant au « développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences ».

En second lieu, il vise à imposer aux employeurs, pour les seuls salariés allophones signataires d'un contrat d'intégration républicaine (CIR) et engagés dans un parcours de formation linguistique, le décompte du temps de formation FLE comme du temps de travail effectif , donnant lieu au maintien de la rémunération pendant leur réalisation (2° de l'article).

En dernier lieu, il prévoit que, lorsque des salariés allophones signataires d'un CIR suivent des formations au FLE correspondant à un niveau déterminé par décret, choisies par leurs soins dans le cadre de la mobilisation de leur compte personnel de formation (CPF) et effectuées en tout ou partie durant le temps de travail, leurs employeurs seraient tenus de leur délivrer une autorisation d'absence . Une telle disposition constituerait la seule dérogation prévue au principe selon lequel, pour les formations financées dans le cadre du CPF réalisées sur le temps de travail, l'employeur est libre d'opposer un refus à cette demande d'autorisation d'absence.

Le bénéfice des deux derniers dispositifs serait néanmoins plafonné dans sa durée : ils ne pourraient s'appliquer à des actions de formation que dans la limite d'un plafond horaire fixé par décret en Conseil d'État.

3. La position de la commission : supprimer un dispositif inutile qui pourrait être excessivement coûteux pour les employeurs

3.1. Un dispositif partiellement redondant avec le droit existant

En premier lieu, la faculté ouverte aux employeurs de proposer des formations au FLE semble dépourvue de réelle portée . D'une part, les employeurs disposent déjà d'une faculté générale de proposer des formations en FLE - comme c'est le cas pour toute compétence professionnelle - à leurs salariés allophones : la création d'une telle faculté apparaît donc superflue.

D'autre part, l'inscription de cette faculté parmi les compétences pour lesquelles les employeurs sont particulièrement susceptibles de proposer des formations apparaît d'autant plus redondante que la maîtrise du français figure déjà parmi celles-ci, au sein du « socle de connaissances et compétences professionnelles » , également susceptibles d'être intégrées au sein du plan de développement des compétences. En effet, le 1° de l'article D. 6113-30 du code du travail intègre déjà la communication en français au sein de ce socle.

3.2. Un dispositif imprécis, potentiellement coûteux pour les employeurs

Outre sa portée faiblement prescriptive, le dispositif a paru problématique à la commission, à plusieurs titres.

En premier lieu, il apparaît imprécis en l'état de sa rédaction. Le niveau de langue poursuivi par ces formations ouvrant droit, pour les salariés, n'est pas fixé dans la loi, une telle disposition relevant potentiellement du niveau réglementaire. Il paraît néanmoins problématique qu'il ne soit nullement spécifié, ou qu'il ne soit prévu aucune procédure pour le déterminer, en particulier dans le cadre d'une consultation des partenaires sociaux 52 ( * ) .

En deuxième lieu et plus fondamentalement, la commission a relevé le changement de philosophie qu'apporterait une telle disposition : les employeurs se verraient ainsi imposer des obligations de formation quant à la maîtrise d'une compétence sans lien direct avec la pratique professionnelle de leurs salariés . Serait ajoutée à la charge des employeurs une contrainte, dont le coût n'est pas chiffré par l'étude d'impact 53 ( * ) , et qui ne semble pas devoir leur incomber. Tout en reconnaissant l'importance de la maîtrise d'un niveau minimal de français dans un contexte professionnel, plusieurs organisations représentatives d'employeurs auditionnées par les rapporteurs ont souligné la nécessité de maintenir le caractère largement facultatif de la formation au FLE et de ne pas faire supporter aux employeurs une obligation de formation relevant davantage des pouvoirs publics :

- la confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) a ainsi estimé que « s'il est nécessaire qu'un travailleur étranger dispose d'un niveau de langue française suffisant pour s'intégrer dans le corps social, il ne devrait pas revenir à l'employeur de financer, de manière obligatoire, cette formation qui relève davantage d'un sujet de société », ajoutant que « la responsabilité de la formation en français revient avant tout aux pouvoirs publics » ;

- l'union des entreprises de proximité (U2P) a également jugé qu'il « appartient aux pouvoirs publics d'assumer la charge de l'intégration sociale, notamment par la maîtrise de la langue française, des personnes allophones . »

En dernier lieu, le dispositif pourrait poser des difficultés concrètes aux employeurs . Le défaut d'opérationnalité de ces dispositions dans les entreprises de petite taille a d'ailleurs été reconnu par certaines organisations syndicales auditionnées par les rapporteurs pourtant favorables à son principe 54 ( * ) . D'une part, l'obligation faite aux employeurs de considérer les formations en FLE suivies par leurs salariés allophones signataires d'un CIR comme du temps de travail effectif, donnant lieu au maintien de la rémunération, semble de nature à pénaliser des entreprises de petite taille et, in fine, nuire à l'employabilité des étrangers concernés . En effet, un employeur risque, particulièrement dans une petite structure, de considérer préférable d'employer un étranger présentant un niveau de français supérieur dès son embauche, ou un étranger non signataire d'un CIR - soit qu'il en soit dispensé, soit qu'il n'y soit plus soumis en raison d'une résidence prolongée sur le territoire -, ne présentant pas les mêmes contraintes sur le plan de l'organisation du travail. D'autre part, lorsque la formation est à l'initiative du salarié, l'octroi de droit d'une autorisation d'absence constituerait la seule dérogation admise au principe actuellement posé par l'article L. 6323-17 du code du travail selon lequel l'autorisation d'absence est accordée par l'employeur. Or, une telle disposition pourrait être de nature à désorganiser l'organisation du travail , pour des formations qui ne sont pas à l'initiative de l'employeur mais du seul salarié, dans le cadre de la mobilisation de son compte personnel de formation (CPF). Les principales organisations représentatives des employeurs sollicitées par les rapporteurs s'y sont unanimement déclarées défavorables 55 ( * ) .

Dans ces conditions, le dispositif proposé par le Gouvernement semble, pour une part, de faible portée, et d'autre part excéder dans les contraintes qu'il pose un niveau raisonnable pour les employeurs concernés et, ce faisant, constituer une nuisance potentielle à l'insertion sur le marché du travail des étrangers concernés. La commission a donc, par l'adoption de l'amendement COM-39 rectifié ter d'André Reichardt, procédé à la suppression de cet article .

La commission a supprimé l'article 2.

Articles 2 bis et 2 ter (nouveaux)
Resserrement des conditions d'acquisition
de la nationalité au titre du « droit du sol »

Les conditions d'acquisition de la nationalité française peuvent constituer un facteur d'attractivité pour les étrangers et contribuer à l'augmentation des flux migratoires.

Afin de pallier cette difficulté, la commission a adopté, à l'initiative de Valérie Boyer, deux amendements portant articles additionnels tendant à resserrer les conditions d'acquisitions de la nationalité pour les mineurs étrangers nés en France de parents étrangers.

1. L'acquisition de la nationalité : facteur potentiel d'attractivité du territoire français

La nationalité française peut être octroyée à une personne de deux façons. Elle peut lui être attribuée à la naissance, automatiquement, du fait soit de la filiation 56 ( * ) - est Français l'enfant dont l'un des parents au moins est Français - soit de la naissance en France 57 ( * ) - est Français l'enfant né en France lorsque l'un de ses parents au moins y est lui-même né.

Elle peut également être acquise , après la naissance, de trois manières :

- soit par décision de l'autorité publique , par décret de naturalisation par exemple ;

- soit par déclaration : par exemple dans le cas du mariage, quatre ans après celui-ci 58 ( * ) , ou pour un mineur étranger né en France de parents étrangers par anticipation à compter de l'âge de 13 ans s'il réside en France depuis l'âge de 8 ans ;

- soit de plein droit , pour les mineurs étrangers nés en France, à leur majorité s'ils ont résidé en France cinq ans depuis l'âge de 11 ans 59 ( * ) .

Les acquisitions de nationalité ont augmenté entre 2017 et 2021 de 53,6 %, s'élevant à 130 385 à cette date, comme le montre le tableau ci-dessous.

Acquisitions de la nationalité française
selon les modalités d'acquisition de 2017 à 2021

Source : ministère de l'intérieur, ministère de la justice 60 ( * )

Parmi elles, les acquisitions de nationalité par déclaration anticipée et sans formalité, qui concernent des mineurs étrangers nés en France de parents étrangers, représentaient en 2021 26,9 % du total .

Ces conditions d'accès à la nationalité pour des mineurs, relativement favorables, peuvent potentiellement renforcer l'attractivité du territoire français.

2. Un nécessaire resserrement des conditions d'acquisition de la nationalité pour les mineurs étrangers nés en France de parents étrangers

Face à ce constat, la commission, après avoir constaté la recevabilité des amendements en cette matière malgré l'avis contraire des rapporteurs, a souhaité resserrer les conditions d'acquisition de la nationalité française pour les mineurs étrangers nés en France de parents étrangers.

À l'initiative de Valérie Boyer, la commission a ainsi adopté l'amendement COM-57 tendant à subordonner l'acquisition par ces personnes de la nationalité à une manifestation de volonté . Modifiant l'article 27-1 du code civil, il prévoit que l'enfant né en France de parents étrangers pourra, à partir de l'âge de seize ans et jusqu'à l'âge de dix-huit ans, acquérir la nationalité française à condition qu'il en manifeste la volonté, qu'il réside en France à la date de sa manifestation de volonté et qu'il justifie d'une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui la précèdent.

Une telle disposition reprenant la rédaction de l'ancien article 44 du code de la nationalité , en vigueur entre 1993 et 1998, et ayant déjà émis un avis favorable à un amendement similaire lors de l'examen du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie en 2018 61 ( * ) , la commission l'a adoptée sans modification.

La manifestation de la volonté : une disposition brièvement en vigueur

Installée par le Premier ministre Jacques Chirac en juin 1987, la commission de la nationalité présidée par Marceau Long avait souhaité entre autres propositions relatives à l'évolution du droit de la nationalité, que l'acquisition de la nationalité pour les mineurs étrangers nés en France de parents étrangers soit conditionnée à la manifestation d'une volonté :

« La Commission affirme solennellement qu'il n'est pas souhaitable de remettre aujourd'hui en cause le droit à la nationalité française que détient tout jeune né en France et y ayant vécu pendant une période correspondant, le plus souvent, à sa scolarisation, ce qui garantit son assimilation.

« Elle estime cependant que la volonté individuelle de ces jeunes ne saurait, sans artifice, demeurer inexprimée si l'on souhaite que ce droit du sol « simple » soit pleinement le puissant instrument d'intégration recherché pour les années à venir.

(...)

« La Commission estime que la volonté de jouir d'une nationalité à laquelle ils ont droit doit pouvoir être exprimée individuellement par les jeunes concernés dans des formes très simples . »

La loi n° 93-933 du 22 juillet 1993 réformant le droit de la nationalité a donc constitué la traduction juridique de certains résultats des travaux de cette commission. L'article 44 du code de la nationalité a ainsi été modifié pour prévoir que « tout étranger né en France de parents étrangers peut, à partir de l'âge de seize ans et jusqu'à l'âge de vingt et un ans, acquérir la nationalité française à condition qu'il en manifeste la volonté, qu'il réside en France à la date de sa manifestation de volonté et qu'il justifie d'une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui la précèdent . »

L'article 2 de la loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité a restauré le principe de l'acquisition automatique, à la majorité, de la nationalité française pour les mineurs étrangers nés en France de parents étrangers. Sur le rapport de Christian Bonnet 62 ( * ) , la commission des lois du Sénat s'était opposée à une telle évolution, position confirmée par le Sénat en séance publique.

La commission a également adopté l'amendement COM-60 de Valérie Boyer, tendant à étendre aux mineurs pouvant prétendre à l'acquisition de la nationalité à raison de la naissance et de la résidence l'empêchement lié au prononcé de condamnations pénales à l'endroit de la personne concernée .

Un tel empêchement existe déjà pour les majeurs, qui ne peuvent acquérir la nationalité dès lors qu'ils ont été « l'objet soit d'une condamnation pour crimes ou délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme, soit, quelle que soit l'infraction considérée, [s'ils ont] été condamné[s] à une peine égale ou supérieure à six mois d'emprisonnement, non assortie d'une mesure de sursis 63 ( * ) . »

Dans la mesure où les cas pour lesquels un mineur est l'objet d'une peine d'emprisonnement de plus de six mois non assortie d'une mesure de sursis recouvrent la commission d'infractions d'une certaine gravité, l'extension aux mineurs d'une telle disposition dans le cadre du droit du sol n'a pas semblé disproportionnée à la commission.

Au surplus, l'octroi de la nationalité à un mineur étranger s'étant rendu coupable d'atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou d'un acte de terrorisme sur la seule circonstance qu'il est né en France et y a résidé suffisamment longtemps paraît contradictoire. Dans une telle circonstance, on ne peut en effet que constater que l'assimilation de cette personne à la communauté nationale, par la scolarisation et la résidence, n'est acquise ; elle ne saurait donc être récompensée, en quelque sorte, par l'octroi de la nationalité française .

La commission a adopté les articles 2 bis et 2 ter ainsi rédigés .

CHAPITRE II
FAVORISER LE TRAVAIL
COMME FACTEUR D'INTÉGRATION

Article 3
Carte de séjour temporaire « travail dans des métiers en tension »

L'article 3 crée à titre expérimental et jusqu'au 31 décembre 2026, un nouveau titre de séjour « travail des métiers en tension » qui serait délivré de plein droit aux personnes exerçant une activité professionnelle figurant sur la liste des métiers et zones géographiques caractérisées par des difficultés de recrutement. La commission a pris acte des nombreuses réserves exprimées sur ce dispositif et tenant, selon les cas, à son opportunité et à ses modalités .

Prenant acte de l'ensemble de ces réserves, la commission des lois a estimé que l'éventuelle modification de l'article 3 relevait avant tout d'une question de principe qu'il revenait au Sénat de trancher en priorité en séance publique. Afin de garantir la lisibilité des débats, elle a estimé préférable que la discussion s'y déroule à partir du texte présenté par le Gouvernement. En conséquence, sans se prononcer sur le fond du dispositif et des amendements examinés elle a, à titre conservatoire, adopté cet article sans modification .

1. L'état du droit : des possibilités d'accès simplifié au séjour pour exercer dans des métiers en tension et de régularisation par le travail

Le projet du Gouvernement de créer un nouveau titre de séjour « travail dans des métiers en tension » poursuit trois objectifs : « créer une voie d'accès au séjour par le travail destinée à des étrangers déjà présents sur le territoire national et qui relève de la seule initiative du ressortissant étranger » ; « contribuer à la prévention et la répression des atteintes par l'employeur à l'ordre public social et protéger les droits de tous les travailleurs » ; « participer, de façon subsidiaire, à la réduction sur le marché du travail des tensions identifiées dans certains emplois ou zones géographiques » 64 ( * ) .

1.1. Des tensions de recrutement qui tendent à s'accroître

Cette proposition s'inscrit dans un contexte où de nombreux secteurs d'activités et zones géographiques connaissent des difficultés de recrutement.

Comme cela est rappelé dans l'étude d'impact, les statistiques élaborées par Pôle emploi montrent que plus d'un recrutement sur deux est désormais jugé « difficile » par les employeurs (58 %) , et ce principalement du fait du manque de candidats (86 %) ou de l'inadéquation de leur profil (71 %). Avec une augmentation de 13 points par rapport à 2021 de la part de ces recrutements « difficiles », les tensions tendent par ailleurs à s'accélérer, et ce quelle que soit la taille de l'entreprise 65 ( * ) . Par ailleurs, ce taux fluctue sensiblement selon les régions : il n'est « que » de 45,4 % en Île-de-France, tandis qu'il dépasse le 60 % dans six régions hexagonales 66 ( * ) .

Les éléments communiqués par les organisations patronales au cours des travaux font état de la même tendance : le MEDEF a ainsi rappelé que « malgré un taux de chômage supérieur à 7 % et 2,3 millions de personnes sans emploi, de nombreuses offres d'emplois ne trouvent aujourd'hui pas preneurs », tandis que la CPME a exposé les résultats d'une enquête interne démontrant que 53 % des dirigeants interrogés cherchaient actuellement à recruter et que 91 % d'entre eux évoquaient des difficultés pour le faire.

Ces tensions sont enfin particulièrement vives si l'on examine la situation de l'emploi par secteur d'activité . L'étude de Pôle emploi précitée dresse ainsi un « top 10 » des métiers où le taux de difficulté est le plus élevé, regroupant des profils aussi divers que les couvreurs, les aides à domiciles,

les pharmaciens ou les conducteurs de transport en commun 67 ( * ) . L'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie a par ailleurs indiqué aux rapporteurs que le besoin de recrutement dans le secteur était actuellement de 250 000 personnes .

Pour ces métiers dits « en tension », la tendance est plutôt défavorable . L'étude « Les métiers en 2030 » co-produite par la Dares et France Stratégie 68 ( * ) indique ainsi que, pour certains métiers, les déséquilibres potentiels entre le besoin de recrutement et le vivier de candidats pourraient s'élever à un tiers à horizon 2030 69 ( * ) . En valeur absolue, 328 000 postes d'agents d'entretiens, 224 000 d'aides à domicile et 200 000 de conducteurs de véhicules pourraient être à pourvoir à horizon 2030.

1.2. Une délivrance facilitée des autorisations de travail visant à pallier les difficultés de recrutement dans certains secteurs et zones géographiques

En l'état du droit, seules les dispositions de l'article L. 414-13 du Ceseda tendent à faciliter le recrutement d'étrangers dans les métiers en tension . Celui-ci dispose que « Lorsque la délivrance du titre de séjour est subordonnée à la détention préalable de l'autorisation de travail prévue à l'article L. 5221-2 du code du travail, la situation du marché de l'emploi est opposable au demandeur sauf [...] lorsque la demande de l'étranger concerne un métier et une zone géographique caractérisée par des difficultés de recrutement ».

Concrètement, l'article R. 5221-20 du code du travail précise que le fait qu'un métier figure dans la liste précitée exonère l'employeur de la publication préalable de la fiche de poste pendant une durée de trois semaines. Comme l'illustre le graphique ci-dessous, le système est fonctionnel et les refus d'autorisation de travail pour cause d'opposabilité de l'emploi sont marginaux. La direction générale des étrangers en France (DGEF) estime qu'en 2022, 17 000 demandes d'autorisations de travail concernaient des postes non soumis à l'opposabilité de la situation de l'emploi, soit 7 % des projets de recrutement .

Au cours de leurs auditions, les rapporteurs ont néanmoins été alertés à plusieurs reprises sur les ralentissements provoqués par la dématérialisation des demandes d'autorisation de travail dans le cadre du déploiement de l'Administration numérique des étrangers en France (ANEF).

Source : Commission des lois, à partir des données du ministère de l'intérieur.

Une autre difficulté, plus sérieuse, tient à la représentativité imparfaite de la liste des métiers et zones géographiques en tension . Si celle-ci a été révisée en 2021 70 ( * ) , il s'agissait de la première actualisation depuis 2018. Les organismes syndicaux estiment pourtant que la périodicité optimale de révision devrait être au minimum d'un an, voire de six mois . Ils ont par ailleurs unanimement déploré le caractère très formel de leur association à la dernière révision.

Ce défaut de représentativité n'est pas sous-estimé par le ministère du travail qui a indiqué que la liste « n'apparait pas totalement représentative des tensions actuellement constatées sur le marché du travail », d'une part pour des raisons statistiques et, d'autre part, du fait de la méthodologie employée 71 ( * ) . À titre d'exemple, cette liste ne contient pas les métiers relatifs à l'hôtellerie et à la restauration.

Par ailleurs, il convient de signaler que la France est actuellement liée par de multiples accords bilatéraux dits « de gestion concertée » visant à favoriser l'admission au séjour de jeunes diplômés étrangers ou l'immigration professionnelle 72 ( * ) .

1.3. Des possibilités d'admission exceptionnelle au séjour pour des motifs économiques

Au-delà de ces voies d'accès au séjour légales pour des motifs économiques, les personnes en situation irrégulière sur le territoire national et exerçant un emploi peuvent prétendre à une régularisation de leur situation par le biais de l'admission exceptionnelle au séjour .

Ce dispositif est prévu à l'article L. 435-1 du Ceseda et ses modalités d'application sont précisées par la circulaire du 28 novembre 2012 dite « circulaire Valls ». L'étranger peut bénéficier d'une carte de séjour « salarié » ou « travailleur temporaire » s'il satisfait une triple condition de résidence, d'actualité de l'emploi et d'ancienneté professionnelle ( voir tableau ci-après ) 73 ( * ) .

Les admissions exceptionnelles au séjour au titre du travail correspondent environ au tiers des régularisations accordées chaque année . Le volume est longtemps resté stable avec environ 7 000 admissions au séjour annuelles, avant une augmentation en 2021 (8 719) qui s'est poursuivie en 2022 (10 774) 74 ( * ) . La DGEF indique par ailleurs que ces admissions au séjour représentent 17 % des titres de séjour temporaire délivrés sur un fondement professionnel 75 ( * ) .

Critère n° 1 : résidence en France

Présence en France supérieure ou égale à cinq ans

Présence en France supérieure ou égale à trois ans

Critère n° 2 : actualité de l'emploi

Justification d'un contrat de travail ou d'une promesse d'embauche

Critère n° 3 : ancienneté professionnelle

Huit mois sur les deux dernières années

OU

Trente mois sur les cinq dernières années

Vingt-quatre mois dont huit sur les douze derniers mois

Source : ministère de l'intérieur.

La régularisation au titre du travail n'est toutefois pas un droit et l'administration, en l'espèce le préfet, dispose d'un pouvoir d'appréciation total en la matière. Encore récemment, le Conseil d'État a rappelé que ladite circulaire « comportait des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation des étrangers en situation irrégulière , mesures de faveur au bénéfice desquelles ceux-ci ne peuvent faire valoir aucun droit, et que les intéressés ne peuvent donc utilement se prévaloir de telles orientations à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre une décision préfectorale refusant de régulariser leur situation par la délivrance d'un titre de séjour » 76 ( * ) .

Source : commission des lois, à partir des données du ministère de l'intérieur.
La différence avec les données précédents s'expliquent par l'inclusion des carte de séjour temporaire délivrées pour des motifs professionnels à des jeunes majeurs précédemment pris en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance.

L'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail est par ailleurs conditionnée à l'accord de l'employeur . Conformément aux dispositions de l'annexe10 du Ceseda (point 66), une demande d'autorisation de travail pour un salarié étranger signée par l'employeur doit être jointe au dossier 77 ( * ) . S'il est difficile d'estimer le volume de demandes non-déposées du fait d'un refus de l'employeur, la DGEF a rappelé au cours de son audition que l'emploi d'un ressortissant étranger sans titre représentait la deuxième infraction de travail illégal en 2019 et en 2020 (14 %) et qu'il était plausible qu'une part importante des employeurs concernés n'aient pas incité leurs employés à déposer une demande de régularisation, voire les en aient empêchés.

2. L'article 3 : un dispositif de régularisation supplémentaire destiné aux travailleurs dans des métiers en tension

2.1. Conditions de délivrance

L'article 3 crée, à titre expérimental et jusqu'au 31 décembre 2026, une nouvelle voie d'accès au séjour au bénéfice des personnes exerçant une activité professionnelle figurant sur la liste des métiers et zones géographiques en tension prévue à l'article L. 414-13 du Ceseda. Une nouvelle sous-section à la section 1 du chapitre I du titre II du livre IV serait spécifiquement consacrée à un dispositif dont les principales caractéristiques sont les suivantes :

- une délivrance de plein droit du titre de séjour dès lors qu'une triple condition de résidence, d'activité et d'ancienneté professionnelles serait satisfaite . Le demandeur devrait ainsi :

o résider en France de manière ininterrompue depuis au moins trois ans ;

o être en situation d'emploi dans un métier ou une zone géographique en tension au jour de l'introduction de la demande . À cet égard, l'opérationnalité du dispositif dépendra directement de la représentativité de la liste des métiers et zones géographiques en tension et de la périodicité de sa révision. Sur ce sujet, la DGEF a indiqué au cours de son audition que « la périodicité de révision optimale [...] pourra être définitivement fixée à l'issue de la période d'application temporaire du dispositif » ;

o justifier d'une période d'activité salariée dans lesdits secteurs ou zones de huit mois, consécutifs ou non, au cours des deux dernières années : il est néanmoins précisé que les périodes d'activité sous le statut d'étudiant, de travailleur saisonnier ou de demandeur d'asile ne seraient pas prises en compte. La DGEF justifie ces exceptions par les risques de contournement des refus d'asile afin de se maintenir sur le territoire national ou de détournement de leurs finalités des titres travailleur saisonnier - dont les titulaires s'engagent à conserver leur résidence habituelle hors de France - et étudiants - qui n'autorisent l'exercice d'une activité professionnelle qu'à titre subsidiaire 78 ( * ) . S'agissant de la nature de l'activité salariée, les professions obéissant à des conditions règlementaires d'exercice ne seraient pas non plus incluses dans le dispositif ;

- un titre de séjour d'une durée de validité d'un an et qui vaudrait autorisation de travail : ce dernier point constitue l'une des originalités du dispositif, dès lors que l'autorisation de travail est, dans le droit commun, adossée à un contrat de travail et non à un document de séjour . Par voie de conséquence, l'intéressé aurait la possibilité de changer d'emploi pendant la période de validité sans avoir à solliciter la délivrance d'une nouvelle autorisation de travail, et ce y compris dans l'hypothèse où le nouvel emploi ne relèverait pas des secteurs ou zones géographiques en tension 79 ( * ) ;

- une voie d'accès au séjour plus favorable que l'admission exceptionnelle au titre de la « circulaire Valls » : d'une part, car l'accord de l'employeur ne serait pas requis pour introduire la demande et, d'autre part, car les conditions d'éligibilité seraient relativement plus souples. La régularisation d'un étranger résidant depuis trois ans sur le territoire national est soumise à une condition d'ancienneté professionnelle trois fois supérieure dans le cadre de la « circulaire Valls » ( cf. supra ). À ancienneté professionnelle égale, la condition de résidence est inversement majorée de deux ans dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour. Le Gouvernement indique par ailleurs que la liste des pièces justificatives à produire pour attester de son ancienneté professionnelle serait alignée sur celle, relativement libérale, de l'admission exceptionnelle au séjour 80 ( * ) .

L'objectif affiché de manière constante par le Gouvernement étant de permettre la régularisation des travailleurs clandestins exerçant dans des métiers en tension , l'obligation de produire un visa long-séjour pour obtenir un primo-titre de séjour fixée à l'article L. 412-1 du Ceseda ne s'appliquerait logiquement pas.

Pour autant, ce titre serait également accessible aux personnes en situation régulière . Selon le Conseil d'État, certains étrangers pourraient en effet avoir intérêt à le demander pour « bénéficier de l'autorisation de travail qu'emporte le titre de séjour et acquise quel que soit l'employeur et le lieu d'emploi de l'étranger ». Les rapporteurs relèvent néanmoins que l'obligation de résider depuis plus de trois ans en France diminue significativement l'attractivité de ce titre pour les intéressés, dès lors qu'une grande majorité d'entre eux sera, selon toute vraisemblance, déjà titulaire ou éligible à une carte de séjour pluriannuelle. L'article 3 insère donc d'abord et avant tout dans la loi une nouvelle voie de régularisation pour certains travailleurs en situation irrégulière .

2.2. Conséquences pour l'employeur

Il est également mentionné dans l'étude d'impact que l'instruction d'une demande de titre de séjour « travail dans des métiers en tension » s'accompagnerait systématiquement d'une saisine des plateformes interrégionales main-d'oeuvre étrangère en vue de la réalisation des contrôles prévus à l'article R. 5221-20 du code du travail . Ceux-ci porteraient notamment sur le respect par l'employeur de ses obligations déclaratives sociales, de l'absence de sanctions pénales ou administratives antérieures pour des faits de travail illégal et sur la conformité du niveau de rémunération avec les minimums légaux ou conventionnels. Il est par ailleurs explicitement précisé qu'au terme de ces contrôles « un signalement pourra être transmis aux administrations compétentes en matière d'atteintes à l'ordre public social, de contrôle et d'engagement de procédures de sanctions » 81 ( * ) .

Comme le relève le Conseil d'État, l'opérationnalité du titre de séjour « travail dans des métiers en tension » sera directement corrélé à l'usage plus ou moins volontariste par l'administration de cette prérogative . Il indique ainsi, à juste titre, que le recours au dispositif pourrait significativement varier « selon que l'administration fera preuve de sévérité - avec le risque que l'entreprise sanctionnée n'en fasse subir les conséquences au salarié ou que celui-ci hésite à entreprendre la démarche d'obtention de la carte - ou qu'elle sera tolérante - avec des conséquences possibles sur le recours accru au travail illégal dans les métiers en tension ». Les syndicats d'employeurs ont également quasi-systématiquement fait état de cette préoccupation au cours de leurs auditions. Ils ont par ailleurs exprimé une certaine réserve quant au dispositif en tant que tel - qui ne répondait pas nécessairement à une demande de leur part - et ont en général suspendu leur jugement à l'obtention de précisions sur les modalités concrètes de sa mise en oeuvre.

2.3. Modalités de renouvellement

S'agissant des modalités de renouvellement du titre de séjour « travail dans des métiers en tension », il est tout d'abord explicitement prévu une possibilité de basculement vers une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « salarié » pour les seuls travailleurs « ayant exercé une activité professionnelle dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ».

Ses modalités pourraient toutefois être précisées . Ni la temporalité ni la durée exigée de la période d'activité ne sont précisées dans le dispositif et l'étude d'impact se borne à indiquer que l'intéressé « justifie de l'exercice d'une activité professionnelle sous couvert d'un CDI » 82 ( * ) . L'intention du Gouvernement semble donc être que cette condition soit satisfaite au jour de l'expiration du titre.

L'intéressé devrait, en outre, remplir les conditions de droit commun fixées par l'article L. 433-6 du Ceseda s'agissant de l'obtention d'un nouveau titre de séjour avec changement de motif . Il devrait donc :

- satisfaire aux critères de délivrance de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « salarié » ;

- justifier de son sérieux et de son assiduité aux formations dispensées dans le cadre du CIR ;

- ne pas avoir manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 1 er que l'étranger devrait attester d'une maîtrise de la langue française au moins égale à un niveau « A2 » et de la réussite à un examen civique ( cf. infra ).

Pour autant, en l'état du dispositif, les modalités de renouvellement de droit commun s'appliqueraient . En l'absence de modification des articles L. 433-1, L. 433-5 et L. 433-6 du Ceseda, le renouvellement du titre ainsi que son remplacement par une carte de séjour pluriannuelle avec ou sans changement de motif serait en tout état de cause autorisé. La DGEF a ainsi indiqué aux rapporteurs au cours de son audition que « [le titulaire de la carte de séjour « travail dans des métiers en tension »] peut bénéficier, au moment de sa demande de renouvellement, d'une carte de séjour pluriannuelle soit au titre de l'article 3 du projet de loi s'il justifie d'un CDI ou soit en sollicitant la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle sur un autre fondement sous réserve d'en respecter les conditions de délivrance ».

Il est enfin prévu que les personnes titulaires d'un titre de séjour « travail dans des métiers en tension » dont la période de validité irait au-delà de la fin programmée de l'expérimentation puissent, à titre dérogatoire, procéder à son renouvellement ou à une demande de titre pluriannuel postérieurement à cette date.

2.4. Autres dispositions

L'article 3 exempte par ailleurs le demandeur du titre « travail dans des métiers en tension » du paiement de la taxe de 200 euros dont doivent s'acquitter, préalablement à la délivrance d'un premier titre de séjour, les étrangers qui sont entrés ou se sont maintenus irrégulièrement sur le territoire national 83 ( * ) . L'étranger demeurerait toutefois soumis au paiement de la taxe de primo-délivrance prévue à l'article L. 436-1 du Ceseda ainsi que du droit de timbre prévu à l'article L. 436-7 du même code, pour un montant total de 225 euros.

Enfin, l'article 3 prévoit la remise au Parlement d'un rapport d'évaluation de ce nouveau dispositif de régularisation six mois avant l'échéance du 31 décembre 2026. Selon les termes de l'exposé des motifs, il « précisera si la pérennisation de ce titre est nécessaire ».

3. Des réserves tenant à l'opportunité ou aux modalités du dispositif qui ont conduit la commission à réserver son jugement

La commission a pris acte des nombreuses réserves exprimées sur le mécanisme de régularisation prévu à l'article 3 et tenant, selon les cas, à son opportunité ou à ses modalités .

3.1. Les réserves sur l'opportunité du dispositif

D'un côté, l'on peut craindre que ce nouveau titre ne crée une incitation à l'immigration clandestine , alors même que celle-ci va croissante en France. Le ministre de l'intérieur lui-même évaluait le nombre de clandestins présents sur le territoire national « entre 600 000 et 900 000 » lors de son audition devant la commission des lois du Sénat le 2 novembre 2022. Il est à cet égard significatif que, parmi les trois objectifs de la mesure cités par le Gouvernement, celui de la régularisation soit mentionné en premier et celui de la réduction des tensions sur le marché de l'emploi en dernier.

Le nombre d'étrangers potentiellement éligibles à ce nouveau titre de séjour n'est quant à lui pas connu . Le ministre du travail, de l'insertion et du plein emploi a indiqué le 28 février2023 devant la commission des lois que le volume de régularisation annuel pourrait être sensiblement équivalent à celui des admissions exceptionnelles au séjour au titre du travail, soit environ 7 000 chaque année 84 ( * ) . Les représentants des préfectures auditionnés par les rapporteurs n'étaient pas non plus en mesure de communiquer un chiffrage précis au niveau local : les projections restent hasardeuses et peuvent, par exemple, représenter « entre 150 et 200 personnes » dans le cas des Alpes-Maritimes ou « 15 % des étrangers concernés par la régularisation par le travail » dans le cas de la Haute-Garonne.

Quand bien même les étrangers concernés travailleraient dans des secteurs en tension, leur accorder de plein droit un titre de séjour créerait une prime à la fraude, où le maintien irrégulier sur le territoire national pendant une durée suffisamment longue serait in fine récompensé par l'acquisition d'un droit opposable à l'administration . Juridiquement, cela irait à l'encontre de l'ensemble des piliers autour desquels s'est construit le droit du séjour tandis que, sur le plan social, l'idée que la fraude puisse être créatrice de droits ne saurait être acceptée. Cela apparaît d'autant plus choquant que seuls les fraudeurs les plus habiles pourraient accéder au séjour , à savoir ceux qui ont réussi à échapper suffisamment longtemps à la vigilance de l'administration pour récolter les fruits de leur irrégularité.

L'admission exceptionnelle au séjour comporte son lot de vicissitudes, mais elle a au moins le mérite de ne créer aucun droit à la régularisation et de laisser celle-ci exclusivement à la main du préfet. Outre le fait qu'il ferait disparaître cet indispensable pouvoir d'appréciation des situations individuelles , l'octroi de plein droit du titre de séjour « travail dans des métiers en tension » entraînerait selon toutes probabilités le développement d'un nouveau contentieux .

Enfin, la conduite automatique de contrôles de l'employeur pourrait paradoxalement précariser encore davantage la situation du travailleur . Il est en effet difficile d'envisager pour le salarié d'autres conséquences au fait de révéler des infractions à la législation du travail commises par son employeur - et, par conséquent, de l'exposer à de multiples sanctions administratives et pénales 85 ( * ) - que la mise en oeuvre de mesures de représailles à son égard voire un licenciement. Dans cette dernière hypothèse, l'adossement de l'autorisation de travail au titre de séjour faciliterait relativement le retour à l'emploi, sans toutefois le garantir. Quant aux conséquences pour l'employeur, la conduite systématique de contrôle ne peut qu'interroger compte tenu des difficultés à distinguer l'employeur malhonnête de celui de bonne foi qui soit n'a pas été tenu informé de l'expiration d'un titre, soit a été abusé par la présentation de faux documents.

3.2. Les réserves sur les modalités du dispositif

D'un autre côté, ce dispositif pourrait avoir le mérite de tenir compte d'une réalité économique difficilement contestable et de s'inscrire dans une démarche pragmatique : ouvrir une voie d'accès au séjour qui ne procède pas du seul bon-vouloir de l'employeur et de l'administration au bénéfice d'étrangers, certes en situation irrégulière, mais qui travaillent, payent des cotisations et sont, pour une part importante d'entre eux, tout à fait intégrés dans notre société . Maintenir plus longtemps dans la clandestinité ces étrangers, parfois particulièrement vulnérables, tout en engrangeant les fruits de leur activité professionnelle n'est tout simplement pas acceptable. Le fait que le nouveau titre de séjour « travail dans des métiers en tension » puisse être demandé sans l'accord de l'employeur sécuriserait par ailleurs la situation d'étrangers souvent très vulnérables et parfois en situation d'exploitation.

De ce point de vue, l'enjeu est au moins autant celui de la régularité du séjour de personnes qui sont de toute façon déjà présentes sur le territoire national et dont l'éloignement n'est pas une perspective crédible que celui de l'attractivité des métiers en tension . Le risque principal de ce dispositif serait toutefois d'alimenter une « trappe à bas salaires » qui perpétuerait une situation où certains métiers mal payés et peu considérés sont exercés quasi-exclusivement par des étrangers .

Dans cette optique, il apparaît indispensable de coupler la question de l'accès au séjour avec celle de la qualité de l'emploi occupé . Un axe de réflexion pourrait être de conditionner l'octroi du titre non plus uniquement à la nature de l'activité exercée mais également au respect par l'employeur d'un critère de « mieux-disant social » permettant de garantir qu'un travail amont de renforcement de l'attractivité des métiers ait été réalisé. En contrepartie, l'administration renoncerait à l'exercice de poursuites à l'encontre de l'employeur ayant démontré sa volonté de jouer le jeu de la régularisation, comme cela est, du reste, déjà pratiqué dans le cadre de la « circulaire Valls ».

Par ailleurs, la modification du dispositif en ce sens n'est en aucun cas incompatible avec d'autres ajustements visant à pallier le risque précité d'incitation à l'immigration irrégulière. L'hypothèse d'un contingentement du nombre de titres « travail dans des métiers en tension » délivrés annuellement par l'administration pourrait notamment être étudiée , sous réserve d'une rédaction respectueuse du principe constitutionnel d'égalité.

La France n'est enfin pas le seul pays à conduire une réflexion sur le sujet . En Espagne, le décret royal du 26 juillet 2022 a récemment opéré une réforme significative du droit au séjour autour de la notion « d'enracinement professionnel ». L'étude d'impact précise ainsi que « les ressortissants étrangers justifiant d'un séjour continu de deux ans sur le territoire et qui s'engagent à suivre une formation professionnelle pour un emploi, de préférence dans un secteur en manque de main d'oeuvre, peuvent se voir accorder un permis de résidence de 12 mois » 86 ( * ) .

*

Prenant acte de l'ensemble de ces réserves, la commission des lois a estimé que l'éventuelle modification de l'article 3 relevait avant tout d'une question de principe qu'il revenait au Sénat de trancher en priorité en séance publique . Afin de garantir la lisibilité des débats, elle a estimé préférable que la discussion s'y déroule à partir du texte présenté par le Gouvernement . En conséquence, sans se prononcer sur le fond du dispositif et des amendements examinés elle a, à titre conservatoire, adopté cet article sans modification.

La commission a adopté l'article 3 sans modification .

Article 4
Accès du marché du travail immédiat pour certains demandeurs d'asile
à fort taux de protection internationale

L' article 4 tend à donner un accès immédiat au marché du travail aux demandeurs d'asile dont la nationalité les rend les plus susceptibles d'être protégés par la France.

Constatant l'absence de consensus, la commission a jugé préférable de ne pas modifier l'article pour que le débat puisse avoir lieu en séance.

À titre conservatoire, elle a l'a donc adopté sans modification.

1. Le projet de loi tend à donner un accès immédiat au marché du travail aux demandeurs d'asile les plus susceptibles de faire l'objet d'une protection internationale

1.1 Les demandeurs d'asile ont aujourd'hui accès au marché du travail à l'issue d'un délai de six mois à compter de l'introduction de leur demande, déjà réduit en 2018

L'accès au marché du travail des étrangers en situation régulière est soumis à un régime d'autorisation spécifique. L'article L. 5221-5 du code du travail dispose qu'« un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail » requise, conformément à l'article L. 5221-2 du même code.

Les demandeurs d'asile ont aujourd'hui accès au marché du travail, sur autorisation préfectorale 87 ( * ) , six mois après l'introduction de leur demande d'asile , si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) n'a pas statué sur leur demande pour des raisons qui ne leur sont pas imputables, en application de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda).

Ce délai différé d'accès au marché du travail spécifique aux demandeurs d'asile a été réduit de neuf à six mois par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, contre l'avis du Sénat clairement exprimé par François-Noël Buffet, alors rapporteur 88 ( * ) . Il est, depuis cette date, inférieur à l'obligation faite aux États membres de l'Union européenne par la directive « Accueil » 89 ( * ) , qui impose à son article 15 que « les demandeurs aient accès au marché du travail dans un délai maximal de neuf mois à compter de la date d'introduction de la demande de protection internationale lorsque aucune décision en première instance n'a été rendue par l'autorité compétente et que le retard ne peut être imputé au demandeur ».

D'après les informations communiquées aux rapporteurs par le ministère de l'intérieur, pour l'année 2022, 4 254 demandes d'autorisation de travail au profit de demandeurs d'asile ont été déposées, sur 103 164 demandes d'asile 90 ( * ) (soit une proportion de 4,1 %), pour 1 148 autorisations délivrées (soit 27 % de décisions favorables).

1.2 Le projet de loi tend à introduire un nouvel assouplissement en donnant l'accès immédiat au marché du travail pour les demandeurs d'asile les plus susceptibles d'être protégés

Par l'introduction d'un nouvel article L. 554-1-1, l'article 4 du projet de loi tend à déroger à l'article L. 554-1 du Ceseda en donnant un accès immédiat au marché du travail aux demandeurs d'asile originaires de pays pour lesquels le taux de protection internationale serait supérieur à un seuil fixé par décret 91 ( * ) . Il s'agit des demandeurs d'asile dont il est le plus probable, au regard de leur nationalité, qu'ils obtiendront une protection internationale en France. Feraient exception les étrangers dont la demande fait l'objet d'une procédure accélérée devant l'OFPRA 92 ( * ) , de même que ceux placés sous procédure « Dublin » 93 ( * ) .

Le demandeur concerné pourrait avoir accès à une formation à la langue française prise en charge par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ainsi qu'à des actions de formation professionnelle.

L'étude d'impact 94 ( * ) du projet de loi évoque un taux de protection de 50 % constaté sur l'année civile échue, ce qui représenterait, pour 2022, environ 14 500 demandeurs d'asile originaires de neuf pays.

Cette liste serait établie chaque année par le pouvoir réglementaire et révisable, le cas échéant, « en cas d'évolution rapide de la situation dans un pays d'origine ».

Le taux de protection de référence ne peut se concevoir que comme le taux agrégé par nationalité après réformation, le cas échéant, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Or, ce taux n'a pas été communiqué aux rapporteurs. Il est pourtant essentiel, car il ne peut se déduire du simple rapprochement des statistiques de protection publiées dans les rapports d'activité de l'OFPRA ou de la CNDA, qui présentent des données qui ne sont pas construites sur les mêmes bases.

Pays dont le taux de protection accordé par
l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)
est supérieur à 50 % en 2021

Pays

Taux de protection OFPRA (en %)

Total de demandes

Afghanistan

72,7

11 360

Afrique du Sud

59,4

2

Chine

80,5

554

Érythrée

63,2

1 092

Jamaïque

66,7

18

Soudan du Sud

73,8

44

Syrie

80

1 368

Turkménistan

100

6

Yémen

57,7

132

14 576

Source : ministère de l'intérieur

Pays dont le taux de protection accordé par
la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) est supérieur à 50 % en 2021

Pays

Taux de protection CNDA (en %)

Total de recours

Afghanistan

67

3 783

Iran

54

233

Koweït

70

107

Libye

50

128

Syrie

68

799

Territoires palestiniens

68

54

Yémen

72

96

5 200

Source : rapport annuel 2021 de la Cour nationale du droit d'asile 95 ( * )

Le Gouvernement souhaite, par cette mesure, accélérer le parcours d'intégration des demandeurs concernés et lutter contre le travail illégal 96 ( * ) .

Sur le plan strictement juridique, le Conseil d'État relève dans son avis que cette mesure n'est pas contraire à la jurisprudence constitutionnelle sur le principe d'égalité 97 ( * ) , dans la mesure où « les étrangers ayant la nationalité de pays dont les ressortissants bénéficient d'un fort taux de protection et donc d'une haute probabilité de demeurer sur le territoire français ne sont pas placés dans la même situation que les autres demandeurs d'asile au regard de leur vocation à s'intégrer en France, notamment par le travail ».

2. En l'absence de consensus, la commission a préféré ne pas modifier l'article

À l'issue d'un débat nourri, la commission a constaté que deux analyses de cette disposition étaient en débat .

Selon une première analyse , ce dispositif d'accès immédiat au marché du travail comporte, en lui-même, le risque d'un appel d'air , alors que le droit européen ne l'impose pas et qu'aucun pays de l'Union européenne ne prévoit de mesure similaire. Si l'étude d'impact donne en effet trois exemples de pays donnant accès au marché du travail dans un délai inférieur à six mois (Allemagne dans les trois mois pour certains demandeurs, Belgique dans les quatre mois et Pays-Bas dans les six mois) elle ne mentionne en revanche aucun pays qui y donnerait un accès immédiat 98 ( * ) .

Les raisons pour lesquelles le Sénat s'était opposé à la réduction du délai de neuf à six mois sont donc, dans cette analyse, toujours d'actualité : si le demandeur est débouté , il est alors en situation irrégulière et l'État aura des difficultés à procéder à son éloignement . À cet égard, le rapport de François-Noël Buffet indiquait en outre que : « Son employeur se trouverait en situation illégale d'emploi d'étranger sans titre, étant précisé que seul l'étranger lui-même peut le tenir informé du rejet définitif de sa demande d'asile, ce dont il n'est donc pas certain qu'il y ait vraiment intérêt » 99 ( * ) .

De plus, le taux de 50 % - que le projet de loi renvoie au pouvoir réglementaire - demeure assez aléatoire sur la possibilité d'obtention de la protection internationale, d'autant que le t aux global de rejet des demandes d'asile 100 ( * ) s'élève à 60 % en 2021 101 ( * ) .

La seconde analyse postule à l'inverse que cette mesure faciliterait l' intégration des demandeurs d'asile qui ont de grandes chances d'être protégés et de rester en France, par un accès le plus rapide possible au travail , considérant comme marginal le risque de rejet de leur demande d'asile.

Pour les défenseurs de cette analyse, le risque d'appel d'air n'est pas réel , ce dont témoignerait le faible nombre de demandeurs d'asile qui demandent à travailler , a fortiori ceux issus des nationalités potentiellement concernées par le présent article. L'étude d'impact indique en effet que seulement 374 demandeurs issus de pays dont le taux de protection est supérieur à 50 % ont obtenu une autorisation de travail entre le 1 er septembre 2021 et le 1 er septembre 2022 (sur 2 535 autorisations délivrées, soit environ 14 %).

Du reste, l'État conserverait toujours la police administrative du travail via l'exigence d'une autorisation de travail. Dès lors, la simple expiration d'un délai de six mois aujourd'hui ou l'absence de tout délai à l'avenir pour certains pays à fort taux de protection ne suffirait pas, en toute hypothèse, à permettre l'accès au marché du travail.

À titre conservatoire, dans l'attente du débat en séance publique, la commission a donc maintenu l'article sans lui apporter d'amendement.

La commission a adopté l'article 4 sans modification.

Article 5 (supprimé)
Conditionnement de l'accès au statut d'entrepreneur individuel
à la régularité du séjour

L'article 5 vise à conditionner l'accès au statut d'entrepreneur individuel à la détention d'un titre de séjour pour les étrangers ressortissants de pays non membres de l'Union européenne . L'objectif de cette disposition est de lutter contre les systèmes de fraude permettant l'activité de travailleurs indépendants étrangers en situation irrégulière, phénomène particulièrement observé dans certains secteurs d'activités tels que la livraison.

Considérant que cette obligation est déjà prévue par plusieurs dispositions législatives et réglementaires et qu'elle ne répond pas à l'objectif poursuivi, la commission a supprimé cet article 102 ( * ) .

1. L'état du droit : une condition déjà prévue par de nombreuses dispositions législatives

Comme l'a relevé le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi 103 ( * ) , l'obligation de régularité du séjour pour les étrangers souhaitant exercer une activité professionnelle est déjà inscrite à plusieurs reprises dans le droit positif, y compris pour les entrepreneurs individuels. L'article L. 414-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impose en effet l'obligation générale de présenter un titre de séjour valide pour exercer toute activité professionnelle.

Ce principe est repris dans les dispositions dudit code spécifiques aux travailleurs indépendants. L'article L. 421-5 précise ainsi que « l'étranger qui exerce une activité non salariée , économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants » se voit délivrer une carte de séjour lui permettant d'exercer son activité professionnelle. Il en est de même pour les étrangers éligibles au titre de séjour dit « passeport talent » pour des motifs de création d'entreprise et d'investissement (articles L. 421-16 à L. 421-18 du même code).

Cette exigence est déclinée au niveau réglementaire, l'article R. 123-95-1 du code de commerce prévoyant que le greffier vérifie la validité du titre de séjour produit par le déclarant avant de procéder à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS) 104 ( * ) . L'annexe 1-1 du code de commerce détaille d'ailleurs, parmi les diverses pièces justificatives devant être fournies pour voir sa société inscrite au RCS, les copies de titres devant être fournis pour les étrangers résidant en France 105 ( * ) .

En ce qui concerne les entreprises exerçant une activité artisanale, l'arrêté du 29 décembre 2021 relatif aux pièces justificatives à produire à l'appui des demandes d'inscription et de radiation au répertoire des métiers mentionne également l'obligation de présenter un titre de séjour en cours de validité 106 ( * ) .

2. L'article 5 : une tentative de lutter contre la fraude permettant l'emploi de travailleurs indépendants étrangers en situation irrégulière dans certains secteurs d'activité

L'article 5 prévoit d'inscrire à l'article L. 526-22 du code de commerce l'interdiction d'accéder au statut d'entrepreneur individuel pour tous les étrangers non ressortissants de pays membres de l'Union européenne qui ne disposent pas d'un titre de séjour leur permettant d'exercer cette activité professionnelle.

Ce faisant, il s'inspire de l'article L. 122-1 du code de commerce, qui prévoyait qu'un « étranger qui exerce sur le territoire français, sans y résider, une profession commerciale, industrielle ou artisanale, dans des conditions rendant nécessaire son inscription ou sa mention au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, doit en faire la déclaration au préfet du département dans lequel il envisage d'exercer pour la première fois son activité » 107 ( * ) . L'article L. 122-2 assortissait cette obligation d'une sanction pénale de son irrespect 108 ( * ) .

Cette obligation de déclaration en préfecture, dont étaient dispensés les ressortissants des États membres de l'Union européenne, des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, a été supprimée par la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises 109 ( * ) . Jugeant que « rien ne justifie ce régime spécial de déclaration préalable en préfecture des commerçants étrangers » 110 ( * ) et que sa disparition serait de nature non seulement à « [ alléger ] les démarches des entrepreneurs étrangers cherchant à développer leur activité en France » 111 ( * ) mais également à exonérer les préfectures d'une « activité pour laquelle elles n'apportaient pas une valeur ajoutée particulière » 112 ( * ) , le législateur avait logiquement procédé à sa suppression .

3. La position de la commission des lois : supprimer une disposition inutile aux effets de bord mal mesurés

3.1. Une disposition à l'effet juridique limité, voire nul

D'après l'étude d'impact du projet de loi, l'article poursuit deux objectifs 113 ( * ) :

- la lutte contre le phénomène de sous-traitance à des étrangers en situation irrégulière des comptes des entrepreneurs individuels qui exercent leur activité professionnelle à travers les plateformes dites « collaboratives », notamment dans le secteur de la livraison ;

- la création d'une obligation générale de régularité du séjour pour tous les travailleurs indépendants , les professions libérales n'étant pas soumises à l'obligation de s'inscrire au RCS ou au répertoire des métiers.

S'agissant du premier objectif, l'article 5 ne permet pas de lutter plus efficacement contre les fraudes liées aux plateformes puisque celles-ci contournent déjà les obligations légales et réglementaires existantes et que cet article ne prévoit pas de renforcer le contrôle de la sous-traitance . La création d'une nouvelle obligation dans la loi sans garantie supplémentaire ne semble donc pas de nature à atteindre l'objectif poursuivi. D'autres initiatives, comme la signature en mars 2022 d'une charte entre l'État et les quatre plateformes principales de livraison de repas destinée à harmoniser les standards de sécurité et à renforcer les procédures de contrôle des documents d'identité, semblent plus pertinentes 114 ( * ) .

Au demeurant, contrainte par les conditions enserrant l'initiative parlementaire, la commission n'a pas pu, à peine d'adopter une disposition manifestement irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution, substituer à ce dispositif une disposition plus consistante tendant à mieux encadrer le statut des travailleurs des plateformes et son contrôle . L'on peut souligner à cet égard l'intérêt du dispositif de la proposition de loi relative aux travailleurs en situation de dépendance économique vis-à-vis des plateformes numériques de Bruno Retailleau et Frédérique Puissat, déposée en août 2022, prévoyant en particulier l'accomplissement en personne de la prestation de service par le travailleur dans le cadre du contrat de dépendance économique 115 ( * ) . A défaut de pouvoir substituer à ce dispositif une réelle avancée juridique pour le statut des travailleurs des plateformes, la commission a donc considéré cet article inutile.

S'agissant du second objectif poursuivi par cet article, il est déjà satisfait. D'une part, l'obligation de la régularité du séjour pour exercer une activité professionnelle étant déjà inscrite dans le droit positif, l'apport juridique de l'article est limité, voire nul . Les réponses fournies par la direction générale des étrangers en France (DGEF) montrent d'ailleurs que la difficulté posée par l'activité irrégulière d'entrepreneurs individuels étrangers résidant en France relève moins du droit que de la pratique : selon les indications fournies par ces services « le contrôle de la régularité du séjour n'étant prévu dans les codes du commerce et de l'artisanat que dans le cadre des arrêtés fixant la liste des pièces à fournir à l'appui de la demande d'immatriculation, les greffes des tribunaux de commerce ou les chambres de métiers et de l'artisanat peuvent développer des pratiques divergentes sans tenir compte, par ailleurs, des dispositions du Ceseda (notamment de l'article L. 414-10 du Ceseda) . » L'unification des pratiques des greffes des tribunaux de commerce relevant davantage d'une circulaire que d'une disposition législative, la disposition proposée n'a apparemment qu'une vocation symbolique, voire pédagogique , et sa suppression s'impose.

D'autre part, les mêmes services ont souligné que les entrepreneurs individuels « exerçant une activité professionnelle libérale ne sont pas assujettis à l'obligation de justifier d'un titre de séjour en cours de validité lors de la création de leur entreprise », estimant dès lors que seuls les entrepreneurs individuels exerçant une activité libérale réglementée pouvaient voir la régularité de leur séjour contrôlée. L' « éclatement des modalités de contrôle » évoqué ne pouvant être résolu par une nouvelle disposition législative , l'application effective du droit existant paraît devoir être privilégiée.

3.2. Un dispositif potentiellement problématique

Enfin, le dispositif proposé ne paraît pas dépourvu d'effets de bord, dont la mesure exacte ne semble pas avoir été prise par le Gouvernement.

En effet, il ne semble pas exclu que la disposition proposée fasse obstacle à la création par une personne physique étrangère résidant hors de l'Union européenne d'une entreprise individuelle - aux fins de facilitation des relations commerciales avec ses clients par exemple -, sans intention de résider en France. Selon une lecture littérale du dispositif proposé par le Gouvernement, le cas d'une personne physique britannique, exerçant depuis le territoire du Royaume-Uni une activité qu'elle souhaiterait développer en France par la création d'une entreprise individuelle, ne devrait être permis. Il ne semble pas souhaitable de procéder à une telle interdiction , qui paraît d'ailleurs excéder l'intention du Gouvernement.

Au surplus, la rédaction actuelle du dispositif omet de prévoir qu'en soient exemptés les ressortissants des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, une garantie qui semble nécessaire.

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission a adopté les amendements COM-207 de Muriel Jourda et COM-181 d'Éliane Assassi et des membres du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) tendant à supprimer l'article 5 .

Après avoir examiné les implications, même indirectes, de l'article 5 sur l'activité des plateformes dites « collaboratives », Philippe Bonnecarrère, rapporteur, a formulé une déclaration de déport exclusivement pour ledit article.

La commission a supprimé l'article 5.

Article 6
Fusion de titres « passeport talent »
et simplification de leur dénomination

L'article 6 prévoit de supprimer la mention de « passeport » dans les titres de séjour dits « passeport talent » et de fusionner trois de ces titres liés à la poursuite de projets économiques sous la dénomination « talent-porteur de projet ».

Partageant le but poursuivi, la commission a adopté cet article en allant plus loin dans la simplification du passeport talent : elle a également unifié les titres destinés aux jeunes diplômés qualifiés salariés, aux salariés de jeunes entreprises innovantes et aux salariés en mission.

1. L'état du droit : un dispositif complexe qui s'adresse à onze catégories de demandeurs

Le « passeport talent » est une carte de séjour pluriannuelle d'une durée maximale de quatre ans délivrée à certains demandeurs 116 ( * ) , dont la résidence en France constitue un atout économique pour le pays, ainsi qu'aux membres de leur famille. Actée par l'article 17 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la création de cette catégorie de titres visait un double objectif : réunir les titres en faveur de l'attractivité du territoire « sous une même appellation (...) pour les rendre plus lisibles et élargir les critères d'accès afin que 10 000 "passeports talent" soient délivrés chaque année » 117 ( * ) . .

Le premier de ces objectifs ne semble pas atteint. Il existe en effet onze catégories de titres « passeport talent ». Ces catégories sont disparates puisqu'elles concernent à la fois les jeunes diplômés qualifiés salariés, les chercheurs, les investisseurs économiques ou encore les artistes interprètes. À chaque catégorie correspondent des critères d'éligibilité spécifiques (articles L. 421-7 à L. 421-25 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile), ce qui contribue à rendre l'ensemble du dispositif peu lisible et attractif.

Les différentes cartes de séjour pluriannuelle regroupées
sous la dénomination « passeport talent »

Fondement légal

Catégorie de demandeur

Critères d'éligibilité cumulatifs

Durée maximale

Possibilité de travailler

Titres destinés aux salariés qualifiés

Article L. 421-9 du Ceseda

Jeunes diplômés qualifiés salariés

Exercer une activité professionnelle salariée

Percevoir une rémunération brute annuelle d'au moins 41 023 euros

Être titulaire d'un diplôme au moins équivalent au grade de master

4 ans

Uniquement pour exercer l'activité professionnelle salariée ayant justifié la délivrance du titre de séjour

Article L. 421-10 du Ceseda

Salariés d'une jeune entreprise innovante

Être recruté dans une jeune entreprise innovante réalisant des projets de recherche et de développement ou dans une entreprise innovante reconnue par un organisme public pour exercer des fonctions en lien avec le projet de recherche et de développement de cette entreprise ou avec son développement économique, social, international et environnemental

Percevoir une rémunération brute annuelle d'au moins 41 023 euros

4 ans

Uniquement pour exercer l'activité professionnelle salariée ayant justifié la délivrance du titre de séjour

Article L. 421-11 du Ceseda

Travailleurs hautement qualifiés

(carte bleue européenne)

Occuper un emploi hautement qualifié depuis au moins un an

Percevoir une rémunération brute annuelle d'au moins 53 836,50 euros

Être titulaire d'un diplôme sanctionnant au moins trois années d'études supérieures ou d'une expérience professionnelle d'au moins cinq ans d'un niveau comparable 118 ( * )

Durée égale à celle figurant sur le contrat de travail dans la limite de 4 ans

Uniquement pour exercer une activité professionnelle salariée correspondant aux critères ayant justifié la délivrance du titre de séjour

Article L. 421-13 du Ceseda

Salariés en mission

Séjourner en France dans le cadre d'une mission entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe

Justifier d'au moins 3 mois d'ancienneté professionnelle dans le groupe ou l'entreprise établi hors de France

Justifier d'un contrat de travail conclu avec l'entreprise établie en France

Percevoir une rémunération brute annuelle d'au moins 36 920,52 euros

4 ans

Uniquement pour exercer l'activité professionnelle salariée ayant justifié la délivrance du titre de séjour

Titres destinés aux entrepreneurs

Article L. 421-16 du Ceseda

Créateurs d'entreprise

Être titulaire d'un diplôme au moins équivalent au grade de master ou justifier d'une expérience professionnelle d'au moins 5 ans d'un niveau comparable

Justifier d'un projet économique réel et sérieux

Créer une entreprise en France

4 ans

Uniquement pour exercer une activité commerciale en lien avec la création de l'entreprise ayant justifié la délivrance du titre de séjour

Article L. 421-17 du Ceseda

Porteurs d'un projet économique innovant

Justifier d'un projet économique innovant reconnu par un organisme public

4 ans

Uniquement pour exercer une activité commerciale en lien avec la création de l'entreprise ayant justifié la délivrance du titre de séjour

Article L. 421-18 du Ceseda

Investisseurs économiques

Réaliser un investissement économique direct en France

4 ans

Uniquement pour exercer une activité commerciale en lien avec la création de l'entreprise ayant justifié la délivrance du titre de séjour

Autres catégories de titres

Article L. 421-14 du Ceseda

Chercheurs

Être titulaire d'un diplôme au moins équivalent au grade de master

Mener des travaux de recherche ou dispenser un enseignement de niveau universitaire dans le cadre d'une convention d'accueil

4 ans

Uniquement pour exercer l'activité professionnelle salariée dans le cadre de la convention d'accueil ayant justifié la délivrance du titre de séjour

Article L. 421-19 du Ceseda

Mandataires sociaux

Occuper la fonction de représentant légal dans un établissement ou une société établi en France

Être salarié ou mandataire social dans un établissement ou une société du même groupe

Percevoir une rémunération brute annuelle d'au moins 61 534,20 euros

4 ans

Uniquement pour exercer une activité commerciale en lien avec la création de l'entreprise ayant justifié la délivrance du titre de séjour

Article L. 421-20 du Ceseda

Artistes interprètes

Exercer la profession d'artiste-interprète ou être l'auteur d'une oeuvre littéraire ou artistique mentionnée à l'article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle

Percevoir une rémunération mensuelle brute d'au moins 1 196,50 euros

4 ans

Uniquement pour exercer l'activité professionnelle ayant justifié la délivrance du titre de séjour

Article L. 421-21 du Ceseda

Étrangers ayant une renommée nationale ou internationale

Bénéficier d'une renommée nationale ou internationale établie ou être susceptible de participer de façon significative et durable au développement économique, à l'aménagement du territoire ou au rayonnement de la France

Exercer une activité dans un domaine scientifique, littéraire, artistique, artisanal, intellectuel, éducatif ou sportif

4 ans

Cette carte permet l'exercice de toute activité professionnelle

Source : commission des lois

À ces onze catégories de titres vient s'ajouter celle des titres délivrés aux membres de la famille des titulaires d'un titre « passeport talent », dont le régime est prévu aux articles L. 421-22 à L. 421-25 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La procédure dite « famille accompagnante » qui y est attachée est plus favorable et nécessite des formalités administratives allégées par rapport à celle prévue pour le regroupement familial.

Néanmoins, le second des objectifs évoqués plus haut ne semble que très partiellement atteint , la barre des 10 000 titres primo-délivrés - hors titres familiaux - n'ayant été atteinte depuis 2018 qu'en 2022.

« Passeports talent »
attribués en premier titre depuis 2018

2018

2019

2020

2021 (définitif)

2022 (estimé)

2022/2021

2021/2018

Économique

3261

4059

2606

3521

6832

94,04 %

7,97 %

4660

5145

3179

3986

4394

10,24 %

-14,46 %

280

289

213

289

501

73,36 %

3,21 %

174

109

107

117

219

87,18 %

-32,76 %

Total économique

8375

9602

6105

7913

11946

50,97 %

-5,52 %

Total familial

2513

3976

3335

4395

5840

32,88 %

74,89 %

Total général

10888

13578

9440

12308

17786

44,51 %

13,04 %

Source : ministère de l'intérieur 119 ( * ) , commission des lois du Sénat 120 ( * )

L'efficacité du dispositif des « passeports talent » pose ainsi question. Au surplus, malgré la survenance sur cette période de la crise liée à l'épidémie de covid-19, qui a affecté les flux de personnes, il est particulièrement révélateur que le nombre annuel de titres pour les membres de famille accompagnant les personnes se voyant délivrer ces titres ait augmenté entre 2018 et 2021 de près de 75 % alors que le même nombre a diminué pour les « passeports talent » proprement dits de 5,5 %.

L'ensemble des « passeports talent » représente in fine une proportion modeste de l'ensemble des titres de séjour délivrés . En 2021, 12 308 121 ( * ) « passeports talent » ont été délivrés pour un total de 373 055 primo-délivrances de titres de séjour 122 ( * ) , soit environ 3,3 % 123 ( * ) . En 2019, année moins marquée par l'entrée sur le territoire de Britanniques et avant la crise liée à l'épidémie de covid-19, cette proportion était de 4,53 % 124 ( * ) .

Ces chiffres s'expliquent à la fois par les critères d'éligibilité très stricts des différents régimes qui y sont associés et par la complexité globale du dispositif.

2. L'article 6 : simplifier le passeport talent en modifiant
sa dénomination et en fusionnant les régimes liés
à la poursuite de projets économiques

L'article 6 du projet de loi entend donc améliorer la lisibilité du passeport talent pour renforcer son attractivité. Il prévoit, d'une part, de supprimer la mention « passeport » dans la dénomination du « passeport talent » au sein du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'à l'article L. 5523-2 du code du travail qui y fait référence. Cette disposition a pour but de limiter la confusion induite par l'usage de ce terme puisqu'il s'agit d'une carte de séjour pluriannuelle et non d'une voie d'accès à la nationalité française. Mesure d'ajustement, à l'impact certainement limité, elle ne présente néanmoins aucune difficulté .

L'article 6 vise, d'autre part, à unifier les trois régimes liés à la poursuite de projets économiques (création d'entreprise, projet économique innovant et investissement économique) sous la dénomination « talent-porteur de projet » . Ces trois régimes sont en effet très proches puisque les droits qui y sont associés et leur durée maximale de validité sont identiques. Leur distinction se fonde sur leurs critères d'éligibilité. En intégrant à l'article L. 421-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif au passeport talent « création d'entreprise » les critères d'éligibilité alternatifs des régimes « projet économique innovant » et « investisseurs économiques », l'article 6 du projet de loi fusionne ainsi ces trois régimes et améliore la lisibilité globale du passeport talent.

Cette simplification est d'autant plus justifiée que ces titres sont très peu demandés . En 2021, 70 titres ont été délivrés en première demande au motif d'une création d'entreprise, 56 pour des projets économiques innovants et 30 pour des investissements économiques en France 125 ( * ) . Le maintien de trois régimes distincts paraît donc inutile au regard du flux migratoire que représentent ces titres. Ces titres ne représentent ainsi que 1,97 % du total des titres « passeport talent » primo-délivrés en 2021.

Par ailleurs, la fusion des régimes dédiés aux étrangers porteurs de projet permet de simplifier l'instruction des demandes de renouvellement de titres de séjour pour les demandeurs qui rempliraient un critère d'éligibilité différent de celui qui a justifié la délivrance de leur premier passeport talent. Cette mesure va donc dans le sens d'une meilleure prise en compte de l'évolution du parcours des porteurs de projets économiques qui réalisent des investissements économiques après avoir créé leur entreprise sans que l'instruction de leur demande de titre de séjour ne constitue un frein à leur activité professionnelle.

3. La position de la commission des lois : aller plus loin
dans la simplification du passeport talent en fusionnant d'autres régimes

Partageant l'objectif de simplification et d'amélioration de l'attractivité du « passeport talent », la commission a adopté la suppression de la mention « passeport » ainsi que l'unification des régimes dédiés aux porteurs de projet tout en procédant à des ajustements de coordination visant à assurer l'opérationnalité de cette dernière disposition.

Souhaitant néanmoins inviter le Gouvernement à une réflexion plus approfondie sur la multiplicité des titres de séjour, résultant d'une sédimentation qui n'est que trop rarement mise en question, elle a considéré qu'il était possible de poursuivre l'effort de simplification en fusionnant trois autres régimes aux caractéristiques similaires : le « passeport talent » dédié aux jeunes diplômés qualifiés salariés, le « passeport talent » destiné aux salariés d'une jeune entreprise innovante et celui prévu pour les salariés en mission. En effet, la durée maximale de validité de ces titres et les droits qui y sont associés sont identiques.

Au surplus, les deux premiers de ces régimes se fondent sur deux critères d'éligibilité communs : l'obligation d'être salarié et celle de percevoir une rémunération brute annuelle minimale dont le montant, fixé par décret, et de 41 023 euros. La distinction ne s'opère que sur le niveau de diplôme, le grade de master étant requis pour obtenir le titre dédié aux jeunes diplômés qualifiés salariés, contrairement aux salariés de jeunes entreprises innovantes qui ne sont pas soumis à cette condition. S'agissant de ces deux premiers titres, l'étude d'impact relève d'ailleurs qu'ils constituent « historiquement une seule et même catégorie de passeport talent » 126 ( * ) .

Par ailleurs, les critères d'éligibilité varient à la marge pour les salariés en mission , dont il est exigé qu'ils effectuent une mission entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe, qu'ils justifient d'au moins 3 mois d'ancienneté professionnelle dans le groupe ou l'entreprise établi hors de France et d'une rémunération brute annuelle d'au moins 36 920,52 euros.

La commission a donc considéré opportun, au regard des similitudes que présentent ces titres, de les fusionner en un titre « talent - salarié qualifié » . Elle a donc adopté, à l'initiative des rapporteurs, l'amendement COM-208 tendant à modifier l'article L. 421-9 relatif au « passeport talent » dédié aux jeunes diplômés salariés qualifiés pour y intégrer les critères liés aux titres « salarié d'une jeune entreprise innovante » et « salarié en mission ». En conséquence, les articles définissant le régime de ces titres ont été abrogés. La commission a également procédé aux coordinations nécessaires dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour tirer les conséquences de cette fusion.

La commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .

Article 7
Modification du régime d'exercice et d'accueil
des praticiens de santé à diplôme hors Union européenne (PADHUE)

L'article 7 tend à créer deux cartes de séjour pluriannuelles à destination des praticiens de santé à diplôme hors Union européenne (PADHUE), à prévoir une autorisation d'exercice provisoire et à modifier les conditions dans lesquelles de telles autorisations sont octroyées .

Simplification administrative bienvenue et facteur d'attractivité, la création d'une carte de séjour pluriannuelle pour les praticiens ayant réussi les épreuves de vérification des connaissances (EVC) a été conservée par la commission. Celle-ci a néanmoins supprimé l'ensemble des autres dispositions de l'article et adopté l'article ainsi modifié.

1. L'état du droit : un statut juridique historiquement précaire, incapable de juguler l'exercice irrégulier

Les articles L. 4111-1 et L. 4221-1 du code de la santé publique prévoient que l'exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme ou pharmacien n'est ouvert qu'aux personnes réunissant trois conditions cumulatives :

- être titulaire d'un diplôme, d'un certificat ou d'un titre reconnu dans le code de la santé publique ;

- être de nationalité française, de citoyenneté andorrane, ressortissant d'un État membre de l'UE, ressortissant d'un État partie à l'accord sur l'espace économique européen (EEE), ou de nationalité marocaine ou tunisienne ;

- être inscrit au tableau de l'ordre de la profession concernée.

La loi proscrit donc, en principe, l'exercice de ces professions par les praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE) .

Cet exercice a néanmoins été rendu possible par des interventions législatives et réglementaires successives, la première datant de 1972 et la plus récente datant de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, dite « OTSS ». Comme le rappelait Martine Berthet dans un rapport de décembre 2018, le cadre juridique résultant de ces interventions, « complexe et lentement sédimenté » 127 ( * ) , s'articule autour de trois dispositifs réunis sous la dénomination de « procédure d'autorisation d'exercice » (PAE) définis notamment à l'article 83 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2007.

La procédure de droit commun (dite de « la liste A ») est généralement présentée comme une voie accessible aux « nouveaux venus », n'ayant jamais exercé au sein d'un établissement de santé français. Elle comprend quatre étapes :

- le passage d'un concours, particulièrement sélectif, appelées « épreuves de vérification des connaissances » (EVC), le nombre de candidats susceptibles d'être reçus pour chaque profession étant fixé par arrêté et le nombre de candidatures par personne limité à quatre ;

- l' affectation sur un poste en France en qualité de praticien associé , le choix du poste étant effectué par chaque lauréat au sein d'une liste fixée par arrêté et l'affectation prononcée par le ministre ;

- la validation, pendant cette affectation, d'un parcours de consolidation de compétences (PCC) d'une durée de deux ans en médecine et en pharmacie et d'un an pour les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes ;

- la délivrance d'une autorisation de plein exercice après avis d'une commission comprenant notamment des délégués des conseils nationaux des ordres et des organisations nationales des professionnels concernés.

La procédure dite de « la liste B » est réservée aux réfugiés, apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire lorsqu'ils sont titulaires d'un diplôme permettant l'exercice de la profession dans le pays d'obtention. Ils se voient délivrer une attestation permettant un exercice temporaire , et s'engagent en contrepartie à passer un examen - non un concours -, également sélectif.

La procédure ayant remplacé celle préexistante de la « liste C », envisagée comme une procédure transitoire de régularisation , a constitué depuis 2007 le principal noeud des difficultés de ce régime juridique. Elle vise initialement à sécuriser l'exercice de praticiens recrutés pour combler des besoins de recrutement hors de tout cadre légal. Dans sa rédaction résultant de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé (dite « OTSS ») de 2019 128 ( * ) , ces modalités dérogatoires et transitoires d'autorisation d'exercice comprennent deux niveaux :

- les PADHUE présents dans un établissement de santé au 31 décembre 2018 et recrutés avant le 3 août 2010 se sont vus octroyer une autorisation temporaire d'exercice jusqu'à la fin de l'année 2020 ;

- les PADHUE présents dans un établissement de santé à la fin de l'année 2018 et ayant exercé pendant au moins deux ans depuis le 1 er janvier 2015 peuvent suivre une procédure d'autorisation pérenne d'exercice ad hoc . Cette dernière comprend une instruction des dossiers par les commissions compétentes d'autorisation d'exercice, et donne lieu à la délivrance d'une autorisation temporaire d'exercice pour les candidats. Il était initialement prévu qu'elle s'éteigne au plus tard le 31 décembre 2020.

Ce dispositif transitoire devait donc être supprimé au plus tard à la fin de l'année 2020. Néanmoins, ces dispositions ont fait l'objet de modifications successives, durant la crise sanitaire puis postérieurement, pour allonger la période transitoire et reporter les dates butoirs qu'elles prévoyaient. Dernièrement, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a reporté au 30 avril 2023 129 ( * ) la date de fin des autorisations temporaires d'exercice visant les PADHUE recrutés avant le 3 août 2010 comme la date de fin de la procédure d'autorisation pérenne d'exercice ad hoc .

2. Le dispositif proposé : favoriser l'attractivité de la France en créant deux cartes de séjour pluriannuelle « talent » et en créant une nouvelle autorisation dérogatoire d'exercice

L'article 7 du présent projet de loi vise à favoriser l'attractivité pour les PADHUE de l'exercice sur le territoire français. Le dispositif de cet article est triple.

En premier lieu, il crée deux nouvelles cartes de séjour pluriannuelles dites « talent » (I de l'article). Pour ce faire, il insère un nouvel article L. 421-13-1 dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) prévoyant la délivrance d'une carte de séjour « talent - professions médicales et de la pharmacie » permettant l'exercice de la profession :

- pour une durée maximale de 4 ans , aux étrangers bénéficiant d'une décision d'affectation, d'une attestation permettant un exercice temporaire ou d'une autorisation de plein exercice mentionnée aux articles L. 4111-2 et L. 4221-12 du code de la santé publique - en d'autres termes, ayant réussi les EVC - et justifiant du respect d'un seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d'État ;

- pour une durée maximale de 13 mois , aux étrangers occupant un emploi pour une durée égale ou supérieure à un an au sein d'un établissement de santé public ou privé à but non-lucratif 130 ( * ) , titulaires des nouvelles attestations permettant un exercice provisoire ( voir ci-dessous ) et justifiant du respect même seuil de rémunération qu'évoqué ci-dessus.

En deuxième lieu, l'article 7 du présent projet de loi crée une nouvelle autorisation d'exercice provisoire . Les 1° et 2° du II insèrent deux nouveaux articles L. 4111-2-1 et L 4221-12-1 au sein du code de la santé publique, prévoyant que l'autorité compétente peut, après avis de la commission d'autorisation d'exercice, délivrer une autorisation provisoire ne pouvant excéder 13 mois, renouvelable une fois, d'exercice dans un établissement de santé public ou privé à but non lucratif à un PADHUE remplissant trois conditions cumulatives : être titulaire d'un diplôme permettant l'exercice de la profession visée dans le pays d'obtention du diplôme, justifier par tout moyen de son expérience professionnelle et disposer d'un niveau suffisant de la langue française. Le praticien concerné serait également tenu de s'engager à passer les EVC.

En dernier lieu, l'article 7 du présent projet de loi tend à modifier le processus de délivrance des autorisations d'exercice . En effet, les 3° et 4° du II modifient les articles L. 4111-2 et L. 4221-12 du code de la santé publique pour remplacer la référence au ministre chargé de la santé par une référence à « l'autorité compétente » et, à titre principal, modifier la composition des commissions d'autorisation d'exercice pour prévoir qu'elles ne sont plus composées de délégués nationaux des ordres et des organisations nationales des professions, mais « notamment de professionnels de santé ». Il tend ainsi à substituer aux commissions nationales d'autorisation d'exercice des commissions régionales .

3. La position de la commission : une méthode discutable, un dispositif à recentrer sur ses dispositions les plus utiles

3.1. Une méthode particulièrement discutable

Les rapporteurs déplorent avant tout qu'il ne soit pas proposé, au sein d'un véhicule législatif dédié, de solution pérenne aux problèmes posés par le cadre juridique des PADHUE . Ils font leurs les mots d'Alain Milon, dans son rapport sur le projet de loi dit « OTSS » en 2019 : « la situation actuelle des PADHUE, qui résulte de l'adoption successive de mesures d'urgence et transitoires sans vision d'ensemble, est inacceptable et doit faire l'objet d'un règlement définitif 131 ( * ) . » Force est de constater que cette initiative législative ne fait pas exception et vient à nouveau proposer une réforme dépourvue de vision d'ensemble du sujet. À supposer que le dispositif prévu par cet article soit utile aux praticiens dont l'autorisation d'exercice temporaire parvient à échéance au 30 avril 2023, un tel dispositif ne sera en tout état de cause pas adopté avant cette date, posant la question du statut de ces praticiens dans l'intervalle. Les rapporteurs déplorent à cet égard un manque manifeste d'anticipation de la part du Gouvernement , qui témoigne de l'insuffisante considération portée au cadre juridique régissant l'exercice de ces praticiens.

En second lieu, s'il est parfaitement légitime d'examiner dans le cadre du présent projet de loi des titres de séjour dont peuvent bénéficier les PADHUE, les rapporteurs s'étonnent d'avoir à traiter des dispositions relatives aux conditions d'exercice des PADHUE dans un projet de loi dédié à l'immigration.

3.2. Un dispositif à recentrer sur ses dispositions les plus utiles

a) Étendre le bénéfice de la CSP de 4 ans

Sur le fond, une seule disposition a emporté l'assentiment de la commission : la création d'une CSP d'une durée maximale de quatre ans pour les praticiens ayant réussi les EVC . Il lui a paru légitime que ces professionnels ayant fait la preuve de leur compétence, dont l'insertion au sein de notre système de santé garantit une qualité de soins égale à celle délivrée par des praticiens diplômés en France, puissent bénéficier des avantages apportés par cette carte de séjour , à l'exemple de la possibilité de faire venir leur famille en France par la procédure de « famille accompagnante » ouverte aux membres de famille d'un titulaire de CSP dite « talent », plus favorable que celle du regroupement familial.

Au surplus, ces personnes, qui disposent d'une situation professionnelle stable en ce qu'elles disposent d'une autorisation d'exercice pérenne, n'auraient plus l'obligation de renouveler leur carte de séjour temporaire (CST) chaque année en préfecture, allégeant ainsi la charge administrative qu'une telle démarche représente pour les personnes comme pour les services administratifs concernés .

Convaincue du bien-fondé de ce dispositif, la commission en a d'ailleurs étendu le bénéfice à l'ensemble des praticiens lauréats des EVC, quel que soit leur établissement d'exercice . En l'état de la rédaction, n'étaient en effet éligibles à la CSP de quatre ans que les seuls praticiens occupant un emploi « tel que défini » 132 ( * ) pour le bénéfice de la CSP de 13 mois, soit un « emploi au sein d'un établissement public ou privé à but non lucratif de santé, social ou médico-social » au titre d'une des quatre professions concernées par le dispositif. Ce champ d'application restreint poserait deux difficultés :

- si l'occupation d'un emploi dans un établissement public ou privé à but non lucratif peut effectivement être nécessaire, dans le cadre d'obligations de formation, pour des praticiens non lauréats des EVC et pour des praticiens lauréats des EVC éligibles à la délivrance d'une CSP de quatre ans suivant un parcours de consolidation des compétences, une telle obligation paraît superfétatoire pour des praticiens ayant achevé leur parcours de formation et disposant d'une autorisation d'exercice de plein droit ;

- il pourrait poser une difficulté au regard du principe d'égalité, des PADHUE disposant d'une autorisation pérenne d'exercice et exerçant en libéral ne pouvant voir renouvelée leur CSP de quatre ans alors même que leurs collègues exerçant à l'hôpital le pourraient. La différence de traitement ainsi créée ne reposant pas sur une différence objective de situation, il en résulterait une potentielle rupture d'égalité.

Par l'adoption de l'amendement COM-209 des rapporteurs, la commission n'a donc pas repris, pour l'éligibilité à la CSP de 4 ans, le critère tenant à l'exercice au sein d'un établissement public ou privé à but non lucratif .

b) Supprimer les dispositions relatives aux conditions d'exercice des PADHUE et à la CSP de 13 mois

La commission a en revanche supprimé, par l'adoption du même amendement COM-209 , l'ensemble des autres dispositions de l'article 7. Elle a, à titre principal, souhaité supprimer la CSP de 13 mois et l'autorisation dérogatoire d'exercice qui y serait attachée pour des praticiens n'ayant pas encore réussi leurs EVC.

D'une part, la création d'une nouvelle autorisation dérogatoire n'apparaît pas conforme aux objectifs fixés par le législateur dans le cadre de la loi dite « OTSS » de 2019 , visant à régulariser les conditions d'exercice des PADHUE et à limiter l'exercice aux seuls lauréats des EVC. D'autre part, en l'état, le titre de séjour lié à cette autorisation dérogatoire d'exercice offre aux PADHUE concernés le bénéfice de la procédure de « famille accompagnante », modalité simplifiée de procéder à un regroupement familial. Alors que leur maintien sur le territoire français est lié à la réussite aux EVC, ne présentant donc pas de garantie pérenne, et que des moyens effectifs de contrôle en cas de maintien irrégulier sur le territoire ne semblent pas présents, procéder à un tel rapprochement semblerait disproportionné .

La commission a également supprimé la modification de la composition et des modalités d'organisation des commissions d'autorisation d'exercice - qui deviendraient régionalisées . L'ensemble des ordres professionnels consultés par les rapporteurs ont indiqué leur

particulière opposition à une telle disposition, qui semble de nature à créer des divergences d'appréciation à l'échelle du territoire sur des cas pourtant similaires.

La commission a adopté l'article 7 ainsi modifié .

CHAPITRE III
MIEUX PROTÉGER LES ÉTRANGERS
CONTRE LES EMPLOYEURS ABUSIFS
(Supprimé)

Article 8 (supprimé)
Amende administrative sanctionnant les employeurs d'étrangers ne détenant pas un titre les autorisant à travailler

L'article 8 tend à compléter le dispositif de sanction du recours à une main d'oeuvre illégale par une nouvelle amende administrative.

Constatant qu'un tel dispositif existe déjà et que la création d'une nouvelle sanction pour les mêmes faits serait dès lors inconstitutionnelle, la commission a supprimé cet article .

1. De multiples dispositifs de sanction

L'alinéa premier de l'article L. 8251-1 du code du travail dispose que « nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France . » Cette disposition est la conséquence nécessaire des restrictions à l'accès au marché du travail prévues par le droit des étrangers. Son respect est garanti par plusieurs sanctions cumulables pesant sur les employeurs directs ou indirects, personnes morales ou personnes physiques.

1.1. Des sanctions pénales

Les articles L. 8256-2 à L. 8254-8 du code du travail prévoient les sanctions pénales applicables aux différents types d'employeurs, les peines principales pour les personnes physiques allant de cinq à dix ans de prison et les amendes de 15 000 à 100 000 euros par étranger illégalement employé. Parmi les peines complémentaires prévues pour les personnes physiques comme pour les personnes morales figure l'exclusion des marchés publics (articles L. 8256-3 et L. 8256-7) et la fermeture de l'établissement (articles L. 8256-4, L. 8256-7 et L. 8256-7-1). À l'exception de la fermeture de l'établissement d'une personne physique, pour laquelle aucune borne de durée n'est fixée, ces peines peuvent être définitives ou pour un durée de cinq ans au plus.

1.2. Des sanctions administratives

Les sanctions administratives auxquelles s'exposent les employeurs sont prévues dans un chapitre dédié du code du travail 133 ( * ) (articles L. 8272-1 à L. 8272-5). Les sanctions non pécuniaires font pour partie miroir avec les sanctions pénales mais leur effet est temporaire. Ainsi l'article L. 8272-2 prévoit la possibilité pour l'autorité administrative d'ordonner la fermeture de l'établissement ayant servi à commettre l'infraction, à titre temporaire et pour une durée ne pouvant excéder trois mois. L'article L. 8272-4 prévoit pour sa part la possibilité d'exclure un employeur des contrats publics, pour une durée maximale de six mois.

Deux sanctions pécuniaires sont également prévues par le code du travail et le Ceseda. Elles sont collectées au profit de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dont elles constituent l'une des ressources en application de l'article R. 121-28 du Ceseda.

Ces sanctions sont :

- la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, dont le montant s'élève à 1 000, 2 000 ou 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti (soit 3 730, 7 460 ou 18 650 euros) par salarié. Il est porté à 15 000 fois ce taux (55 950 euros par salarié illégalement employé) en cas de réitération. L'OFII constate et fixe le montant de la contribution spéciale sur la base des rapports de contrôle qui lui sont adressés ;

- le cas échéant, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue par les articles L. 822-2 à L. 822-6 du Ceseda. Le montant est fixé en fonction de l'origine de l'étranger par un arrêté ministériel 134 ( * ) .

2. L'oubli partiel des sanctions administratives existantes

L'article 8 du projet de loi propose d'insérer dans le code du travail un nouvel article L. 8272-6 prévoyant la possibilité pour l'autorité administrative destinataire d'un procès-verbal d'infraction de prononcer une amende de 4 000 euros applicable autant de fois qu'il y a d'étrangers concernés. Le plafond de l'amende est porté au double en cas de nouveau manquement de même nature constaté dans un délai de deux ans.

L'exposé des motifs indique que « l'amende administrative pour emploi d'étranger non autorisé à travailler s'inscrit dans une gradation des sanctions, en s'appliquant dans les situations où cette infraction est caractérisée mais où les conditions ne sont pas rassemblées pour justifier une fermeture administrative ». Il semble donc ne prendre en compte au titre des sanctions administratives que la possibilité de fermeture d'un établissement et ce malgré le détail fourni par l'étude d'impact qui présente les autres sanctions non pécuniaires existantes.

Surtout, cette présentation néglige les contributions spéciales et forfaitaires prononcées par l'OFII qui constituent déjà des amendes administratives. Il apparaît donc que l'amende administrative prévue ne constitue pas une modalité supplémentaire dans la gradation des sanctions contre les employeurs ayant recours à une main d'oeuvre illégale.

3. La position de la commission : supprimer un dispositif inutile

Il ne saurait faire de doute qu'il existe déjà des amendes administratives pour réprimer le recours à une main d'oeuvre illégale.

Dès lors, venant sanctionner les mêmes faits que les contributions déjà prévues par le code du travail et le Ceseda, l'amende administrative prévue par cet article est contraire au principe général non bis in idem . À ce titre elle est, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, contraire à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et donc inconstitutionnelle.

On peut par ailleurs s'interroger sur son efficacité, son montant se situant au bas de l'échelle des contributions susceptibles d'être prononcées par l'office, puisqu'elle va de 4 000 à 8 000 euros pour chaque employé illégal, tandis que les contributions fixées par l'OFII s'échelonnent d'un minimum de 3 750 euros à un maximum de 55 950 euros en cas de réitération.

La commission des lois a donc adopté les amendements identiques de suppression COM-210, COM-166 et COM-182 des rapporteurs, de Guy Benarroche et d'Eliane Assassi .

La commission a supprimé l'article 8.

TITRE II
AMÉLIORER LE DISPOSITIF D'ÉLOIGNEMENT
DES ÉTRANGERS REPRÉSENTANT UNE MENACE GRAVE POUR L'ORDRE PUBLIC

CHAPITRE IER
RENDRE POSSIBLE L'ÉLOIGNEMENT D'ÉTRANGERS CONSTITUANT UNE MENACE GRAVE
POUR L'ORDRE PUBLIC

Articles 9 et 10
Assouplir le régime de protection contre l'expulsion, l'interdiction du territoire français et l'obligation de quitter le territoire français

L'article 9 facilite la levée des protections contre les mesures administratives d'expulsion et le prononcé des peines judiciaires d'interdiction du territoire français (ITF) dont bénéficient certains étrangers dont les liens avec la France sont d'une particulière intensité. L'application de ces protections a pour conséquence le maintien sur le territoire de personnes représentant une menace grave pour l'ordre public ou d'empêcher le prononcé d'une ITF à l'encontre d'étrangers coupables d'infractions pénales. Suivant la même philosophie, l'article 10 autorise l'émission d'une OQTF à l'encontre de personnes aujourd'hui protégées lorsque leur comportement « constitue une menace grave pour l'ordre public ».

Considérant qu'il n'est pas tolérable que des étrangers auteurs de graves infractions puissent se maintenir impunément sur le territoire national, la commission a adopté les articles 9 et 10 . Afin de renforcer la portée de l'article 9 , elle a clarifié les critères de levée de la protection, systématisé cette levée à l'encontre des auteurs de violences intrafamiliales et généralisé la possibilité pour le juge de prononcer des ITF. La commission a également pleinement validé le principe de l'article 10, tout en admettant que ses modalités de mise en oeuvre était encore perfectibles et sans s'interdire de revenir sur le sujet en séance publique.

1. Les expulsions : une législation qui empêche l'éloignement d'étrangers auteurs de graves infractions

1.1 L'état du droit : des protections contre l'expulsion qui permettent le maintien sur le territoire d'étrangers lourdement condamnés

L'expulsion est une mesure administrative dont le régime est fixé aux articles L. 631-1 et suivants du Ceseda et qui permet d'éloigner durablement un étranger dont le comportement « constitue une menace grave pour l'ordre public », qu'il soit ou non en situation régulière sur le territoire national. L'expulsion est prononcée, selon les cas 135 ( * ) , par arrêté du préfet ou du ministre de l'intérieur et après avis de la commission d'expulsion 136 ( * ) .

Le prononcé d'un arrêté d'expulsion entraîne un éloignement immédiat du territoire national ou, à défaut, peut être assorti d'une mesure d'assignation à résidence ou de placement en centre de rétention administrative. L'expulsion est prononcée sans limitation de durée mais peut être abrogée à tout moment et fait l'objet d'un réexamen quinquennal. Il s'agit d'une mesure lourde visant des étrangers particulièrement dangereux et qui demande à l'autorité administrative d'apprécier l'ensemble des déterminants de la menace grave à l'ordre public 137 ( * ) , tout en veillant à assurer une conciliation équilibrée avec le droit au respect d'une vie privée et familiale normale garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

* Jusqu'au 5 décembre 2022.

Source : Commission des lois, à partir des données du ministère de l'intérieur.

Par conséquent, le volume d'arrêtés d'expulsion prononcés annuellement est relativement modeste , quoiqu'en augmentation sur les deux dernières années du fait des nouvelles consignes ministérielles visant à prioriser l'éloignement des profils les plus à risque en matière d'ordre public 138 ( * ) . En revanche, cette mesure d'éloignement se caractérise par un taux d'exécution significativement plus important que les OQTF ( voir infra ).

Toutefois, le seuil de menace à l'ordre public exigé pour émettre une décision d'expulsion est plus important pour certains étrangers dont les liens avec la France sont d'une particulière intensité. De nature « relatives » ou « absolues », ces protections peuvent toujours être levées, mais de manière plus ou moins aisée selon l'intensité et les motifs de la protection de l'individu, ainsi que selon la gravité de son comportement ( voir tableau ci-après ).

Synthèse des régimes de protection contre les arrêtés d'expulsion

Protections relatives
Article L. 631-2 du Ceseda

Protections absolues
Article L. 631-3 du Ceseda

Étrangers protégés

1° Étranger parent d'un enfant français mineur résidant en France 139 ( * )

2° Étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française 140 ( * )

3° Étranger ayant sa résidence régulière en France depuis plus de 10 ans 141 ( * )

4° Étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %

1° Étranger ayant sa résidence habituelle en France depuis au plus l'âge de 13 ans

2° Étranger ayant sa résidence régulière en France depuis plus de 20 ans

3° Étranger résidant régulièrement en France depuis plus de 10 ans et marié depuis au moins 4 ans à un ressortissant français 142 ( * )

4° Étranger ayant sa résidence régulière en France depuis plus de 10 ans et parent d'un enfant français mineur résidant en France 143 ( * )

5° Étranger titulaire d'une carte de séjour dite « étranger malade »

Motifs de levée des protections

Nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique

(si l'étranger ne bénéficie pas d'une protection absolue)

- Atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État ;

- Activités terroristes ;

- Actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes

Exceptions aux protections

- Condamnation définitive à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans

- Vie en état de polygamie

- Violences intrafamiliales (pour les seuls étrangers mentionnés aux 3° et 4°)

- Vie en état de polygamie

Source : Commission des lois.

L'historique : retour sur la « fin de la double peine »

La « double peine » désigne le fait qu'un étranger condamné pour une infraction à la loi pénale puisse, en complément de la peine judiciaire correspondante, faire l'objet d'une mesure administrative ou judiciaire d'éloignement (respectivement une expulsion ou interdiction du territoire français).

Le législateur a réduit de longue date la possibilité de « double peine » . La loi dite « Defferre » du 29 octobre 1981 144 ( * ) a posé les premiers jalons du régime actuel de protection contre l'éloignement en créant des catégories d'étrangers protégés contre l'expulsion du fait de l'intensité de leurs liens avec la France. Par la suite, la loi du 31 décembre 1981 145 ( * ) est venue poser des limites similaires pour les décisions d'ITF, mais fut rapidement modifiée par la loi du 24 août 1993 146 ( * ) , dont l'objectif était d'éviter que l'édiction d'une ITF ne devienne totalement impossible. La fin de la « double peine » a finalement été consacrée par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité 147 ( * ) . Cette interdiction est encore aujourd'hui matérialisée par le dernier alinéa de l'article L. 631-3 du Ceseda qui prévoit que la circonstance qu'un étranger bénéficiant d'une protection absolue a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ne fait pas obstacle à ce qu'il jouisse de cette protection.

L'application des protections relatives et, surtout, absolues a pour effet collatéral le maintien sur le territoire national d'étrangers présentant pourtant une menace grave pour l'ordre public et parfois lourdement condamnés ( voir encadré infra ). L'étude d'impact du projet de loi chiffre par exemple à 60 le nombre expulsions qui n'ont pu être prononcées sur le seul mois de juillet 2022 du fait de ces protections . Au niveau local, les représentants de la préfecture du Rhône auditionnés par les rapporteurs ont, par exemple, indiqué que de telles situations survenaient environ deux fois par mois et concernaient en général trois profils : les multirécidivistes dès la minorité, en général arrivés sur le territoire national avant l'âge de 13 ans ; les braqueurs multirécidivistes-proxénètes, en général protégés du fait d'une résidence régulière en France supérieure à 10 ans et d'un mariage d'au moins quatre années ; les Européens disposant d'un droit au séjour permanent ou les ressortissants protégés au titre de l'entrée en France avant l'âge de 13 ans qui ont commis un crime (meurtre et viol).

Exemple de profil d'étrangers condamnés pour des infractions lourdes
mais protégés contre l'expulsion

Les représentants des préfectures auditionnés par les rapporteurs ont présenté de multiples exemples de profils d'étrangers condamnés pour des infractions lourdes mais protégés contre l'expulsion , principalement au titre des protections absolues prévues par l'article L. 631-3 au profit des étrangers résidant de longue date en France (1° et 2°) ou y bénéficiant de liens familiaux (3°). De l'avis général, les services préfectoraux sont régulièrement confrontés à de telles situations, à des fréquences variables , illustrées par les exemples suivants :

• Individu condamné en 2015 à 13 ans de réclusion pour viol commis sur un mineur de 15 ans et viol commis par un ascendant et agression sexuelle sur mineur de 15 ans par ascendant ( protection sur le fondement du 2° de l'article L. 631-3 du Ceseda - Préfecture de la Haute-Garonne ).

• Individu condamné en 2007 à 5 ans d'emprisonnement pour acquisition, détention, transport, offre ou cession de stupéfiants, contrebande de marchandises prohibées en bande organisée, puis condamné en 2020 à 7 ans de réclusion pour des faits similaires ( protection sur le fondement du 1° de l'article L. 631-3 du Ceseda - Préfecture de la Haute-Garonne ).

• Individu condamné à 42 reprises entre 1991 et 2019 pour des faits de vol, trafic de stupéfiants, violence sur conjoint, violence sur personne dépositaire de l'ordre public, outrage et agression sexuelle ( protection sur le fondement du 1° de l'article L 631-3 du Ceseda - Préfecture de la Haute-Garonne ).

• Ressortissant algérien condamné à 13 reprises pour un cumul de 7 ans et 8 mois d'emprisonnement, pour des faits de vol, vols aggravés, cambriolages, refus d'obtempérer et blessures involontaires par conducteur en état d'ébriété ( protection sur le fondement du 1° et de l'article L. 631-3 du Ceseda - Préfecture de police de Paris ).

• Ressortissant ivoirien entré en France à l'âge de huit ans, condamné à 5 reprises dont une par la cour d'assises à 15 ans de réclusion à la suite de l'attaque à main armée d'un bureau de poste ( protection sur le fondement du 1° et de l'article L. 631-3 du Ceseda - Préfecture de police de Paris ).

1.2. Le dispositif proposé : l'introduction d'une nouvelle exception aux protections relatives et absolues contre l'éloignement

L'article 9 introduit une nouvelle dérogation à l'impossibilité de prononcer une mesure d'expulsion à l'encontre de l'étranger bénéficiant de l'une des protections absolues listées à l'article L. 631-3 du Ceseda . Celle-ci vise les étrangers qui, d'une part, ont fait l'objet d'une condamnation définitive pour des crimes et délits passibles d'une peine d'au moins dix ans d'emprisonnement ou de cinq ans en réitération et qui, d'autre part, représentent toujours une menace grave pour l'ordre public.

Par symétrie, l'article 9 procède à deux aménagements dans le régime de protection relative prévu à l'article L. 631-2 du Ceseda. Le critère de levée des protections préexistant est tout d'abord assoupli afin que celle-ci puisse s'opérer lorsque l'intéressé a fait l'objet d'une condamnation définitive pour des crimes et délits passibles d'au moins cinq ans de réclusion, et non pas uniquement lorsqu'une peine ferme d'une telle durée a été prononcée . Ensuite, la possibilité de lever les protections absolues lorsque les faits à l'origine de la condamnation ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants de l'intéressé est étendue aux protections relatives.

Cet assouplissement du dispositif de levée des protections relatives contre l'expulsion n'est en revanche pas étendu aux ressortissants de l'Union européenne séjournant régulièrement en France depuis plus de 10 ans, pour lesquels seul le critère de la « nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique » continuera à s'appliquer. La rédaction de l'article L. 252-2 du Ceseda est néanmoins modifiée afin de tirer les conséquences des modifications intervenues à l'article L. 631-2.

1.3. La position de la commission : renforcer la portée du dispositif

La commission des lois a accueilli favorablement l'objectif de facilitation de la levée des protections contre les mesures d'expulsion. Elle partage pleinement l'idée selon laquelle il n'est pas tolérable que des étrangers auteurs d'infractions lourdes puissent se maintenir sur le territoire national. Les rapporteurs ont notamment été frappés par les exemples évoqués par les représentants des préfectures auditionnés, avec des profils d'étrangers délinquants multirécidivistes, parfois auteurs de viols ou de violences aggravées, et pourtant inéloignables.

S'agissant du basculement opéré entre le critère d'une condamnation ferme à plus de 5 ans d'emprisonnement et celui d'une condamnation pour un crime ou pour un délit passible de la même peine, la commission a estimé qu'il était légitime de fonder une mesure administrative sur la gravité intrinsèque des faits et non sur l'appréciation qui en a été faite par le juge , lequel doit moduler sa décision selon les circonstances de l'espèce.

Par l'adoption d'un amendement COM-212 des rapporteurs, la commission a entrepris de clarifier encore davantage les critères de levée des protections contre l'expulsion . Dans la lignée de l'avis du Conseil d'État qui « interprète les nouvelles dispositions comme impliquant que l'administration, d'une part, pourra dans son appréciation de la menace grave et actuelle pour l'ordre public, tenir compte des faits à l'origine de la condamnation pour lesquels la peine encourue atteignait le seuil requis et, d'autre part, devra apporter d'autres éléments d'appréciation établissant que, à la date à laquelle elle statue, la personne concernée continue de présenter une menace grave pour l'ordre public », la commission a entendu garantir explicitement que les faits à l'origine de la condamnation puissent être pris en compte dans l'appréciation de la menace.

La coexistence de deux critères - une condamnation pour une infraction lourde et la permanence d'une menace grave à l'ordre public - est en effet de nature à créer de la confusion . Les déplacements et les auditions des rapporteurs ont du reste confirmé que les condamnations antérieures ne pouvaient, certes, jamais fonder à elles seules l'édiction d'une mesure d'éloignement, mais qu'elles étaient en revanche quasi-systématiquement invoquées à l'appui d'autres éléments.

La commission a également souhaité, par l'adoption d'un amendement COM-213 des rapporteurs, autoriser systématiquement la levée des protections contre l'expulsion en cas de condamnation pour des faits commis à l'encontre du conjoint ou des enfants . Alors que la lutte contre les violences intrafamiliales représente l'une des toutes premières priorités des pouvoirs publics, il est en effet incohérent que la commission de tels actes n'entraîne la levée des protections contre l'éloignement que lorsque lesdites protections découlent du statut marital ou parental de l'intéressé.

2. Les interdictions du territoire français : un aménagement du dispositif qui ne va pas assez loin

2.1. L'état du droit : des protections contre la peine complémentaire d'ITF qui privent le dispositif d'une partie de son efficacité

Contrairement à l'arrêté d'expulsion, l'interdiction du territoire français (ITF) n'est pas une mesure administrative mais judiciaire. Il s'agit d'une peine principale ou complémentaire dont le régime est fixé principalement par les articles 131-30, 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal et qui peut être prononcée par le juge lorsque le texte d'incrimination le prévoit expressément .

Le nombre de peines complémentaires d'ITF prononcées augmente régulièrement sur la dernière décennie, particulièrement en matière délictuelle où il a été multiplié par plus de trois entre 2014 et 2021 (1 792 contre 5 662, voir tableau infra ). Selon les éléments figurant dans l'étude d'impact 148 ( * ) , le taux de prononcé de cette peine pour les condamnations éligibles est ainsi passé de 16 % en 2014 à 23,5 % en 2019 . S'agissant de la nature des infractions, l'ITF est principalement prononcée en complément à des condamnations pour des faits de transport non autorisé de stupéfiants (25 %), d'aide à l'entrée et au séjour irrégulier d'un étranger (22 %) et de vol avec effraction (17 %).

De la même manière que pour l'expulsion, le prononcé d'une ITF se traduit par la reconduite de plein droit de l'intéressé à la frontière, le cas échéant à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion. Aux termes de l'article 131-30 du code pénal, l'ITF est prononcée à titre définitif ou pour une durée de 10 ans au plus.

Comme les expulsions, les ITF se caractérisent enfin par un taux d'exécution tout-à-fait satisfaisant , estimé par le ministère de l'intérieur à près de 100 % pour l'année 2019, dernier exercice de référence avant la pandémie de covid-19, 75 % en 2020, 81 % en 2021 et 95 % en 2022 149 ( * ) .

*  Le volume d'ITF prononcées pour des faits délictuels en 2012 et 2013 n'est pas disponible.

Source : Commission des lois, à partir des données de la DACG.

En miroir du régime de protection existant contre les expulsions, certains étrangers aux liens d'une particulière intensité avec la France sont protégés contre le prononcé d'une ITF. Il s'agit là aussi d'un système de protection à « double-niveau » qui soit impose au juge, en matière correctionnelle, de motiver spécialement sa décision d'ITF « au regard de la gravité de l'infraction et de la situation personnelle et familiale de l'étranger », soit lui interdit de la prononcer, sous réserve d'exceptions.

Vis-à-vis du régime de l'expulsion, l es mêmes causes produisent les mêmes conséquences et l'existence de protections contre les ITF limite considérablement leur usage . Si l'obligation de motivation spéciale de la décision d'ITF demeure un régime plus souple que celui des protections relatives prévu à l'article L. 631-2 du Ceseda, les protections absolues privent néanmoins quasi-systématiquement le juge de la possibilité de prononcer une ITF lorsque le condamné rentre dans l'une des cinq catégories visées.

Synthèse du régime de protection
contre les ITF

Motivation spéciale
Article 131-30-1 du code pénal

Interdiction
Article 131-30-2 du code pénal

Étrangers protégés

Étranger mentionné aux 1° à 4° de l'article L. 631-2 du Ceseda 150 ( * )

Étranger résidant habituellement en France depuis plus de quinze ans 151 ( * )

Étranger mentionné aux 1° à 5° de l'article L. 631-3 du Ceseda

Exceptions aux protections

Vie en état de polygamie (pour les seuls étrangers mentionnés au 1°)

- Atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État ;

- Activités terroristes ;

- Infractions en matière de groupes de combat ou de mouvements dissous 152 ( * )

- Infractions en matière de fausse monnaie 153 ( * )

- Violences intrafamiliales (pour les seuls étrangers mentionnés aux 3° et 4°)

- Vie en état de polygamie (pour les seuls étrangers mentionnés aux 3° et 4°)

2.2. L'alignement des exceptions aux protections contre les expulsions et les ITF

En miroir au dispositif prévu en matière d'expulsion, l'article 9 insère de nouvelles exceptions analogues aux protections contre les ITF . Premièrement, il dispense le juge de procéder à une motivation spéciale des ITF prononcées en matière correctionnelle à l'encontre d'étrangers protégés dans deux cas de figure :

- lorsque l'étranger est déclaré coupable d'un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement ;

- lorsque l'étranger est déclaré coupable d'un délit commis à l'encontre de son conjoint ou de tout enfant sur lequel il exerce l'autorité parentale.

Deuxièmement, il revient sur l'interdiction absolue de prononcer une peine complémentaire d'ITF dans deux nouvelles situations :

- lorsque l'étranger est déclaré coupable d'un délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes tel que prévu à l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

- lorsque l'étranger est déclaré coupable d'un crime ou d'un délit puni d'au moins dix ans de réclusion ou cinq ans en état de récidive.

L'article 9 assortit ces nouvelles exceptions d'une obligation de motivation spéciale de la décision visant à tenir compte, d'une part, de la gravité de l'infraction et, d'autre part, de la situation de l'étranger au regard de sa « situation personnelle et familiale ».

Enfin, l'article 9 élargit la possibilité de prononcer une peine complémentaire d'ITF à plusieurs nouvelles infractions . Sont concernées les violences commises à l'encontre du conjoint ou du concubin et ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours 154 ( * ) , les violences commises à l'encontre de membres des forces de l'ordre 155 ( * ) et les vols aggravés 156 ( * ) .

2.3. La position de la commission

Suivant le même raisonnement que précédemment au sujet de la facilitation de la levée des protections contre l'expulsion, la commission a accepté sans réserve le dispositif proposé par le Gouvernement en matière d'ITF . Afin de garantir une complète harmonie entre les deux régimes, elle a également autorisé la levée systématique des protections contre l'ITF à l'encontre des étrangers auteurs de violence intrafamiliales (même amendement COM-213 des rapporteurs).

La commission a également souhaité généraliser la possibilité pour le juge de recourir à l'ITF . Par l'adoption d'un amendement COM-214 , elle l'a autorisé à prononcer cette peine à l'encontre de tout étranger coupable d'infractions graves (crimes, délits punis de plus de cinq ans d'emprisonnement, délits pour lesquels la possibilité d'ITF est explicitement prévue), et non plus uniquement lorsqu'une disposition spécifique du code pénal le prévoit. Ce faisant, la commission a repris une proposition de longue date du Sénat, tendant à ce que l'ITF devienne une peine générale , à l'exception des délits punis d'une peine d'emprisonnement inférieure à cinq ans pour lesquels une mention expresse demeurerait nécessaire 157 ( * ) .

Enfin, la commission a adopté un amendement COM-81 de Stéphane Le Rudulier visant modifier le délai de computation des ITF, afin qu'il ne commence à s'écouler qu'à compter du moment où l'étranger a quitté le territoire national. Cela permet d'éviter quelques situations où, en l'absence de reconduite immédiate à la frontière, la durée de l'ITF commence à courir alors même que l'étranger est encore présent en France.

3. Les obligations de quitter le territoire français : un assouplissement du régime de protection qui reste à parfaire

3.1. L'état du droit : un dispositif de protection contre les OQTF qui produit les mêmes conséquences qu'en matière d'expulsion et d'ITF

L'obligation de quitter le territoire français (OQTF) est une mesure administrative d'éloignement dont le régime est fixé aux articles L. 611-1 et suivants du Ceseda et qui vise à tirer les conséquences de l'irrégularité du séjour d'un étranger en France . L'étranger ayant fait l'objet d'une OQTF édictée par le préfet de département doit quitter le territoire national, selon les cas, sans délai ou dans un délai de 30 jours. S'il s'agit de loin de la mesure d'éloignement la plus prononcée par l'autorité administrative, son taux d'exécution est notoirement dérisoire et tend à se dégrader.

OQTF prononcées et exécutées
(2011-2022)

Source : Commission des lois à partir des données du ministère de l'intérieur.

Comme pour les expulsions et les ITF, des dispositifs de protection contre l'émission d'une OQTF existent au profit de neuf catégories d'étrangers ( voir tableau ci-après ). Si les catégories d'étrangers protégés sont relativement similaires, les exceptions sont en revanche beaucoup plus limitées.

Seul le fait de vivre en France en état de polygamie autorise la levée de ces protections, à l'exception des mineurs et des étrangers bénéficiaires d'un titre dit « étranger malade ».

Synthèse du régime de protection
contre les OQTF

Catégorie d'étranger protégé

Exceptions à la protection

1° Mineur de dix-huit ans

9° Étranger bénéficiaire d'un titre de séjour dit « étranger malade »

/

2° Étranger ayant sa résidence habituelle en France depuis au plus l'âge de 13 ans

3° Étranger ayant sa résidence régulière en France depuis plus de 10 ans 158 ( * )

4° Étranger ayant sa résidence régulière en France depuis plus de 20 ans

5° Étranger parent d'un enfant français mineur résidant en France 159 ( * )

6° Étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant français 160 ( * )

7° Résidence régulière en France depuis plus de 10 ans et marié depuis au moins trois ans avec un étranger mentionné au 2°

8° Étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %

Vie en état de polygamie

Source : commission des lois.

L'existence de ces protections empêche fréquemment l'autorité administrative de prononcer une OQTF à l'encontre d'étrangers en situation irrégulière, y compris lorsque ceux-ci représentent une menace à l'ordre public. Une étude réalisée par le ministère de l'intérieur aboutit ainsi à la conclusion que, sur le seul mois de juillet 2022, 289 OQTF n'ont pu être prononcées pour cette raison .

Au niveau local, les représentants de la préfecture du Rhône auditionnés par les rapporteurs ont indiqué que cette situation survenait environ 200 fois par an . S'agissant de la préfecture de police de Paris, une OQTF sur deux émises sur le fondement d'un trouble à l'ordre public 161 ( * ) n'a pu être exécutée en 2022 du fait du statut protégé de l'étranger. Sur la même année, 84 dossiers n'ont pu se traduire par l'édiction d'une OQTF du fait d'une entrée en France antérieure à l'âge de 13 ans des intéressés. La préfecture de police a, par exemple, illustré cette situation hautement insatisfaisante par le cas d'un ressortissant congolais entré en France à l'âge de 11 ans, condamné par la suite pour deux affaires de vol ayant entraîné le retrait de son titre de séjour - il est alors rentré dans la catégorie des « ni régularisables ni expulsables » - avant d'être interpellé en avril 2022 pour des faits répétés de troubles à l'ordre public comprenant des violences, outrages et menaces de morts.

3.2. Le dispositif proposé : une possibilité de lever les protections en cas de menace grave pour l'ordre public

Suivant la même philosophie que l'article 9, l'article 10 facilite l'émission d'une OQTF à l'encontre des personnes aujourd'hui protégées lorsque leur comportement « constitue une menace grave pour l'ordre public » . Le dispositif comprend une unique exception au profit des mineurs de dix-huit ans. L'émission d 'une OQTF ne serait néanmoins en aucun cas automatique et l'administration devrait toujours procéder à un examen individuel de chaque situation.

Comme cela est indiqué dans l'exposé des motifs, l'article 10 préserve également un régime particulier applicable aux ressortissants de l'Union européenne et aux membres de leur famille qui séjournent légalement en France depuis plus de 10 ans. Au titre de l'article L. 234-1 du Ceseda, ces derniers ne pourraient ainsi être éloignés qu'en cas de « nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique ».

3.3. La position de la commission : valider le principe d'un dispositif qui reste perfectible

Si la commission des lois s'est pleinement associée à la volonté du Gouvernement de lever les freins à l'émission d'OQTF - en particulier en cas de trouble à l'ordre public -, elle a néanmoins estimé que le dispositif proposé demeurait largement perfectible .

D'une part, fonder la levée des protections contre l'OQTF sur l'existence d'une menace grave à l'ordre public pourrait, premièrement, conduire à dénaturer une mesure dont l'objectif premier reste de sanctionner l'irrégularité du séjour en France d'un étranger.

D'autre part, la commission ne peut que regretter le caractère difficilement lisible du dispositif présenté par le Gouvernement. Celui-ci a fait l'objet de deux saisines rectificatives devant le Conseil d'État, dont l'avis ne porte finalement pas sur le dispositif soumis à la représentation nationale mais sur un projet antérieur du Gouvernement, ce qui en réduit significativement l'utilité.

Enfin, la combinaison de l'article 10 avec les dispositions de l'article 13 semble inaboutie , notamment en ce que le retrait de la carte de résident et la levée des protections contre l'OQTF sont facilitées pour un même motif lié à l'existence d'une menace grave à l'ordre public mais sans qu'une OQTF puisse être émise en conséquence de ce retrait. En effet, l'article 10 ne revient pas sur la dégradation d'une carte de résident en carte de séjour pluriannuelle lorsque l'étranger bénéficie de protections contre l'expulsion. Si le Gouvernement a justifié ce point par l'existence d'un risque d'inconstitutionnalité découlant d'une forme de contournement des garanties procédurales prévues par le régime d'expulsion, la commission estime néanmoins que cela affecte la lisibilité d'ensemble du régime .

Partageant la volonté du Gouvernement de résoudre les difficultés engendrées par les protections contre les OQTF prévues à l'article L. 611-3 du Ceseda, la commission n'a pas remis en cause l'article 10 . Elle l'a adopté sans modification à ce stade, sans s'interdire de revenir sur le sujet en séance publique .

La commission a adopté l'article 9 ainsi modifié et l'article 10 sans modification .

Article 11
Relevé des empreintes digitales et prise de photographie
d'un étranger sans son consentement

L'article 11 autorise le relevé des empreintes digitales et la prise de photographie d'un étranger sans son consentement afin de rendre plus efficiente l'identification des étrangers en situation irrégulière.

Sur proposition des rapporteurs, la commission a apporté des garanties supplémentaires à ce dispositif coercitif.

Elle a adopté l'article 11 ainsi modifié .

1. L'état du droit : le relevé d'empreintes digitales et la prise de photographie ne peuvent s'effectuer sous la contrainte en droit des étrangers alors qu'ils sont possibles, sous certaines conditions, en matière pénale

1.1. Le refus de se soumettre à la prise d'empreintes ou de photographie constitue un délit, mais ne peut s'effectuer sous la contrainte en droit des étrangers ce qui pose des difficultés

L'article L. 142-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) permet la mémorisation et le traitement automatisé des empreintes digitales et de la photographie des étrangers qui sollicitent un visa, un titre de séjour, sont en situation irrégulière sur le territoire ou bénéficient d'une aide au retour, ainsi que ceux faisant l'objet d'une décision de refus d'entrée ou d'éloignement 162 ( * ) .

De même, afin d'assurer le bon fonctionnement de l'espace Schengen et du règlement « Dublin » 163 ( * ) , le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac 164 ( * ) impose à chaque État membre de relever dans des délais très rapides les empreintes digitales de tous les demandeurs d'asile et des personnes interceptées lors du franchissement irrégulier d'une frontière, âgées d'au moins 14 ans.

Sur le territoire français, tout étranger doit également être en mesure de présenter ses documents de séjour (article L. 812-1 du Ceseda) et, à défaut, peut faire l'objet d'une retenue dans un local de police ou de gendarmerie pour vérification de son droit de circulation ou de séjour pour une durée maximale de 24 heures 165 ( * ) . S'il ne produit pas ces documents, il peut être soumis au relevé de ses empreintes digitales et à la prise de photographie, après information du procureur de la République (article L. 813-10 du Ceseda) .

Afin d'identifier l'étranger, les forces de sécurité intérieure peuvent comparer ces données avec celles enregistrées dans les fichiers auxquels elles ont accès. S'il apparaît que ce ressortissant étranger est en situation irrégulière en France ou qu'il ne remplit pas les conditions d'entrée sur le territoire français, ses données peuvent être mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé.

Pour autant, les autorités ne peuvent utiliser la contrainte pour relever les empreintes ou prendre des photographies d'un étranger qui s'y oppose .

Dans l'étude d'impact du projet de loi, le Gouvernement souligne que le refus d'un étranger de se soumettre à la prise d'empreintes et de photographie empêche la consultation des fichiers d'identification 166 ( * ) . Certains étrangers peuvent dès lors communiquer une fausse identité, se créer plusieurs identités ou se prétendre mineurs , ce qui ne permet pas de sécuriser juridiquement la décision administrative ou judiciaire, de retracer de manière fiable le parcours d'un étranger ou d'obtenir un laissez-passer consulaire de l'État dont il est ressortissant.

Le refus de l'étranger constitue une infraction punie d'un an d'emprisonnement, de 3 750 € d'amende et de trois ans d'interdiction du territoire français , tant à l'occasion du franchissement de la frontière Schengen (article L. 821-2 du Ceseda) qu'en cas de situation irrégulière sur le territoire français (article L. 822-1 du Ceseda). Pour autant, ces sanctions sont peu dissuasives. D'après les informations communiquées aux rapporteurs par le ministère de l'intérieur, les condamnations sont faibles, et très rarement de l'emprisonnement ferme. Elles ne permettent pas, en outre, d'atteindre l'objectif d'identification de l'étranger.

1.2. La possibilité, en matière pénale, de recourir à la contrainte sous certaines conditions

À la différence du droit des étrangers, le code de procédure pénale autorise le recours à la contrainte depuis la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Cette faculté, qui n'est possible que pour les infractions d'une certaine gravité dans le cadre d'une enquête de flagrance , est assortie de garanties .

En application de l'article 55-1, lorsque la prise d'empreintes digitales ou palmaires ou d'une photographie constitue le seul moyen d'identifier une personne qui est entendue pour un crime ou un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement , cette opération peut être effectuée sans le consentement de la personne.

L'officier de police judiciaire, qui doit au préalable recueillir l'autorisation écrite du procureur de la République saisi d'une demande motivée, ne doit recourir à la contrainte que dans la mesure strictement nécessaire et de manière proportionnée . Il doit tenir compte, s'il y a lieu, de la vulnérabilité de la personne.

Un procès-verbal , mentionnant les raisons pour lesquelles l'opération constitue l'unique moyen d'identifier la personne, est transmis au procureur de la République , copie en ayant été remise à l'intéressé.

Des dispositions analogues existent à l'égard d'un mineur qui apparaît manifestement âgé d'au moins treize ans , pour des infractions qui constituent des crimes et délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement (articles L. 413-16 et L. 413-17 du code de la justice pénale des mineurs).

L'avocat du mineur ainsi que, sauf impossibilité, ses représentants légaux ou, à défaut, l'adulte approprié mentionné à l'article L. 311-1 du code de la justice pénale des mineurs, sont préalablement informés de cette opération.

1.3. Les réserves apportées par la décision du Conseil Constitutionnel du 10 février 2023 à la prise d'empreintes et de photographie sous contrainte dans le cadre pénal

Saisi par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur ces dispositions pénales , le Conseil constitutionnel a censuré leur application pour le régime de l'audition libre, dans sa décision n° 2022-1034 QPC du 10 février 2023 , car elles « permettent de recourir à la contrainte (...) alors que le respect des droits de la défense dans ce cadre exige que la personne intéressée soit entendue sans contrainte et en droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue ».

Le Conseil constitutionnel a également émis une réserve pour le régime de la garde à vue, jugeant que « les opérations de prise d'empreintes digitales ou palmaires ou de photographies sans le consentement de la personne , qu'elle soit mineure ou majeure , ne sauraient , sans priver de garanties légales les exigences constitutionnelles [des droits de la défense et selon laquelle la liberté personnelle ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire] , être effectuées hors la présence de son avocat, des représentants légaux ou de l'adulte approprié ».

2. Le projet de loi : autoriser le recours à la contrainte afin d'identifier de manière certaine les étrangers et de mieux lutter contre l'immigration irrégulière

L' article 11 vise à autoriser le recueil d'empreintes digitales et la prise de photographie par l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, sans le consentement de l'étranger , en cas de refus « caractérisé » de sa part, tant à l'occasion du contrôle du franchissement d'une frontière extérieure que d'une vérification de son droit de circulation ou de séjour en France .

L'objectif est de permettre l'identification de manière certaine de l'étranger qui n'est pas en mesure de produire les pièces qui l'autorisent à entrer ou séjourner sur le territoire français.

Des garanties toutefois plus faibles qu'en matière pénale sont prévues :

- il ne pourrait être recouru à la contrainte qu'en cas de refus caractérisé de l'étranger de se soumettre aux opérations, après avoir été dûment informé des conséquences de son refus . En effet, la prise d'empreintes et de photographie sous contrainte n'exclut pas les poursuites pénales contre l'étranger qui s'y est refusé ;

- le procureur de la République devrait en être informé préalablement ;

- la contrainte devrait poursuive les objectifs des articles L. 331-2 et L. 813-10 du Ceseda , c'est-à-dire les contrôles aux frontières extérieures et la vérification du droit de circulation ou de séjour des étrangers en France ;

- être strictement proportionnée et tenir compte de la vulnérabilité de la personne.

3. La position de la commission des lois : renforcer les garanties en cas de recours à une mesure de coercition à l'égard d'un étranger

Partageant l'objectif du projet de loi de rendre plus efficiente la lutte contre l'immigration irrégulière , qui contribue à l'objectif constitutionnel de sauvegarde de l'ordre public 167 ( * ) , la commission a considéré que la contrainte exercée sur un étranger , bien que réalisée pour d'autres finalités que la recherche d'auteurs d'infractions, devait être assortie des mêmes garanties , pour tirer pleinement les conséquences de la décision n° 2022-1034 QPC du Conseil constitutionnel du 10 février dernier.

Dans cet esprit, si le principe du recours à la contrainte lui a semblé admissible dès lors qu'il est nécessaire, subsidiaire et proportionné , la commission a renforcé l'encadrement du dispositif par les garanties suivantes :

- elle a prévu, adoptant deux amendement identiques COM-125 des rapporteurs et COM-14 de Maryse Carrère, l'autorisation préalable du procureur de la République saisi préalablement par l'officier de police judiciaire pour recourir à la contrainte, en lieu et place de sa simple information ;

- et elle a prévu la présence de l'avocat lorsque le relevé d'empreintes digitales et la prise de photographie seront réalisés, comme le Conseil constitutionnel l'a exigé dans sa décision du 10 février 2023.

Enfin, elle a également précisé, par l'adoption de trois amendements identiques des rapporteurs, de Maryse Carrère et de Guy Benarroche (COM-217, COM-15 et COM-168), que ce dispositif ne concernerait que les étrangers « manifestement âgés d'au moins dix-huit ans », dans un double objectif :

- exclure formellement les mineurs du dispositif. Il ne saurait en effet être exercé une telle contrainte à l'égard des mineurs qui bénéficient d'un statut particulier en droit des étrangers car ils ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement et sont, par défaut, considérés comme étant en situation régulière 168 ( * ) ;

- tout en évitant que certains étrangers se prétendent mineurs de 18 ans pour échapper au relevé contraint lors d'une vérification de leur droit de circulation ou de séjour.

La commission a adopté l'article 11 ainsi modifié .

Article 11 bis (nouveau)
Renforcement des sanctions en cas de refus de décliner son identité
ou de se soumettre à une prise d'empreinte

L'article 11 bis issu d'un amendement de Nathalie Delattre tend à renforcer les peines encourues en cas de refus de prise d'empreintes ou de photographie pour les personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction.

La commission a adopté l'article 11 bis ainsi rédigé.

En cas de crime ou délit flagrant, le code de procédure pénale donne prérogative à l'officier de police judiciaire de procéder à des prises d'empreintes et de photographie « sur toute personne susceptible de fournir des renseignements sur les faits en cause ou sur toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction ».

Dans le cadre d'une enquête ou d'un contrôle d'identité, ces relevés et la prise de photographie sont possibles sous le contrôle du procureur de la République ou du juge d'instruction si une « personne interpellée maintient son refus de justifier de son identité ou fournit des éléments d'identité manifestement inexacts », lorsqu'ils constituent « l'unique moyen d'établir l'identité de l'intéressé ».

Comme le rappelle l'objet de l' amendement COM-29 de Nathalie Delattre, le rapport d'information de la commission des lois et de la commission des affaires sociales sur les mineurs non accompagnés 169 ( * ) avait constaté que ces relevés s'avèrent particulièrement difficiles à opérer pour les jeunes en errance. Ceci malgré l'existence de peine d'amende et d'emprisonnement en cas de refus.

Afin de renforcer le caractère dissuasif des peines, cet article prévoit donc de modifier les articles 55-1 (relatif aux prérogatives de l'officier de police judiciaire en cas de crimes et délits flagrants) et 78-5 (relatif aux peines applicables en cas de refus ou d'impossibilité de décliner son identité dans le cadre d'une enquête ou d'un contrôle) du code de procédure pénale afin de double, les peines d'amende et d'emprisonnement encourues.

La commission considère que la possibilité d'usage de la contrainte, votée dans le cadre de la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure permet déjà de résoudre partiellement la question des refus.

Cependant, les peines actuellement prévues en cas de refus de donner ses empreintes peuvent paraître trop faibles et sont trop peu appliquées. La commission a donc adopté l' amendement COM-29 .

La commission a adopté l'article 11 bis ainsi rédigé .

Article 11 ter (nouveau)
Création d'un fichier relatif aux personnes se déclarant mineures impliquées dans des infractions à la loi pénale

Afin de faciliter l'identification des personnes se déclarant mineures impliquées dans des infractions à la loi pénale et de favoriser l'établissement de rapprochements entre des infractions commises par une seule de ces personnes, la commission a autorisé la création d'un fichier où leurs photographies et empreintes digitales seraient enregistrées. Il s'agit, à l'initiative de Philippe Tabarot, de la transposition directe d'une recommandation du rapport d'information transpartisan de septembre 2021 et intitulé « Mineurs non accompagnés, jeunes en errance : 40 propositions pour une politique nationale », commun aux commissions des affaires sociales et des lois.

La commission a adopté l'article 11 ter ainsi rédigé.

La commission a adopté un amendement COM-143 de Philippe Tabarot visant à la création d'un fichier relatif aux personnes se déclarant mineures impliquées dans des infractions à la loi pénale . Inscrit dans un nouvel article L. 142-3-1 du Ceseda, ce fichier serait caractérisé par les éléments suivants :

- s'agissant de ses finalités : il viserait, d'une part, à faciliter l'identification des personnes mises en causes pour des infractions à la loi pénale et se déclarant mineur non accompagné et, d'autre part, à faciliter le rapprochement entre plusieurs infractions commises par une seule de ces personnes . Sur ce point, la commission a par ailleurs relevé que l'inscription dans un fichier des données relatives à des personnes mises en cause dans le cadre d'une infraction pénale mais non condamnées n'avait rien de nouveau. Elle est ainsi déjà possible dans le cadre du fichier dit « Traitement des antécédents judiciaires » (TAJ), pour lequel l'article 230-7 du code de procédure pénale autorise par ailleurs le traitement des informations des personnes mises en cause « sans limitation d'âge » ;

- s'agissant des données conservées : le fichier comprendrait les empreintes digitales ainsi qu'une photographie des intéressés ;

- s'agissant des garanties : les données seraient enregistrées dès que la personne impliquée se déclarerait mineure. Dans l'hypothèse où la minorité de l'individu serait établie en cours de procédure, elles ne pourraient être conservées que « pour la durée strictement nécessaire à leur prise en charge et à leur orientation, en tenant compte de leur situation personnelle ».

La commission a relevé que l'amendement de Philippe Tabarot reprenait en tout point la proposition n° 23 du rapport d'information transpartisan commun aux commissions des affaires sociales et des lois de septembre 2021 intitulé « Mineurs non accompagnés, jeunes en errance : 40 propositions pour une politique nationale ». Ses rapporteurs Hussein Bourgi, Laurent Burgoa, Xavier Iacovelli et Henri Leroy y plaidaient ainsi pour « la création d'un fichier national relatif aux MNA délinquants [qui] viserait à répertorier l'ensemble des infractions commises par des jeunes en errance et faciliterait le rattachement, a posteriori, d'une infraction à son auteur ». Ils estimaient également qu'« un tel fichier rendrait plus aisée l'identification des jeunes multirécidivistes utilisant un alias différent à chaque interpellation ».

La commission a par ailleurs soutenu l'ouverture aux forces de l'ordre des données contenues dans le fichier dit « Appui à l'évaluation de la minorité » (AEM) prévu à l'article L. 142-3 du Ceseda 170 ( * ) . Alors que celles-ci doivent régulièrement composer avec des personnes interpellées se prétendant indûment mineures afin de se soustraire aux conséquences de leurs actes, l'accès aux informations contenues dans AEM leur permettrait d'écarter immédiatement la minorité d'un mis en cause précédemment reconnu majeur par un département 171 ( * ) . Du reste, l'extension de l'accès aux données d'AEM, qui concernent l'âge de l'individu, serait tout à fait complémentaire avec le nouveau fichier prévu au présent article, qui comprendraient des données relatives aux antécédents judiciaires des personnes se déclarant mineures .

La commission a adopté l'article 11 ter ainsi rédigé .

Article 12
Interdiction du placement en centre de rétention administrative
des mineurs de seize ans

L'article 12 tend à interdire le placement des mineurs de seize ans en centre de rétention administrative (CRA).

Au bénéfice d'une modification rédactionnelle , la commission a pris acte de cette mesure , approuvant l'objectif du Gouvernement de mobiliser en priorité les places en CRA pour l'éloignement des étrangers en situation irrégulière présentant une menace pour l'ordre public.

Elle a adopté l'article 12 ainsi modifié.

1. Le droit en vigueur permet le placement en rétention de mineurs s'ils accompagnent un adulte dans des conditions très strictes

Le principe de l' interdiction du placement des mineurs isolés en rétention résultait avant la loi du 2018 de leur exclusion des mesures d'éloignement : ni une OQTF 172 ( * ) ni une expulsion 173 ( * ) ne peuvent en effet être prononcées à leur encontre. Il a été formellement consacré à l'article L. 741-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, à l'initiative du Sénat, sur le rapport de François-Noël Buffet 174 ( * ) .

Le droit français est ainsi plus protecteur que le droit de l'Union européenne , puisque la directive « Retour » permet à son article 17 la rétention des mineurs isolés en dernier ressort et pour la durée la plus brève possible 175 ( * ) .

Par dérogation, le droit français permet la rétention d'un mineur s'il accompagne un adulte faisant l'objet d'une mesure d'éloignement , « pour la durée la plus brève possible » et dans un lieu adapté, aux fins de préservation de l'unité familiale et dans trois hypothèses strictement définies :

- lorsqu'il accompagne un étranger lui-même placé en rétention qui s'est soustrait de manière avérée aux obligations résultant d'une assignation à résidence ;

- lorsque l'étranger qu'il accompagne a pris la fuite ou opposé un refus à la mise en oeuvre d'une mesure d'éloignement ;

- ou si l'intérêt de l'enfant le commande, lorsque le placement en rétention de l'étranger qu'il accompagne est limité aux quarante-huit heures précédant immédiatement le départ programmé aux fins de limiter les transferts.

Aux termes de l'article L. 741-5 du Ceseda, l'intérêt supérieur de l'enfant doit, notamment au regard des conditions de la rétention, faire l'objet d'une attention particulière dans la mise en oeuvre de ces mesures. De fait, la durée moyenne de retenue des familles n'était en 2022 que de 25 heures 176 ( * ) .

Saisi de ces dispositions en 2018, le Conseil constitutionnel a jugé que le placement en rétention des mineurs était conforme à la Constitution car le législateur avait opéré une juste conciliation entre « d'une part, l'intérêt qui s'attache, pour le mineur, à ne pas être placé en rétention et, d'autre part, l'inconvénient d'être séparé de celui qu'il accompagne ou les exigences de la sauvegarde de l'ordre public » 177 ( * ) , qui n'est pas contraire au droit de mener une vie familiale normale, ni au principe selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire et les atteintes à cette liberté doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées.

Sans interdire par principe le placement des mineurs en rétention, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a pourtant condamné la France à plusieurs reprises jusque récemment 178 ( * ) , pour des raisons tenant aux conditions concrètes de rétention du mineur dans certains cas d'espèce : durée de rétention trop longue, inadaptation des locaux ou absence de prise en compte du bas âge.

La proposition faite en 2018 par le Sénat de plafonner la durée de rétention des mineurs accompagnant un étranger en rétention (à cinq jours) aurait probablement pu éviter cette condamnation de la CEDH, si elle n'avait pas été refusée à l'époque par le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale.

2. La commission a approuvé l'interdiction du placement des mineurs les plus jeunes en centre de rétention administrative, ce qui ne doit conférer aucune immunité aux adultes devant être éloignés

L'article 12 du projet de loi propose d' interdire le placement en centre de rétention administrative (CRA) des mineurs de seize ans .

Les rapporteurs ont pu constater que le nombre de placements de mineurs accompagnant un adulte en rétention était déjà très faible en métropole : 276 en 2019, puis 107 en 2022, ce qui représente environ 1 % du total de placements en rétention. Aucune statistique ne permet toutefois de distinguer les mineurs de seize ans de ceux âgés de seize à dix-huit ans.

Si le Gouvernement indique dans l'étude d'impact vouloir transcrire dans la loi les apports de la jurisprudence de la CEDH, il est apparu clairement lors des auditions et du déplacement des rapporteurs dans le Haut-Rhin qu'il s'agissait plutôt de tirer les conséquences des nouvelles instructions du ministre de l'intérieur en matière d'éloignement .

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer, a ainsi confirmé lors de son audition devant la commission des lois, prioriser le placement en CRA d'étrangers les plus susceptibles de troubler l'ordre public , considérant qu'« il vaut mieux concentrer nos moyens sur l'expulsion des étrangers délinquants en situation irrégulière plutôt que sur celle des étrangers en situation irrégulière qui ne sont pas délinquants » 179 ( * ) . Dans ces conditions, « nombre de places sont réservées aux familles alors qu'elles pourraient être libérées en faveur de délinquants étrangers, qui sont, à 98 %, des hommes » 180 ( * ) .

Le ministre a en outre indiqué à la commission qu'il n'y avait actuellement pas de mineurs en CRA en métropole, sur ses instructions.

Bien qu'il ne s'agisse pas d'une exigence constitutionnelle ni conventionnelle, la commission a approuvé le principe d'interdiction des mineurs de seize ans , au bénéfice d'un amendement rédactionnel COM-218 des rapporteurs, qui découle de la priorisation du placement en CRA des étrangers représentant une menace à l'ordre public .

Refusant toutefois de conférer une immunité absolue contre la rétention et l'éloignement à des étrangers adultes en situation irrégulière au seul motif qu'ils seraient accompagnés d'un enfant mineur , la commission rappelle que les familles pourront toujours, dans ce cas, être placées dans un local adapté de rétention administrative (LRA) pour une durée maximale de 48 heures et ce dans l'objectif d'éviter que les adultes ne se soustraient à leur éloignement.

La commission a adopté l'article 12 ainsi modifié .

Article 12 bis (nouveau)
Autoriser le refus d'octroi d'un contrat jeune majeur
à une personne faisant l'objet d'une OQTF

La possibilité de prolonger la prise en charge par l'ASE jusqu'à l'âge de 21 ans pour les jeunes majeurs les plus vulnérables introduite en 2022 engendre des difficultés d'application lorsque les intéressés font parallèlement l'objet d'une OQTF. Interprétant strictement cette nouvelle disposition, le juge des référés du Conseil d'État a ainsi enjoint des conseils départementaux à délivrer des « contrats jeunes majeurs » à des individus pourtant soumis à une mesure d'éloignement.

Cela place les départements dans une situation paradoxale où ils doivent agir pour l'insertion de personnes qui ont vocation à être éloignées . Pour y remédier, la commission a inscrit explicitement dans la loi, à l'initiative des rapporteurs et de Claudine Thomas, que la possibilité de conserver le bénéfice de l'ASE après l'accession à la majorité ne s'applique pas aux jeunes majeurs faisant l'objet d'une OQTF . Elle a adopté l'article 12 bis ainsi rédigé.

L'article 10 de la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a introduit la possibilité de maintenir postérieurement à l'acquisition de leur majorité et jusqu'à leurs 21 ans la prise en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE) d'individus « qui ne bénéficient pas de ressources ou d'un soutien familial suffisants (...), y compris lorsqu'ils ne bénéficient plus d'aucune prise en charge par l'aide sociale à l'enfance au moment de la décision ». Aux termes de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, cette prolongation de la prise en charge est de droit lorsque la condition d'absence de ressources et de soutien familial suffisant est satisfaite.

L'application de cette disposition a, en pratique, été source de difficultés pour les conseils départementaux . Considérant que l'émission d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) à l'encontre d'un jeune majeur est sans effet sur son droit à bénéficier du maintien du suivi par l'ASE, le juge des référés du Conseil d'État a en effet suspendu des décisions des conseils départementaux de refus d'octroi ou de retrait de « contrats jeunes majeurs » prises en conséquence de l'édiction parallèle d'une décision d'éloignement.

À titre d'exemple, le juge des référés du Conseil d'État a suspendu le 28 novembre 2022 181 ( * ) l'exécution de la décision de la présidente du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle mettant fin à la prolongation de la prise en charge par l'ASE d'une ressortissante angolaise de moins de 21 ans qui avait fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une OQTF du fait de son incapacité de justifier de son état civil. Il a par ailleurs enjoint le conseil départemental à lui proposer un contrat jeune majeur.

Cette décision est motivée de la manière suivante : « dès lors qu'il est constant que [l'intéressée] ne bénéficie d'aucun soutien familial ni d'aucune ressource ni d'aucune solution d'hébergement, [le département est] légalement tenu de poursuivre [sa] prise en charge. Si le département fait valoir que le refus de titre de séjour opposé à la jeune femme par le préfet de Meurthe-et-Moselle fait obstacle à toute perspective d'insertion sociale et professionnelle [...], de telles considérations, qui pouvaient être prises en compte dans le cadre du large pouvoir d'appréciation dont disposait auparavant le président du conseil départemental pour accorder ou maintenir la prise en charge d'un jeune majeur, ne sauraient suffire , pour l'application des dispositions du 5° de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles issues de la loi du 7 février 2022, à justifier la décision mettant fin à sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance ».

Les départements doivent donc composer avec des injonctions contradictoires, dès lors qu'ils sont tenus d'accorder le bénéfice de dispositifs d'accompagnement à des jeunes majeurs qui ont vocation à quitter le territoire national. La commission a considéré qu'il était logique que le prononcé d'une OQTF délie les conseils départementaux de leur obligation de prolonger la prise en charge de certains étrangers par l'ASE . Elle a adopté deux amendements identiques des rapporteurs ( COM-219 ) et de Claudine Thomas ( COM-64 ) précisant explicitement dans la loi que la possibilité de conserver le bénéfice de l'ASE jusqu'à 21 ans ne s'applique pas aux jeunes majeurs faisant l'objet d'une OQTF .

La commission a adopté l'article 12 bis ainsi rédigé .

CHAPITRE II
MIEUX TIRER LES CONSÉQUENCES DES ACTES
DES ÉTRANGERS EN MATIÈRE DE DROIT AU SÉJOUR

Article 13
Introduction de nouveaux critères encadrant les titres de séjour fondés
sur le respect des principes de la République,
l'absence de menace grave à l'ordre public ou la résidence habituelle
en France

L'article 13 tend à introduire trois mesures nouvelles en droit des étrangers. Il conditionne tout d'abord la délivrance de tout document de séjour au respect des principes de la République , et permet d'en fonder le retrait ou le refus de nouvellement. Il permet ensuite le retrait ou le refus de renouvellement d'une carte de résident en cas de menace grave à l'ordre public . Enfin, il conditionne le renouvellement des titres de long séjour à la résidence habituelle en France .

La commission a pleinement approuvé ces dispositions au bénéfice de l' adoption de quatre amendements à l'initiative des rapporteurs , dont l'un consacrant la création d'un « contrat d'engagement au respect des principes de la République ».

Elle a adopté l'article ainsi modifié .

1. L'adhésion aux principes de la République comme condition de délivrance d'un document de séjour et fondement possible à son retrait ou au refus de son renouvellement

1.1 Le droit des étrangers ne fait aujourd'hui référence que de manière parcellaire aux principes de la République

Le projet de loi s'inspire ici d'une idée proposée par le Sénat à l'initiative de Roger Karoutchi dans le projet de loi confortant le respect des principes de la République . Le dispositif adopté tendait alors à subordonner le séjour d'un étranger en France à l'absence de manifestation d'un « rejet des principes de la République ». Il a été censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août 2021 qui l'a jugé contraire à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. En effet, selon lui, « s'il est loisible au législateur de prévoir des mesures de police administrative à cette fin, il n'a pas, en faisant référence aux "principes de la République", sans autre précision, et en se bornant à exiger que la personne étrangère ait "manifesté un rejet" de ces principes, adopté des dispositions permettant de déterminer avec suffisamment de précision les comportements justifiant le refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour ou le retrait d'un tel titre » 182 ( * ) .

Le droit des étrangers ne fait aujourd'hui référence aux principes de la République en matière de droit au séjour que de manière parcellaire .

Ainsi, aux termes de article L. 413-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), l'étranger qui conclut avec l'État un contrat d'intégration républicaine s'engage « à respecter les valeurs et principes de la République », sans toutefois que leur non-respect ne soit sanctionné.

Par ailleurs, l'obtention d'une carte de séjour pluriannuelle est admise si l'étranger « n'a pas manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République » (article L. 433-4 Ceseda), tandis que la première délivrance d'une carte de résident, permanente ou non, est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, « appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française , [et] du respect effectif de ses principes » (article L. 413-7 du Ceseda).

Pour autant, l'étude d'impact indique, dans le cas d'une carte de séjour pluriannuelle 183 ( * ) , que ce fondement juridique est trop faible pour justifier à lui seul un refus de délivrance , ce qui vaudrait, a fortiori , pour une carte de résident. Le refus de signer l'acte d'engagement à respecter les principes de la République, qui prend en réalité la forme d'une simple déclaration sur l'honneur, se traduit par une absence de délivrance pour dossier incomplet et non pour rejet des principes de la République. Il n'est d'ailleurs pas certain que toutes ces dispositions soient conformes à la Constitution (notamment celles sur les CSP), compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-823 DC du 13 août 2021.

La situation est un peu différente pour le regroupement familial , puisque le Conseil constitutionnel a validé la condition selon laquelle le regroupant « se conforme aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil » (article L. 434-7 du Ceseda) 184 ( * ) .

1.2 Le projet de loi tend à donner un fondement juridique plus solide à ces principes en matière de séjour

Souhaitant donner un fondement juridique plus solide à l'adhésion aux principes de la République en matière de séjour tout en tenant compte des exigences constitutionnelles qui viennent d'être rappelées , l'article 13 du projet de loi tend à conditionner la délivrance de tout document de séjour au respect de principes de la République , limitativement énumérés dans un nouvel article L. 412-7 du Ceseda : « la liberté personnelle, la liberté d'expression et de conscience, l'égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République au sens de l'article 2 de la Constitution et à ne pas se prévaloir de ses croyances ou convictions pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers ».

L'autorité administrative ne pourrait délivrer - il s'agirait d'une compétence liée - un document de séjour à un étranger qui refuse de s'engager au respect des principes de la République ou dont le comportement manifeste un rejet de ces principes (article L. 412-8 nouveau du CESEDA). Elle pourrait ensuite - il s'agirait donc d'une compétence discrétionnaire - retirer le titre ou refuser son renouvellement sur le même fondement (articles L. 412-9 et 412-10 nouveaux du Ceseda).

L' atteinte aux principes de la République serait caractérisée par deux critères cumulatifs : sa gravité et l'existence « d'agissements délibérés de l'étranger troublant l'ordre public », l'atteinte aux « droits et libertés d'autrui » faisant l'objet d'un examen particulier.

L'objectif de la mesure est, toujours selon l'étude d'impact 185 ( * ) , de : « permettre aux préfets de tenir compte de la situation des étrangers en considérant leur seul comportement , ou leurs pratiques, sans nécessairement se fonder sur la menace à l'ordre public ou des infractions pénales, au demeurant, limitativement énumérées par la loi ». La limite entre le « trouble » à l'ordre public » exigé par le projet de loi et la « menace » qui permet déjà dans certains cas un refus ou un retrait de titre est ténue, mais a vocation à permettre de sanctionner des comportements qui ne peuvent aujourd'hui justifier un retrait de titre.

Considérant que l'atteinte portée aux droits de l'étranger est plus grande pour le retrait ou le refus de renouvellement d'une carte de séjour pluriannuelle ou d'une carte de résident, le dispositif proposé est davantage encadré : l'autorité administrative devrait prendre en compte la durée du séjour en France de l'étranger et se fonder sur un manquement caractérisé et réitéré troublant l'ordre public. L'autorité administrative exercera alors un contrôle classique de proportionnalité entre le risque d'atteinte à l'ordre public et la nécessité de protéger la vie familiale de l'étranger.

Outre les ressortissants dont la situation est régie par des accords internationaux spécifiques (accord franco-algérien du 27 décembre 1968, par exemple) qui ne seraient pas formellement soumis à ce nouveau dispositif , les bénéficiaires d'une protection internationale ou les étrangers protégés d'une OQTF ne pourraient se voir retirer ou refuser le renouvellement d'un titre sur ce fondement.

Considérant qu'il s'agit toutefois, comme l'a très justement relevé le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi 186 ( * ) , d'un dispositif « qui n'a pas d'autre effet que d'obliger l'étranger à s'engager à respecter des principes et règles qui s'imposent à tous indépendamment de tout engagement », il a vocation à s'appliquer à tous .

Dans sa décision du 13 août 2021, le Conseil constitutionnel rappelle qu' « aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur
constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et
absolu d'accès et de séjour sur le territoire national »
et que les conditions l'entrée et du séjour des étrangers « peuvent être restreintes par des mesures de police administrative conférant à l'autorité publique des pouvoirs étendus et reposant sur des règles spécifiques ».

Dès lors que le dispositif proposé par le projet de loi est suffisamment clair et précis , il ne paraît pas soulever de difficulté constitutionnelle ni conventionnelle , puisque la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) admet la possibilité pour un État de refuser le séjour d'un étranger dont le comportement est contraire à l'ordre public et aux valeurs et principes fondamentaux de cet État 187 ( * ) .

1.3 La commission a pleinement souscrit à ce dispositif en consacrant un « contrat d'engagement au respect des principes de la République ».

Partageant pleinement l'objet de ce dispositif, la commission a formalisé cet engagement en créant, par l'adoption de l' amendement COM-220 des rapporteurs, un « contrat d'engagement au respect des principes de la République » auquel souscrirait l'étranger.

Elle a également, par cohérence, supprimé par l' amendement COM-221 des rapporteurs les références aux principes de la République aujourd'hui mentionnés pour la délivrance de certains titres (carte de séjour pluriannuelle ou carte de résident), qui deviennent surabondantes avec le nouveau contrat d'engagement au respect des principes de la République auquel tout étranger demandant ou disposant d'un document de séjour serait soumis.

Dans le même esprit, la commission a supprimé une précision redondante sur le refus de renouvellement d'une carte de résident pour non-respect des principes de la République, déjà prévu aux articles L. 412-9 et 412-10. De plus, le projet de loi ne faisait pas la coordination pour les autres titres ou documents de séjour pourtant concernés, ce qui pourrait créer des a contrario .

Enfin, la commission a supprimé , par l'amendement COM-222 des rapporteurs, l'avis conforme de la commission du titre de séjour , prévu par le projet de loi lorsque cet avis est défavorable à la décision du préfet de retrait ou de refus de renouvellement d'une carte de résident sur le fondement du non-respect des principes de la République. La commission y a substitué un avis simple : le préfet doit rester maître de sa décision , dont il ne s'agit pas de reporter la responsabilité sur les élus locaux ou personnalités qualifiées qui composent cette commission.

2. Le retrait ou le refus de renouvellement d'une carte de résident en cas de menace grave à l'ordre public

2.1 Les hypothèses de retrait ou de refus de renouvellement d'une carte de résident sont aujourd'hui trop restreintes

L'article 13 tend en deuxième lieu à permettre le retrait et le non-renouvellement d'une carte de résident en cas de « menace grave pour l'ordre public ».

Alors que la délivrance d'une carte de résident peut faire l'objet d'un refus en cas de menace à l'ordre public (L. 432-1 du Ceseda), son retrait n'est aujourd'hui possible que dans certaines hypothèses restreintes :

- pour les conjoints d'étranger vivant en France en état de polygamie (article L. 432-10 renvoyant au L. 432-3 du Ceseda) ;

- pour les étrangers condamnés pour violences ayant entrainé une mutilation ou une infirmité permanente sur un mineur de quinze ans (article L. 432-10 renvoyant au L. 432-3 du Ceseda) ;

- pour les étrangers employeurs sans titre d'un travailleur étranger (article L. 432-11 du Ceseda) ;

- ou pour les étrangers condamnés pour diverses infractions pénales (article L. 432-12 du Ceseda).

D'après le ministère de l'intérieur, 1 986 cartes de résident ont été retirées sur l'un de ces fondements entre le 1 er octobre 2020 et le 31 décembre 2022.

Les autres titres de séjour , comme la carte de séjour pluriannuelle par exemple, peuvent être retirés ou ne pas être renouvelés en cas de menace à l'ordre public (articles L. 412-5 et L. 432-1 du Ceseda).

De même, la carte de résident est renouvelable de plein droit, sauf en cas de polygamie et de condamnation pour violences ayant entrainé une mutilation ou une infirmité permanente sur un mineur de quinze ans (article L. 433-2 renvoyant à l'article L. 432-3 du CESEDA).

Il n'existe donc aucune réserve générale d'ordre public pour le retrait ou le refus de renouvellement d'une carte de résident .

2.2 Le projet de loi tend donc opportunément à permettre à l'autorité administrative d'émettre une réserve d'ordre public en cas de menace grave

L'article 13 du projet de loi tend donc à combler ce vide juridique en permettant à l'autorité administrative (qui aurait donc une compétence discrétionnaire) de retirer ou refuser le renouvellement d'une carte de résident en cas de menace grave pour l'ordre public .

Le Conseil constitutionnel a déjà jugé qu'une « simple menace pour l'ordre public ne saurait suffire à fonder un refus de renouvellement de ce titre de séjour sans atteintes excessives au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale et privée alors qu'à tout moment la préservation de l'ordre public permet à l'autorité administrative, en cas de menace grave, de prononcer son expulsion » 188 ( * ) .

Il est donc possible d'analyser, par a contrario , que la gravité de la menace exigée par le projet de loi permet de rendre proportionnée la mesure proposée. Par ailleurs, avant de prononcer une telle décision défavorable à l'étranger, outre une procédure contradictoire, l'autorité administrative exercerait un contrôle classique de proportionnalité entre le risque d'atteinte à l'ordre public et la nécessité de protéger la vie familiale de l'étranger, la CEDH admettant les refus de séjour en cas de contrariété à l'ordre public d'un État, sous réserve d'un tel contrôle de proportionnalité.

Du reste, le principe de l'article L. 432-12 du Ceseda maintenu par le projet de loi permet à l'étranger protégé contre une expulsion qui verrait sa carte de résident retirée pour menace grave à l'ordre public de ne pas être en situation irrégulière : sa carte de résident serait dégradée en carte de séjour temporaire vie privée et familiale.

La commission a donc approuvé ces dispositions .

Au demeurant, les rapporteurs seront attentifs à la décision du Conseil constitutionnel sur la QPC n° 2013-1048 du 28 février 2023 relative à l'article L. 426-4 du Ceseda qui subordonne aujourd'hui la délivrance d'une carte de résident permanent , de droit dès le deuxième renouvellement d'une carte de résident, à l'absence de menace - simple - pour l'ordre public .

3. Le refus de renouvellement d'une carte de résident ou d'une carte de séjour pluriannuelle pour défaut de résidence habituelle en France

L'article 13 tend, en dernier lieu, à conditionner le renouvellement de ces titres de séjour de longue durée à la présence effective sur le territoire national.

D'après le ministère de l'intérieur, 2,77 millions d'étrangers disposaient en 2021 d'une carte de séjour pluriannuelle ou d'une carte de résident. Seraient considérées par le projet de loi comme remplissant ce critère les personnes ayant séjourné en France pendant au moins six mois chaque année pendant les trois dernières années précédant le dépôt de la demande de renouvellement et y ayant « transféré le centre de leurs intérêts privés et familiaux » .

En 1997 189 ( * ) , le législateur avait souhaité revenir sur le caractère automatique du renouvellement de ces titres de séjour en cas d'absence du territoire pendant plus de trois ans. Cette mesure a été abrogée en 1998 190 ( * ) et jamais réintroduite depuis, mais elle n'avait pas fait l'objet de griefs devant le Conseil constitutionnel.

Le Gouvernement justifie cette mesure dans l'étude d'impact par la double nécessité de favoriser l'intégration de l'étranger et de lutter contre les avantages indus conférés par la détention d'un titre de long séjour 191 ( * ) .

Cette réserve connaîtrait toutefois plusieurs exceptions : les résidents de longue durée de l'Union européenne - déjà soumis à des conditions de résidence spéciales, mais aussi les bénéficiaires de la protection internationale et leur famille, les titulaires d'une carte de séjour pluriannuelle passeport-talent, étudiant mobilité et travailleur saisonnier.

La commission a pleinement approuvé ces dispositions : il lui a semblé totalement normal qu'un étranger qui souhaite un titre de séjour de longue durée en France y réside réellement. Elle a néanmoins adopté un amendement COM-223 de clarification des rapporteurs, créant un article L. 433-3-1 nouveau du Ceseda qui définirait dans une disposition unique la notion de résidence habituelle, en reprenant les termes proposés par le Gouvernement.

La commission a adopté l'article 13 ainsi modifié .

TITRE II BIS
AGIR POUR LA MISE EN oeUVRE EFFECTIVE
DES DÉCISIONS D'ÉLOIGNEMENT
(Nouveau)

Article 14 A (nouveau)
Restrictions à la délivrance de visas et conditionnalité de l'aide
au développement envers les États peu coopératifs en matière migratoire

Considérant qu'il n'est pas tolérable que l'absence de coopération de certains États en matière de délivrance de laissez-passer consulaires n'emporte aucune conséquence, la commission a inscrit explicitement dans la loi , à l'initiative des rapporteurs, la possibilité de moduler l'aide au développement qui leur est attribuée et de restreindre la délivrance de visas long-séjour à l'encontre de leurs ressortissants.

La commission a adopté l'article 14 A ainsi rédigé.

Parmi les nombreux obstacles à l'exécution des décisions d'éloignement, la question de l'obtention de laissez-passer consulaires de la part des États d'origine est sans nul doute la plus épineuse. Cette problématique est identifiée de longue date et le rapport d'information de la commission des lois de mai 2022 « Services de l'État et immigration : retrouver sens et efficacité » soulignait déjà que « le faible taux de reconnaissance consulaire et de délivrance des laissez-passer consulaires par certains États d'origine dans les délais [était] une explication majeure du faible taux d'exécution des OQTF ». Pour rappel, celui-ci atteint aujourd'hui 6,9 %, alors même qu'il dépassait les 20 % - ce qui est à peine plus satisfaisant - il y a moins de dix ans 192 ( * ) .

À titre d'illustration, le volume global de demandes de laissez-passer consulaires s'élevait en 2021 à 5 474 (+ 16,8 % par rapport à l'année précédente), pour un taux de délivrance dans les délais de 53,7 % . Ce taux tend à se dégrader sur la période récente, avec une diminution de 2,2 points par rapport à 2020 et, surtout, de 13,4 points par rapport à 2019 et à la période antérieure à la pandémie de la Covid-19 193 ( * ) . Il s'agit par ailleurs d'un taux moyen qui masque d'importantes inégalités entre les États d'origine dont certains sont notoirement très peu coopératifs , en particulier les trois États du Maghreb.

Ce déficit de coopération a conduit le Gouvernement français à mettre en place, à partir de septembre 2021, des restrictions à la délivrance de visas à l'encontre de ces trois États , de l'ordre de 50 % pour le Maroc et l'Algérie et de 30 % pour la Tunisie. Cette mesure mettait en oeuvre une proposition défendue de longue date par le Sénat, qui estime que l'amélioration de la coopération en matière de lutte contre l'immigration irrégulière suppose l'établissement d'un rapport de force sans ambiguïté avec les États récalcitrants . Au cours de leurs travaux budgétaires de l'automne, les rapporteurs ont par ailleurs pu constater que ces restrictions avaient eu un certain succès . Dans leur avis budgétaire sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances pour 2023, ils relevaient ainsi que : « Les restrictions de visas décidées en 2021 combinées à un intense dialogue diplomatique [avaient] produit des résultats en termes de délivrance de laissez-passer consulaires et de retours. Les volumes [restaient] modestes mais la dynamique significative : le nombre de retours forcés vers l'Algérie [avaient ainsi] été multiplié par 16 en un moins d'un an (34 en 2021 contre 557 au 13 octobre 2022) ».

Dans ce contexte, la commission a entendu donner une véritable assise législative à cette politique de restriction des visas dont elle estime qu'elle a été trop vite abandonnée par le Gouvernement 194 ( * ) . Reprenant un amendement déjà adopté lors de l'examen de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie du 11 septembre 2018 195 ( * ) , l' amendement COM-226 des rapporteurs autorise ainsi explicitement la restriction de la délivrance des visas long-séjour mentionnés à l'article L. 312-2 du Ceseda à l'encontre des ressortissants « d'un État délivrant un nombre particulièrement faible de laissez-passer consulaires ou ne respectant pas les stipulations d'un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires ».

Si l'administration peut déjà dans une certaine mesure utiliser sa marge d'appréciation dans l'instruction des demandes à des fins diplomatiques, la commission estime que la consécration de ce principe sécurisera cette pratique et apportera un levier de négociation supplémentaire au Gouvernement dans le dialogue bilatéral . Du reste, la commission ne peut que plaider pour un recours accru au levier « visa-réadmission » au niveau européen.

Consciente que la coopération diplomatique ne se résume pas à la question des laissez-passer consulaires, la commission a par ailleurs souhaité aller plus loin en intégrant explicitement l'objectif de lutte contre l'immigration irrégulière dans l'action de la France en matière d'aide publique au développement . Elle a modifié en ce sens l'article 1 er de la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, ouvrant la voie à une possible modulation des aides accordées aux pays peu coopératifs en matière de délivrance de laissez-passer consulaires. Il n'est de fait pas tolérable que des États refusant toute coopération en matière de retours puissent bénéficier des aides accordées par la France sans aucune restriction .

La commission a par ailleurs relevé avec satisfaction le changement d'état d'esprit du Gouvernement sur ces deux propositions qu'elle défend de longue date. Au cours de son audition par la commission des lois le 28 février 2023, le ministre de l'intérieur a ainsi considéré que l'inscription dans la loi du principe des restrictions de visas et de la modulation de l'aide au développement « serait un levier de négociation appréciable ».

La commission a adopté l'article 14 A ainsi rédigé .

Article 14 B (nouveau)
Information des organismes de sécurité sociale et de Pôle emploi
des décisions d'OQTF et obligation de radiation une fois la décision devenue définitive

L'article 14 B issu d'un amendement des rapporteurs tend à prévoir l'obligation pour les préfets d'informer les organismes de sécurité sociale et Pôle emploi d'une OQTF.

La commission a adopté l'article 14 B ainsi rédigé.

La perception des prestations sociales est soumise à une condition de régularité du séjour. Elles doivent donc être suspendues dès lors qu'une obligation de quitter le territoire français a été prononcée. Il en est de même pour les allocations chômage. Il est cependant apparu à l'occasion des auditions conduites par les rapporteurs que le défaut d'information de Pôle emploi conduisait parfois au maintien des allocations alors que celles-ci ne sont plus dues.

Afin de remédier à ces situations, le présent article issu de l' amendement COM-225 des rapporteurs tend à insérer dans la partie du Ceseda relative à l'exécution des décisions d'éloignement un nouvel article L. 700-3 afin que le représentant de l'État dans le département informe sans délai les organismes de sécurité sociale et Pôle emploi lorsqu'il prend une décision d'éloignement .

À l'expiration du délai de recours contre la décision d'éloignement ou, le cas échéant, lorsqu'une demande d'annulation de cette mesure a été définitivement rejetée par la juridiction administrative, ces organismes pourront ainsi procéder à la radiation de l'assuré.

La commission a adopté l'article 14 B ainsi rédigé .

Article 14 C (nouveau)
Extension de la durée maximale d'assignation à résidence

L'article 14 C, issu d'un amendement d'Alain Cadec, propose d'étendre de 90 à 135 jours la durée maximale de l'assignation à résidence d'un étranger faisant l'objet d'une OQTF dont l'exécution demeure une perspective raisonnable.

La commission a adopté l'article 14 C ainsi rédigé.

L'article L. 732-3 du Ceseda prévoit que l'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 aux fins d'exécution de l'éloignement peut être réitérée une fois. L'étranger est ainsi assigné à résidence pour 45 jours renouvelable une fois, soit un maximum de 90 jours.

Le présent article, issu de l'adoption de l' amendement COM-137 rect bis propose de permettre un nouveau renouvellement de 45 jours. Ce temps d'assignation supplémentaire serait de nature à favoriser l'exécution des éloignements, en particulier lorsque l'obtention d'un laissez-passer consulaire pose des difficultés.

En outre, il ne semble se heurter à aucun problème de constitutionnalité. Dans sa décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, le Conseil constitutionnel a rappelé que l'assignation à résidence ne méconnaissait ni la liberté individuelle ni celle d'aller et de venir. En effet, elle ne comprend « aucune privation de la liberté individuelle » et parce qu'elle est « placée sous le contrôle du juge administratif, qui en apprécie la nécessité, [elle] ne porte pas d'atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir ».

La commission estime que cette possibilité de prolongation de l'assignation à résidence est proportionnée par rapport à l'objectif d'éloignement poursuivi.

La commission a adopté l'article 14 C ainsi rédigé .

TITRE III
SANCTIONNER L'EXPLOITATION DES MIGRANTS
ET CONTRÔLER LES FRONTIÈRES

Article 14
Criminaliser la facilitation en bande organisée de l'entrée et du séjour d'étrangers en situation irrégulière

L'article 14 entend renforcer de deux manières les sanctions contre les réseaux qui facilitent l'entrée et le séjour irréguliers d'étrangers. Il augmente d'abord le quantum de peines lorsque la circonstance aggravante de bande organisée est réunie avec celle de mise en danger de la vie des étrangers. Il prévoit ensuite une peine spécifique pour les têtes de réseaux de « passeurs ». Dans les deux cas, les infractions sont réprimées comme des crimes.

La commission a adopté cet article en le complétant pour prévoir une aggravation des peines dans tous les cas où l'infraction, commise en bande organisée, remplit également l'une des circonstances aggravantes prévues à l'article L. 823-3 du Ceseda.

1. Une pression accrue des réseaux de « passeurs » et des enjeux tant nationaux qu'internationaux pour la France

L'article L. 823-1 du Ceseda réprime de cinq ans de prison et de 30 000 euros d'amende le fait, pour toute personne, de faciliter ou de tenter de faciliter, par aide directe ou indirecte, l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger en France. L'article L. 823-2 prévoit la même sanction pour les infractions destinées à faciliter l'entrée ou la circulation illégale sur le territoire d'un État signataire des accords de Schengen ou du protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer additionnel à la convention de Palerme contre la criminalité organisée.

Ces articles ne visent que les actions individuelles des personnes. L'article L. 823-3 prévoit cinq circonstances aggravantes. La réalisation de l'une d'entre elles porte les peines à dix ans d'emprisonnement et 750 000 euros d'amende. La première de ces circonstances est la commission de l'infraction en bande organisée. Même aggravée l'infraction reste un délit.

1.1. Le développement des réseaux de « passeurs » entraîne la nécessité d'une répression accrue de cette forme de criminalité organisée

Comme l'indique l'étude d'impact, plus de 300 filières d'immigration clandestines sont démantelées en France chaque année depuis 2017. Malgré la mise en place de moyens dédiés, dont un office de police judiciaire, l'Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (OLTIM) 196 ( * ) , le phénomène ne se réduit pas, voire augmente en intensité sur certaines parties du territoire. En 2022, ce sont 325 filières qui ont été démantelées en France. Les modalités d'action de ces réseaux sont diverses pour permettre l'entrée irrégulière en France. Si certaines ont d'abord pour but l'aide à l'entrée et au séjour, fournissant contre contrepartie des moyens de transports et de passage en fraude des frontières voire d'hébergement, d'autres organisent la fraude documentaire et à l'identité, le travail illégal voire des reconnaissances indues d'enfant ou des mariages de complaisance.

L'Office international pour les migrations, qui fait partie du système des Nations Unies, estime que « les passeurs de migrants font désormais partie intégrante du périple de migration irrégulière, et les réseaux criminels profitent largement de cette situation ». La lutte contre les filières illégales en France s'inscrit dans le cadre d'instruments internationaux et de négociations multilatérales. Dans le cadre des Nations Unies, un protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention contre la criminalité transnationale organisée, a été négocié, puis adopté par l'Assemblée générale à New York le 15 novembre 2000, ouvert à signature et signé par la France à Palerme le 12 décembre 2000. Plus récemment, le G7 réuni en avril 2019 en France a inscrit parmi ses sessions de travail la lutte contre les réseaux de passeurs de migrants. En matière policière, Interpol Réseau dispose d'un réseau opérationnel de spécialistes de la lutte contre le trafic de migrants.

1.2. La nécessité de lutter contre l'immigration vers le Royaume-Uni passant par le territoire français

La situation dans le Nord de la France, particulièrement dans la région de Calais, liée à la présence de migrants cherchant à traverser la Manche pour atteindre le Royaume-Uni est pour une large part la conséquence de l'action des réseaux criminels d'immigration illégale. Ce sont les réseaux qui mettent en danger la vie des étrangers en leur fournissant des embarcations inadaptées à la traversée, navires de fortune connus sous le nom de « small boats », pour se lancer en mer dans l'espoir d'être secourus par la marine britannique ou d'arriver jusqu'aux côtes.

La multiplication des événements tragiques récents liés à ces traversées est le pendant du fait que le nombre de migrants accostant au Royaume-Uni n'a jamais été aussi important, avec près de 17 000 arrivées de plus en 2022 qu'en 2021.

Au-delà d'une gestion de la présence des « migrants » sur le sol français et de la gestion de la relation avec le Royaume-Uni, une action sur les causes est nécessaire.

2. Criminaliser l'action des réseaux et cibler les donneurs d'ordres

L'article 8 entend criminaliser l'action des réseaux en complétant l'article L. 823-3 du Ceseda par deux mesures.

La première tend à porter à quinze ans de réclusion criminelle et 1 000 000 d'euros d'amende la peine encourue lorsque les infractions d'aide directe ou indirecte à l'entrée à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger prévues par les articles L. 823-1 et L. 823-2 sont commises en bande organisée et dans des circonstances qui exposent directement les étrangers à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente. Le fait de fournir une embarcation inadaptée à la traversée de la Manche constituerait en soi une mise en danger immédiat.

La seconde tend à la création d'une infraction spécifique de direction ou d'organisation d'un groupement ayant pour objet la commission des infractions définies aux articles L. 823-1 et L. 823-2 est puni de vingt ans de réclusion criminelle et de 1 500 000 euros d'amende. Sont explicitement exonérées de cette peine les personnes physiques ou morales qui ont agi sans aucune contrepartie directe ou indirecte et fourni une aide apportée dans un but exclusivement humanitaire, comme le prévoit l'article L. 823-9 du Ceseda.

Le niveau des peines, qui font des infractions prévues par l'article 8 des crimes, conduit à une coordination avec l'article 706-73 du code de procédure pénale, relatif à la procédure applicable à la criminalité organisée.

3. La position de la commission : aller au bout de la logique

La commission des lois approuve la volonté de mieux réprimer les réseaux de passeurs et ceux qui sont à leur tête . Elle note toutefois la difficulté que pose l'augmentation des quanta de prison et d'amende au regard de la nécessité de conserver une échelle des peines qui corresponde à une gradation dans les infractions. Ainsi la sanction des têtes de réseaux de passeurs exposerait les auteurs aux mêmes peines de prison que les membres d'une bande organisée de traite des êtres humains. Le montant des amendes diffère cependant (1 500 000 euros pour la peine prévue à l'article 8, contre 3 000 000 pour celle prévue à l'article 225-4-3 du code pénal). Or les deux infractions ne sont pas de même nature au regard de la dignité des victimes et la traite des êtres humains appelle des sanctions renforcées. Le droit reconnaît l'existence de motifs familiaux et humanitaires 197 ( * ) fondant l'aide à la circulation ou au séjour de personnes qui se trouvent illégalement sur le territoire. Des exonérations de peines sont prévues dans de tels cas par l'article L. 823-9 du Ceseda. Tel ne peut jamais être le cas pour les réseaux de traite des êtres humains. Le nivellement par le haut des peines encourues nuit à la lisibilité du droit pénal.

Il a paru à la commission nécessaire d'aller au bout de la logique de répression des réseaux de passeurs . Elle a donc adopté l'amendement COM-229 des rapporteurs en prévoyant des peines renforcées dès lors qu'une action est menée en bande organisée et remplit une autre des conditions prévues par l'article L. 823-3 du Ceseda.

Seront ainsi pris en compte non seulement la mise en danger mais aussi notamment l'atteinte à la dignité, l'usage frauduleux de documents de circulation dans un aéroport ou un port et le fait de séparer les mineurs de leur famille.

Dans un souci de clarification, la commission a également adopté l'amendement COM-228 des rapporteurs. La rédaction proposée pour l'article 8 aurait en effet eu pour conséquence d'élargir l'exonération de poursuites prévue par l'article L. 823-9 au-delà de son périmètre actuel qui se limite à « l'aide à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger ».

Or l'article 14 entend criminaliser le fait de diriger des réseaux dont le but est d'abord de faciliter l'entrée irrégulière sur le territoire national.

Par ailleurs, il a paru plus lisible de prévoir la nouvelle infraction destinée à réprimer les têtes de réseau dans un article spécifique du code plutôt que de l'intégrer parmi les circonstances aggravantes prévues à l'article L. 823-3. En conséquence celles-ci est intégrée à un nouvel article L. 823-3-1 du code.

La commission a adopté l'article 14 ainsi modifié .

Article 15
Durcir les sanctions contre l'habitat indigne

L'article 15 tend à compléter le code de la construction et de l'habitation afin de créer une circonstance aggravante lorsqu'une personne vulnérable réside dans un bâtiment dont le propriétaire refuse de procéder aux travaux de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité.

La commission a adopté cet article sans modification.

1. Une lutte ancienne et nécessaire contre les « marchands de sommeil »

En 2006, la commission d'enquête sénatoriale sur l'immigration illégale 198 ( * ) constatait déjà la nécessité « [p]our réduire l'attractivité du territoire national pour l'immigration clandestine, (...) de compléter la lutte contre le travail illégal par une action résolue contre l'habitat indigne et insalubre, trop souvent utilisé par des propriétaires sans scrupules pour héberger des étrangers en situation irrégulière ». Elle préconisait de systématiser les poursuites pénales contre les « marchands de sommeil ».

La lutte contre l'habitat indigne est un objectif affiché des politiques publiques et a fait l'objet de plusieurs lois 199 ( * ) . L'article 1-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 « visant à la mise en oeuvre du droit au logement », en donne la définition suivante : « constituent un habitat indigne les locaux ou les installations utilisés aux fins d'habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l'état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé . » Cette notion, juridique, est un élément constitutif de celle, commune, de « marchand de sommeil », que le site internet du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires définit de la manière suivante : « Un marchand de sommeil, c'est un propriétaire qui abuse de ses locataires en louant très cher un logement indigne, les mettant directement en danger : insalubrité, suroccupation organisée, division abusive de pavillons, etc. » 200 ( * ) .

L'autorité compétente pour exercer le pouvoir de police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations est fixée par l'article L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation. C'est à elle qu'il appartient de prendre si nécessaire un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité. Le refus non fondé de procéder aux travaux et mesures prescrits fait l'objet de sanctions pénales prévues à l'article L. 511-22 du même code.

La situation d'insalubrité ou d'insécurité entraîne notamment l'obligation de relogement de l'occupant disposant d'un droit réel et l'interdiction de la perception de loyers. La tentative par le propriétaire de faire renoncer l'occupant à ces droits entraîne également des sanctions pénales. Celles-ci sont prévues par l'article L. 521-4 du code.

2. La reconnaissance des ressortissants étrangers en situation irrégulière comme personnes vulnérables.

L'article 15 propose de compléter les sanctions pénales prévues aux articles L. 511-22 et L. 521-4 du code de la construction et de l'habitation par une circonstance aggravante lorsque les faits sont commis alors que l'occupant est une personne vulnérable, notamment un ressortissant étranger en situation irrégulière au sens du Ceseda.

Il s'agit donc d'aggraver les peines lorsque les victimes sont des personnes vulnérables, notion connue du droit civil et auquel le droit pénal fait régulièrement référence, dans tous les cas pour prévoir une protection renforcée les concernant. Plus innovante du point de vue juridique est l'inclusion dans cette catégorie des étrangers en situation irrégulière, dont il est précisé qu'ils font « notamment » partie des personnes vulnérables. Ni le simple fait d'être étranger, ni la situation d'irrégularité n'ont jusqu'à présent été considérés comme constituant une situation de vulnérabilité. Une condition supplémentaire, la minorité ou l'état de santé ont jusqu'à présent été nécessaires pour caractériser cet état.

De fait, cependant, les personnes étrangères en situation irrégulière sont dans une situation d'une particulière fragilité au regard de l'hébergement, puisque même si elles ne disposent que de faibles ressources elles ne peuvent prétendre à aucun logement social. L'exploitation du besoin de logement de ces personnes est une des nombreuses sources de revenus illicites liées à l'immigration illégale. La commission des lois ne considère donc pas illégitime la qualification des étrangers en situation irrégulière comme étant des personnes vulnérables. Surtout, l'aggravation des peines prévues quand la victime est une personne vulnérable permet de marquer la détermination des pouvoirs publics à lutter contre l'habitat indigne et contre l'immigration illégale.

La commission a adopté l'article 15 sans modification .

Article 16
Obligation de contrôle par les transporteurs de l'autorisation de voyage prévue par le règlement UE 2018/1240
et sanction par une amende administrative

L'article 16 prévoit l'obligation pour les transporteurs de contrôler les autorisations de voyage des étrangers non soumis à l'obligation d'obtenir un visa. Le manquement à cette obligation est sanctionné d'une amende de 10 000 euros.

La commission a adopté cet article sans modification.

1. Une obligation issue du droit européen

Les autorités frontalières aux frontières extérieures de l'espace Schengen ne disposent pour l'heure d'aucune information sur les voyageurs exemptés de l'obligation d'être en possession d'un visa lors du franchissement des frontières extérieures. Cette lacune crée un risque tant en matière de sécurité que pour le contrôle de l'immigration illégale.

En conséquence, sur le modèle adopté par les États-Unis 201 ( * ) , le règlement UE 2018/1240 du Parlement européen et du Conseil du 12 septembre 2018 portant création d'un système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS) prévoit que les étrangers, nationaux d'un pays tiers non soumis à visa , qui souhaitent se rendre dans l'Union européenne, devront obtenir une autorisation de voyage .

Le 8 août 2022, la Commission européenne a adopté le règlement d'exécution (UE) 2022/1380 établissant les règles et conditions applicables aux interrogations de vérification lancées par les transporteurs, les dispositions relatives à la protection et à la sécurité des données pour le dispositif d'authentification des transporteurs, ainsi que les procédures de secours en cas d'impossibilité technique et abrogeant le règlement d'exécution (UE) 2021/1217. Celui-ci définit notamment les règles applicables aux transporteurs dans le cadre de l'utilisation du portail dématérialisé de contrôle mis en place. Obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans les États membres, il est entré en vigueur le 28 août 2022 .

Toutefois, le système ETIAS n'est pas encore opérationnel . Il devrait le devenir en novembre 2023 . À titre subsidiaire, l'article 83 du règlement (UE) 2018/1240 prévoit l'existence d'une période transitoire de six mois à compter de la date de mise en service d'ETIAS, renouvelable à deux reprises par la Commission européenne. Durant cette période, « l'utilisation de celui-ci est facultative et l'obligation d'être en possession d'une autorisation de voyage en cours de validité ne s'applique pas. »

Le règlement (UE) 2018/1240 prévoit l'obligation pour les transporteurs de contrôler ce document . Conformément à l'article 3 du règlement d'exécution (UE) 2022/1380 du 8 août 2022, ils devront lancer une interrogation de vérification par le biais d'un portail dénommé « interface des transporteurs » au plus tôt 48 heures avant l'heure de départ prévue.

Les paragraphes 5 et 6 de l'article 45 du règlement (UE) 2018/1240 traitent des sanctions applicables aux transporteurs. Il renvoie pour leur détermination à l'article 4 de la directive 2001/51/CE du Conseil du 28 juin 2001 202 ( * ) qui précise la nature des sanctions applicables :

« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les sanctions applicables aux transporteurs en vertu de l'article 26, paragraphes 2 et 3, de la convention de Schengen sont dissuasives, effectives et proportionnelles et que :

« a) soit le montant maximal des sanctions pécuniaires applicables ainsi instaurées n'est pas inférieur à 5 000 euros ou à l'équivalent en monnaie nationale au cours publié dans le Journal officiel le 10 août 2001, par personne transportée ;

« b) soit le montant minimal de telles sanctions n'est pas inférieur à 3 000 euros ou à l'équivalent en monnaie nationale au cours publié dans le Journal officiel le 10 août 2001, par personne transportée ;

« c) soit le montant maximal de la sanction appliquée forfaitairement à chaque infraction n'est pas inférieur à 500 000 euros, ou à l'équivalent en monnaie nationale au cours publié dans le Journal officiel le 10 août 2001, indépendamment du nombre de personnes transportées. »

Dès lors, et contrairement à ce qui est affirmé dans l'étude d'impact jointe au projet de loi, les États membres ne semblent pas disposer de marge d'appréciation quant à l'application de sanctions pécuniaires à l'égard des transporteurs, en cas de manquement à leur obligation de contrôle.

2. Un montant d'amende forfaitaire destiné à garantir le respect des obligations pesant sur les transporteurs.

Les transporteurs sont déjà soumis à l'obligation de contrôle des documents de voyage et visas de leurs passagers. La sanction administrative prévue à l'article L 821-6 du Ceseda et que l'article 16 propose d'étendre au cas de défaut de contrôle de l'autorisation de voyage a été progressivement augmentée pour atteindre aujourd'hui un montant de 10 000 euros.

Initialement fixée à 5 000 euros, montant minimal fixé par la directive 2001/51/CE précitée, l'amende a été portée à un maximum de 10 000 euros par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

Le rapport de François-Noël Buffet établi sur ce projet de loi rappelle qu'il s'agit de la « traduction d'une recommandation issue d'un rapport conjoint de l'inspection générale de l'administration et de l'inspection générale de la police nationale ». Ce rapport conjoint constatait que le dispositif d'amende aux transporteurs, ancien et désormais connu de ces derniers, avait conduit beaucoup d'entre eux à réaliser « des efforts conséquents pour instaurer des contrôles de bonne qualité à l'embarquement ». Il convenait donc de sanctionner plus lourdement ceux qui ne s'étaient pas encore mis en capacité de le faire. Le rapport concluait au doublement du montant unitaire de l'amende tout en maintenant la faculté de modulation de ce montant en fonction des éléments concrets. Il indiquait en outre que cela placerait le montant de l'amende en France à un niveau comparable à celui de l'Espagne (amende allant de 5 000 à 10 000 euros), mais inférieur à celui pratiqué en Autriche (de 5 000 à 15 000 euros).

L'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du Ceseda a procédé à une nouvelle modification en supprimant la possibilité de moduler l'amende. L'article L. 821-6 du code prévoit donc désormais que le montant de l'amende applicable aux transporteurs s'élève à 10 000 euros, alors qu'il s'agissait jusqu'alors d'un maximum.

3. La position de la commission : une coordination nécessaire

S'agissant d'une nouvelle obligation pesant sur les transporteurs, la question de l'opportunité de mettre en place une sanction d'un montant inférieur à 10 000 euros ou d'ouvrir la possibilité de modulation pourrait être posée.

La commission a cependant considéré que l'article 16 ne fait que procéder à une coordination nécessaire avec les directives européennes et ne fait pas peser d'obligation nouvelle disproportionnée sur les transporteurs . Il n'y a donc pas lieu de prévoir un traitement différent par rapport aux obligations qui reposent déjà sur eux.

La commission a adopté l'article 16 sans modification .

Article 16 bis (nouveau)
Suppression du jour franc avant d'être réacheminé
en cas de refus d'entrée sur le territoire

L'article 16 bis , introduit à l'initiative d'Alain Cadec, tend à supprimer le bénéfice du jour franc avant d'être réacheminé actuellement en cas de refus d'entrée sur le territoire .

La commission a considéré que cette mesure, qui ne concernerait pas les mineurs non accompagnés , était de nature à renforcer l'efficacité de l'exécution des décisions de refus d'entrée , sans préjudice d'une demande d'asile à la frontière qui suspendrait le réacheminement de l'étranger.

Elle a adopté cet article ainsi rédigé.

Introduit à l'initiative d'Alain Cadec par un amendement COM-136 rect. bis , l'article 16 bis tend à supprimer, sauf pour les mineurs non accompagnés, le bénéfice d'un jour franc que peut demander un étranger faisait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire avant d'être réacheminé (article L. 333-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile).

La possibilité pour l'étranger de demander le report de son réacheminement implique son placement en zone d'attente et nuit à l'efficacité de l'exécution de la décision administrative de refus d'entrée sur le territoire. La France est le seul pays de l'Union européenne à avoir prévu ce délai que les textes européens n'imposent pas .

En 2018, le Sénat avait déjà souhaité exclure le bénéfice du jour franc en cas de refus d'entrée à la frontière terrestre de la France.

Dans un objectif d'efficacité , et compte tenu des garanties pour l'étranger de pouvoir demander l'asile à la frontière (articles L. 332-1 ainsi que L. 350-1 et suivants du CESEDA), auquel cas son réacheminement serait suspendu sans délai, la commission a accepté le principe de la suppression du jour franc.

La commission a adopté l'article 16 bis ainsi rédigé .

Article 17
Permettre l'inspection visuelle des véhicules particuliers
par les officiers de police judiciaire en zone frontalière

L'article 17 prévoit la possibilité pour les officiers de police judiciaire de la police aux frontières de procéder à une inspection sommaire des véhicules particuliers dans la bande des 20 kilomètres en deçà des frontières terrestres de la France.

La commission a adopté cet article en renforçant les garanties en termes de liberté publiques pour permettre ces contrôles.

1. Une possibilité de contrôle encadrée qu'il apparaît nécessaire d'adapter à l'évolution des pratiques des passeurs

La zone comprise entre la frontière terrestre de la France et les États parties à la convention Schengen et une « ligne tracée à 20 kilomètres en deçà » est communément appelée la « bande Schengen ». La loi n° 97-396 du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l'immigration a introduit le principe des « visites sommaires » de véhicules collectifs dans cette zone. Ces dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article L. 812-3 du Ceseda.

Par ailleurs, l'article 78-2 du code de procédure pénale prévoit la possibilité de contrôles d'identité dans cette même zone « en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi ». La « bande Schengen » est également mentionnée à l'article 67 quater du code des douanes.

Par une décision n° 93-323 du 5 août 1993 sur la loi relative aux contrôles et vérifications d'identité, le Conseil constitutionnel a rappelé que la « suppression de certains contrôles aux frontières qui découlerait de la mise en vigueur des accords de Schengen [peut] conduire le législateur à prendre les dispositions susmentionnées [au cas d'espèce, les contrôles d'identité entre les frontières terrestres de la France avec les États parties à la Convention et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà] sans rompre l'équilibre que le respect de la Constitution impose d'assurer entre les nécessités de l'ordre public et la sauvegarde de la liberté individuelle ». Toutefois, la possibilité de porter la limite de la zone frontalière de contrôle au-delà de 20 kilomètres, initialement prévue par le législateur, a été censurée au motif d'une atteinte excessive à la liberté individuelle, compte tenu :

- de l'absence de justifications appropriées tirées d'impératifs constants et particuliers de la sécurité publique, d'une part ;

- des moyens de contrôle dont l'autorité publique dispose par ailleurs de façon générale, d'autre part.

C'est donc dans la bande des 20 kilomètres que peuvent s'exercer les contrôles destinés à la lutte contre l'entrée illégale sur le territoire.

La notion de « visite sommaire » est mentionnée à l'article L 812-3 du Ceseda sans y être définie. L'étude d'impact annexée au projet de loi précise qu'il « a été envisagé de supprimer la notion de “visite sommaire” qui n'existe que dans cet article, pour lui préférer celui de “visite” qui, dans d'autres législations et notamment plusieurs articles du code de la sécurité intérieure, renvoie à l'inspection visuelle. Cette option a cependant été écartée pour ne pas créer de confusion avec la terminologie douanière qui utilise le vocable de visite mais dans le sens de “fouille du véhicule” ».

Dans sa décision n° 97-389 du 22 avril 1997 relative à la loi n° 97-396 du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l'immigration, le Conseil constitutionnel a écarté le motif d'inconstitutionnalité tiré de l'incompétence négative du législateur qui résulterait de l'absence de définition, au sein de la loi, de la notion de « visite sommaire ». Il a précisé en outre que cette dernière, « à la différence de la fouille du véhicule, n'est destinée qu'à s'assurer de l'absence de personnes dissimulées ».

Comme l'indique l'étude d'impact du projet de loi les contrôles exercés par la police aux frontières se heurtent actuellement à la limite prévue par l'article L. 812-3 qui exclut les véhicules particuliers 203 ( * ) de leur champ. Conscients de cette limite plus de cinq ans après sa mise en oeuvre les passeurs utilisent les véhicules particuliers pour faire entrer clandestinement sur le territoire des étrangers.

2. Une question en matière de libertés publiques

Lors de la discussion des articles du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration, certains sénateurs avaient déjà émis la volonté de supprimer, par amendement, l'exclusion des voitures particulières du champ des visites sommaires. Si la constitutionnalité d'une telle suppression s'était posée au cours de la discussion, compte tenu des décisions antérieures du Conseil constitutionnel en la matière (décision n° 76-75 du 12 janvier 1977 et décision n° 94-352 du 18 janvier 1995), celle-ci n'avait pas été écartée sur ce motif. Le rapporteur de la commission des lois comme le Gouvernement avaient en effet considéré que le contrôle d'identité prévu à l'article 78-2 du code de procédure pénale était suffisant pour couvrir le champ des voitures particulières - bien qu'il s'agisse d'un contrôle de nature différente.

Dans sa décision n° 97-389 du 22 avril 1997, loi n° 97-396 du 24 avril 1997 relative à loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration, le Conseil constitutionnel rappelle qu'il appartient au législateur de concilier :

- la recherche des auteurs d'infractions, objectif de valeur constitutionnelle, d'une part ;

- l'exercice des libertés publiques constitutionnellement garanties au nombre desquelles figure la liberté individuelle et notamment l'inviolabilité du domicile, ainsi que la possibilité pour l'autorité judiciaire d'exercer un contrôle effectif de la procédure, d'autre part.

Faisant application de ces principes au cas d'espèce, il rappelle tout d'abord que :

- ces visites sont effectuées en vue de rechercher et de constater les infractions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France, dans des zones précisément définies dans leur étendue et qui présentent des risques particuliers liés à la circulation internationale des personnes ;

- les voitures particulières sont exclues du champ des visites sommaires.

Il précise ensuite qu'« en toute hypothèse », la procédure est entourée de garanties de nature à préserver les garanties attachées la liberté individuelle et aux droit de la défense :

- l'opération est réalisée « sous la direction et le contrôle permanent du procureur de la République en vertu des dispositions du code de procédure pénale » ;

- si le conducteur ne donne pas son accord, le véhicule ne peut être immobilisée plus de quatre heures dans l'attente des instructions du procureur de la République qui comportent l'autorisation précise et individualisée de procéder à la visite sommaire ;

- cette visite n'est pas une fouille puisqu'elle a pour seul objet de vérifier l'absence de personnes dissimulées dans le véhicule ;

- elle donne lieu à l'établissement d'un procès-verbal mentionnant les dates et heures du début et de la fin des opérations ;

- aucune disposition de l'article ne fait obstacle à ce que le conducteur avise toute personne de son choix.

Dès lors, le Conseil constitutionnel considère, « dans ces conditions et sous la réserve qui précède », que la visite sommaire des véhicules collectifs n'est pas contraire à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel ne s'est donc jamais explicitement prononcé sur les visites sommaires de voitures particulières dans le cadre des contrôles à la frontière.

3. La position de la commission : apporter des garanties proportionnées pour assurer la constitutionnalité du dispositif

La commission estime aujourd'hui souhaitable d'étendre la possibilité de contrôle aux véhicules particuliers. Elle considère que la décision n° 97-389 du 22 avril 1997 du Conseil constitutionnel doit être mise au regard de la décision n° 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022 qui a abrogé l'article 60 du code des douanes, dont le commentaire reprend l'énumération des garanties permettant de concilier la nécessité de contrôle et la protection de la liberté d'aller et venir au sein de l'article L. 812-3 du Ceseda. Il paraît en résulter qu'une extension du champ des « visites sommaires » prévues par cet article aux véhicules particuliers ne peut s'effectuer sans mise en place de nouvelles garanties à moins d'encourir un risque de censure.

La commission a donc adopté l'amendement COM-230 des rapporteurs . Celui-ci prévoit, sur le modèle des garanties prévues par le code de procédure pénale, pour les visites sommaires des véhicules individuels, l'existence d'une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que celui-ci transporte une personne ayant commis ou tenté de commettre une infraction relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France .

La commission a adopté l'article 17 ainsi modifié .

Article 18
Encadrer le refus de visa aux étrangers ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) au cours d'un séjour antérieur
sur le territoire français

L'article 18 tend à instituer un nouveau motif de refus de visa tiré de ce que l'étranger ne démontre pas qu'il s'est conformé aux conditions d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) prononcée à l'occasion d'un précédent séjour en France.

Jugeant ce dispositif complexe et peu efficace la commission a adopté une réécriture de cet article.

1. Une volonté de mieux contrôler le respect des OQTF dans l'octroi des visas qui risque d'être peu efficace

Ainsi que l'indique l'étude d'impact, il apparaît nécessaire de mieux contrôler les infractions administratives à la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers en France pour la délivrance des visas afin de limiter le risque d'immigration illégale.

L'article 18 propose donc d'insérer dans le Ceseda un nouvel article L. 312-1-A créant un nouveau motif de refus de visa tiré de ce que l'étranger ne démontre pas qu'il s'est conformé aux conditions d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) prononcée depuis moins de cinq ans à l'occasion d'un précédent séjour en France.

Comme l'a indiqué le Conseil d'Etat dans son avis, la nécessité de cette mesure est sujette à caution et pourrait même créer de nouveaux contentieux liés à la preuve du respect de l'OQTF : « il est d'ores et déjà possible à l'autorité consulaire saisie d'une demande de visa, dans le cadre des larges pouvoirs dont elle dispose, de s'enquérir des conditions d'exécution d'une OQTF et d'en tenir compte pour accueillir ou rejeter la demande. Au besoin, une simple instruction peut attirer l'attention des services sur ce point. La création par la loi de cas où l'administration est tenue de refuser le visa, en dehors de ceux qui sont énumérés à l'article 32 du règlement (CE) n° 810/2009 du parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas, est de nature à fragiliser le pouvoir discrétionnaire qui lui est depuis toujours reconnu dans cette matière. En outre, la disposition envisagée ne manquerait pas de soulever des problèmes de preuve complexes et serait susceptible de générer un nouveau volet dans le contentieux des refus de visas . »

2. La position de la commission : renforcer les prérogatives des préfets en matière d'interdiction de retour

La commission n'est pas favorable au système complexe et potentiellement contre-productif proposé par l'article 18. Elle a donc adopté l'amendement COM-231 des rapporteurs et l'amendement identique COM-196 rect . de Marc-Philippe Daubresse afin, ainsi que le Sénat l'avait adopté en 2018, d'allonger à cinq ans la durée d'interdiction de retour dont le préfet peut assortir une OQTF .

Cette disposition, dont la mise en oeuvre sera plus simple, aura les mêmes conséquences que le dispositif proposé en matière de contrôle de la possibilité pour une personne de revenir sur le territoire français après avoir été obligée de le quitter.

La commission a adopté l'article 18 ainsi modifié .

TITRE IV
ENGAGER UNE RÉFORME STRUCTURELLE
DU SYSTÈME DE L'ASILE

Article 19
Expérimentation de pôles territoriaux « France asile »

L'article 19 tend à créer des pôles territoriaux « France asile ».

La commission a considéré que la voie de l'expérimentation, assortie de garanties, était préférable pour la mise en oeuvre de ces nouveaux pôles où l'étranger pourrait à la fois se faire enregistrer par la préfecture et introduire sa demande d'asile auprès de l'OFPRA .

Elle a adopté l'article ainsi modifié.

1. La création de pôles territoriaux « France asile » se substituant aux actuels GUDA a pour but de faciliter le parcours du demandeur d'asile

L'article 19 du projet de loi tend à autoriser le Gouvernement à créer, s'il le souhaite, des pôles territoriaux « France asile » qui permettraient en un même lieu, outre l'enregistrement du demandeur d'asile par la préfecture et l'ouverture de droits par l'Office français pour l'immigration et l'intégration (OFII), d'introduire une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Ces pôles territoriaux auraient vocation à se substituer aux guichets uniques d'accueil des demandeurs d'asile (GUDA) , au nombre de trente-trois en France hexagonale qui ne permettent aujourd'hui d'effectuer que les deux premières étapes.

Les personnes dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France se voient aujourd'hui remettre à l'occasion du passage en GUDA un dossier papier qu'elles doivent adresser à l'OFPRA dans les vingt et un jours (article L. 531-2 du Ceseda). C'est à la réception de ce dossier par l'OFPRA qu'intervient l'introduction de la demande d'asile, à la suite de laquelle le demandeur a vocation à être convoqué à un entretien avec un officier de protection instructeur.

Compte tenu de la concomitance entre l'enregistrement et l'introduction de la demande d'asile que permettraient ces pôles « France asile », le Gouvernement considère que le délai de vingt et un jours entre ces deux étapes n'aurait plus lieu d'être et le supprime .

Comme l'a indiqué le directeur général de l'OFPRA lors de son audition par les rapporteurs, l'intérêt de cette réforme est de permettre aux demandeurs d'être accompagnés par un agent de l'OFPRA 204 ( * ) qui recueillerait en face à face, avec l'assistance d'un interprète, les éléments du dossier de demande d'asile. L'entretien personnel ultérieur avec l'officier de protection, quant à lui, continuerait d'avoir lieu selon les modalités actuelles , soit au siège de l'OFPRA, soit dans les territoires à l'occasion de missions foraines ; ces dernières pourraient alors se tenir dans les locaux dédiés à l'OFPRA au sein des espaces « France asile », si ceux-ci permettent de garantir la confidentialité.

Le projet de loi vise également à ce que les langues dans lesquelles l'étranger peut être entendu lui soient communiquées « dans les meilleurs délais », c'est-à-dire, par l'officier de l'OFPRA présent au sein du pôle « France asile » et non plus lors de l'enregistrement par la préfecture, pour éviter les erreurs (article L. 521-6 du Ceseda), souvent sources de délais complémentaires ultérieurs.

2. La position de la commission : approuver le principe d'une expérimentation de « France asile » tout en apportant des garanties au demandeur

La commission a approuvé, sur le principe, une idée qui tend à faciliter la procédure pour le demandeur d'asile , en supprimant le système actuel de « double guichet » (GUDA puis OFPRA).

Les rapporteurs ont en effet été convaincus par les arguments de l'OFPRA selon lequel un contact direct entre le demandeur d'asile et ses services dès le stade de l'introduction de la demande permettrait de fiabiliser le recueil d'informations importantes , comme le choix de la langue d'entretien et de la procédure ainsi que son état civil, qui pourrait permettre à l'OFPRA d'accélérer le délai aujourd'hui trop long (environ huit mois), dans lequel il délivre aux personnes protégées ses documents. Il est également incontestable que la saisie numérique de ses informations aujourd'hui transmises par courrier permettrait d'achever la dématérialisation du dossier de demande d'asile et donc de fiabiliser les informations collectées tout en gagnant du temps.

Les rapporteurs ont toutefois émis des réserves sur l'opportunité de laisser « à la main » du Gouvernement le choix de créer ou pas ces pôles territoriaux . Il leur a semblé contraire au principe d'égalité que les demandeurs d'asile soit soumis à une procédure différente selon le lieu où ils se trouveraient en France.

Outre cette difficulté juridique, les rapporteurs estiment que la création de ces pôles territoriaux pourrait poser des problèmes pratiques de locaux , qui devront garantir, pour la tenue des entretiens d'introduction de demande d'asile, la confidentialité requise, notamment dans les préfectures où le nombre de demandeurs est très important comme la préfecture de police à Paris, par exemple. Ce dispositif requerra également, outre la formation des personnels, une réflexion pour assurer la bonne coordination entre les différents intervenants et adapter les systèmes d'information de l'OFPRA.

La commission a donc adopté un amendement COM-232 des rapporteurs encadrant ce dispositif par la voie d'une expérimentation de l'article 37-1 de la Constitution, d'une durée de quatre ans, dans au moins dix départements définis par arrêté du ministre de l'intérieur, dont au moins un situé en outre-mer.

Enfin, si la commission adhère à la volonté de réduire le délai global de la procédure, elle considère que cette réforme ne doit pas empêcher le demandeur de présenter son récit détaillé dans les meilleures conditions . Pour éviter toute ambiguïté, elle a formellement consacré par le même amendement la possibilité pour le demandeur d'asile de compléter sa demande de tout élément ou pièce utile jusqu'à son entretien personnel , qui ne pourrait intervenir avant un délai de vingt et un jours à compter de l'introduction de sa demande d'asile.

La commission a adopté l'article 19 ainsi modifié .

Article 19 bis (nouveau)
Extension des cas dans lesquels l'OFII est tenu de retirer
ou de suspendre le bénéfice des conditions matérielles d'accueil

L'article 19 bis , issu d'un amendement des rapporteurs, substitue une obligation de retrait ou de suspension des conditions matérielles d'accueil à la faculté actuellement prévue par les articles L. 551-15 et L. 551-16 du Ceseda.

La commission a adopté l'article 19 bis ainsi rédigé.

Le présent article, déjà adopté par le Sénat en 2018, tend à étendre les cas dans lesquels l'OFII est tenu de retirer ou de suspendre le bénéfice des conditions matérielles d'accueil.

L'octroi de conditions matérielles d'accueil, prévues pour les personnes demandant l'asile, résulte de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale 205 ( * ) . Cette obligation est transcrite à l'article L. 551-8 du Ceseda.

Ces conditions matérielles sont composées :

- d'une allocation pour demandeur d'asile (ADA), versée mensuellement et dont le montant varie suivant la composition familiale ;

- d'un hébergement dans une structure dédiée.

Les articles L. 551-15 et L. 551-16 du code prévoient respectivement les conditions des refus et cessation de cette aide.

L'aide peut être refusée dans quatre cas :

- si le demandeur refuse la région d'orientation qui a été déterminée par l'OFII ;

- ou s'il refuse la proposition d'hébergement qui lui a été faite ;

- s'il dépose d'une demande de réexamen de sa demande d'asile ;

- ou s'il formule celle-ci hors délai.

L'aide peut être suspendue en cas :

- de départ de la région d'orientation ou du lieu d'hébergement ;

- d'absence aux entretiens.

- de dissimulation d'informations ;

- de fourniture d'informations mensongères ;

- de dépôt de plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes.

Il est tenu dans tous les cas compte de la vulnérabilité de la personne.

La commission a considéré qu'il appartenait à l'OFII, sous réserve de l'examen de la situation prévue aux articles L. 551-15 et L. 551-16, de suspendre systématiquement les conditions matérielles d'accueil dans les cas où un demandeur d'asile ne se conforme pas à ses obligations. Elle a donc adopté l' amendement COM-223 des rapporteurs.

La commission a adopté l'article 19 bis ainsi rédigé .

Article 19 ter (nouveau)
Intégration des places destinées à l'accueil des demandeurs d'asile
dans le décompte du taux de 20 % à 25 % de logements sociaux imposé
aux communes depuis la loi « SRU »

L'article 19 ter , issu d'un amendement des rapporteurs, tend à ce que les places d'hébergement destinées aux demandeurs d'asile soient considérées comme des logements sociaux.

La commission a adopté l'article 19 ter ainsi rédigé.

L'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation détermine :

- un objectif de taux de logements locatifs sociaux par commune, fixé à 20 % ou à 25 % de l'ensemble des résidences principales en fonction de plusieurs critères (nombre d'habitants, densité de l'aire urbaine alentours, demande de logements sociaux rapportée au nombre d'emménagements annuels, etc.) ;

- les critères d'exemption applicables à certaines communes ;

- les différentes catégories de logements locatifs sociaux retenues dans le décompte (IV de l'article L. 302-5 précité).

Parmi ces dernières figurent notamment les logements appartenant aux organismes d'habitation à loyer modéré, les logements-foyers de personnes âgées et les terrains locatifs familiaux à destination des gens du voyage.

Depuis la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, les places en centre d'accueil pour les demandeurs d'asile (CADA) y sont intégrées afin d'inciter les communes à accueillir de telles structures.

Le III de l'article R. 302-15 du code de la construction et de l'habitation fixe les modalités de cette intégration. En pratique, un logement au sens de l'article L. 302-5 équivaut à trois places en CADA.

Le présent article vise à introduire dans le décompte des logements sociaux :

- les centres provisoires d'hébergement (CPH) mentionnés aux articles L. 345-1 et L 349-1 du code de l'action sociale et des familles, destinés aux personnes ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire ;

- les centres d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA), qui accueillent, à titre provisoire, les demandeurs d'asile préalablement à leur admission éventuelle en CADA ou ceux ne pouvant pas bénéficier d'un hébergement en CADA ;

- les « structures d'accueil des étrangers qui ne disposent pas d'un hébergement stable et qui manifestent le souhait de déposer une demande d'asile » ; cette catégorie semble correspondre aux centres d'accueil et d'examen des situations administratives (CAES), qui hébergent des personnes migrantes dans le but d'évaluer leur situation et de leur faciliter l'accès à un guichet unique pour demandeur d'asile.

La commission considère que cette inclusion, déjà votée par le Sénat en 2018, permet de prendre en compte l'effort déployé par les collectivités pour l'accueil des demandeurs d'asile. Elle a donc adopté l' amendement COM-234 des rapporteurs.

La commission a adopté l'article 19 ter ainsi rédigé .

Article 19 quater (nouveau)
Impossibilité du maintien, sauf décision explicite de l'administration,
des personnes déboutées du droit d'asile dans un hébergement
accordé au titre du dispositif national d'accueil

L'article 19 quater , issu d'un amendement des rapporteurs, tend à ce que les déboutés du droit d'asile ne puissent se maintenir dans l'hébergement qui leur a été attribué au titre du dispositif national d'accueil, sauf décision motivée de l'administration.

La commission a adopté l'article 19 quater ainsi rédigé.

Les demandeurs d'asile disposent d'un hébergement au titre des conditions matérielles d'accueil. Après l'octroi de la protection internationale, les réfugiés peuvent se maintenir dans leur lieu d'hébergement pendant trois mois. Les déboutés bénéficient du même droit, pour un délai plus court (un mois à compter du rejet de leur demande d'asile).

En 2018, les déboutés occupaient environ 12 % du parc du dispositif national d'accueil.

Face à l'engorgement de ce dispositif, le Sénat avait adopté la mesure proposée à cet article. Issu de l' amendement COM-235 des rapporteurs, il tend à modifier l'article L. 551-12 du Ceseda, qui fixe les conditions exceptionnelles de maintien dans un lieu d'hébergement destiné aux demandeurs d'asile, afin de conditionner le maintien des déboutés du droit d'asile à une décision motivée de l'autorité administrative.

Cette mesure permet d'accorder la priorité en matière de logement aux demandeurs d'asile dont le dossier est en cours d'examen.

Par coordination, l'article L. 551-15 du Ceseda est modifié pour prévoir une saisine de la justice pour obtenir l'évacuation des lieux si la mise en demeure est restée infructueuse.

La commission a adopté l'article 19 quater ainsi rédigé .

Article 20
Réforme de la Cour nationale du droit d'asile

L'article 20 tend à réformer la Cour nationale du droit d'asile en créant des chambres territoriales et en faisant du recours au juge unique le principe .

La commission a approuvé cette réforme , considérant qu'elle ne posait pas de difficulté majeure et pourrait contribuer à améliorer le traitement du flux d'affaires sans cesse croissant devant la Cour.

Elle a adopté l'article sans modification.

1. La Cour nationale du droit d'asile est confrontée à une augmentation continue de son activité

Depuis sa création en 2007, l'activité de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) n'a cessé de croître . Le nombre de recours introduits est ainsi passé de 34 752 en 2013 à 61 552 en 2022 , avec un pic à 68 243 en 2021 .

Nombre de recours introduits
devant la Cour nationale du droit d'asile entre 2018 et 2022

Nombre de recours

2018

2019

2020

2021

2022

Procédure normale

33 463

32 788

29 284

43 315

36 660

Procédure accélérée

21 598

20 168

12 439

17 467

17 558

Irrecevabilités OFPRA

3 610

6 135

4 320

7 461

7 334

Total

58 671

59 091

46 043

68 243

61 552

Source : Cour nationale du droit d'asile

Si la Cour parvient à maintenir un équilibre entre le nombre de recours et de décisions rendues, le stock d'affaires à traiter a diminué ces dernières années mais reste conséquent.

Nombre de décisions rendues
par la Cour nationale du droit d'asile entre 2018 et 2022

Nombre de décisions

2018

2019

2020

2021

2022

Formation collégiale

20 763

31 102

23 149

40 434

38 320

Juge unique

10 047

13 069

5 029

6 998

10 432

Ordonnances

16 504

22 293

13 847

20 971

18 390

Total

47 314

66 464

42 025

68 403

67 142

Source : Cour nationale du droit d'asile

Nombre de décisions en stock
devant la Cour nationale du droit d'asile entre 2018 et 2022

2018

2019

2020

2021

2022

36 868

29 495

33 513

33 353

27 763

Source : Cour nationale du droit d'asile

Surtout, même si la situation s'est améliorée , le délai de jugement des affaires demeure trop long et supérieur aux limites fixées par le législateur à l'article L. 532-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), fixé à cinq mois lorsque la Cour statue en formation collégiale et à cinq semaines lorsqu'elle statue en juge unique.

Délais moyens de jugement
devant la Cour nationale du droit d'asile entre 2018 et 2022

Type de formation

2018

2019

2020

2021

2022

Formation collégiale

9 mois et 17 jours

11 mois et 4 jours

12 mois et 6 jours

9 mois et 25 jours

7 mois et 27 jours

Juge unique

5 mois et 13 jours

5 mois et 27 jours

6 mois et 17 jours

7 mois et

3 jours

8 mois et 11 jours

Ordonnances

3 mois et

9 jours

2 mois et 12 jours

2 mois et 8 jours

2 mois et 12 jours

2 mois et 22 jours

Moyenne globale

6 mois et 15 jours

7 mois et

5 jours

8 mois et

8 jours

7 mois et

8 jours

6 mois et 16 jours

Source : Cour nationale du droit d'asile

2. Le projet de loi propose de réformer l'organisation et le fonctionnement de la CNDA pour répondre aux difficultés résultant de son activité croissante

L'article 20 propose de réécrire la section 2 du chapitre unique du titre III du livre I er consacrée à l'organisation et au fonctionnement de la CNDA.

2.1 La territorialisation de la CNDA

En application de l'article L. 131-1 du Ceseda, la CNDA est une juridiction administrative spécialisée à compétence nationale qui siège à Montreuil . Elle statue en plein contentieux sur l'ensemble des recours formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Or la CNDA estime à près de 47 % le nombre de recours issus de demandeurs résidant en région. Les objectifs du schéma d'orientation des demandeurs d'asile voté dans la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie ont en effet conduit à une moindre concentration des demandeurs en Ile-de-France.

Répartition des recours devant la Cour nationale du droit d'asile
par région de domiciliation des requérants

Source : Cour nationale du droit d'asile

L'audience à Montreuil oblige le demandeur d'asile à un voire plusieurs déplacements lorsque l'affaire est renvoyée, ce qui est fréquent. Le taux de renvoi des affaires à l'audience 206 ( * ) est en effet de l'ordre de 30 %
- soit 26 000 affaires - dû pour moitié à l'absence du requérant ou de l'avocat .

Le projet de loi tend à répondre à ces difficultés en autorisant le pouvoir règlementaire - qui n'avait pas besoin d'habilitation législative pour le faire - à créer des « chambres territoriales » en dehors du siège de la CNDA (article L. 131-3 du Ceseda)

La Cour estime que les chambres territoriales pourraient, in fine , juger entre 25 % et 33 % des recours . La difficulté de trouver des interprètes dans certaines langues rares en région obligera très certainement la Cour à conserver le jugement à Montreuil de certaines affaires dans des chambres spécialisées . C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le projet de loi prévoit que le président le Cour peut « spécialiser les chambres en fonction du pays d'origine et des langues utilisées ».

Lors du déplacement des rapporteurs à la CNDA, son président, Mathieu Hérondart, a indiqué que la création de chambres était envisagée à Lyon, Marseille, Nantes, Bordeaux, Nancy ou, le cas échéant, Toulouse, où la Cour pourrait, le cas échéant, utiliser les salles d'audiences des cours administratives d'appel.

Outre un effet sur les délais , il est attendu de cette réforme une moindre concentration des dossiers par avocat : un petit nombre d'entre eux traitent en effet de nombreux dossiers devant la CNDA, ce qui constitue une contrainte pour l'audiencement.

2.2 La généralisation du principe du juge unique

Aux termes de l'article L. 532-6 du Ceseda, la Cour statue aujourd'hui par principe en formation collégiale, sauf dans certaines matières énumérées par la loi dans lesquelles le président de la Cour où celui de la formation de jugement statue seul . Il s'agit des affaires dans lesquelles l'OFPRA a statué en procédure accélérée 207 ( * ) ou a pris une décision d'irrecevabilité 208 ( * ) . Entre 40 et 50 % des décisions sont déjà rendues, selon les années, par un juge unique à la CNDA.

La formation collégiale est actuellement présidée par un magistrat professionnel , en activité ou honoraire, en poste permanent à la CNDA ou vacataire, nommé parmi les membres des magistrats administratifs, judiciaires ou financiers (article L. 131-3 du Ceseda actuel). Siègent également au sein de cette formation de jugement deux assesseurs non professionnels :

- le premier, nommé par le Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) pour ses compétences géopolitiques ou juridiques, sur avis conforme du Conseil d'État ;

- le second, personnalité qualifiée nommée par le vice-président du Conseil d'État à raison des mêmes compétences.

Seuls les magistrats professionnels peuvent présider une formation de jugement et donc, statuer seul .

Le critère actuel de recours au juge unique ne repose pas sur une appréciation du fond du dossier devant la Cour mais sur la procédure suivie devant l'autorité administrative . Si, par exemple, certains dossiers examinés à juge unique en raison d'une demande d'asile tardive - au-delà de 90 jours dans le droit en vigueur - mériteraient d'être examinés en formation collégiale du fait de la nationalité du requérant, à l'inverse, d'autres dossiers relevant de la procédure normale devant l'OFPRA ne requièrent pas toujours un examen collégial. La Cour connaît à cet égard un nombre important de dossiers présentant des demandes stéréotypées émanant de pays sans réelles difficultés géopolitiques. Dans ce cas, l'apport des deux assesseurs est, en réalité, assez faible.

Ce système engendre des délais de jugement importants . La Cour renvoie ainsi près de 20 % des dossiers de juge unique en formation collégiale en raison d'erreurs procédurales devant l'OFPRA, ce qui entraîne un délai supplémentaire de deux à trois mois. Dans ces conditions, il est alors impossible de respecter le délai de jugement en cinq semaines auquel sont pourtant soumis ces dossiers .

Le projet de loi tend donc à inverser le principe actuel en prévoyant , par un nouvel article L. 131-7 du Ceseda, que le président de la formation de jugement statue seu l, sauf si de sa propre initiative ou à la demande du requérant, lui ou le président de la Cour nationale du droit d'asile « (...) ne décide, à tout moment de la procédure, d'inscrire l'affaire devant une formation collégiale ou de la lui renvoyer s'il estime qu'elle pose une question qui le justifie (...). » Il s'agit, comme l'ont compris les rapporteurs, de réserver à la formation collégiale les affaires concernant des personnes ayant des vulnérabilités particulières (les mineurs non accompagnés, les personnes LGBT, par exemple), présentant des questions juridiques complexes ou relevant d'une appréciation des faits dans un contexte géopolitique troublé en constante évolution comme, en pratique, pour la Libye, l'Érythrée, la Somalie ou l'Afghanistan.

La rédaction retenue par le projet de loi, suggérée par le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi, est plus souple que le critère actuel de renvoi faisant référence à une « difficulté sérieuse » 209 ( * ) . Le législateur s'en remettrait donc à l'appréciation de la juridiction qui seule pourra estimer de la pertinence du renvoi sur chaque affaire individuelle et lui permettrait, ce faisant, de préserver une part importante de collégialité.

Il n'y aurait en outre plus de lien entre la procédure suivie devant l'OFPRA et les modalités de jugement devant la CNDA , qui pourrait aussi bien renvoyer en formation collégiale des décisions prises en formation accélérée ou les maintenir en juge unique.

Le juge unique devenant le principe , il statuerait, par principe, en cinq mois , sauf lorsque l'OFPRA a statué en procédure accélérée ou a pris une décision d'irrecevabilité. Dans ce cas, la Cour aurait toujours cinq semaines pour statuer. En toute hypothèse, tout renvoi à la formation collégiale permettrait à la Cour de statuer en cinq mois (article L. 532-6 du CESEDA).

2.3 L'élargissement du vivier des assesseurs

Le Gouvernement ne cache pas que la généralisation du juge unique résulte également des difficultés à recruter des assesseurs . Dans ce contexte, la territorialisation ne pourrait être mise en oeuvre dans les conditions actuelles de répartition du contentieux entre formation collégiale et juge unique.

À cet égard, le projet de loi tend à élargir le vivier des assesseurs en permettant que des magistrats susceptibles de présider une formation de jugement puissent, alternativement avec une personnalité qualifiée, être nommés comme premier assesseur par le vice-président du Conseil d'État, ce qui permettrait d'accroître le vivier de juges pouvant statuer seul .

Enfin, le projet de loi tend également à ce que le second assesseur soit nommé par le vice-président du Conseil d'État et non par le HCR , ce qui permet opportunément de normaliser la nature juridictionnelle de la Cour sans retirer l'initiative des nominations au HCR qui, proposera au vice-président du Conseil d'État de nommer des profils qu'il juge adaptés au droit d'asile.

3. La position de la commission : approuver une réforme qui ne pose pas de difficulté majeure et peut contribuer à gérer le flux d'affaires sans cesse croissant devant la Cour

La commission a approuvé cette réforme qui ne lui a pas paru poser de difficulté majeure.

Si le projet de territorialisation est bien accepté par les principaux acteurs, les rapporteurs se sont étonnés du développement parallèle d'un projet de construction d'une nouvelle CNDA à Montreuil.

Elle résulte, en tout état de cause, de l'échec de la vidéo-audience votée par le législateur dans la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée 210 ( * ) , un droit d'asile effectif et une intégration réussie, du fait de l'opposition de la profession d'avocat. Pour autant, la vidéo-audience est mise en oeuvre par la CNDA et donne satisfaction sur le plan technique , mais elle n'est possible en pratique qu'avec le consentement de l'étranger , alors que l'objectif du législateur, validé par le Conseil constitutionnel, était d'y recourir sans consentement pour assurer une bonne administration de la justice et permettre aux intéressés de présenter leurs explications à la Cour.

La commission estime que la territorialisation, en évitant des nombreux déplacements, devrait permettre de diminuer le nombre de renvois et donc d'accélérer les délais de jugement . Elle n'y voit pas d'obstacle à l'unité de la jurisprudence, puisque ces chambres ne seront en aucun cas des juridictions autonomes. Il importe toutefois de pouvoir spécialiser certaines chambres à Montreuil , compte tenu de l'absence probable d'interprètes disponibles dans certaines langues rares en région.

La commission a également accepté la généralisation du principe du juge unique , considérant qu' aucune exigence constitutionnelle ou conventionnelle ne s'y opposait et que les conditions de renvoi à la formation collégiale permettraient toujours au juge d'y faire droit s'il l'estimait nécessaire.

Il est important que le juge puisse renvoyer à la formation collégiale à tout moment , y compris au stade initial de l'orientation de l'affaire, pour éviter un renvoi à l'audience . Comme l'a indiqué Mathieu Hérondart, président de la CNDA, le taux de protection reconnu par la CNDA est équivalent (autour de 21 %) en juge unique ou en collégial . Au surplus, les six mois de formation collégiale qui resteront requis pour présider une formation de jugement et donc, statuer seul, sont une garantie de qualité de la décision juridictionnelle. La possibilité nouvelle de faire siéger des magistrats vacataires comme assesseurs au sein des


formations collégiales permettra de remplir cette condition en apprenant auprès d'un juge plus expérimenté dans le droit d'asile et dans la conduite de l'audience.

La commission a adopté l'article 20 sans modification .

Article 20 bis (nouveau)
Possibilité de suspension de la vidéo-audience
à la Cour nationale du droit d'asile en cas de difficulté technique

L'article 20 bis , introduit à l'initiative des rapporteurs, tend à formaliser la possibilité pour le juge de la CNDA de suspendre une vidéo-audience en cas de difficulté technique.

La commission a adopté cet article ainsi rédigé .

Introduit à l'initiative des rapporteurs par l'adoption d'un amendement COM-236 , l'article 20 bis tend à compléter l'article L. 532-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) relatif au recours à la vidéo-audience pour formaliser la possibilité pour le président de la formation de jugement, lorsque la qualité de la retransmission n'est pas au rendez-vous, de suspendre l'audience .

La commission a adopté l'article 20 bis ainsi rédigé .

TITRE V
SIMPLIFIER LES RÈGLES DU CONTENTIEUX
RELATIF À L'ENTRÉE, AU SÉJOUR ET À L'ÉLOIGNEMENT DES ÉTRANGERS

CHAPITRE IER
CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

Articles 21 à 23
Simplification du contentieux des étrangers

Les articles 21 à 23 opèrent une simplification du contentieux des étrangers en réduisant d'une douzaine à cinq le nombre de procédures applicables, avec une répartition qui entend à la fois tenir compte du degré réel d'urgence de la situation de l'étranger et de la nécessité de maintenir l'efficacité de la politique de l'éloignement.

La commission a estimé que le dispositif proposé ne remplissait que partiellement ses objectifs et, à l'initiative des rapporteurs, a réduit à trois le nombre de procédures applicables, conformément aux préconisations émises par le Conseil d'État en mars 2020 et par son rapport d'information de mai 2022 « Services de l'État et immigration : retrouver sens et efficacité ». Elle a également approuvé le projet de faire le recours à la vidéo-audience un principe, tout en renforçant les garanties associées à ce recours.

La commission a adopté les articles 21 à 23 ainsi rédigés.

1. Le contentieux des étrangers : un morcellement et une complexité sources de difficultés pour l'administration comme pour les étrangers

1.1. Une accumulation de procédures contentieuses nuisible à la lisibilité de l'ensemble

La réforme du contentieux des étrangers était attendue de longue date, tant ce régime est devenu inintelligible, voire obscur, sous l'effet de l'empilement des législations . L'urgence de la simplification est en effet patente et fait l'objet d'un large consensus. Mandaté par le Premier ministre, le Conseil d'État a ainsi rendu un rapport en ce sens le en mars 2020 intitulé « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l'intérêt de tous ». Deux ans plus tard, la commission a également adopté le rapport d'information de François-Noël Buffet, intitulé « Services de l'État et immigration : retrouver sens et efficacité », parvenant aux mêmes constats et reprenant à son compte l'intégralité des recommandations du Conseil d'État.

Cette complexité s'explique d'abord par une surabondance de procédures qui, loin de répondre une quelconque logique sous-jacente, est uniquement l'effet collatéral d'une construction par sédimentation du contentieux des étrangers . Comme le relève le Conseil d'État, « si les procédures se ressemblent souvent et peuvent en réalité être regroupées en une douzaine de catégories, il n'en demeure pas moins que, pour déterminer avec certitude le régime juridique applicable, les requérants et leurs conseils, l'administration, les greffes des juridictions et le juge lui-même doivent vérifier, pour plus de trente situations dans lesquelles peut se trouver un étranger , le délai de recours contentieux, le délai de jugement, le caractère suspensif ou non du recours, la formation de jugement, l'éventuelle dispense de conclusions du rapporteur public, le délai pour faire appel ou la possibilité de solliciter le juge des référés [...] » 211 ( * ) . À titre d'illustration, le tableau de synthèse des procédures applicables produit par le Conseil d'État s'étend sur pas moins de sept pages.

Un nombre si important de procédures pourrait se justifier si chacune d'entre elles avait ses spécificités propres et une raison d'être évidente ; mais tel n'est pas le cas . Les différences entre deux procédures sont bien souvent marginales et parfois inexplicables. À titre d'exemple, il est bien difficile de discerner l'utilité de la coexistence de deux procédures distinctes selon le motif d'édiction d'une OQTF émise avec délai de départ volontaire 212 ( * ) . Cette situation affecte profondément la lisibilité de l'ensemble et place de facto les requérants dans une situation d'insécurité juridique .

Comme le résumait la commission des lois dans son rapport précité, le contentieux des étrangers est « d'une insondable complexité, fruit de l'empilement successif de réformes aux objectifs pas toujours clairement articulés entre eux ».

2.1. Un contentieux de masse à l'origine d'un engorgement des juridictions administratives et d'un sentiment de perte de sens chez les magistrats

Le contentieux des étrangers occupe également une part croissante de l'activité des juridictions administratives . Alors que ces recours ne représentaient en 2011 « que » 29,2 % de l'activité des tribunaux administratifs, ce taux était de 41,6 % une décennie plus tard. Le contentieux des étrangers représente même plus d'un dossier sur deux traités par les cours administrative d'appel (54,4 %).

Part du contentieux des étrangers
dans l'activité des juridictions administratives (2021)

TA

CAA

Conseil d'État

Affaires enregistrées

241 384

34 012

11 313

Dont contentieux des étrangers

100 332

18 494

1 975

En %

41,6 %

54,4 %

17,5 %

Source : Rapport public 2021 des juridictions administratives

Les difficultés générées par la complexité et la masse de ce contentieux pour la juridiction vont en s'accroissant, et ce d'autant plus que de nouvelles « filières » contentieuses parfois aux limites de l'absurde se sont créées au cours des dernières années . Il en va ainsi de la multiplication des référés dit « mesures utiles » intentés contre l'administration par des étrangers qui n'ont pas réussi à obtenir un rendez-vous pour demander ou renouveler un titre de séjour . Cette pratique transforme de fait les tribunaux administratifs en « pré-guichet » des préfectures et alimente un fort sentiment de découragement et de perte de sens chez des magistrats dont l'office n'est plus de trancher des litiges mais de pallier les carences de l'administration. Une analyse identique peut être effectuée s'agissant du contentieux dit « des décisions implicites de rejet » qui se forment lorsque l'administration n'a pas apporté de réponse à une demande de titre de séjour dans un délai de quatre mois.

Le contentieux des OQTF est également source de nombreuses interrogations de la part de magistrats administratifs qui doivent régulièrement statuer dans des délais contraints sur des décisions d'éloignement pour lesquelles il n'existe aucune perspective crédible d'exécution à court terme .

Au cours de leurs auditions et déplacements, les rapporteurs ont ainsi été frappés par ce sentiment de découragement et de perte de sens qui semble s'être profondément enraciné dans les juridictions administratives .

2. Une simplification du contentieux des étrangers voulue plus claire et plus ambitieuse par la commission

2.1. Une proposition de simplification qui n'est pas totalement conforme aux recommandations du Conseil d'État et de la commission des lois

Les articles 21 à 23 ramènent à cinq le nombre de procédures applicables , avec une répartition qui entend à la fois tenir compte du degré


réel d'urgence de la situation de l'étranger et de la nécessité de maintenir l'efficacité de la politique d'éloignement :

- une procédure ordinaire (délai de recours d'un mois et délai de jugement de 6 mois), applicable principalement aux OQTF assorti d'un délai de départ volontaire ;

- une procédure prioritaire (délai de recours de 72 h et délai de jugement de 6 semaines), applicable aux OQTF sans délai de départ volontaire ;

- une procédure spéciale (délai de recours de 7 jours et délai de jugement de 15 jours), applicable principalement aux OQTF et aux remises avec assignation à résidence, aux OQTF à l'encontre des déboutés du droit d'asile, aux transferts Dublin « simples » ou avec assignation à résidence et aux contestations liées aux refus d'octroi des conditions matérielles d'accueil ;

- une procédure d'urgence (délai de recours de 48 h et délai de jugement de 96 h), applicable principalement aux OQTF, aux transferts Dublin et aux réadmissions avec placement en rétention, ainsi qu'aux refus d'entrée aux titres de l'asile.

S'agissant des modalités de l'audience, un jugement en formation collégiale est retenu pour la procédure ordinaire, tandis que le formalisme serait allégé pour les trois autres procédures. La décision serait rendue par un juge unique, avec une dispense de conclusions du rapporteur public. Sur ce point, les articles 21 à 23 n'impliquent ni une généralisation du juge unique, ni même un recours accru à cette modalité de jugement . En effet, le juge unique est déjà la norme dans la plupart des recours, à l'exception notable des OQTF dites « trois mois », et se justifie largement par l'urgence à statuer dans les situations impliquant des mesures privatives de liberté.

En complément de ces quatre procédures, le Gouvernement a souhaité maintenir la procédure spécifique applicable aux OQTF émises contre des étrangers détenus et dont la libération est susceptible d'intervenir en cours d'instance. Leur régime est fixé par les articles L. 614-14 et L. 614-15 du Ceseda qui accordent un délai de 8 jours au juge administratif pour statuer.

Par ailleurs, le projet du Gouvernement confirme l'unification du contentieux de l'éloignement et du séjour . Il prévoit expressément la possibilité pour le même juge de statuer, y compris en urgence, par une même décision sur l'OQTF et sur l'ensemble des décisions qui l'accompagnent.

L'article 21 crée, d'une part, un nouveau livre IX au sein du Ceseda où sont décrites les nouvelles procédures applicables et, d'autre part, insère des renvois à ce livre IX dans l'ensemble des dispositions contentieuses particulières actuelles. Les articles 22 et 23 procèdent aux ajustements correspondants respectivement dans le code de justice administrative et la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

2.2. Une proposition de simplification qui reste au milieu du gué

La commission a estimé que le projet du Gouvernement ne répondait que partiellement à son objectif de simplification . De fait, il s'éloigne des propositions défendues par le Conseil d'État et la commission sur deux points.

a) Un nombre de procédures applicables encore trop important

Le premier a trait au nombre de procédures . L'architecture retenue par le Conseil d'État comme par la commission des lois en retenait trois, correspondant aux procédures ordinaires, spéciales et d'urgence proposées par le Gouvernement mais auxquelles ce dernier ajoute la procédure prioritaire applicable aux OQTF sans délai de départ volontaire.

La direction générale des étrangers en France (DGEF) a en effet estimé au cours de son audition qu'une procédure ad hoc se justifiait en la matière car il « convient de donner un délai le plus bref possible aux individus susceptibles de présenter un risque de fuite » et que « un droit au recours suspensif d'un mois, dans tous les cas, aurait un effet équivalent à un délai de départ volontaire de 30 jours puisque la mesure ne pourrait être mise à exécution avant l'expiration de ce délai ». Suivant un raisonnement opposé, le Conseil d'État relève que 70 000 des 124 000 OQTF émises en 2021 n'étaient pas assorties d'un délai de départ volontaire , ce qui est la conséquence directe des instructions adressées aux préfets par le ministre de l'intérieur 213 ( * ) . S'il peut se défendre, le maintien de cette pratique combinée à la réforme du contentieux aurait pour effet de juger sur un régime de « semi-urgence » une très grande majorité des OQTF dont l'exécution effective ne serait en rien garantie . Le Gouvernement n'est pas en mesure de communiquer le taux d'exécution des OQTF sans délai de départ volontaire, mais il est difficile d'imaginer que celui-ci soit bien supérieur à celui, dérisoire, de l'ensemble des OQTF (6,9 % au premier semestre 2022).

La commission a estimé qu'il n'était pas nécessaire de mettre davantage sous pression les juridictions administratives pour statuer en urgence sur des OQTF aux faibles, voire très faibles, perspectives d'exécution. Du reste, il resterait loisible au préfet d'assortir a posteriori une OQTF d'une mesure de contrainte, ce qui entraînerait automatiquement l'activation de l'une des « passerelles » prévues dans le projet de loi vers l'une des deux procédures d'urgence.

La commission a également estimé que le maintien d'une procédure spécifique applicable aux étrangers détenus ne se justifiait pas . Les défaillances pouvant intervenir dans la communication entre les préfectures, l'administration pénitentiaire et les juridictions administrations se traduisent aujourd'hui régulièrement par le placement en rétention de sortants de prisons , faute de pouvoir juger leur recours dans les délais impartis. Comme le relève le Conseil d'État, « l'application du délai de jugement de quinze jours permettrait [au contraire] d'assurer un traitement accéléré de ce contentieux, qui le justifie objectivement, sans que cette accélération repose sur les diligences de l'administration ».

La commission a donc considéré que l'application de la procédure spéciale aux « OQTF détenus » ne se heurtait à aucun obstacle matériel évident, préviendrait plus efficacement le placement en rétention d'anciens détenus et contribuerait, par la suppression d'une procédure supplémentaire, à une meilleure lisibilité d'ensemble du nouveau régime contentieux des étrangers .

Par l'adoption d'un amendement COM-237 des rapporteurs, la commission a donc assuré la transposition stricte de l'architecture à trois procédures préconisée par le rapport du Conseil d'État et par François-Noël Buffet dans son rapport d'information de mai 2022. Suivant le même raisonnement, elle a étendu d'un à deux ans le délai des OQTF permettant l'assignation à résidence ou le placement en rétention .

b) L'application injustifiée d'un régime d'urgence aux OQTF « déboutés du droit d'asile »

La seconde différence entre le projet du Gouvernement et celui du Conseil d'État et de la commission des lois concerne la soumission des OQTF adressées aux déboutés du droit d'asile à une procédure d'urgence .

Selon la position défendue par le Gouvernement, la CNDA ayant rejeté au fond la demande d'asile « il n'y a pas lieu que le tribunal administratif, appelé à statuer sur la légalité de l'OQTF mais pas sur le fond de la demande d'asile, dispose, pour statuer, d'un délai aussi important que pour les autres OQTF » 214 ( * ) . Là encore, la commission aurait pu accepter cet argument si les OQTF concernées avaient de réelles chances d'être exécutées à court terme. Cela n'étant pas davantage démontré que pour les autres OQTF, elle a estimé qu'il était préférable de ne pas imposer aux tribunaux administratifs de statuer en urgence sur des OQTF ayant, malheureusement, tout aussi peu de chances d'être suivies d'effets. La commission a également relevé que l'application d'un régime dérogatoire aux seules OQTF fondées sur le 4° de l'article L. 611-1 du Ceseda pouvait aller à l'encontre de l'objectif de simplification et de lisibilité du contentieux des étrangers.

Par l'adoption d'un même amendement COM-237 , la commission a donc supprimé le régime dérogatoire auxquelles ces OQTF étaient soumises . Pour plus de lisibilité, les procédures applicables, la proposition du Gouvernement et les modifications de la commission sont synthétisées dans le tableau ci-après 215 ( * ) .

Acronymes : délai de départ volontaire (DDV) et conditions matérielles d'accueil (CMA)

3) Un recours par principe à la vidéo-audience qui se justifie mais qui doit être assorti de garanties supplémentaires

Les articles 21 à 23 du projet de loi proposent par ailleurs de faire du recours à l'audience délocalisée et, le cas échéant, à la vidéo-audience le principe lorsque le requérant est placé en rétention administrative ou en zone d'attente . Aux termes de l'article L. 614-11 du Ceseda, il s'agit actuellement d'une simple possibilité.

Sans nier les défauts de l'audience délocalisée et de la vidéo-audience, la commission a considéré qu'il s'agissait de la moins mauvaise des options, en particulier pour éviter d'imposer la multiplication de missions d'escorte à des agents de la PAF déjà très sollicités. Pour des raisons d'efficacité et de bonne administration de la justice, elle a donc accepté la systématisation du procédé, tout en l'assortissant de garanties . Par l'adoption d'un amendement COM-238 des rapporteurs elle a donc explicitement garanti la mise à disposition du requérant de son dossier et la possibilité pour le juge de suspendre l'audience en cas de difficultés techniques.

Afin de tenir compte du nombre réduit d'interprètes pour certaines langues ou dans certains territoires, et dans la mesure où cela ne remet pas en cause le droit du requérant à bénéficier de leurs services , elle a enfin adopté un amendement COM-197 de Marc-Philippe Daubresse revenant sur l'obligation de présence physique de l'interprète aux côtés du requérant, du juge ou, à défaut, dans toute autre salle d'audience.

La commission a adopté les articles 21 à 23 ainsi modifiés .

Article 23 bis (nouveau)
Aménagement de certaines dispositions contentieuses

En complément de la réforme structurelle du contentieux des étrangers opérée par les articles 21 à 23 et afin de répondre à des difficultés d'application identifiées par le rapport de mars 2020 du Conseil d'État sur la simplification du contentieux des étrangers, la commission , à l'initiative des rapporteurs, a ajusté les procédures existantes sur quatre points : l'instruction des litiges relatifs au refus de titres de séjours « étranger malade », la date d'édiction d'une mesure d'éloignement lorsque le juge de l'asile statue par ordonnance, la durée de validité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la visite domiciliaire d'un étranger assigné à résidence ainsi que le délai dont il dispose pour statuer sur le placement en rétention et la prolongation de la rétention d'un même étranger.

La commission a adopté l'article 23 bis ainsi rédigé.

Au-delà de la réduction d'une douzaine à trois du nombre de procédures applicables en droit des étrangers, le rapport dit « Stahl », établi en mars 2020 par le Conseil d'État, ainsi que le rapport d'information de la commission des lois « Services de l'État et immigration : retrouver sens et efficacité » de mai 2022 identifient plusieurs autres dispositions contentieuses dont la rédaction est source de difficultés pratiques pour les magistrats ou l'administration et gagnerait à être optimisée. Par l'adoption d'un amendement COM-239 des rapporteurs, la commission a donc introduit dans le Ceseda les recommandations de ces rapports et a procédé à trois ajustements techniques des règles contentieuses.

Ces modifications portent premièrement sur l'instruction des litiges relatifs au refus de titres de séjours « étranger malade » . Il s'agit de permettre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de présenter ses observations sans être tenu par le secret médical, dans le cadre du recours formé par un étranger qui s'est vu refuser ce titre de séjour par le préfet, après avis d'un collège de médecins de l'OFII. En l'état du droit, le contenu de cet avis n'est en effet pas transmis au préfet en raison du secret médical, ce qui le prive des éléments de contradiction indispensables dans le cadre du contentieux portant sur son refus de titre.

Deuxièmement, elles ont trait à la possibilité d'édicter une décision d'éloignement dès la date de l'ordonnance rejetant le recours contre la décision de l'OFPRA . Sur ce point, le Conseil d'État relève dans son rapport que, lorsque le juge de l'asile a statué par ordonnance, « l'articulation entre la date de fin du droit au maintien sur le territoire au titre d'une demande d'asile et la date d'adoption d'une mesure d'éloignement alimente des débats contentieux artificiels ». La notification régulière de l'ordonnance étant une condition de légalité de la décision d'éloignement, les déboutés du droit d'asile se prévalent en effet systématiquement d'un défaut de notification régulière pour se soustraire à l'exécution de la mesure d'éloignement dont ils font l'objet. Reprenant la proposition du Conseil d'État, l'amendement COM-239 des rapporteurs dissocie donc l'adoption de la mesure d'éloignement, qui pourra intervenir légalement dès la date de signature de l'ordonnance, de son exécution, qui sera quant à elle conditionnée à sa notification régulière .

Troisièmement, la commission a ajusté le délai dont dispose le JLD pour statuer sur le placement en rétention et la prolongation de la rétention administrative d'un même étranger . La rédaction actuelle de l'article L. 743-4 du Ceseda, qui prévoit que ce dernier statue « dans les quarante-huit heures suivant sa saisine », peut en effet conduire à ce que le juge tienne deux audiences successives dans une même journée sur le placement en rétention puis sur la prolongation de la rétention. Cela se produit notamment lorsque la personne retenue forme un recours en application de l'article L. 741-10 du Ceseda dans les premières heures de sa rétention et que le préfet demande la prolongation de la mesure peu de temps avant l'expiration de la période de quarante-huit heures prévue à l'article L. 741-1 du Ceseda. Conformément aux recommandations du rapport « Stahl » et afin d'éviter que le JLD n'ait à tenir deux audiences consécutives sur un même dossier, la commission a donc prévu que le délai de jugement commence à courir à compter de l'expiration du délai de recours contre la décision de placement en rétention .

Enfin, la commission a fixé à 144 heures, au lieu de 96 heures, la durée de validité de l'ordonnance du JLD autorisant la visite domiciliaire d'un étranger assigné à résidence en application de l'article L. 733-10 du Ceseda. Lors de l'examen en 2018 du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, la commission s'était en effet prononcée contre la réduction de ce délai à 96 heures 216 ( * ) , estimant qu'elle privait les forces de l'ordre d'un outil utile pour procéder aux éloignements , en particulier lorsque l'ordonnance est obtenue au début d'un week-end ou la veille d'un jour férié. Aucun élément n'étant par la suite venu remettre en cause cet argument, la commission a tenu à réaffirmer la position constante du Sénat sur le sujet.

La commission a adopté l'article 23 bis ainsi rédigé .

CHAPITRE II
CONTENTIEUX JUDICIAIRE

Article 24
Comparution des étrangers devant le juge des libertés et de la détention dans une salle aménagée à proximité immédiate de la zone d'attente ou du lieu de rétention

L'article 24 revient sur le principe de la comparution de l'étranger devant le juge des libertés et de la détention au siège du tribunal judiciaire, en autorisant l'utilisation d'une salle spécialement aménagée à cet effet à proximité de la zone d'attente ou du lieu de rétention . Le juge peut décider de siéger pour sa part au tribunal , les deux salles étant alors reliées par un moyen de communication audiovisuelle .

La commission a accepté cette évolution mais l'a assortie, à l'initiative des rapporteurs, de garanties supplémentaires dans l'intérêt de l'étranger.

Elle a adopté l'article ainsi modifié .

1. L'état du droit applicable : le juge des libertés et de la détention statue, par principe, au siège du tribunal judiciaire

À l'instar de l'article 21 relatif au contentieux administratif, l'article 24 du projet de loi modifie les règles déterminant le lieu où se déroulent les audiences du juge des libertés et de la détention (JLD) lorsqu'il statue sur le cas du maintien d'un étranger en zone d'attente, ainsi que sur la contestation d'une décision de placement en rétention administrative ou de sa prolongation.

En l'état actuel du droit, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) consacre le principe selon lequel le JLD statue au siège du tribunal judiciaire territorialement compétent (articles L. 342-6 et L. 743-7).

Par exception , le juge statue dans une salle d'audience attribuée au ministère de la justice lorsqu'elle a été spécialement aménagée à cette fin sur l'emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire , ou à proximité immédiate du lieu de rétention .

Le JLD peut décider, sur proposition de l'autorité administrative , de recourir sans le consentement de l'étranger à l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle garantissant la confidentialité de la transmission. Il est alors dressé, dans chacune des deux salles d'audience ouvertes au public, un procès-verbal des opérations effectuées (articles L. 342-7 et L. 743-8 du Ceseda).

S'agissant du contentieux du maintien en zone d'attente, en cas de nécessité, le président du tribunal judiciaire peut en outre décider de tenir une seconde audience au siège du tribunal judiciaire, le même jour que celle qui se tient dans la salle spécialement aménagée.

Le Gouvernement fait valoir que la tenue de l'audience au siège de la juridiction nécessite d'organiser le transfert, sous escorte , des étrangers, ce qui est coûteux , augmente les risques d'évasion des étrangers en situation irrégulière et constitue un moment pénible pour l'étranger compte tenu de la durée de transport et d'attente au siège de la juridiction, ce qui a été confirmé par les représentants de la direction centrale de la police aux frontières entendus par les rapporteurs.

2. L'exception deviendrait le principe : tenue de l'audience du juge des libertés et de la détention à proximité du lieu de rétention ou de la zone d'attente

L'article 24 du projet de loi pose le principe selon lequel l'audience se tiendrait désormais dans la salle d'audience attribuée au ministère de la justice à proximité immédiate de la zone d'attente ou du lieu de rétention .

Le juge des libertés et de la détention pourrait toutefois décider de siéger au tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe la zone d'attente ou le lieu de rétention. Dans cette hypothèse, l'étranger serait jugé dans la salle d'audience délocalisée ; les deux salles , ouvertes au public , sont alors reliées entre elles en direct par un moyen de communication audiovisuelle .

Le recours à la vidéo-audience, non subordonné, comme aujourd'hui, à l'accord de l'étranger, serait facilité dans la mesure où il ne sera plus conditionné à une demande de la part de l'autorité administrative.

Des garanties seraient apportées au dispositif. Comme actuellement, le moyen de communication audiovisuelle devrait garantir la confidentialité, mais également la qualité de la transmission .

Il est précisé que l'avocat de l'étranger pourrait assister à l'audience dans l'une ou l'autre sall e et aurait le droit de s'entretenir avec son client de manière confidentielle. Un interprète serait également physiquement présent dans la salle d'audience où l'étranger se trouve pour l'assister. Par exception, en cas de difficulté pour obtenir le concours d'un interprète qualifié - ce qui ne sera pas rare dans certaines langues - il pourrait se trouver dans la salle d'audience avec le JLD ou dans une autre salle d'audience.

U n procès-verbal serait établi dans chacune des salles d'audience , ce qui est déjà le cas.

Ces évolutions seraient dupliquées pour la procédure d'appel.

3. Le renforcement par la commission des lois des garanties apportées

Tout en approuvant ces évolutions, la commission des lois a adopté un amendement COM-240 des rapporteurs précisant les finalités de cette nouvelle organisation qui sont d'assurer une bonne administration de la justice et de permettre à l'étranger de présenter valablement ses explications.

Par le même amendement, elle a jugé nécessaire de renforcer les garanties apportées aux étrangers lors de la vidéo-audience en :

- mettant à sa disposition la copie intégrale de son dossier ;

- et en formalisant la possibilité pour le juge des libertés et de la détention de suspendre l'audience lorsque la qualité de la retransmission n'est pas satisfaisante .

La commission des lois a adopté l'article 24 ainsi modifié .

Article 25
Allongement du délai pour statuer sur les requêtes aux fins de maintien
en zone d'attente pour le juge des libertés et de la détention

En réponse aux difficultés rencontrées ayant résulté du placement simultané d'un nombre important d'étrangers à la suite de l'accostage de l'Ocean Viking dans le port de Toulon, l'article 25 ouvre à titre principal la possibilité d'allonger le délai dont dispose le juge des libertés et de la détention pour statuer sur les requêtes aux fins de maintien en zone d'attente.

Partageant l'objectif poursuivi par le dispositif, la commission a néanmoins souhaité enrichir le dispositif et préciser la procédure applicable. Elle a adopté l'article 25 ainsi modifié.

1. L'état du droit : un délai octroyé au JLD pour statuer
pouvant exceptionnellement s'avérer trop court

1.1 Une procédure aux délais encadrés

Le placement 217 ( * ) puis le maintien 218 ( * ) en zone d'attente constituant une mesure privative de liberté , la procédure applicable prévoit un strict encadrement des délais.

Aux termes de l'article L. 343-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), « l'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français peut être placé dans une zone d'attente » 219 ( * ) . Ce placement initial ne peut excéder quatre jours 220 ( * ) , lors desquels l'étranger concerné est informé de ses droits 221 ( * ) . Il peut également former un recours en annulation de la décision de refus d'entrée sur le territoire dans les conditions de droit commun 222 ( * ) , un référé-suspension, ainsi qu'un référé-liberté 223 ( * ) devant le juge administratif 224 ( * ) .

Lorsque l'autorité administrative souhaite le maintien de l'étranger en zone d'attente pour une période dépassant quatre jours, elle est tenue d'en former la requête auprès du juge des libertés et de la détention (JLD), qui statue sous 24 heures ou, lorsque les nécessités de l'instruction l'exigent, 48 heures 225 ( * ) . Cette prolongation court pour un maximum de huit jours 226 ( * ) , au terme desquels une nouvelle prolongation d'un maximum de huit jours peut, « à titre exceptionnel ou en cas de volonté délibérée de l'étranger de faire échec à son départ » être décidée par le JLD 227 ( * ) . Le schéma ci-dessous retrace les principaux délais applicables à cette procédure.

Présentation schématique des délais
pour le placement et le maintien en zone d'attente

Source : commission des lois du Sénat

1.2. Un délai pour statuer qui peut ponctuellement poser difficulté

L'accostage de l' Ocean Viking dans le port de Toulon a nécessité la mobilisation d'un nombre important d'agents , afin de procéder à l'accueil et au traitement administratif des 234 passagers du navire 228 ( * ) .

Néanmoins, du point de vue de l'organisation judiciaire, la mobilisation de cinq JLD à l'échelle du ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence n'a pas permis de traiter l'ensemble des requêtes aux fins de maintien en zone d'attente dans le délai de 24 heures prévu par la loi.

Par ailleurs, il a été estimé par le juge des libertés et de la détention que l'allongement du délai de 24 à 48 heures pour les nécessités de l'instruction était illégal en l'espèce , la circonstance du placement simultané d'un nombre important d'étrangers en zone d'attente n'entrant pas dans le champ de cette faculté, qui doit s'entendre des seules « vérifications que le juge estime indispensables à effectuer avant de prendre une décision de maintien en zone d'attente ».

L'illégalité de l'allongement du délai
pour statuer dans le cas d'espèce

Comme l'a expliqué Éric Jalon, directeur général des étrangers en France (DGEF), devant la commission des lois le 14 décembre 2022, l'autorité administrative avait jugé possible l'allongement du délai pour statuer de 24 à 48 heures, considérant, « en nous inspirant des pratiques du juge administratif, que l'audience faisait partie intégrante du processus de l'instruction. Ainsi, à partir du moment où les audiences étaient programmées et n'avaient pu avoir lieu, il aurait fallu, de notre point de vue, d'emblée passer à un délai de 48 heures, car l'instruction n'était pas complète . »

Telle n'a pas été l'appréciation portée par le JLD puis, après appel interjeté par le procureur de la République, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Celle-ci a en effet jugé que « si l'article L. 342-5 du Ceseda prévoit que ce délai peut être porté à 48 heures, c'est à la condition que les nécessités de l'instruction l'imposent. Cependant, le premier juge n'a pas estimé que les nécessités de l'instruction l'imposaient et aucun élément du dossier ne permet de le soutenir. Par ailleurs, le grand nombre de saisines concomitantes ne peut être considéré comme une nécessité de l'instruction, les nécessités de l'instruction s'entendant des vérifications que le juge estime indispensables à effectuer avant de prendre une décision de maintien en zone d'attente 229 ( * ) . »

Dans le cas d'espèce, les personnes pour lesquelles la requête aux fins de maintien en zone d'attente n'a pas pu être examinée dans les délais sont donc sorties de zone d'attente et donc entrées sur le territoire.

2. Le dispositif proposé : améliorer la prise en compte par le JLD des contraintes opérationnelles liées à un nombre important d'étrangers placés en zone d'attente

Le dispositif proposé par l'article 25 du projet de loi tend donc, à titre principal, à pallier cette difficulté. Il s'articule autour de deux dispositions s'inspirant largement de dispositions régissant déjà le placement en zone d'attente ou la rétention administrative, et prévoyant la prise en compte des contraintes opérationnelles liées au traitement simultané d'un nombre important de requêtes .

En premier lieu, il ajoute le « placement en zone d'attente simultané d'un nombre important d'étrangers au regard des contraintes du service juridictionnel » aux circonstances - aujourd'hui limitées aux seules « nécessités de l'instruction » - justifiant l'allongement de 24 à 48 heures du délai pour statuer sur la requête aux fins de maintien en zone d'attente. En matière de placement en zone d'attente, la notion de « placement simultané en zone d'attente d'un nombre important d'étrangers » est déjà prévue à l'article L. 343-1 du Ceseda 230 ( * ) .

En second lieu, il explicite l'office du JLD en ajoutant au Ceseda un article L. 342-7-1 prévoyant, d'une part, qu'il « rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure que celui-ci a été, dans les meilleurs délais, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir » et, d'autre part, qu'il « tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en zone d'attente simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information sur les droits et à leur prise d'effet . » Une telle disposition constitue le décalque d'une disposition déjà prévue en matière de rétention administrative à l'article L. 743-9 du Ceseda.

3. La position de la commission : enrichir le dispositif et apporter de nécessaires précisions procédurales

S'agissant de la faculté proposée d'un allongement du délai dont dispose le JLD pour statuer, la commission n'a pas souhaité modifier en profondeur l'équilibre déjà atteint par le législateur . Un allongement indiscriminé du délai dont dispose le JLD pour statuer sur de telles requêtes


encourrait un fort risque d'inconstitutionnalité 231 ( * ) et ne semblerait en tout état de cause pas pertinent, le délai actuel de 24 heures permettant au JLD de statuer normalement dans la plupart des cas. La commission a néanmoins souhaité apporter de nécessaires garanties procédurales par l'adoption de l'amendement COM-241 des rapporteurs .

En effet, par parallélisme des formes, il peut être déduit de la formulation actuelle de l'article que l'allongement serait, comme lorsque les nécessités de l'instruction l'exigent, décidé par le JLD lui-même. Il reviendrait à ce dernier d'apprécier « les contraintes du service juridictionnel », ce qui ne semble pourtant pas relever de son office et qui pourrait également ouvrir la voie à certains détournements de la procédure, le critère proposé étant large. Il a ainsi semblé utile à la commission de prévoir qu'une telle appréciation n'incombe pas au JLD lui-même mais au premier président de la cour d'appel du ressort concerné 232 ( * ) . En cas de placement d'un nombre important d'étrangers en zone d'attente, il reviendrait en conséquence à ce dernier, appréciant les contraintes du service juridictionnel, d'ouvrir par ordonnance au juge des libertés et de la détention la faculté de statuer sur les requêtes aux fins de maintien en zone d'attente dans un délai de 48 heures. La possibilité d'allongement du délai « pour les nécessités de l'instruction », à la discrétion du JLD, serait maintenue en l'état.

La commission a également souhaité enrichir le dispositif en prévoyant une procédure ad hoc permettant la mobilisation de JLD à l'échelle du ressort de la cour d'appel , sur ordonnance du premier président prise à la demande du président du tribunal judiciaire concerné. L'ordonnance portant délégation préciserait le motif et la durée de la délégation. Le dispositif serait encadré : un magistrat ne pourrait être délégué plus de cinq fois au cours de la même année judiciaire, la durée totale de délégation d'un magistrat à cette fin ne pouvant excéder quarante jours au cours de l'année judiciaire. S'inspirant des garanties applicables à la délégation de magistrats en général 233 ( * ) et à la suppléance des JLD en particulier 234 ( * ) , la commission a entendu créer un cadre pérenne et spécifique à la mobilisation de JLD - qui existe déjà en matière de procédure pénale 235 ( * ) - dans le cadre du traitement des requêtes aux fins de maintien en zone d'attente.

S'agissant de l'explicitation de l'office du JLD afin qu'il tienne compte des circonstances particulières liées au placement en zone d'attente d'un nombre important d'étrangers, la commission n'a pas souhaité modifier cette disposition . La conciliation ainsi opérée entre la garantie de la liberté individuelle de l'étranger concerné et la lutte contre l'immigration irrégulière, qui participe de l'objectif à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public 236 ( * ) , paraît d'autant plus satisfaisante qu'une telle limitation de l'office du JLD est déjà prévue en matière de rétention administrative.

La commission a adopté l'article 25 ainsi modifié .

TITRE VI
DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES

Article 26
Habilitation à légiférer par ordonnance pour adapter les dispositions du projet de loi à l'outre-mer

L'article 26 tend à habiliter le Gouvernement à adapter les dispositions du projet de loi aux outre-mer.

La commission a adopté cet article sans modification.

La commission regrette la nécessité d'une habilitation pour une période de dix-huit mois pour adapter outre-mer les dispositions du projet de loi. Elle espère que le cours de la navette parlementaire permettra d'apporter la plupart de ces adaptations par des dispositions d'application directe.

La commission a adopté l'article 26 sans modification .

Article 27
Entrée en vigueur

L'article 27 fixe les modalités d'entrée en vigueur du projet de loi.

La commission a adopté cet article sans modification.

L'article 27 prévoit des entrées en vigueur différées pour deux parties du projet de loi :

- l'interdiction du placement des mineurs en centre de rétention administrative (article 12) entrerait en vigueur au 1 er janvier 2025, afin de laisser du temps aux services de la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) et de l'aide sociale à l'enfance (ASE) pour anticiper les conséquences de cette mesure ;

- la simplification du contentieux des étrangers (articles 21 à 24) entrerait en vigueur au plus tard six mois après la promulgation de la loi. Il est par ailleurs précisé que les nouvelles règles de contentieux ne s'appliqueraient qu'à la contestation des décisions édictées postérieurement à cette date.

Par ailleurs, il est également prévu de facto une entrée en vigueur différée outre-mer, compte tenu du dispositif d'habilitation à intervenir par ordonnance pour adapter les dispositions dans les collectivités ultramarines dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi.

L'adoption par la commission de plusieurs amendements relatifs aux voies d'accès au séjour nécessitera en outre d'étendre le champ de ces entrées en vigueur différés en séance publique , en particulier afin de clarifier l'application des nouvelles règles aux demandes en cours d'instruction.

La commission a adopté l'article 27 sans modification .

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 15 MARS 2023

M. François-Noël Buffet , président . - Nous en venons à l'examen du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Ce projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration est scindé en quatre titres.

Le premier s'intitule « Assurer une meilleure intégration des étrangers par le travail et la langue », le deuxième « Améliorer le dispositif d'éloignement des étrangers représentant une menace grave pour l'ordre public », le troisième « Sanctionner l'exploitation des migrants et contrôler les frontières » et le quatrième « Engager une réforme structurelle du système de l'asile ». Je présenterai les deux premiers titres et notre collègue Philippe Bonnecarrère présentera les deux derniers.

Ce projet de loi n'est pas le « Grand Soir » de l'immigration, car il ne développe pas véritablement une stratégie claire et cohérente sur le sujet. Si certaines mesures sont intéressantes, d'autres le sont moins. Nous vous proposerons de supprimer un certain nombre d'articles, dont nous n'avons pas véritablement perçu la plus-value. En revanche, nous avons essayé de lui donner un sens, en partant d'un certain nombre de constats.

Le nombre d'étrangers en France va croissant. En 2022, la primo-délivrance de titres de séjour a augmenté de 17,2 % et concernait plus de 320 000 personnes, chiffre inédit. L'immigration irrégulière est, par définition, difficilement chiffrable. Néanmoins, ce chiffre est en progression à chaque fois que le ministre de l'intérieur l'évoque. D'après lui, « entre 600 000 et 900 000 » clandestins seraient présents sur le territoire national. L'asile est aussi en augmentation avec plus de 11 000 demandeurs chaque mois. Nous pouvons estimer que l'asile est un droit dû aux termes de nos engagements nationaux et internationaux. Je rappellerai néanmoins que 60 % des demandeurs d'asile sont finalement déboutés et n'avaient donc pas de motif légitime pour faire cette demande.

Ces chiffres ont évidemment des conséquences. Les préfectures, à tout le moins un certain nombre d'entre elles, sont embolisées - le rapport d'information du président Buffet de mai 2022 l'indiquait déjà et nous avons pu le constater à la fois au cours de nos auditions et sur le terrain -, et ce malgré la bonne volonté des agents qui y travaillent. Les juridictions administratives sont aussi accaparées par le contentieux des étrangers. J'évoquerai rapidement l'exemple du contentieux des rendez-vous mentionné également dans le rapport précité. Ainsi, les étrangers qui se présentent en préfecture, alors qu'aucun rendez-vous n'est disponible rapidement, forment un référé « mesures utiles » afin que le tribunal administratif enjoigne à la préfecture de leur en attribuer un. Les préfectures réservent des plages de rendez-vous pour répondre à ces injonctions, ce qui diminue d'autant la possibilité d'obtenir un rendez-vous. Ce contentieux frôle l'absurde et embolise encore davantage des juridictions administratives qui consacrent déjà au contentieux des étrangers environ 40 % de leur temps.

S'agissant de l'asile, il existe une incapacité à accueillir l'ensemble des demandeurs d'asile alors que, selon les règles européennes, nous devons les héberger. Nous en hébergeons environ la moitié, même si 60 % d'entre eux n'ont pas le droit d'obtenir cette protection, je le rappelle. La Cour nationale du droit d'asile (CNDA) est la première juridiction de France au regard du nombre de décisions, soit environ 67 000 décisions par an. Les textes doivent être adaptés ; la justice est rendue dans des conditions acceptables, mais pas optimales.

Au regard de ces éléments, on peut incriminer le manque de moyens, mais ce n'est pas la seule raison. En réalité, le nombre crée des difficultés. Les étrangers se regroupent, d'une part, parce qu'on leur propose de se regrouper dans certains hébergements et, d'autre part, parce qu'il est naturel de le faire lors de son arrivée dans un pays étranger. Or ce regroupement peut favoriser l'apparition du communautarisme, car parfois leurs moeurs et leurs cultures heurtent frontalement les moeurs, les cultures, les principes de la République française et de nos concitoyens, qui le vivent mal.

En outre, la pression des médias est importante lorsqu'un acte de délinquance est commis par un étranger, car ils s'empressent désormais de préciser si ce dernier faisait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (OQTF).

La tension est croissante en France entre la population issue de l'immigration et la population française. Or, actuellement, une des principales difficultés de notre système réside dans la grande impuissance publique à faire respecter les textes sur l'immigration. Ainsi, selon les derniers chiffres disponibles, 120 000 OQTF sont délivrées chaque année, mais seuls 6 % à 7 % d'entre elles sont exécutées.

Il importe de ne pas laisser les choses en l'état et de présenter un projet un peu plus « musclé », si je puis dire, en essayant d'inverser cette courbe.

Il est vrai que la politique de l'immigration ne dépend pas que de la France. Ainsi, nous sommes tenus de respecter les règlements et les directives de l'Union européenne, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), les conventions bilatérales, notamment celle qui nous lie à l'Algérie depuis 1968, et nous sommes assez dépendants de la diplomatie française. Par conséquent, la solution dépend davantage de la volonté politique du Gouvernement, ainsi que de sa politique diplomatique, que du Parlement, même si nous devons montrer une certaine fermeté.

Nous soutenons certaines dispositions, sur lesquelles je reviendrai lors de l'examen des amendements. Pour le reste, nous proposons de combler les manques de ce texte en prévoyant : une définition des orientations pluriannuelles de la politique d'immigration dans un débat parlementaire annuel, un renforcement des conditions d'accès au regroupement familial - y compris par l'exigence d'un niveau de langue minimal pour ses bénéficiaires et par un renforcement du contrôle des conditions de ressources et de logement -, le renforcement des conditions d'admission au titre d'« étranger malade », un meilleur contrôle de l'immigration étudiante qui est devenue la première cause de délivrance de titres de séjour et, enfin, l'expérimentation de l'instruction « à 360° » de l'examen des demandes de titres de séjour.

Tout cela s'ajoute aux dispositions du Gouvernement, notamment celles de l'article 1 er du projet de loi, qui prévoit la maîtrise d'un certain niveau de langue pour bénéficier d'une carte de séjour pluriannuelle. Nous y ajouterons une formation civique.

S'agissant de l'éloignement, le Gouvernement propose de faciliter la levée des protections de certains étrangers extrêmement protégés et ne pouvant donc faire l'objet ni d'une expulsion, ni d'une interdiction du territoire français, ni éventuellement d'une OQTF. Nous allons non seulement accepter de le faire, mais également nous attacher à maximiser la portée du dispositif.

Nous allons également encadrer, pour plus d'efficacité, le relevé d'empreintes et la prise de photographies coercitives. Nous accepterons par ailleurs l'interdiction de placement des mineurs de 16 ans dans les centres de rétention administrative (CRA), pour des raisons que nous vous expliquerons lors de l'examen des amendements.

Enfin, à l'engagement des étrangers à respecter les principes de la République proposé par le Gouvernement, nous ajoutons la création d'un « contrat d'engagement au respect des principes de la République ».

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Muriel Jourda et moi-même avons travaillé en étroite collaboration sur l'ensemble des dispositions du projet de loi. Je la remercie de la qualité de nos échanges.

Devons-nous légiférer une nouvelle fois en matière d'asile et d'immigration ? La réponse du Gouvernement est affirmative. En dépit de la différence des intitulés - nous sommes passés d'une loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, adoptée en 2018, au présent projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration -, il s'agit toujours du même sujet. Je note que nous sommes passés de « réussir » à « améliorer » l'intégration... De fait, nous examinerons des articles similaires à ceux du projet de loi de 2018.

Devons-nous y voir un témoignage supplémentaire d'une France qui légifère beaucoup, et ce d'autant plus que son action serait peu efficace ? Le message est-il ainsi plus important que l'action ? Il est utile de se réinterroger sur les raisons de l'inefficacité de notre politique d'immigration.

Premièrement, nous vous proposons d'élaborer un texte de solutions, en examinant ce qui fonctionne ou pourrait fonctionner. Il importe de penser à la mise en oeuvre - possible ou non - des dispositions que nous adopterions. En d'autres termes, n'abusons pas des batailles de principes et recherchons les solutions concrètes.

Deuxièmement, nous devons expliquer clairement à nos concitoyens ce qui peut être fait ou pas. Paradoxalement, l'immigration est un sujet techniquement peu connu, alors que chacun s'accorde à le considérer comme essentiel pour l'évolution du pays. Par conséquent, comment expliquer simplement ce qui est complexe sans tomber dans la caricature ou les « totems » ?

Troisièmement, nous vous proposons de traiter ce sujet comme celui de la France, mais aussi de l'Union européenne et des pays sources. Il n'est pas possible de se satisfaire d'une situation où ces derniers considèrent parfois qu'il nous revient seuls de gérer la question. Des dispositions miroirs doivent être prévues, par exemple, en matière d'aide au développement. C'est également le sens de la proposition prévoyant que le Parlement examinera annuellement les objectifs de nombre de types de séjour.

Quatrièmement, nous vous proposons également de ne pas idéaliser ce texte, qui sera à l'évidence une étape.

Mme Éliane Assassi . - Nous n'allons pas le faire !

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - À l'évidence, l'exécutif n'a pas toutes les clés en main, aussi bien en amont qu'en aval. En amont, l'Union européenne est un acteur incontournable de la protection des frontières et nous connaissons les blocages qui demeurent sur ce sujet entre les vingt-sept États membres. En aval, la situation des laissez-passer consulaires est bien connue. Si vous ne pouvez réguler l'amont et l'aval, la situation est forcément assez complexe.

Nous connaissons un dysfonctionnement du système, qui est embolisé, ce qui engendre une démotivation des personnels. Ainsi, notre pays a voulu trop rapidement raisonner en termes de dématérialisation. Face à la difficulté posée par le nombre de demandes de rendez-vous dans les préfectures s'est installée l'idée que le numérique et la dématérialisation pourraient tout régler. En réalité, en raison précisément de cette dématérialisation, le nombre de guichets dans les préfectures a été réduit de même que le personnel. Des dysfonctionnements existent pourtant dans la chaîne numérique en matière de traitement de la situation des étrangers, ce qui crée une embolie dans les préfectures et les tribunaux administratifs et, par voie de conséquence, une démotivation des personnels.

Cinquièmement, le texte traite de cette question sous un angle nouveau au travers du volet relatif aux relations à l'emploi. Il concerne les articles 3, 4, 5 et 7. Cela est probablement positif, dans la mesure où il vaut mieux tenir compte des réalités, notamment en Europe, où des inflexions dans des sens opposés interviennent en matière d'immigration, en particulier celle qui est liée à l'activité économique. On retrouve là la contradiction majeure que connaît actuellement notre pays où coexistent un taux de chômage qui reste élevé et un nombre de postes non pourvus, tout aussi important - je pense notamment au secteur de l'hôtellerie-restauration et à celui du BTP. Nous peinons à résoudre cette difficulté.

Nous allons donc devoir concilier les outils qui sont à notre disposition pour légiférer avec ceux de l'économie et du marché de l'emploi. À cet égard, Muriel Jourda et moi-même avons des appréciations un peu différentes sur les articles 3 et 4.

Les articles 14 et 15 aggravent les sanctions pénales applicables aux réseaux de passeurs et aux marchands de sommeil. À titre personnel, je suis assez réticent à l'idée d'accroître encore ces sanctions. Toutefois, je ne conteste pas l'importance de la question des passeurs. Les drames que nous avons connus en Méditerranée ou dans la Manche conduisent à nous interroger sur ceux qui mettent à l'eau des bateaux avec à leur bord des hommes, des femmes et des enfants. Il n'est donc pas anormal d'aborder ce sujet sous un angle pénal.

L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale de droit d'asile (CNDA) font aussi l'objet de dispositions, selon le concept du « aller vers ». Si l'utilisation de cette notion est compréhensible en matière de gestion des collectivités locales, cela peut paraître plus aventureux pour la gestion du droit d'asile, qui dispose d'un corpus juridique propre. Au sujet de la déconcentration de l'OFPRA dans les préfectures, nous vous proposerons de mettre en place une expérimentation. Cette notion d'« aller vers » est aussi présente sous la forme de territorialisation de la CNDA, avec des chambres réparties sur notre territoire. Cette partie du projet de loi n'a pas suscité de critiques particulières, mais elle pose des questions d'ordre matériel, car ces évolutions entraîneront des surcoûts.

Ensuite, je ne doute pas que nos débats seront vifs sur la question du juge unique ou de la collégialité. Cela me semble être un faux sujet, car les dispositions visées doivent a priori tout à la plume de la section du contentieux du Conseil d'État et permettent de recourir au juge unique ou de renvoyer à la collégialité. Le président de la CNDA lui-même ne voit pas d'obstacle à cette alternative.

Sur la réforme du contentieux, nous vous proposerons d'en revenir à la position du Conseil d'État, définie dans le rapport de Jacques-Henri Stahl, et à celle du président Buffet. En effet, il est logique de fixer des règles contentieuses plus souples pour les dossiers non urgents et plus strictes pour les dossiers urgents, en distinguant encore ceux qui doivent être traités dans les délais les plus brefs lorsque les personnes sont placées en centre de rétention administrative.

Le ministre propose une quatrième voie contentieuse avec la création d'un régime « prioritaire », soumis à un délai de recours fixé à 72 heures et un délai de jugement de six semaines, applicable lorsque les intéressés font l'objet d'une décision d'éloignement sans délai, mais pour laquelle le préfet ne prend pas de dispositions contraignantes - assignation à résidence ou placement en centre de rétention administrative. En réalité, en cas de décision d'éloignement sans mesure de contrainte, le taux d'exécution est faible. Imposer un traitement urgent de ces procédures alors que celles-ci ne sont que peu suivies d'effet contribuerait à l'embolie du système. Pour ces raisons pratiques, nous vous proposerons d'en rester aux propositions que j'ai évoquées.

Au sujet des vidéo-audiences auxquelles nous ne sommes pas opposés dans les zones d'attente ou dans les centres de rétention administrative, nous vous proposerons de les encadrer pour nous assurer de leur conventionnalité et de leur constitutionnalité. Nous tenterons de garder le cap de l'État de droit.

Pour conclure, je dirai que nous aurons probablement des débats assez vifs : on nous objectera que nous ne sommes pas conscients des effets de l'adoption de telles dispositions au sein de l'opinion publique et que nous n'observons pas les mouvements qui ont lieu actuellement en Europe. C'est une réalité, la pression migratoire est en forte augmentation. Cependant, au regard de notre démocratie, nous nous devons de respecter strictement notre cadre conventionnel et constitutionnel.

Enfin, nous allons vous faire part, en toute transparence, des divergences entre Muriel Jourda et moi-même sur deux articles.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - En effet, nous n'avons pas abordé les articles 3 et 4, pour lesquels nous n'avons pas trouvé à ce stade de position commune. En conséquence, pour ces deux articles, nous émettrons un avis défavorable sur l'intégralité des amendements pour laisser le Sénat trancher en séance publique.

L'article 4 prévoit que les demandeurs d'asile, dont le taux de protection serait équivalent à un pourcentage fixé par le Gouvernement, probablement à 50 % au regard des discussions, pourraient travailler dès l'enregistrement de la demande d'asile, alors qu'actuellement ce n'est possible qu'après un délai de six mois. La règle européenne est celle d'un délai maximum de neuf mois.

Nous avons une dissension sur ce sujet. Ma position est conforme au vote de la majorité sénatoriale en 2018. L'une des difficultés de la politique d'immigration est qu'il s'agit d'une politique du fait accompli. Elle conduit à estimer qu'il est nécessaire de régulariser les personnes installées sur le territoire, au motif qu'elles y mènent une vie que l'on peut qualifier de classique, notamment en travaillant. En réalité, cette politique conduit à ce qu'un nombre toujours croissant de personnes entrent sur notre territoire dans l'illégalité. C'est pourquoi je propose que nous en restions à six mois.

L'article 3, plus important, a trait à la régularisation des travailleurs clandestins dans les métiers en tension. Ces derniers sont définis dans une liste qui n'est d'ailleurs pas mise à jour régulièrement - la dernière date de 2021 -, alors que, selon les représentants du patronat, elle devrait l'être tous les six mois pour être pleinement représentative. Cet article du projet de loi prévoit qu'un étranger en situation irrégulière présent depuis trois ans sur le territoire et ayant travaillé huit mois sur les vingt-quatre derniers mois pourra demander - et l'obtiendra, puisque c'est de droit - un titre de séjour d'un an.

Or, selon un principe général du droit public, chacun d'entre nous peut demander un examen individuel de sa situation à l'administration. Dans ce cadre, les travailleurs étrangers peuvent demander leur régularisation, qui a été encadrée par la « circulaire Valls » de 2012. La demande est formulée par l'étranger et, surtout, elle doit être soutenue par l'employeur. Ce dernier déclare employer une personne en situation irrégulière, demande sa régularisation et le préfet apprécie. La réponse est alors à la main de l'État.

Avec le dispositif proposé par le Gouvernement, ce n'est plus l'étranger ou l'employeur qui demandera la régularisation, mais uniquement l'étranger, et celle-ci sera de plein droit, sauf en cas de menace à l'ordre public. L'État se départit donc de la possibilité d'accepter ou de refuser, dès lors que les conditions fixées seront respectées.

Le changement radical, c'est que la fraude créera des droits. La situation frauduleuse est jusqu'ici appréciée par l'administration, alors qu'il suffira, avec ce nouveau dispositif, de frauder suffisamment longtemps, avec suffisamment d'habileté, pour obtenir un titre de séjour. À mon sens, cela signifie la fin de toute procédure d'immigration, car que l'on entre sur un territoire de façon régulière ou pas, on pourra de toute façon obtenir de droit un titre de séjour. Or la fraude ne peut pas être créatrice de droit. Faire droit à cet article revient à mettre fin à toute politique d'immigration.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Sur les articles 3 et 4, les rapporteurs ne proposent pas d'amendements. Nous verrons, en séance publique, les différents amendements qui seront présentés par les groupes.

L'article 4 prévoit que les demandeurs d'asile en provenance de pays aux taux de protection très élevés puissent travailler sans attendre un délai de six mois, auquel s'ajoute celui de la demande d'autorisation de travail, qui est d'un à deux mois. En réalité, et c'est assez paradoxal, à l'issue de ce délai de six mois, peu de demandeurs d'asile font une demande d'autorisation de travail. Cela représente environ 4 000 cas par an. Ce sujet doit donc être relativisé.

Deux hypothèses peuvent être considérées : le demandeur d'asile étant susceptible d'être éloigné, son intégration professionnelle n'a pas lieu d'être favorisée ; a contrario , l'oisiveté étant la mère de tous les vices, il est préférable d'éviter de laisser ces personnes sans activité, tout en bénéficiant de l'allocation propre aux demandeurs d'asile. Il ne me paraît pas scandaleux de se fonder sur le taux de protection - par exemple en le portant à 70 % -, sachant que les situations sont extrêmement contrastées.

Le taux moyen de protection était de 40 % en 2022, mais cette moyenne couvre des écarts très importants. Ainsi, des pays connaissent de très faibles taux de protection, comme le Maroc ou la Côte d'Ivoire, tandis que d'autres ont de très forts niveaux de protection. Hormis les pays qui sont à 100 % d'admissions comme le Turkménistan, mais avec six demandes en 2022, les pays à haut niveau de protection sont l'Afghanistan, le Soudan du Sud, l'Érythrée et la Syrie avec un taux de protection supérieur à 80 %. À partir du moment où il existe une très grande probabilité que les ressortissants de ces pays bénéficient de la protection, je ne vois pas bien l'intérêt de retarder la possibilité pour eux de travailler.

Concernant l'article 3, il convient d'abord de s'interroger sur le fait de savoir si des personnes en situation irrégulière travaillent dans notre pays. À l'évidence, c'est le cas, sans que quiconque soit capable d'en évaluer le nombre. Néanmoins, ces personnes n'ont pas nécessairement toujours été en situation de clandestinité. En effet, dans certains cas, un contrat de travail a pu être établi alors qu'elles étaient en situation régulière. C'est ainsi le cas des détenteurs de titres de court séjour qui, à la date d'embauche, étaient en situation régulière, mais dont le titre est venu à expiration ou n'est pas renouvelé, les faisant basculer dans l'irrégularité.

Il n'en demeure pas moins qu'un certain nombre de personnes sont dans une situation d'irrégularité. La mesure proposée par le Gouvernement concerne le « stock », si je puis dire, et non pas le « flux ». Ainsi, il ne vous est pas demandé d'autoriser le séjour de personnes pour les métiers en tension à l'avenir, et annuellement. Ce ne sont que des mesures de régularisation.

Néanmoins, deux risques sont identifiables : celui de l'« appel d'air » et celui de la « trappe à bas salaires ».

Muriel Jourda a développé le risque d'appel d'air. Je le nuancerai pour ma part. En effet, la personne en situation d'irrégularité devra démontrer qu'elle a travaillé pendant huit mois et devra passer l'obstacle de son employeur, qui devra composer avec la révélation de cette situation d'irrégularité, qui l'expose à des sanctions pénales et administratives. Au demeurant, il est possible de gérer ce risque en paramétrant davantage l'article 3. En matière d'immigration professionnelle, des quotas peuvent être fixés. L'interdiction des quotas n'est valable que pour la demande d'asile et le rapprochement familial.

À propos du second risque, celui de la « trappe à bas salaire », sujet le plus délicat, comme en témoigne l'intervention de Jacqueline Eustache-Brinio devant le ministre de l'intérieur le 28 février dernier on tire tout le monde vers le bas, car il s'agit d'emplois peu qualifiés et de bas salaires.

Je ne vois pas l'intérêt de laisser les gens dans cette situation. Il me semblerait plus pertinent de s'interroger, avec les branches professionnelles, sur l'attractivité de ces métiers et de se demander pourquoi ils sont exercés principalement par des étrangers. Plutôt que de rejeter l'article 3, nous vous proposerons de réfléchir à ce sujet en séance, de poser la question des rémunérations, des classifications, des conditions de travail, afin de faire en sorte que ces métiers puissent attirer nos concitoyens, et non seulement des personnes étrangères, voire en situation irrégulière.

Nous faisons le choix, au sein de la majorité sénatoriale, d'assumer nos différences de sensibilité et nous serons très attentifs aux points de vue qui seront exprimés dans l'hémicycle.

M. Jean-Yves Leconte . - Je remercie nos rapporteurs. Je note qu'ils se sont interrogés sur l'opportunité de légiférer sur ce sujet. Il serait plus judicieux en effet de faire le bilan de ce qui existe, de ce qui a été voté et n'est pas appliqué, de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. Des négociations sont en cours au niveau européen sur un pacte sur l'asile et l'immigration. Elles devraient aboutir avant les prochaines élections européennes. Une transposition en droit interne sera pour partie nécessaire. Ne serait-il pas préférable d'attendre ce moment pour légiférer ?

L'accès aux préfectures est difficile. Elles sont submergées et refusent même parfois d'enregistrer les demandes de titre de séjour. Beaucoup d'étrangers deviennent clandestins faute d'avoir pu déposer leur dossier à temps. Résultat, les référés se multiplient et les juridictions administratives sont engorgées. Ce projet de loi ne répond pas aux priorités du moment et ne permettra pas de lever ces blocages.

On peut s'interroger sur le sens de ce texte. Celui-ci complique les choses et aboutira au résultat inverse de celui qui est escompté sur de nombreux points. Je m'inquiète ainsi de l'instrumentalisation de la notion de menace pour l'ordre public. Notre droit permet d'expulser des personnes qui représentent un danger pour la sécurité nationale : mieux vaudrait concentrer nos efforts pour éloigner les personnes qui présentent un risque réel, et non pas instrumentaliser les notions fondamentales de notre droit afin de pouvoir prononcer des OQTF à l'égard de tous les étrangers, en laissant croire que toute personne en situation irrégulière constitue un risque potentiel pour l'ordre public. C'est dangereux pour notre société.

L'histoire montre que le travail est le meilleur vecteur d'intégration. Les personnes venues travailler en France ont participé à la construction de notre pays et ont été intégrées à la société par ce biais. Le travail permet aussi de s'intégrer lorsque l'on vit en famille : évitons d'avoir une conception du travailleur étranger semblable à celle qui prévaut dans les pays du Golfe ! Certaines dispositions du projet de loi m'inquiètent à cet égard.

En facilitant l'exercice d'une activité économique par les étrangers, on renforce aussi notre croissance ; j'ajoute que lorsque les travailleurs sont en situation régulière, ils peuvent mieux défendre leurs droits, et c'est ainsi que l'on résorbera les « trappes à bas salaires ». De même, mieux vaut permettre aux demandeurs d'asile d'exercer un travail dès leur arrivée, sans que cela n'entraîne la moindre conséquence sur l'instruction de leur dossier par la suite, plutôt que de les forcer à rester inactifs pendant plusieurs mois, ce qui les conduit à perdre progressivement leurs compétences. Si l'on veut que les personnes s'intègrent le plus vite possible, il faut développer leur autonomie.

La création d'espaces « France asile » et de chambres territoriales de la CNDA n'est pas mauvaise en soi, mais il faut prévoir des garanties et éviter la généralisation du juge unique. La collégialité doit rester la règle, et le juge unique, l'exception.

En ce qui concerne la réforme du contentieux et la possibilité de tenir des vidéo-audiences, nous sommes favorables à une accélération des procédures ; mais là encore il faut veiller au respect des droits de la personne. Le développement incontrôlé de la justice hors les murs par visioconférence constitue un danger pour l'avenir de la justice.

Enfin, s'agissant des laissez-passer consulaires, je voudrais simplement rappeler que la meilleure façon de lutter contre l'immigration illégale est d'avoir des voies d'immigration légale. On ne peut pas rendre responsables tous les citoyens d'un pays de la politique menée par leur gouvernement, surtout lorsqu'ils ont des liens familiaux avec des citoyens français ou des personnes qui vivent sur notre territoire. Réduire notre politique bilatérale avec certains pays majeurs à cette question me semble dangereux et non conforme à notre intérêt.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - Ce texte vise à contrôler l'immigration et à favoriser l'intégration, mais je ne suis pas sûre qu'il permette d'y parvenir. Le Président de la République s'était engagé à déposer un projet de loi : il est grand temps en effet de regarder la réalité en face, les Français le demandent. Pendant longtemps, nous n'avons pas voulu voir les faits, mais cette question est cruciale pour l'avenir de notre pays et sa cohésion.

Ce texte ne constitue pas une réponse aux attentes des Français. Nous sommes débordés par des flux migratoires que nous ne contrôlons plus ; cette situation est source de tensions et de difficultés. Si nous ne trouvons pas de solutions aux problèmes des Français, nous irons vers une société et des choix politiques que je ne souhaite pas pour mon pays. Le communautarisme s'est installé. Des ghettos se sont développés partout. L'intégration est en panne. Il est temps d'aborder la question avec courage et lucidité. Les Français attendent des réponses, mais ce texte, malheureusement, n'en apporte pas.

Mme Éliane Assassi . - Ce projet de loi ne constitue pas un « Grand Soir » pour l'immigration. Il comporte quelques mesures intéressantes, mais d'autres sont inutiles ou dangereuses.

Ce texte suscite de nombre réactions négatives de la part de magistrats, d'avocats ou encore de responsables d'associations, qui présentent de nombreux arguments et propositions, qui n'ont guère été pris en compte ; ils considèrent que ce texte est porteur d'une forme de perversité, car il oscille entre répression et ouverture. C'est la vingtième loi sur l'immigration en quarante ans. Or aucun bilan de leur application n'a été réalisé ! Dans ce texte, comme dans les précédents, le migrant est toujours présenté comme un problème, un danger.

Les amendements déposés ce matin ne me rassurent pas : un certain nombre d'entre eux constituent des attaques à la dignité humaine ; or les migrants sont des êtres humains. Si nous les votons, nous renforcerons la défiance et le climat délétère qui prévaut déjà l'égard des étrangers.

En conclusion, il s'agit d'un texte non pas technique, mais bien politique, qui annonce non pas un « Grand Soir », mais des matins ternes pour les étrangers. Mon groupe déposera des amendements afin de lui donner une dimension plus respectueuse de la dignité humaine.

M. André Reichardt . - Ce sujet est éminemment sensible. Je tiens à remercier nos rapporteurs et saluer leur foi dans ce vingtième texte sur cette question. Si les lois précédentes avaient été couronnées de succès, on le saurait !

Est-ce un « texte de solutions », comme le dit Philippe Bonnecarrère ? Sans doute permettra-t-il de régler certains problèmes techniques. Les mesures visant à réduire l'embolie des préfectures, à simplifier les procédures contentieuses ou à exiger la maîtrise d'un certain niveau de langue pour obtenir un titre de séjour de longue durée vont dans le bon sens, et je salue d'ailleurs, à cette occasion, le travail réalisé par notre président sur la réforme du contentieux. Mais ce texte ne résoudra pas la question de la pression migratoire.

Je suis rapporteur avec Jean-Yves Leconte, au nom de la commission des affaires européennes, du paquet sur l'asile et l'immigration, proposé par la Commission européenne il y a deux ans. Ce texte n'avance guère, en dépit des efforts de la présidence française du Conseil de l'Union européenne. Les députés européens souhaitent attendre la présentation du pacte dans sa totalité avant de se prononcer. Si un accord peut être trouvé sur Eurodac et sur la procédure de filtrage, le screening , on attend toujours l'aboutissement des négociations sur la relocalisation des immigrés et sur le retour des déboutés du droit d'asile. Tant que ces points ne seront pas réglés, la pression migratoire perdurera. Le système Schengen est une passoire comme le reconnaît lui-même le directeur général de Frontex. Les vannes de l'immigration restent ouvertes. Est-il donc utile de légiférer aujourd'hui, alors que nous devrons transposer en droit français certaines dispositions du pacte européen lorsqu'il aura été adopté, même si je suis moins optimiste que Jean-Yves Leconte sur le calendrier ?

Ce texte réglera des questions techniques, mais ne permettra pas de maîtriser la pression migratoire comme l'attendent les Français.

M. François-Noël Buffet , président . - Je précise que trente textes ont été pris en quarante ans sur l'immigration, et vingt-deux depuis 1986.

M. Philippe Bas . - Je tiens à remercier nos rapporteurs pour avoir su éclairer le débat et présenter leurs désaccords avec loyauté. Ce projet de loi n'est pas à la mesure de l'aggravation de la pression migratoire ni de la dégradation des mécanismes d'intégration dans notre pays : nous avons délivré 3,5 millions de visas en 2019, contre 1,8 million en 2009 ; 170 000 titres de séjour ont été délivrés en 2007, mais 270 000 en 2021 ; 36 000 demandes d'asile ont été déposées en 2010, mais 120 000 en 2021, dont un tiers résultent de mouvements secondaires au sein de l'Union européenne ; 60 % des demandeurs d'asile sont déboutés. Le taux d'exécution des OQTF est très faible, pourtant le nombre de mesures exécutées - 19 000 - n'a jamais été aussi élevé. C'est le signe que, face à l'afflux des immigrés clandestins, notre système est saturé. Les préfectures comme les tribunaux sont engorgés. La délinquance est nettement plus forte parmi les étrangers.

Les procédures légales relatives au droit d'entrée et de séjour sont détournées de leur objet et deviennent des sources d'immigration irrégulière. Il faut s'interroger sur ces procédures en pensant à la manière dont elles pourraient être détournées pour permettre une installation frauduleuse en France. Ce projet de loi manque sa cible : il ne choisit pas entre fermeté et ouverture, et les deux dimensions se neutralisent. Le message qui ressort est que la France n'a pas une politique de dissuasion claire de l'immigration irrégulière. Finalement, on aboutit à un texte technique - certaines mesures vont d'ailleurs dans le bon sens, et nous devrons les adopter -, mais il ne suffira pas à rassurer les Français ni à dissuader les candidats à l'immigration irrégulière. Prenons garde à ce que nos débats parlementaires ne deviennent un théâtre d'ombres sans lien avec la réalité vécue par nos concitoyens.

Certes on peut se féliciter du rétablissement de la double peine, du non-renouvellement des titres de séjour des étrangers qui ne respectent pas les principes de la République, du rejet des demandes de cartes de séjour pluriannuelles lorsque la maîtrise du français est insuffisante - le remplacement d'une obligation de moyens par une obligation de résultat est pertinent -, du retrait des titres de séjour en cas de menace grave pour l'ordre public, de l'aggravation des sanctions contre les passeurs et les marchands de sommeil, etc. Mais ces dispositions, que nos rapporteurs comptent encore améliorer, concernent des étrangers déjà en France et n'affecteront qu'à la marge les flux migratoires irréguliers.

Ce projet de loi ne contient rien sur les abus du regroupement familial : on continue à utiliser le modèle de la cellule familiale européenne pour traiter le regroupement familial d'étrangers dont le mode de vie diffère pourtant profondément du nôtre. Ce texte ne comporte rien non plus sur les mariages frauduleux : on ne peut que déplorer l'absence de données statistiques sur la manière dont ils sont prononcés en France et à l'étranger. On aimerait connaître la part de ces mariages prononcée dans les consulats français et celle qui l'est dans les pays d'origine.

Il n'y a rien sur l'aide médicale de l'État (AME), alors que l'excellent rapport annuel de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) pour 2021 relatif aux procédures d'admission au séjour pour soins dénonce une réalité qui ne cesse de se dégrader et un laxisme unique en Europe, qui profite à beaucoup d'étrangers en séjour régulier dans des pays de l'Union européenne autres que la France, avec des dépenses que personne n'a réussi à chiffrer, mais qui sont extrêmement élevées.

Il n'y a rien non plus sur les demandes d'asile injustifiées, à part le souci d'accélérer de nouveau des procédures qui ne cessent de l'être ; et pourtant, le système est encore engorgé.

Il n'y a rien sur les faux mineurs étrangers isolés qui ne cessent d'occuper les dispositifs d'urgence de l'aide sociale à l'enfance (ASE) dans nos départements.

Ce texte doit être examiné non seulement en fonction de ce qu'il contient, mais aussi de ce qu'il ne contient pas, à savoir, malheureusement, l'essentiel.

Pire, certaines dispositions peuvent inciter les migrants à rejoindre notre pays pour s'y intégrer.

Le titre « métiers en tension » est en réalité une prime au travail illicite ; c'est une récompense à la persévérance dans la clandestinité, et un système profondément pervers. Pourquoi ne pas donner la priorité à la mise en place d'un examen paritaire - syndicats et patronat - par région, par département, sur les besoins d'emplois non pourvus et les formations qui permettraient à des nationaux d'accéder à ces emplois ?

Enfin, il y a la possibilité, pour une partie des demandeurs d'asile, d'exercer un emploi avant leur sixième mois de présence en France. C'est un moyen de consolider, pour les futurs déboutés du droit d'asile, leur présence dans notre pays, même si l'on a pris soin de réserver cette possibilité de travail à des personnes originaires de pays où des persécutions réelles ont lieu et dont ils pourraient être victimes.

Le texte ne mentionne pas non plus d'actions de la France pour que le retour dans le pays d'origine des étrangers en situation irrégulière, pourtant la clé de l'efficacité, se fasse dans de meilleures conditions grâce à l'obtention de laissez-passer consulaires.

J'entends les propos de Jean-Yves Leconte : les intérêts de la France, dans les relations bilatérales avec les pays d'origine des migrants, ne se réduisent pas aux flux migratoires. Ils peuvent être géopolitiques, économiques ou militaires. Bien sûr, ce n'est pas simple, sinon il y a longtemps que nous aurions fait pression, efficacement, pour que les laissez-passer consulaires soient délivrés. Pour autant, exercer une contrainte grâce à l'appui de la loi sur les pays d'origine est une nécessité absolue pour éviter que notre dispositif d'éloignement ne reste lettre morte.

Tout en approuvant certaines dispositions intéressantes du projet, il y a loin entre ce projet de loi et la mise en oeuvre d'une politique de l'immigration en rupture avec ce que nous avons pu faire en France durant les années récentes en vue d'une plus grande efficacité, à la fois dans le contrôle des entrées, dans les mesures d'éloignement, et dans notre capacité d'intégration des étrangers pour que ceux qui sont en situation régulière puissent prendre leur place dans la communauté nationale et respecter nos valeurs.

Le Gouvernement s'est constamment opposé à l'inscription dans la Constitution d'une règle simple et pourtant essentielle : nul ne peut se prévaloir de ses origines pour obtenir qu'il soit dérogé en sa faveur à la norme commune. Et pourtant, si nous n'affichons pas cette volonté d'intégration par le respect de nos normes et de nos lois, nous continuerons à subir le développement du communautarisme sans lui faire échec. Ce serait très grave. Il y a un palier à franchir pour faire de cette loi une loi efficace pour préserver la cohésion de notre société face à des courants migratoires de plus en plus envahissants.

Mme Nathalie Goulet . - Après le réquisitoire de Philippe Bas, je suis mal à l'aise avec ce texte. Monsieur le rapporteur, sur les articles 3 et 4, vous allez émettre un avis défavorable sur les amendements pour les examiner en séance. Pourquoi ? Ayez une option centriste, médiane...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - La commission va se prononcer.

Mme Nathalie Goulet . - Je m'interroge : quelle est l'opportunité de ce texte, maintenant ? Le pacte sur la migration et l'asile est loin d'être abouti. Je m'interroge sur les outils : le fichier Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF), et l'administration numérique des étrangers en France (ANEF). Vous les avez évoqués dans le rapport budgétaire, mais nous n'avons aucun renseignement. Aucun outil spécifique n'est en place pour un énième texte qui n'apporte rien et rajoute encore de la confusion.

C'est dommageable, alors que la situation appelle une mise à plat de l'ensemble des textes afin d'éviter que certains ne s'engouffrent dans des dispositifs imprécis et confus. Actuellement, le droit de l'asile et de l'immigration n'est ni protecteur pour la société ni pour ceux qui ont besoin d'un réel droit d'asile. Accueillons moins et mieux, disait Roger Karoutchi. Je regrette que nous n'ayons absolument pas progressé ces dernières années.

Mme Maryse Carrère . - Le RDSE n'a pas d' a priori partisan sur ce sujet difficile, qui est parfois l'occasion de prises de position idéologiques, voire populistes. À ce premier écueil s'ajoute celui de l'inflation législative : trente textes en quarante ans...

Je le disais à la Première ministre en décembre dernier : en septembre 2018, le Parlement a déjà adopté la loi Collomb pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, avec des objectifs sensiblement similaires. Nous n'avons pas eu le temps de dresser un bilan réel de l'efficacité de ces mesures. Avons-nous été plus efficaces sur les OQTF ? Je ne le crois pas. Quels sont les résultats sur les travailleurs sans papiers ?

Ce nouveau projet contient des dispositions innovantes et intéressantes, notamment les titres de séjour « travail dans des métiers en tension ». Cet assouplissement est intéressant, à condition d'être bien cadré. Il contribuera ce que certains travailleurs immigrés sortent d'une situation de précarité difficile, marquée par des emplois instables, une faible rémunération et l'absence de tout dispositif de protection sociale. Notre pays a montré combien l'intégration par le travail était efficace et valorisante.

Mais certaines dispositions sont regrettables, comme la réforme du contentieux des étrangers. Nos administrations et juridictions font face à de réelles difficultés : engorgement, complexité juridique... Mais les difficultés juridiques et le manque de moyens humains ne peuvent pas être compensés par des renoncements à nos principes fondamentaux, notamment la collégialité des juridictions et la publicité des débats.

Dans son avis du 23 février 2023, la Défenseure des droits estime que les mécanismes proposés « ne permettent pas de garantir la clarté, la sécurité et la sincérité des débats, ni d'assurer la confidentialité de la transmission ». Certes, nous comprenons l'objectif de simplification, mais il ne saurait à lui seul justifier des transgressions excessives au respect des droits des justiciables.

Nous avons donc déposé des amendements pour améliorer le texte.

Certaines dispositions ne protègent pas suffisamment les mineurs étrangers, qui subissent de nombreuses injustices, plus que d'autres. Notre Nation doit les protéger sans compromis. Nous avons également déposé des amendements en ce sens.

Le RDSE a de nombreuses attentes sur ce texte, et réserve sa position à ce stade. Nous nous déciderons en séance au vu du texte final.

Mme Esther Benbassa . - Je souligne la contradiction de ce texte : d'un côté, il présente l'immigré comme « l'ennemi » de l'unité française, et caresse dans le sens du poil les penchants d'une partie de la population qui s'oppose à l'immigration. De l'autre côté, je suis d'accord avec certains articles montrant que nous avons besoin de ces immigrés, car le marché du travail les requiert, faute de personnel dans certains secteurs.

La liste des métiers en tension sera-t-elle changeante ou stable ? Qu'en est-il de la précarité d'un tel titre de séjour ? Une fois que le métier ne sera plus en tension, la personne détenant ce titre recevra-t-elle une OQTF ? Va-t-on exclure les étudiants en fin d'études du bénéfice de cette carte ?

Ce texte contient beaucoup de rhétorique, mais peu de solutions, et ne répond pas aux problèmes des préfectures pour fixer des rendez-vous : il y a des mois d'attente entre le récépissé et l'obtention de la carte.

Il y a quinze jours, j'ai visité un CRA. Il y a de vrais troubles dans ces centres avec le mélange des détenus et des retenus. Les directeurs s'en plaignent. Aucune solution n'a été proposée par ce texte. Je suis opposée à la rétention dans des centres administratifs, mais il est anormal que ce texte n'apporte aucune réponse à ces difficultés.

Instaurer un juge unique pose problème. Les assesseurs du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) sont les seuls à maîtriser les faits, enjeux et menaces géopolitiques allégués par les requérants. En les supprimant, le Gouvernement donne quartier libre à des juges uniques non formés en la matière.

Se posent aussi les problèmes des mineurs non accompagnés et de l'intégration des étrangers à la société française. On parle d'intégration, sans voir quelles sont les véritables solutions. Qui paiera les frais de certification d'un certain niveau de maîtrise de la langue française pour obtenir la carte pluriannuelle, qui coûte entre 90 et 150 euros selon les régions ?

C'est un texte musclé, plutôt qu'un texte ouvrant la voie pour que ces immigrés puissent être employés dans les secteurs en tension.

Ce texte est également contradictoire et lourd. Pourquoi le rajouter à la panoplie de tous les textes débattus au Sénat depuis de nombreuses années sur le sujet de l'immigration ?

M. Guy Benarroche . - Ce texte relève d'une grande utopie, ou plutôt d'une grande illusion : celle de la diminution des flux migratoires.

Vous vous étonnez qu'on ne puisse abaisser la pression migratoire. Mais c'est le trentième texte depuis 1980, car aucun texte ne saura à lui seul amoindrir cette pression migratoire.

Ce n'est pas une loi française, aussi belle ou intéressante soit-elle, qui contiendra les flux migratoires et empêchera les personnes de migrer à l'intérieur de leurs frontières, puis vers le pays plus proche, et, enfin, vers les endroits les plus adaptés pour vivre.

Dissuader les étrangers d'être en situation irrégulière est irréaliste. Les étrangers ne viennent pas ici pour être en situation irrégulière ! Ils sont mis en situation irrégulière en raison de dysfonctionnements, de processus ou de décisions politiques.

Nous avons déposé beaucoup d'amendements en commission, et le ferons à nouveau en séance, pour expliquer ce que devrait être pour nous une bonne loi - au lieu de faire varier un curseur, qui joue sur la vie de femmes et enfants.

Contrairement à l'affirmation de Gérald Darmanin et Olivier Dussopt lorsqu'ils ont reçu les groupes politiques en décembre dernier, la partie intéressante de cette réforme sur l'intégration ne répond pas aux promesses, ni même aux premières intentions d'Olivier Dussopt. Et l'autre partie est une loi sécuritaire sur l'immigration.

Le nombre d'associations, de professionnels - avocats, magistrats, greffiers, travailleurs sociaux - et d'experts de l'immigration qui s'opposent à cette loi est tellement important qu'on pourrait alimenter des heures et des heures de débat en séance.

M. Thani Mohamed Soilihi . - Je remercie les rapporteurs pour l'ampleur du travail accompli. Mes propos n'engagent pas mon groupe. Ils sont liés à la situation migratoire hors norme de Mayotte. À Mayotte, sauf pour quelques exceptions pour lesquelles je déposerai des amendements, nous n'avons pas besoin de dispositions supplémentaires pour éradiquer l'immigration clandestine. Ce territoire a surtout besoin de la pleine exécution des lois, notamment la loi de 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan), qui prévoit une procédure administrative simplifiée pour éradiquer les bidonvilles. Heureusement que le Conseil d'État a estimé qu'elle était constitutionnelle, après le dépôt d'une question prioritaire de constitutionnalité. Nous allons pouvoir continuer à détruire ces bidonvilles.

Nous avons besoin de sanctionner les marchands de sommeil et les demandes de complaisance contre rémunération. Si ces dispositions ne sont pas appliquées, cela réduirait à néant ce que nous avons voté ici.

La situation migratoire est très compliquée à Mayotte. L'année dernière, 60 % des reconduites à la frontière française se sont faites sur ce département de 374 kilomètres carrés.

Ce territoire ne parvient pas à construire des écoles pour ses enfants, des infrastructures d'adduction d'eau, des infrastructures pour la santé. De nombreux Mahorais fuient l'île pour trouver des solutions ailleurs. Ce n'est pas admissible.

Notre Parlement a en charge le respect de l'application des lois : elles doivent être pleinement appliquées à Mayotte.

Une opération est annoncée pour éradiquer les bidonvilles. Il est frustrant de voir dans certains journaux nationaux, comme Le Monde , que ceux qui demandent le respect de la loi à Mayotte sont qualifiés de militants radicaux.

J'espère bénéficier de votre soutien lorsque je redéposerai des amendements, déjà rejetés ici, pour que le titre de séjour pour Mayotte donne accès au reste du territoire national, car sinon il crée un effet bouchon : ces personnes restent à Mayotte et aggravent la situation. C'est le seul cas dans notre République, où un titre de séjour, délivré par le préfet au nom de l'État, condamne à rester sur l'île. J'ai déposé deux amendements, l'un relatif aux mineurs, l'autre aux majeurs, pour mettre fin à cette injustice.

Mme Valérie Boyer . - Tout à l'heure a été évoquée la dignité. Je trouve indigne de voir des personnes croupissant sous les ponts, dans les squats, et de confronter les Français à cette misère, car nos politiques d'intégration sont saturées. J'espérais que ces points seraient traités dans le texte.

Je souscris à tous les propos de Philippe Bas sur les manquements du texte, dont on attendait beaucoup. On ne peut plus mentir aux Français et leur dire qu'ils regardent ou qu'ils pensent mal. La réalité, aujourd'hui, c'est la souffrance des migrants et des Français.

Je ne comprends pas trop comment le Gouvernement nous muselle - ou nous nous automuselons en voulant considérer comme irrecevables certains amendements. J'ai déposé des amendements sur les mariages ou l'acquisition de la nationalité... L'acquisition de la nationalité, n'est-ce pas l'intégration suprême ? On pourrait l'espérer. J'ai déposé des amendements sur l'excision. Je comprends la demande de retrait, mais c'est un sujet à aborder.

Je veux qu'on m'explique pourquoi le débat est muselé. Pourquoi ne pas aborder le sujet des mariages frauduleux, des trafics ? Bon nombre d'entre nous ont été maires. Souvent, nous n'avons eu aucun écho de la préfecture sur les mariages frauduleux, et avons été obligés de marier des personnes sans papiers...

Que faisons-nous ici si nous ne traitons pas dans ce texte de l'acquisition de la nationalité ?

M. François-Noël Buffet , président . - Nous vous répondrons dans la suite de nos discussions sur l'application de l'article 45 de la Constitution.

Mme Valérie Boyer . - Cela fait plusieurs fois que nous déposons des amendements, ensuite déclarés irrecevables. C'est insupportable.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je rappelle que j'ai déposé une proposition de résolution sur l'application de l'article 45 de la Constitution.

M. Patrick Kanner . - Excellent !

M. Jean-Pierre Sueur . - Philippe Bas a déclaré que ce texte ne choisit pas entre fermeté et ouverture. Je suis en désaccord profond avec cette conception : il faudrait choisir alors à la fois la fermeté et la fermeture ? Il y a un problème de principe, préjudiciel, par rapport aux migrations.

Les migrations font partie de l'Histoire de France, il y en aura toujours. Elles vont s'accélérer pour des raisons économiques, pour que soient respectés les droits de l'Homme, pour des raisons écologiques - des continents seront engloutis...

Ce qui ne va pas, c'est l'exploitation politique constante, parfois acharnée, de ce sujet, qui fait beaucoup de tort. C'est préjudiciable.

Les problèmes actuels sont surtout ceux du vivre ensemble. La Méditerranée est-elle condamnée à être un cimetière à ciel ouvert ? Cela nous renvoie à l'Europe et à la position de la France sur Frontex et aux moyens donnés. Nous n'avons pas de réponse crédible actuellement.

Il est préférable que les gens demandant le droit d'asile puissent se former ou travailler plutôt que de ne rien faire pendant deux ans.

Nous devons réfléchir à la réciprocité. Il y a un large consensus pour que les étrangers apprennent le français ; je suis sûr que vous serez tous d'accord pour que les cadres de nos entreprises se rendant en Chine apprennent les rudiments de la langue chinoise.

J'ai rencontré des magistrats de la CNDA. Élargir le recours au juge unique serait préjudiciable. Nous évoquerons longuement ces sujets en séance.

Le véritable problème, ce sont les a priori . L'immigration est-elle toujours quelque chose de négatif, ou un fait avec lequel il faut vivre ? Dans mon quartier, il y a soixante-douze nationalités. J'y vis depuis cinquante ans, on ne me fera jamais dire que c'est négatif.

M. Jérôme Durain . - Bravo !

M. Marc-Philippe Daubresse . - Je rejoins l'excellente intervention de Philippe Bas, et je suis donc en désaccord avec Jean-Pierre Sueur.

Comme l'écrit Amélie Nothomb, « le seul mauvais choix est l'absence de choix ». Je suis parlementaire depuis trente ans, et j'ai été ministre de la ville auprès de Jean-Louis Borloo ; nous avons mis beaucoup de moyens dans des politiques d'intégration ambitieuses. Mais j'entends les mêmes litanies, diagnostics et utopies. Si on veut réussir l'intégration, il faut ralentir les flux migratoires ; à défaut, nous sommes débordés.

Cette absence de choix, depuis des années, a abouti à un système aveugle, incontrôlé et incontrôlable, irresponsable, engorgé, avec des textes toujours plus bureaucratiques. Il suffit de passer une demi-journée en préfecture à côté des demandeurs d'asile pour constater l'absurdité et l'engorgement du système.

Je ne suis pas d'accord avec Guy Benarroche, qui estime qu'un texte de loi ne limitera pas la pression migratoire ; mais comment certains pays scandinaves y sont-ils arrivés ?

Il faut enlever ce que le projet de loi contient à tort, notamment dans les articles 3 et 4. La carte de séjour des métiers en tension ne doit pas être un prétexte pour plus de laxisme. Cela ne passe pas systématiquement par la loi : on peut avoir des systèmes de gouvernance plus décentralisés - comme la commission avec des partenaires sociaux proposée par Philippe Bas - faisant appel à un pouvoir renforcé du préfet. Ce n'est pas contradictoire, et peut même renforcer les pouvoirs en question.

Il faudrait rajouter dans le texte l'abus du regroupement familial, l'AME, les faux mineurs étrangers, l'amélioration du retour des étrangers en situation irrégulière, la lutte contre les mariages blancs. J'ai été maire durant vingt-neuf ans. Aucun maire n'a pas un jour été confronté à ces sujets... Et chacun a fait face à une « absence de solution », comme disait Henri Queuille, mais qui ne permet pas de venir à bout de ce problème. Faisons notre travail de parlementaire !

Mme Valérie Boyer . - Bravo !

M. Patrick Kanner . - Nous sommes devant un texte aussi clivant que celui d'il y a quelques jours. Il est manifeste que ce texte ressortira profondément modifié du Sénat.

Mme Valérie Boyer . - Heureusement !

M. Patrick Kanner . - Je suis philosophe, avec une certaine conception de l'égalité et de la fraternité. Il n'y a pas d'un côté, les gens sérieux, de l'autre les laxistes. Nous avons deux conceptions qui s'opposeront frontalement. Il faut qu'il y ait un respect mutuel comme sur le projet de loi sur les retraites.

Mme Éliane Assassi . - Vous appelez cela du respect ?

M. Patrick Kanner . - Nous allons du moins essayer de nous respecter. Au regard des vingt-sept articles et du respect du droit d'amendement, je m'inquiète du nombre de jours consacrés au débat sur ce texte...

Il y a cinq ans, j'avais visité le CRA de Lesquin : s'y trouvaient des familles, des personnes ne posant aucune difficulté. Mais aujourd'hui, ce n'est plus le même établissement. Les consignes du ministre de l'intérieur sont d'y accueillir des sortis de prison, avec des casiers judiciaires. Même s'ils sortent sur une moyenne de trente jours, mais parfois quatre-vingt-dix, la situation est très violente. Or les policiers nationaux ne sont pas formés comme les agents pénitentiaires pour y faire face. Le texte prévoit de solliciter encore plus les CRA, qui sont insuffisamment nombreux : interrogez-vous !

Dans cet établissement, j'ai découvert qu'il y avait trois « chambres » pour des terroristes. Deux étaient occupées. Un terroriste afghan qui avait purgé sa peine ailleurs que dans le Nord se retrouvait dans une de ces chambres. Il avait une OQTF, mais son pays ne voulait pas l'accueillir. Au bout de 210 jours, il est dehors avec une assignation à résidence. C'est une situation non maîtrisée qu'il faut traiter.

Il faut améliorer les procédures, notamment sur la possibilité d'expulser des personnes ayant eu des comportements inappropriés contre la République.

M. Éric Kerrouche . - Il y a une appréciation différenciée de la situation de l'immigration et des migrants en Europe. Je m'étonne de l'arrivée de ce texte au moment où le chancelier Olaf Scholz déclare que l'Allemagne est de nouveau un pays d'immigration. Nous tenons le discours inverse, comme si les flux migratoires pouvaient être jugulés par une simple décision française. En Europe, il y a 1,4 million d'entrées et de sorties d'étrangers par an pour 500 millions d'Européens, et ce chiffre fluctue en fonction de la conjoncture économique des pays de destination.

Il n'y a pas de ruée vers l'Europe, contrairement à ce qu'estime Stephen Smith ; 90 % des migrations provenant d'Afrique subsaharienne se font à l'intérieur de l'Afrique. La plupart du temps, la distance parcourue est faible.

Toutes choses égales par ailleurs, la menace sur l'Europe est faible, car les flux se réduisent dans le temps et les étrangers qui se présenteront à l'avenir seront les plus qualifiés. Les plus pauvres ont moins de représentation pour aller intégrer un autre pays.

Il y a une confusion entre plusieurs concepts : la représentation de l'immédiateté, la différence des lieux de vie... Ce n'est pas parce qu'il y a des étrangers délinquants qu'ils ont tous vocation à l'être. Ce texte ne suffira pas à traiter l'ensemble des problèmes.

Mme Brigitte Lherbier . - Merci à nos rapporteurs de leur travail sur un sujet difficile. Il faudra le traiter avec objectivité. Il existe des manquements importants. Je ne suis pas d'accord avec Éric Kerrouche. L'abbé Pierre craignait une déferlante d'immigration, et elle a été réelle. Il est dommage de ne pas avoir anticipé et d'avoir laissé faire, avec pour conséquences : la pauvreté, la délinquance...

Je m'étonne que ce texte n'évoque pas l'invasion de la drogue dans notre pays, qui est à l'origine de nombreux problèmes. Il ne s'agit pas uniquement de trafic d'êtres humains.

J'aurais souhaité que, à côté de l'apprentissage du français, on puisse aussi avoir un contrôle de la moralité. La Belgique demande un certificat de bonnes moeurs. Cela fait sourire, mais cette notion est toujours dans notre code civil. Retirons-la, si elle est désuète ! La Belgique demande une attestation de bonne conduite et de bonnes moeurs aux étudiants venant étudier.

M. François Bonhomme . - Au-delà des mesures techniques auxquelles nous pouvons souscrire, ce texte ne vaut que par ce qu'il ne prévoit pas. Les choses n'ont pas bougé. Notre pays a-t-il encore le droit de définir sa politique migratoire ? Est-ce encore un élément de souveraineté que de déterminer les conditions d'entrée ou de séjour des étrangers ?

Passez un jour dans une préfecture ou une juridiction administrative... Tout ce qui concerne le droit d'asile est largement détourné, de même pour les titres de séjour, l'AME, les mineurs non accompagnés ou le regroupement familial.

Mesdames Assassi et Benbassa, votre posture idéologique ne se dément pas sur tous les textes d'immigration. Ce n'est pas parce que des personnalités ou des avocats, sous couvert de droits de l'Homme, viennent protester rituellement sur toute mesure reprenant la main, qu'ils ont une légitimité particulière. Au contraire, c'est une malédiction française : ils aggravent le phénomène qu'ils dénoncent.

Si l'on jette un regard froid sur la politique migratoire d'autres pays, on voit que plus on instaure des mesures protectrices des droits de l'Homme, plus des associations scrupuleuses indiquent parfois comment les immigrés peuvent contourner les mesures.

Le corps politique et social est fracturé, et demande le respect des règles. En contrepartie, il faut des obligations. Voyons tous les manquements depuis quarante ans. Je ne participerai pas à ce ballet rituel.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Vous êtes en train de le faire...

M. François Bonhomme . - En dépit des ajustements, ce texte comporte de nombreuses faiblesses.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Vous ne le voterez pas ?

M. Jérôme Durain . - Je prendrai un peu de hauteur. En France, à la faveur d'un texte récent, prévaut une immense colère sociale. L'opportunité de ce débat sur des sujets inflammables me semble douteuse. Nous allons faire le travail qui nous est demandé, mais nous savons qui gagnera à la fin...

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Les visions diffèrent selon les uns et les autres. Autrement, nous serions en Corée du Nord.

Mme Éliane Assassi . - C'est décidément un élément de langage commun à toutes les commissions en ce moment !

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - En Corée du Nord, il n'y a pas de pluralisme. Réjouissons-nous, ici il y en a ! C'est plutôt l'honneur de notre Parlement que d'avoir des positions différentes en son sein. Ce n'est pas la peine de créer le conflit là où il n'y en aura pas.

Seules deux personnes ont posé des questions et n'ont pas fait seulement des déclarations : Valérie Boyer et Nathalie Goulet. Nous tâcherons d'y répondre lors de la discussion des amendements.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Patrick Kanner vous a aussi interrogés !

M. François-Noël Buffet , président . - Vous avez raison, je vais répondre aux interrogations de Patrick Kanner sur le nombre de jours de débat en séance. Nous débutons l'examen de ce texte mardi 28 mars après-midi, et le poursuivrons le soir. Nous reprendrons nos travaux mercredi 29 mars après les questions d'actualité au Gouvernement et le soir, jeudi toute la journée et le soir, et éventuellement vendredi toute la journée et le soir. Je pense que cela devrait être suffisant, mais je transmettrai votre remarque au Président du Sénat, afin qu'il en fasse part au Gouvernement.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Nous avons noté l'ensemble des points abordés. Nous aurions eu beaucoup de plaisir à répondre aux différentes observations. Mais sauf avis contraire, et ce n'est pas par discourtoisie, le nombre des interventions et l'ampleur des sujets font que ce serait compliqué de répondre à chacun. Nous le ferons donc à l'occasion de la discussion des amendements.

Il serait difficile de ne pas appliquer l'article 45 de la Constitution. Le Gouvernement a calibré son texte dans des conditions voulues, conscientes et assumées : il n'y a pas de dispositions sur la nationalité, les mariages ou les mineurs non accompagnés. Quelle que soit notre créativité juridique, nous sommes liés par le contenu du texte.

Monsieur Sueur, ayez un peu d'indulgence. Nous ne sommes pas seuls au monde, mais dans un cadre bicaméral : les décisions que nous prenons sur l'article 45 se poseront dans les mêmes termes à l'Assemblée nationale. Imaginez la suite du débat si nous intégrions le mariage et la nationalité. Soyons prudents. Cela complexifierait la suite du débat.

M. François-Noël Buffet , président . - En application de l'article 45 de la Constitution, je vous propose de considérer que le périmètre indicatif du projet de loi inclut les dispositions relatives aux règles d'entrée et de séjour des étrangers sur le territoire national ; à la politique d'accompagnement et d'intégration des étrangers ; aux modalités d'accès au marché du travail et à l'activité professionnelle des étrangers ; à la prévention de l'immigration irrégulière ainsi qu'à l'édiction et à l'exécution des mesures administratives et judiciaires d'éloignement ; aux modalités de recueil, d'instruction et de jugement des demandes d'asile ; aux contrôles et aux sanctions visant les personnes facilitant l'entrée ou le séjour, offrant des logements indignes ou employant des étrangers en situation irrégulière ; et aux procédures contentieuses applicables en matière de droit des étrangers ainsi qu'à l'organisation des juridictions administratives et judiciaires pour le traitement des requêtes.

M. Dany Wattebled . - Rien n'empêche d'intégrer le mariage ou les mineurs étrangers isolés ?

M. Philippe Bonnecarrère . - Aucune disposition de ce projet de loi n'évoque ces sujets.

M. Dany Wattebled . - Rien ne l'exclut.

M. Jean-Pierre Sueur . - C'est conforme à l'article 45 de la Constitution.

Le périmètre est adopté.

La réunion, suspendue à 11 h 00, est reprise à 11 h 10.

M. François-Noël Buffet , président . - Mes chers collègues, l'application de l'article 45 de la Constitution paraissant susciter des débats au sein de notre commission, je vous propose que nous clarifions dès à présent la recevabilité de certains amendements. L'application de l'article 45 de la Constitution conduit à déclarer irrecevables l'amendement COM-96 et les amendements COM-47 , COM-48 , COM-49 , COM-50 et COM-51 .

M. Jean-Pierre Sueur . - Pourquoi ?

M. François-Noël Buffet , président . - Ils n'ont pas de lien, même indirect, avec le texte. À l'exception du premier, ils ont trait aux mutilations sexuelles.

Les amendements COM-96, COM-47, COM-48, COM-49, COM-50 et COM-51 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

M. François-Noël Buffet , président . - Les amendements COM-28 rectifié, COM-84 et COM-85 sur l'hébergement, notamment des mineurs, semblent également irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution.

Les amendements COM-28 rectifié, COM-84 et COM-85 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

M. François-Noël Buffet , président . - En revanche, les amendements relatifs à l'identification des mineurs non accompagnés, le cas échéant à leur éloignement une fois majeurs ou aux tests osseux apparaissent bien recevables.

Reste la question des amendements relatifs au mariage et à la nationalité, dont le lien avec le texte doit être interrogé. Les rapporteurs proposent de déclarer irrecevables, au titre de l'article 45 de la Constitution, les amendements COM-57 , COM-58 , COM-59 , COM-60 , COM-63 et COM-80 portant sur l'acquisition de la nationalité, ainsi que sur les amendements COM-41 , COM-42 , COM-43 , COM-44 , COM-45 et COM-46 concernant les mariages.

Les amendements COM-57, COM-58, COM-59, COM-60, COM-63, COM-80, COM-41, COM-42, COM-43, COM-44, COM-45 et COM-46 sont déclarés recevables.

M. Jean-Yves Leconte . - Cette décision est irresponsable !

EXAMEN DES ARTICLES

Division additionnelle avant le titre 1 er

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-198 crée une division additionnelle pour intégrer les amendements annoncés.

L'amendement COM-198 est adopté.

Avant le titre 1 er

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Les amendements identiques COM-202 et COM-152 visent à demander un débat annuel au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration et la détermination de « quotas » ou d'objectifs de nombre de titres de séjour.

M. Jean-Yves Leconte . - Vous pouvez toujours demander un débat ou un rapport, mais de toute façon, nous sommes contre les quotas.

Les amendements identiques COM-202 et COM-152 sont adoptés et deviennent article additionnel.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-66 a le même objet, mais était rédigé un peu différemment.

L'amendement COM-66 devient sans objet.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-200 renforce les conditions d'accès au regroupement familial - durée des conditions de séjour, obtention d'une assurance maladie pour le demandeur et sa famille, régularité des ressources financières, au-delà de la stabilité et de la suffisance des ressources.

M. François-Noël Buffet , président . - Si cet amendement est adopté, l'amendement COM-86 rectifié deviendra sans objet.

L'amendement COM-200 est adopté et devient article additionnel. En conséquence, l'amendement COM-86 rectifié devient sans objet.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-75 prévoit une condition générale de ressources, portant sur la personne étrangère, pour bénéficier d'un titre de séjour au titre de l'immigration familiale. Cette disposition est trop large et sa conventionalité semble problématique. Avis défavorable.

L'amendement COM-75 n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-199 conditionne l'entrée sur le territoire national pour les bénéficiaires du regroupement familial à la justification d'un niveau minimal de langue.

M. Jean-Yves Leconte . - Nous en débattrons en séance publique.

L'amendement COM-199 est adopté et devient article additionnel.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-204 vise à renforcer le contrôle du respect des conditions de ressources et de logement par les étrangers souhaitant bénéficier du regroupement familial. Il renverse le sens de la présomption. Si le maire de la commune de résidence de l'étranger n'a pas rendu son avis dans un délai de deux mois, l'avis est réputé défavorable. Il octroie à l'OFII la possibilité de demander une visite sur place en cas de soupçon de fraude ou de fausses déclarations.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Vous proposez le renversement des règles administratives, quand même !

M. Guy Benarroche . - Est-il possible de rendre par principe l'avis de l'administration défavorable ? Habituellement, silence vaut acceptation.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Il y a plusieurs dizaines d'exceptions à ce principe, qui n'en est plus un, et qui nécessitent d'ailleurs que l'on regarde la loi avec beaucoup d'attention.

L'amendement COM-204 est adopté et devient article additionnel.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-201 renforce les conditions d'admission au séjour au bénéfice du titre de séjour dit « étranger malade ». Nous revenons à l'état du droit antérieur : accepter la demande s'il n'existe pas de traitement similaire dans le pays d'origine, et à condition que ce ne soit pas la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) qui supporte le coût de la prise en charge.

M. Jean-Yves Leconte . - Il peut exister un traitement dans le pays, sans que la personne ne puisse y avoir accès... Nous nous opposons à cet amendement.

L'amendement COM-201 est adopté et devient article additionnel.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-83 précise les conditions d'appréciation des « conséquences d'une exceptionnelle gravité » d'un défaut de prise en charge médicale sur l'état de la santé de l'étranger pour l'admission au séjour au titre de la procédure « étranger malade ». Avis favorable.

L'amendement COM-83 est adopté et devient article additionnel.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Alors que le nombre de titres de séjour délivrés pour études en France augmente, l'amendement COM-205 vise à contrôler le caractère réel et sérieux de ces études.

M. Philippe Bas . - Très bon amendement !

L'amendement COM-205 est adopté et devient article additionnel.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Les amendements identiques COM-203 et COM-38 rectifié ter tendent à expérimenter l'instruction dite « à 360° » des titres de séjour, qui est une recommandation des rapports Stahl et Buffet. Lorsque la demande est faite et que la réponse n'est pas évidente, cela permet d'évoquer l'intégralité des possibilités offertes, pour donner un avis sur l'intégralité des motifs.

Les amendements identiques COM-203 et COM-38 rectifié ter sont adoptés et deviennent article additionnel.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Notre collègue Valérie Boyer propose que le maire ne puisse plus valider une attestation d'accueil pour une durée de séjour inférieure à trois mois lorsque la personne proposant l'hébergement réside dans l'un des quartiers prioritaires de la ville. L'amendement COM-67 nous semble toutefois incompatible avec le principe constitutionnel d'égalité. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Valérie Boyer . - Je maintiens cet amendement, qui est inspiré par l'exemple danois, dont nous aurions pu nous inspirer...

M. François-Noël Buffet , président . - Le Conseil constitutionnel n'aura sans doute pas le même point de vue.

L'amendement COM-67 n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Notre collègue Françoise Dumont propose de transformer l'aide médicale d'État en une aide médicale d'urgence centrée sur la prise en charge des pathologies les plus graves, reprenant un amendement régulièrement adopté par la majorité sénatoriale. Avis favorable à l'amendement COM-3 rectifié bis.

L'amendement COM-3 rectifié bis est adopté et devient article additionnel.

Avant l'article 1 er

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Nous sommes favorables à lutter contre la fraude fiscale, mais la rédaction de l'amendement COM-33 ne convient pas ; il faudrait le retravailler en vue de la séance publique. Avis défavorable.

L'amendement COM-33 n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-149 rectifié bis souligne l'importance des normes constitutionnelles en matière de politique migratoire. Ce débat est important, mais s'agissant d'une demande de rapport, l'avis est défavorable.

L'amendement COM-149 rectifié bis n'est pas adopté.

Article 1 er

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Les amendements identiques COM-88 et COM-154 suppriment la conditionnalité de la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle (CSP) à la connaissance d'un niveau de langue. C'est l'inverse de ce que nous voulons faire. Avis défavorable, d'autant que cela n'interdit pas aux étrangers de s'installer sur le sol français, mais interdit uniquement la délivrance d'une telle carte pluriannuelle.

M. Jean-Yves Leconte . - Selon le Conseil d'État, de nombreuses personnes qui auraient droit à une carte de séjour pluriannuelle seraient précarisées par cette situation. Selon le ministre de l'intérieur, si le niveau de langue n'est pas atteint, le titre de séjour ne peut être renouvelé. La situation est confuse... Il faut donner aux personnes qui sont sur notre territoire les moyens d'apprendre le français, plutôt que d'imposer un niveau de langue non précisé dans le texte.

Les amendements identiques COM-88 et COM-154 ne sont pas adoptés.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-206 modifié vise à rehausser le niveau linguistique requis pour obtenir une carte de séjour pluriannuelle, mais également sur l'ensemble du parcours d'intégration, ainsi qu'à conditionner la délivrance de cette carte au résultat obtenu à un examen civique.

M. Jean-Yves Leconte . - N'y a-t-il pas confusion, de la part des rapporteurs, entre carte de résident et carte de séjour pluriannuelle, cette dernière ayant simplement vocation à ne pas obliger la personne à demander chaque année en préfecture la validation de son droit au séjour ?

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Nulle confusion de notre part : une carte de séjour pluriannuelle est délivrée pour quatre ans, délai relativement long qui justifie que celui qui en bénéficie possède un certain nombre de connaissances sur le pays dans lequel il vit.

M. Jean-Yves Leconte . - Vu la facilité d'obtenir des rendez-vous en préfecture, il est certain que ce genre de mesures va faciliter les choses...

L'amendement COM-206 modifié est adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-25 rectifié bis vise à demander la réalisation d'une étude d'impact préalable sur la détermination du niveau de langue requis ; or nous avons fixé ce niveau en adoptant l'amendement précédent : demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. André Reichardt . - C'est dommage, les niveaux de français exigés selon les situations peuvent fluctuer. Il me paraissait donc utile que soit réalisée une étude d'impact afin de « lier » le pouvoir réglementaire.

L'amendement COM-25 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 1 er

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-68 reprend une proposition de loi qui avait été déposée par Jérôme Bascher pour imposer aux personnes qui vont être naturalisées d'assister à une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française, alors qu'elles n'y sont aujourd'hui pas obligées, et de chanter un couplet et le refrain de La Marseillaise , obligations qui s'ajouteraient à la remise de la charte des droits et devoirs du citoyen français. Rien de tout cela ne me paraît dangereux, au contraire.

Cependant, le non-respect de ces obligations serait passible d'une peine de 7 500 euros et de six mois d'emprisonnement en cas d'outrage à l'hymne national et au drapeau. Des textes répriment déjà les outrages aux symboles de la Nation et la proportionnalité des sanctions proposées me semble douteuse. Avis défavorable.

L'amendement COM-68 n'est pas adopté.

Article 2

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'article 2 prévoit que l'employeur peut délivrer une formation en français à l'étranger qu'il emploierait, ce qui est déjà possible. Mais il prévoit aussi des obligations qui vont au-delà des obligations classiques des employeurs en matière de formation. Nous partageons l'analyse d'André Reichardt, auteur de l'amendement COM-39 rectifié ter : cet article est inopportun, et sa suppression bienvenue !

M. Jean-Yves Leconte . - Sommes-nous, quant à nous, déraisonnables de préférer une simple faculté à une obligation qui risque d'engendrer des licenciements ?

L'amendement COM-39 rectifié ter est adopté. En conséquence, les amendements COM-19 rectifié et COM-155 deviennent sans objet.

L'article 2 est supprimé.

Après l'article 2

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-57 prévoit que les jeunes nés en France de parents étrangers manifestent leur volonté de devenir Français par une démarche individuelle et active. Nous l'avions déjà adopté en 2018 lors de l'examen du projet de loi dit « Collomb ». Avis favorable.

L'amendement COM-57 est adopté et devient article additionnel.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-58 supprime la faculté des mineurs de réclamer la nationalité de façon anticipée, dès l'âge de 16 ans. Le critère posé est un peu large... Il existe en ce domaine une procédure particulière, qui n'est pas prévue dans le présent amendement. Son adoption remettrait en cause l'équilibre atteint par le législateur en matière de droit de la nationalité. Avis défavorable

L'amendement COM-58 n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-59 traite de l'acquisition de la nationalité. Nous estimons que la situation administrative des parents n'a pas vocation à produire quelque effet sur la possibilité pour l'enfant d'acquérir la nationalité. Avis défavorable.

L'amendement COM-59 n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-60 exclut du bénéfice de l'acquisition de la nationalité par droit du sol les mineurs condamnés à une peine de six mois d'emprisonnement. Une telle disposition existe déjà, mais elle n'est pas applicable aux mineurs. Avis favorable.

L'amendement COM-60 est adopté et devient article additionnel.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Les amendements identiques COM-63 et COM-80 rectifié bis visent à faire passer de cinq à dix ans la durée de la condition de résidence pour l'acquisition de la nationalité. Doubler cette durée nous paraît disproportionné. Avis défavorable.

Les amendements identiques COM-63 et COM-80 rectifié bis ne sont pas adoptés.

Article 3

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Nous vous avons indiqué tout à l'heure que nous allions émettre un avis défavorable sur tous les amendements déposés à l'article 3, sans exception, parce que nous souhaitons avoir ce débat en séance et qu'il n'est pas possible, pour l'établissement du texte de commission, de faire autrement : il n'est pas possible de s'en remettre à la sagesse du Sénat ou de demander l'avis du Gouvernement. Ainsi réservons-nous la discussion pour la séance. Le choix appartient à la commission de savoir s'il nous faut envisager chaque amendement un par un, sachant que, par principe, je le répète, nous émettrons sur chacun un avis défavorable.

M. François-Noël Buffet , président . - Les points de vue de nos rapporteurs diffèrent ; nous avons donc intérêt à trancher cette question en séance publique dans le cadre d'un débat ouvert. Dans ces conditions, je vous propose que la commission émette un avis défavorable « technique » à l'ensemble des amendements et les rejette dans l'attente de leur examen en séance.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Je trouve ce choix curieux. J'entends que nous nous trouvons dans une situation assez inédite, celle d'un désaccord entre les rapporteurs, ce qui, d'ailleurs, ouvre un chemin : il devient envisageable que les élus de l'opposition prétendent à la fonction de rapporteur... Il serait de toute façon utile que nous puissions débattre de ces amendements. Je sais bien qu'ici les avis des rapporteurs font la loi, mais veillons à ce que l'on ne nous oppose pas, le moment venu, l'alinéa 2 de l'article 44 de la Constitution en vertu duquel les amendements qui n'ont pas été examinés par la commission peuvent être déclarés irrecevables. Je m'oppose à un nihil obstat de la part des rapporteurs.

M. François-Noël Buffet , président . - Les amendements auront bien été examinés, puisqu'un avis défavorable est proposé par les rapporteurs.

M. Guy Benarroche . - Cela veut-il dire qu'en séance, lorsque l'avis de la commission sera demandé, bien que nos deux rapporteurs soient en désaccord - l'un est favorable à ces amendements, l'autre défavorable -, vous prononcerez un avis défavorable ?...

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Chers collègues, nous en sommes pour l'heure à l'établissement du texte de commission. Nous aurons à rendre ultérieurement un avis sur les amendements qui seront déposés pour la séance et nous indiquerons pour quel motif un avis défavorable ou favorable a été émis : il ne s'agit pas de prendre qui que ce soit en traître. Et le débat aura lieu.

Mme Éliane Assassi et Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - N'émettez pas d'avis alors !

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - C'est impossible.

M. Guy Benarroche . - Le système est vicié...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - On tord le bras de la commission en décrétant que l'avis est défavorable sans même avoir examiné les amendements...

M. Guy Benarroche . - Pourquoi pas un avis favorable, à tout prendre ?

M. François-Noël Buffet , président . - Il s'agit de réserver le débat en séance, sur la base de ce que proposent les articles 3 et 4 rédigés par le Gouvernement. L'avis défavorable émis sur l'ensemble de ces amendements est un avis « technique » et conservatoire. J'indique d'ailleurs que ces amendements peuvent être redéposés, dans la même rédaction ou dans une rédaction différente, sur l'initiative de leurs auteurs, et il reviendra à la commission de les examiner lors de ses réunions de la semaine prochaine. Je crois à la sincérité du débat ; les explications ont été données par nos collègues rapporteurs. M. Patrick Kanner . - Nous nous trouvons dans une situation improbable, et une jurisprudence nouvelle semble se profiler, ce qui montre bien, d'ailleurs, les imperfections du texte. Le débat à venir s'annonce très complexe...

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Avis défavorable sur les amendements COM-192 , COM-89 , COM-20 rectifié, COM-21 rectifié, COM-26 rectifié bis , COM-36 rectifié bis et COM-90 .

Les amendements COM-192, COM-89, COM-20 rectifié, COM-21 rectifié, COM-26 rectifié bis, COM-36 rectifié bis et COM-90 ne sont pas adoptés.

M. Jean-Yves Leconte . - Si l'article 3 demeure dans le texte issu des travaux de la commission, ne trouveriez-vous pas logique de préciser au moins qu'il est possible de justifier de ce qui est demandé par tout moyen ? Ou vous résignez-vous à ne pas améliorer le texte dans le détail ?

M. François-Noël Buffet , président . - Comme je l'ai indiqué, nous en débattrons en séance.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Avis défavorable sur les amendements COM-95 , COM-87 rectifié bis , COM-158 , COM-156 , COM-157 et COM-159 .

Les amendements COM-95, COM-87 rectifié bis, COM-158, COM-156, COM-157 et COM-159 ne sont pas adoptés.

M. Jean-Yves Leconte . - Les rapporteurs considèrent-ils qu'il serait nécessaire de revoir la méthodologie d'établissement de la liste des métiers en tension ? Nous avons besoin de le savoir avant la séance...

Mme Muriel Jourda , rapporteur. - Soit on traite de l'article 3, soit on n'en traite pas. Nous aurons bientôt une nouvelle réunion ; de ce sujet, nous discuterons à cette occasion.

Avis défavorable sur l'amendement COM-93 et sur les amendements identiques COM-91 et COM-160 , de même que sur les amendements COM-138 , COM-92 et COM-161 .

L'amendement COM-93 et les amendements identiques COM-91 et COM-160 ne sont pas adoptés, non plus que les amendements COM-138, COM-92 et COM-161.

M. Jean-Yves Leconte . - La méthode proposée par les rapporteurs, dont les avis divergent, pose quand même problème...

L'article 3 est adopté sans modification.

Après l'article 3

Les amendements COM-9 rectifié et COM-94 ne sont pas adoptés.

Article 4

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Avis défavorable sur les amendements COM-98 , COM-165 rectifié, COM-99 , COM-101 , COM-162 , COM-37 rectifié bis , COM-163 , COM-164 et COM-100 .

Les amendements COM-98, COM-165 rectifié, COM-99, COM-101, COM-162, COM-37 rectifié bis , COM-163, COM-164 et COM-100 ne sont pas adoptés.

L'article 4 est adopté sans modification.

Article 5

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - À l'article 5, il est indiqué qu'exercer une activité professionnelle, pour un étranger ressortissant d'un État hors Union européenne, doit être soumis à l'exigence de la détention d'un titre de séjour, ce qui est déjà le cas - le Conseil d'État a d'ailleurs soulevé ce point. Il s'agit de lutter contre le travail illégal dans les plateformes, mais on ne voit pas bien comment reprendre une disposition déjà existante permettrait de le faire. Nous proposons donc, comme Éliane Assassi, la suppression de cet article.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je suis défavorable à ces amendements de suppression, car ils restreignent la capacité à travailler des personnes concernées.

Les amendements COM-207 et COM-181 sont adoptés.

L'article 5 est supprimé.

M. Jean-Yves Leconte . - Quid de l'amendement COM-96 de notre collègue Olivier Jacquin ?

M. François-Noël Buffet , président . - Il a été déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

M. Jean-Yves Leconte . - La volonté du Gouvernement, en rédigeant cet article 5, était que les travailleurs des plateformes ne puissent pas bénéficier des dispositions de l'article 3. Autant supprimer l'article 5 ne pose pas de problème, puisqu'il est inopérant - le Conseil d'État l'avait indiqué -, autant il n'est pas illégitime de faire entrer dans le périmètre du projet de loi la question de la situation des travailleurs des plateformes, parmi lesquels les personnes étrangères en situation irrégulière sont nombreuses. La présomption de salariat permettrait à ces personnes de bénéficier de l'article 3.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Au-delà même de son irrecevabilité - il est beaucoup trop large -, nous venons de supprimer l'article auquel cet amendement de M. Jacquin était rattaché : nous ne pouvons pas le sauver.

Article 6

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Dans le cadre d'une tentative de simplification extrêmement ponctuelle, l'amendement COM-208 fusionne trois titres « talent » destinés à des salariés qualifiés.

L'amendement COM-208 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 7

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Le Gouvernement souhaitait créer un titre particulier permettant aux praticiens des professions médicales et de pharmacie de venir en France et d'obtenir un regroupement familial et une carte de séjour sans avoir encore réussi leurs épreuves de vérification des connaissances.

Pas plus que nous, qui jugeons de ces matières sous l'angle régalien, nos collègues de la commission des affaires sociales n'ont trouvé cette disposition cohérente... Notre souci doit être de résorber le stock de personnes qui viennent en France et ne réussissent jamais à obtenir un diplôme leur permettant d'y travailler.

Le seul élément de l'article 7 que nous proposons de « sauver », via l'amendement COM-209 - et à l'exclusion de tous les autres alinéas -, est que les personnes qui ont réussi leur évaluation de connaissances puissent bénéficier d'une carte de séjour pluriannuelle de quatre années.

Catherine Belrhiti souhaite élargir la liste des établissements susceptibles d'accueillir ces personnes ; son amendement n'a plus lieu d'être si nous supprimons ces alinéas.

Jacqueline Eustache-Brinio souhaite faire signer à ces personnes une charte de la laïcité ; si l'amendement des rapporteurs est adopté, il n'y aura plus non plus d'alinéa auquel rattacher cette disposition, qui me paraît néanmoins intéressante.

Je propose que la rédaction soit retravaillée en vue de la séance : une autre « accroche » devrait pouvoir leur être trouvée.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - Très bien !

L'amendement COM-209 est adopté. En conséquence, les amendements COM-34 , COM-22 rectifié ter et COM-23 rectifié ter deviennent sans objet.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Division additionnelle après l'article 7

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-141 rectifié bis de M. Tabarot précise que les bénéficiaires de l'aide médicale de l'État ne bénéficient de la tarification solidarité transport que s'ils ont fait la preuve de la régularité de leur séjour. Avis favorable.

L'amendement COM-141 rectifié bis est adopté et devient division additionnelle.

Après l'article 7

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-41 prévoit une formation des officiers de l'état civil à la détection des mariages frauduleux. Une telle disposition n'a pas sa place dans le code général des collectivités territoriales, comme l'avaient indiqué nos collègues Dominique Vérien et Jacqueline Eustache-Brinio en 2021. Le code prévoit déjà que « les membres d'un conseil municipal ont droit à une formation adaptée à leurs fonctions » ; la demande de Valérie Boyer est donc satisfaite. Avis défavorable.

L'amendement COM-41 n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-42 vise à formaliser la désignation d'un adjoint au maire référent en matière de détection des mariages frauduleux. Là encore, nos collègues Dominique Vérien et Jacqueline Eustache-Brinio avaient jugé, en 2021, que le partage d'expertise et de conseil au sein des équipes municipales se faisait déjà de manière informelle et qu'il était inutile de rigidifier cette pratique en l'inscrivant dans la loi. Avis défavorable.

L'amendement COM-42 n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-43 a pour objet d'interdire le mariage lorsque l'un des futurs époux séjourne irrégulièrement sur le territoire français. Je crains fort qu'une telle disposition soit inconstitutionnelle et totalement contraire à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Avis défavorable.

L'amendement COM-43 n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Il est précisé, dans l'exposé des motifs de l'amendement COM-44 , que les officiers de l'état civil doivent obligatoirement procéder à l'audition des futurs époux préalablement à la publication des bans, et que celui qui ne se conforme pas à cette obligation sera poursuivi devant le tribunal de grande instance et puni d'une amende de 3 à 30 euros. Notre collègue Valérie Boyer propose de fixer cette amende à 750 euros.

En réalité, l'audition n'est pas obligatoire : elle est conduite « sauf en cas d'impossibilité ou s'il apparaît, au vu des pièces fournies, que cette audition n'est pas nécessaire » ; c'est à l'officier de l'état civil de l'apprécier. L'augmentation de l'amende n'y changerait pas grand-chose : j'émets un avis défavorable sur cet amendement, comme Mmes Vérien et Eustache-Brinio en 2021.

L'amendement COM-44 n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-45 vise à créer une procédure spécifique lorsqu'un mariage est soupçonné d'être contracté aux seules fins d'obtenir un titre de séjour ou la nationalité française. Le procureur serait obligé de prononcer un sursis de deux mois renouvelable, alors que le droit existant lui donne simplement la possibilité de prononcer une telle peine, qui, de surcroît, n'est que d'un mois renouvelable. C'est au procureur d'apprécier le dossier : avis défavorable.

L'amendement COM-46 vise à accroître la durée du sursis en le faisant passer de deux fois un mois à deux fois deux mois. Il n'est pas démontré que le délai existant pose problème : avis défavorable.

Les amendements COM-45 et COM-46 ne sont pas adoptés.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-131 prévoit la création d'un nouveau titre de séjour destiné aux étrangers parents d'un enfant mineur étranger. Il s'agit, en d'autres termes, d'intégrer la circulaire Valls dans la loi. Avis défavorable.

L'amendement COM-131 n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-97 est une reprise par notre collègue Jérôme Durain d'une proposition de loi tendant à faciliter l'admission au séjour des jeunes majeurs étrangers pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, qu'il avait déposée en 2021 et que le Sénat avait rejetée - notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio en était la rapporteure, et ses arguments sont toujours d'actualité. Il y a peu d'OQTF prononcés à l'encontre de jeunes majeurs insérés dans un parcours professionnel ou académique. Par ailleurs, plus de 90 % de ces jeunes se voient délivrer un titre par le biais de l'admission exceptionnelle au séjour ; les quelques problèmes observés tiennent surtout à un défaut d'anticipation. Nous souhaitons préserver, en la matière, les marges de manoeuvre des préfets, qui doivent pouvoir accepter ou refuser l'admission exceptionnelle au séjour : avis défavorable.

M. Jean-Yves Leconte . - Nous n'avons pas changé d'avis sur le sujet : attendu que l'accès aux préfectures est difficile et parfois impossible pour cette démarche d'admission exceptionnelle au séjour, il est indispensable de trouver une solution. C'est la raison pour laquelle nous formulons de nouveau cette proposition, avec encore plus de conviction qu'auparavant.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-180 vise à aligner le régime d'admission au séjour des jeunes majeurs étrangers pris en charge par l'ASE après 16 ans sur celui des jeunes majeurs pris en charge avant 16 ans, afin qu'ils bénéficient d'un titre de séjour de plein droit.

Nous y sommes défavorables. Tout d'abord, plus on est pris en charge tardivement, moins le profil et la capacité d'intégration sont connus des services. Ensuite, ce débat est assez théorique : comme je viens de le rappeler, 90 % de ces jeunes majeurs pris en charge après 16 ans bénéficient d'un titre de séjour à leur majorité au titre de l'admission exceptionnelle. Avis défavorable.

Les amendements COM-97 et COM-180 ne sont pas adoptés.

Article 8

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'article 8 crée une amende administrative pour sanctionner les employeurs d'étrangers qui ne détiennent pas un titre les autorisant à travailler. La sanction du travail clandestin m'apparaît tout à fait légitime, mais sont déjà prévues une amende pénale et deux amendes administratives perçues par l'OFII, l'une forfaitaire, l'autre proportionnelle à l'infraction : déjà trois amendes, donc. Pourquoi la création d'une énième amende ? Mettons en oeuvre les dispositions existantes.

Aussi l'amendement COM-166 de M. Benarroche, l'amendement COM-182 de Mme Assassi et l'amendement COM-210 de vos rapporteurs tendent-ils à supprimer cet article.

M. Jean-Yves Leconte . - Après réflexion, nous défendons une manière un peu différente d'aborder les choses : l'amende administrative pourrait avoir un intérêt dès lors que la partie pénale de la sanction serait réformée. Plutôt que de supprimer l'article 8, nous proposons donc, avec l'amendement COM-102 , de revoir le dispositif dans son ensemble en réservant la voie pénale aux cas les plus graves, commission de l'infraction en bande organisée et réitération de l'infraction dans un délai de deux ans.

Les amendements identiques COM-166, COM-182 et COM-210 sont adoptés. En conséquence, les amendements COM-102 et COM-167 deviennent sans objet.

L'article 8 est supprimé.

Article 9

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-183 vise à supprimer l'article 9, qui facilite la levée des protections dont bénéficient certaines catégories d'étrangers contre l'expulsion ou l'interdiction du territoire français. Nous estimons, quant à nous, qu'il est légitime et nécessaire de lever un certain nombre de protections pour des personnes qui troublent l'ordre public, l'expulsion étant une sanction administrative et l'interdiction du territoire français une peine complémentaire prononcée lorsqu'un étranger est condamné par un tribunal correctionnel ou une cour d'assises. Avis défavorable.

M. Jean-Yves Leconte . - Il n'est pas scandaleux qu'une personne représentant une menace grave pour la sécurité du pays puisse être éloignée, mais il est indispensable que soit prise en compte non la peine encourue, mais la peine effectivement prononcée, c'est-à-dire la décision de justice en tant que telle ; tel est l'objet de notre amendement COM-103 .

L'amendement COM-183 n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-53 rectifié prévoit une réduction des protections contre l'expulsion : Valérie Boyer entend rehausser les conditions requises pour bénéficier d'une protection contre l'expulsion. Nous avons fait le choix, quant à nous, d'assouplir la levée desdites protections ; je propose de privilégier cette deuxième solution, mais nous partageons le même objectif. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-53 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-103.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-212 vise à garantir explicitement que les faits à l'origine d'une condamnation pénale justifiant la levée des protections contre l'expulsion peuvent être pris en compte dans l'appréciation de la menace grave à l'ordre public.

M. Jean-Yves Leconte . - Vous faites exactement le contraire de ce que propose le Conseil d'État...

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Ce n'est pas interdit.

L'amendement COM-212 est adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-213 prévoit d'autoriser systématiquement la levée des protections contre l'éloignement dont bénéficient les étrangers coupables de violences intrafamiliales.

L'amendement COM-213 est adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Nous souhaitons, par l'amendement COM-214 modifié, autoriser systématiquement le juge à prononcer une peine d'interdiction du territoire français en cas de condamnation d'un ressortissant étranger pour des faits passibles de plus de cinq ans de réclusion, alors qu'actuellement tel est le cas uniquement si une disposition spécifique le prévoit. Cette mesure est antinomique avec l'amendement COM-104 de M. Leconte. Quant à l'amendement COM-55 rectifié de Mme Boyer, il tend à rehausser les conditions requises pour bénéficier d'une protection contre l'éloignement - nous visons le même objectif, mais selon des moyens différents.

M. Jean-Yves Leconte . - Ici nos rapporteurs s'appuient sur les analyses du Conseil d'État, là ils décident de n'en tenir aucun compte : je suis étonné... En l'espèce, vous proposez de faire le contraire ce qu'il recommande.

M. Guy Benarroche . - La particularité de cet article est que l'on s'apprête à lever des protections en fonction non de la peine effectivement prononcée, mais de la peine encourue.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Le Conseil d'État n'a rien dit qui interdise ce que nous proposons : selon son avis, il « interprète les nouvelles dispositions comme impliquant que l'administration, d'une part, pourra, dans son appréciation de la menace grave et actuelle pour l'ordre public, tenir compte des faits à l'origine de la condamnation ».

L'amendement COM-214 modifié est adopté. En conséquence, les amendements COM-104 et COM-55 rectifié deviennent sans objet.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-81 tend à modifier les règles de computation du délai de la peine complémentaire d'interdiction du territoire français : Stéphane Le Rudulier propose qu'il ne commence à courir qu'à compter du moment où l'étranger a quitté le territoire français. Avis favorable sur cette mesure de clarification.

L'amendement COM-81 est adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-54 rectifié rend automatique le prononcé d'une peine complémentaire d'interdiction du territoire français. Nous avons opté pour la possibilité de prononcer cette peine en cas de délit si celui-ci est puni de cinq ans de réclusion : demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-54 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement de coordination COM-211 est adopté.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 9

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-32 est une demande de rapport : avis défavorable.

L'amendement COM-32 n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-52 tend à autoriser le prononcé d'une mesure d'expulsion dès l'âge de 16 ans, alors qu'aujourd'hui les mineurs sont protégés par l'article L. 631-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda). Cette disposition me paraît contraire aux engagements internationaux de la France : avis défavorable.

L'amendement COM-52 n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-77 prévoit de s ystématiser l'expulsion d'un étranger condamné pour un délit ou un crime et qui ne bénéficie pas de protections.

Stéphane Le Rudulier propose de supprimer l'exigence de l'appréciation par le préfet d'une menace grave à l'ordre public, qui est le fondement même de la mesure d'expulsion. De surcroît, on prononcerait des mesures d'expulsion pour sanctionner des délits d'un faible niveau de gravité, alors même que l'expulsion est censée viser les menaces les plus graves à l'ordre public.

L'amendement COM-77 n'est pas adopté.

Article 10

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Les amendements identiques COM-105 et COM-184 visent à supprimer l'article 10, qui autorise la levée des protections contre les OQTF en cas de menace grave à l'ordre public. Avis défavorable.

Les amendements identiques COM-105 et COM-184 ne sont pas adoptés.

L'article 10 est adopté sans modification.

Après l'article 10

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-69 rectifié bis réduit le délai de départ volontaire des OQTF. Cette demande est compréhensible, mais s'accorde assez mal avec la réforme du contentieux opérée dans les articles suivants : les délais ne seraient plus en phase. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-69 rectifié bis est retiré.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-2 de Françoise Dumont tend à rendre obligatoire l'exécution des OQTF, dont le taux est de 6,9 %... Néanmoins, je le crains, décréter l'obligation d'exécuter ne changera rien au niveau d'exécution. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-2 est retiré.

Article 11

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Éliane Assassi demande, par l'amendement COM-185 , la suppression de l'article 11, qui permet le relevé contraint d'empreintes digitales et de photographies des étrangers lors du franchissement des frontières extérieures ou du contrôle de la régularité du séjour. Le texte de l'article 11 était un peu « sec » au regard de la jurisprudence existante ; nous l'avons entouré d'un certain nombre de garanties, car il serait dommage qu'en définitive l'inconstitutionnalité en soit constatée. Reste que nous sommes hostiles à sa suppression.

L'amendement COM-185 n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Nous proposons d'assortir la prise d'empreintes de garanties.

Nous émettons un avis défavorable sur l'amendement COM-106 et demandons à la commission d'adopter les amendements identiques COM-215 et COM-14 rectifié bis , l'amendement COM-216 et les amendements identiques COM-217 , COM-15 rectifié bis et COM-168 rectifié. Nous demandons le retrait de l'amendement COM-16 rectifié, qui est satisfait ; quant à l'amendement COM-18 rectifié, les rapporteurs y sont défavorables.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - L'un des amendements des rapporteurs précise bien que la présence d'un avocat est obligatoire pendant la prise d'empreintes ?...

Mme Muriel Jourda , rapporteur. - Sur le fondement d'une réponse à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) datant du mois dernier, le choix qui se présentait à nous était le suivant : soit ne rien faire et être à peu près certain que l'inconstitutionnalité sera constatée, soit entourer de garanties cette mesure qui, quoiqu'importante, ne change pas la face du monde. Nous avons choisi de faire en sorte que cette disposition passe le contrôle de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel ne change pas d'avis d'un mois sur l'autre... Il s'agit donc de se conformer à la jurisprudence récente.

L'amendement COM-106 n'est pas adopté. Les amendements identiques COM-215 et COM-14 rectifié bis , l'amendement COM-216 et les amendements identiques COM-217, COM-15 rectifié bis et COM-168 rectifié sont adoptés. Les amendements COM-16 rectifié et COM-18 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 11

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-29 rectifié renforce les sanctions encourues en cas de refus de décliner son identité ou de se soumettre à une prise d'empreintes. Les peines actuellement prévues sont assez faibles. Avis favorable.

L'amendement COM-29 rectifié est adopté et devient article additionnel.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Les amendements COM-142 rectifié bis , COM-27 rectifié et COM-151 rectifié prévoient d'instaurer une présomption de majorité en cas de refus de test osseux. Pour rappel, le Conseil constitutionnel a décidé, dans une réponse à une QPC, que la majorité d'une personne ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à un examen osseux. Avis défavorable.

Les amendements COM-142 rectifié bis , COM-27 rectifié et COM-151 rectifié ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement COM-79 rectifié bis .

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-143 rectifié ter crée un fichier des mineurs non accompagnés délinquants. Avis favorable. C'était une recommandation du rapport de nos collègues Hussein Bourgi, Henri Leroy, Laurent Burgoa et Xavier Iacovelli.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Nous sommes d'accord, il ne s'agit pas de personnes condamnées : le régime est celui de l'indice, du possible, du vraisemblable, du « cependant » et du « néanmoins »...

Mme Muriel Jourda , rapporteur. - Oui.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Il s'agit donc non pas d'un fichier des mineurs délinquants, mais d'un fichier des mineurs présumés délinquants.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Oui.

L'amendement COM-143 rectifié ter est adopté et devient article additionnel.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-144 rectifié bis crée un fichier national des personnes reconnues majeures par les conseils départementaux ; il est satisfait.

Mme Valérie Boyer . - Mais l'est-il d'un point de vue opérationnel ?

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Ce n'est pas en le répétant dans la loi que l'on arrivera à quoi que ce soit.

L'amendement COM-144 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-1 rectifié vise à augmenter le délai de la retenue pour vérification du droit au séjour de 24 à 48 heures. Il est déjà passé de 16 à 24 heures, et aller au-delà serait vraisemblablement inconstitutionnel... Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Françoise Dumont . - Je le retire.

L'amendement COM-1 rectifié est retiré.

Article 12

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Les amendements COM-8 rectifié, COM-107 et COM-170 tendent à exclure tous les mineurs des centres de rétention administrative, alors que l'article 18 prévoit que ceux qui sont âgés de 16 à 18 ans peuvent y être placés. Or ces derniers doivent pouvoir être maintenus en CRA pour, le cas échéant, être éloignés en compagnie de leur famille. Avis défavorable.

Les amendements COM-8 rectifié, COM-107 et COM-170 ne sont pas adoptés.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-218 est un amendement rédactionnel : il s'agit bien de mineurs âgés de 16 ans révolus.

L'amendement COM-169 prévoit l'interdiction du placement en CRA de tous les mineurs ; nous y restons défavorables.

L'amendement COM-218 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-169 devient sans objet.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-171 vise à étendre l'interdiction de placement des mineurs de 16 ans aux locaux de rétention administrative, à ne pas confondre avec les centres de rétention administrative. Il faut bien néanmoins que l'on trouve des lieux pour regrouper les familles avant de procéder à leur éloignement ; or les locaux de rétention administrative s'y prêtent. Avis défavorable.

L'amendement COM-171 n'est pas adopté.

L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 12

M. François-Noël Buffet , président . - L'amendement COM-28 rectifié a été déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution, de même que les amendements COM-84 et COM-85.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-108 exclut le maintien des mineurs dans les zones d'attente, où sont maintenus des étrangers qui passent les frontières et dont on contrôle la régularité de la situation. S'agissant majoritairement de mineurs non accompagnés, un délai est nécessaire pour connaître leur identité. Avis défavorable.

L'amendement COM-108 n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-109 vise à inscrire les locaux de rétention administrative dans la loi.

Le régime de la rétention administrative est bel et bien inscrit dans la loi ; la façon dont se décline ce régime relève du règlement. Il ne paraît pas nécessaire de rigidifier le dispositif. Avis défavorable.

M. Jean-Yves Leconte . - Les lieux de rétention administrative méritent, en tant que lieux de privation de liberté, d'être mieux encadrés, d'autant qu'ils devraient être de plus en plus destinés aux familles. Faire en sorte que le préfet communique au procureur de la République et au Contrôleur général des lieux de privation de liberté l'arrêté portant création d'un tel lieu, que les parlementaires en soient informés et que les associations puissent y avoir accès, cela me semble le minimum dans un État de droit. Je me permets donc d'insister : notre pays doit faire ce qu'il prétend faire, et on ne saurait par décret contredire la loi.

L'amendement COM-109 n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Les amendements identiques COM-219 et COM-64 rectifié visent à ce que les conseils départementaux ne soient pas obligés d'octroyer des contrats jeune majeur à des personnes qui font l'objet d'une OQTF. Avis favorable.

Les amendements identiques COM-219 et COM-64 rectifié sont adoptés et deviennent article additionnel.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-243 rectifié est une demande de rapport. Avis défavorable.

L'amendement COM-243 rectifié n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Avis défavorable également sur l'amendement COM-242 , s'agissant d'une nouvelle demande de rapport.

L'amendement COM-242 n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-126 rectifié vise à diminuer la durée globale de rétention à quarante-cinq jours, alors qu'elle était passée à quatre-vingt-dix jours : avis défavorable.

L'amendement COM-126 rectifié n'est pas adopté.

Avant l'article 13

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-78 rend possible l'édiction d'une OQTF à l'encontre d'un étranger qui a porté atteinte aux symboles de la République. Il est satisfait par l'article 13 du projet de loi, qui permet au préfet de retirer un titre de séjour ou d'en refuser le renouvellement en cas d'atteinte aux symboles de la République.

M. Stéphane Le Rudulier . - Je le retire.

L'amendement COM-78 est retiré.

Article 13

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-186 tend à supprimer l'article 13, qui conditionne la délivrance de tout document de séjour au respect des principes de la République. Avis défavorable.

L'amendement COM-186 n'est pas adopté.

L'amendement de clarification rédactionnelle COM-223 est adopté. En conséquence, les amendements COM-110 et COM-179 deviennent sans objet.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-220 a pour objet de créer un contrat d'engagement au respect des principes de la République en allant un peu au-delà des dispositions de l'article 13.

L'amendement COM-220 est adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Par l'amendement COM-222 , nous proposons la suppression de l'avis conforme, au profit d'un avis simple, de la commission du titre de séjour.

L'amendement COM-222 est adopté, de même que l'amendement de cohérence légistique COM-221 .

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-128 tend à réformer la composition de la commission du titre de séjour, qui deviendrait une quasi-juridiction. Avis défavorable.

L'amendement COM-128 n'est pas adopté.

L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 13

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Les amendements COM-5 et COM-6 instaurent une préférence nationale ou communautaire en matière de prestations sociales, ce qui est inconstitutionnel. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Les amendements COM-5 et COM-6 sont retirés.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-31 de Mme Goulet prévoit la fin des droits sociaux en cas d'émission d'une OQTF ; il est satisfait.

L'amendement COM-31 n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-70 conditionne l'entrée sur le territoire au versement d'une caution. Nous avions déjà rejeté pareille proposition en 2018. Avis défavorable.

L'amendement COM-70 n'est pas adopté.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-62 rectifié rétablit le délit de séjour irrégulier. L'idée, sans être mauvaise, pose un problème de compatibilité avec la jurisprudence européenne. Il faut retravailler cette mesure en vue de la séance. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-62 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-73 .

Division additionnelle avant le titre III

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Nous proposons, par l'amendement COM-224 , de créer un nouveau titre dans le projet de loi.

L'amendement COM-224 est adopté et devient division additionnelle.

Avant le titre III

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-225 tend à ce que le préfet informe les organismes de sécurité sociale ainsi que Pôle emploi des décisions d'OQTF.

Mme Valérie Boyer . - Tel n'est pas déjà le cas ?

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Non : il arrive que les organismes continuent à verser de l'argent.

Mme Valérie Boyer . - Comment suspend-on les prestations ? J'avais déposé un amendement pour qu'elles soient suspendues, mais il a été rejeté. Pourquoi ?

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - On doit être en situation régulière pour percevoir des prestations : cette demande-là est satisfaite. Nous ajoutons une modalité pratique pour que cela soit effectif, l'obligation d'information des organismes sociaux en cas d'émission d'une OQTF.

L'amendement COM-225 est adopté et devient article additionnel.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Les amendements identiques COM-226 , COM-61 rectifié, COM-76 rectifié ter et COM-145 rectifié ter tendent, d'une part, reprenant une disposition adoptée par le Sénat en 2018 sur l'initiative du président Buffet, à restreindre la délivrance de visas à l'encontre des États qui ne se montrent pas coopératifs en matière de délivrance de laissez-passer consulaires, ce qui a déjà été fait en 2021, et, d'autre part, à orienter notre aide publique au développement en sorte que les États non coopératifs n'en bénéficient pas.

M. Jean-Yves Leconte . - Cette mesure est une aberration du point de vue de nos relations bilatérales avec un certain nombre de pays.

Les amendements identiques COM-226, COM-61 rectifié, COM-76 rectifié ter et COM-145 rectifié ter sont adoptés et deviennent article additionnel.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-137 rectifié bis de notre collègue Alain Cadec étend la durée maximale d'assignation à résidence. Avis favorable.

L'amendement COM-137 rectifié bis est adopté et devient article additionnel.

TITRE III : Sanctionner l'exploitation des migrants et contrôler les frontières

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'amendement COM-227 a pour objet de remplacer, dans l'intitulé du titre III, le terme « migrants », qui n'existe pas dans le CESEDA et ne veut d'ailleurs rien dire, par celui d'« étrangers ».

L'amendement COM-227 est adopté.

Le titre III est ainsi modifié.

Article 14

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Nous abordons les articles concernant les sanctions pénales.

Pour ce qui est de l'amendement COM-65 de Valérie Boyer, les rapporteurs proposeront par ailleurs de renforcer les sanctions contre les passeurs, en étendant le cumul des circonstances aggravantes et en prévoyant des augmentations significatives des peines applicables. Votre préoccupation, madame Boyer, serait pour l'essentiel satisfaite par l'adoption de l'amendement suivant ; mais prenons garde à l'échelle des peines.

Mme Valérie Boyer . - Ces personnes sont des proxénètes, des trafiquants d'êtres humains. L'augmentation du quantum des peines me paraît adaptée. Allez à l'hôpital de la Conception, à Marseille, observer comment les choses se passent avec les Nigérians ; vous verrez la réalité de la cruauté de ces gens !

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Nous proposons de renforcer le dispositif pénal en introduisant la notion de réseau agissant en bande organisée ; et le quantum de peines est accru. Les agissements que vous venez d'évoquer, nous les criminalisons bel et bien ; mais attention à ne pas confondre les passeurs et la traite des êtres humains : il y a une limite à la « course à l'échalote » en matière de peines.

L'amendement COM-65 n'est pas adopté.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Les amendements COM-229 et COM-228 rectifié répondent à la préoccupation de Mme Boyer.

Les amendements COM-229 et COM-228 rectifié sont adoptés.

L'article 14 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 14

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - L'amendement COM-111 tend à créer un délit d'entrave au droit d'asile ; cela ne nous semble pas nécessaire.

L'amendement COM-111 n'est pas adopté.

Article 15

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - La création d'une circonstance aggravante liée à la notion de personne vulnérable nous paraît justifiée. Avis défavorable sur l'amendement COM-112 .

M. Jean-Yves Leconte . - Toute personne qui est logée dans ce type d'habitat est une personne vulnérable ; il n'y a donc pas de raison d'augmenter la peine au motif d'une circonstance aggravante liée à la vulnérabilité.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - La notion de personne vulnérable est définie en droit et renvoie à des circonstances objectives. Le fait de prévoir une circonstance aggravante lorsqu'une infraction est commise à l'encontre de ces personnes est usuel.

Dans le cas présent, l'article 15 proposé par le Gouvernement prévoit explicitement que les personnes en situation irrégulière sont des personnes vulnérables, ce qui permet une sanction renforcée des marchands de sommeil. Nous ne voyons pas de raison de renoncer à la circonstance aggravante ; votre amendement me semble même aller à l'encontre de votre volonté.

L'amendement COM-112 n'est pas adopté.

L'article 15 est adopté sans modification.

Article 16

L'article 16 est adopté sans modification.

Après l'article 16

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - L'amendement COM-136 rectifié bis supprime le bénéfice du jour franc en cas de refus d'entrée sur le territoire. Avis favorable.

L'amendement COM-136 rectifié bis est adopté et devient article additionnel.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Avis défavorable sur l'amendement COM-147 , qui élargit aux membres d'équipage la collecte des données des dossiers passagers (PNR, Passenger Name Record ).

L'amendement COM-147 n'est pas adopté.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - L'adoption de l'amendement COM-148 reviendrait à aller un peu trop loin dans les prérogatives accordées aux officiers de police judiciaire (OPJ). Avis également défavorable.

L'amendement COM-148 n'est pas adopté.

Article 17

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - L'amendement de suppression COM-129 remet en cause le recours au contrôle aux frontières intérieures. Avis défavorable.

L'amendement COM-129 n'est pas adopté.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - L'amendement COM-230 vise à mieux encadrer la disposition prévue par le Gouvernement à l'article 17 pour éviter un risque de censure constitutionnelle. Nous proposons de permettre à la police aux frontières de procéder à l'examen d'un véhicule particulier, mais seulement s'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que ledit véhicule transporte une personne ayant commis ou tenté de commettre une infraction relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France.

L'amendement COM-230 est adopté.

L'article 17 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 17

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - L'amendement COM-146 rectifié bis étend aux agents de sécurité de la SNCF la faculté de procéder à la fouille sommaire des véhicules ferroviaires ainsi qu'à des vérifications d'identité. Le Sénat, traditionnellement, souhaite bien dissocier les prérogatives des officiers de police judiciaire de celles des services de surveillance de la SNCF.

L'amendement COM-146 rectifié bis n'est pas adopté.

Article 18

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Nous partageons avec les auteurs des amendements identiques COM-113 et COM-187 l'idée que l'article 18 nécessite une réécriture ; nous vous la proposons via les amendements identiques COM-231 et COM-196 rectifié.

Les amendements identiques COM-113 et COM-187 ne sont pas adoptés. Les amendements identiques COM-231 et COM-196 rectifié sont adoptés.

L'article 18 est ainsi rédigé.

Article 19

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - L'amendement COM-114 concerne la création de pôles territoriaux « France asile », qui permettrait notamment au demandeur d'asile d'introduire sa demande en étant accompagné d'agents de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Comme une généralisation immédiate des guichets « France asile » pourrait emboliser le dispositif, nous vous proposons donc de l'expérimenter, sur un temps limité et dans quelques départements - dont au moins un outre-mer. Nous sommes donc dans le même esprit que Jean-Yves Leconte mais préférons la rédaction de notre amendement.

M. Jean-Yves Leconte . - Avec des garanties en plus !

L'amendement COM-114 n'est pas adopté.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - L'amendement COM-232 comme je vous le disais propose d'expérimenter les pôles territoriaux « France asile » dans au moins dix départements et apporte la garantie supplémentaire que le demandeur d'asile puisse, transmettre à l'OFPRA tout élément utile jusqu'à son entretien personnel, qui ne pourrait avoir lieu avant un délai minimum de 21 jours. Nous sommes donc d'accord pour expérimenter la présence d'agents de l'OFPRA en préfecture, mais sans priver le demandeur d'asile de la possibilité rédiger a posteriori ce récit, dans un délai de 21 jours. Cet amendement satisfait les autres amendements. Nous avons conservé un certain équilibre.

L'amendement COM-232 est adopté. En conséquence, les amendements COM-133, COM-115 et COM-178 deviennent sans objet.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Avis favorable à l'amendement COM-134 . Selon nous, rien ne remet en cause l'indépendance des agents de l'OFPRA déployés à la préfecture. Pour autant, sur ce sujet sensible, nous comprenons que vous souhaitiez le réaffirmer pour éviter tout débat.

L'amendement COM-134 est adopté.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - L'amendement COM-30 rectifié prévoit un référent vulnérabilité dans les pôles territoriaux. Les agents de l'OFII et de l'OFPRA sont bien formés à apprécier la vulnérabilité des demandeurs ; c'est au coeur de leur métier. De plus, cet amendement nous paraît règlementaire. Avis défavorable

L'amendement COM-30 rectifié n'est pas adopté.

L'article 19 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 19

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - L'amendement COM-233 étend les prérogatives de l'OFII.

L'amendement COM-233 est adopté et devient article additionnel.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-135 rectifié. Nous avons une appréciation différente des conditions de retrait des conditions matérielles d'accueil.

L'amendement COM-135 rectifié n'est pas adopté.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - L'amendement COM-234 intègre les places destinées à l'accueil des demandeurs d'asile dans le décompte du taux de 20 % à 25 % de logements sociaux imposé aux communes depuis la loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU), marronnier de notre maison. Je doute qu'il y ait une opposition à cette proposition...

L'amendement COM-234 est adopté et devient article additionnel.

L'amendement COM-235 est adopté et devient article additionnel.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Retrait, à défaut avis défavorable à l'amendement COM-72 rectifié. Ce dispositif qui fixe 15 jours au demandeur d'asile à compter de son entrée sur le territoire pour faire sa demande serait contraire à la directive européenne « Procédure » de 2013 et à la Constitution.

L'amendement COM-72 rectifié n'est pas adopté.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-130 rectifié, qui relève du fonctionnement interne de l'OFPRA. Nous ne voyons pas l'intérêt d'imposer, par la loi, un délai de quatre mois. Nous estimons qu'il ne faut pas mettre une pression supplémentaire sur l'OFPRA, qui fait fonction d'officier d'état civil des personnes protégées. Le directeur général de l'OFPRA, conscient des difficultés en raison de l'augmentation du nombre de personnes protégées, entend majorer les moyens pour améliorer les délais.

L'amendement COM-130 rectifié n'est pas adopté.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - L'amendement COM-56 tend à réformer l'accès aux prestations de l'assurance maladie des demandeurs d'asile. Ce sujet est déjà traité dans les dispositions que nous vous avons présentées. Nous ne pensons pas qu'il faille ajouter des éléments supplémentaires.

L'amendement COM-56 n'est pas adopté.

Article 20

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Par son amendement COM-188 , Mme Assassi propose de ne pas retenir la disposition réformant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Cette réforme vise à territorialiser la CNDA, et créer plusieurs chambres territoriales en région pour que les demandeurs d'asile n'aient pas systématiquement besoin de se rendre à Montreuil. La réforme vise aussi à faire du juge unique le principe, sauf exception. La rédaction du texte permettra toujours au juge de renvoyer, si la question le justifie, à la formation collégiale. Cette disposition permet également de siéger à 99,99 % en collégialité. En pratique, on raisonnera par groupe de pays d'origine. Dans ceux où il y a une très faible ou une très forte proportion d'admissions, on fonctionnera vraisemblablement avec un juge unique. Dans des pays comme la Syrie ou la Libye, dans lesquels il n'est pas évident de savoir qui est la victime ou le bourreau, la formation pourrait être collégiale. Avis défavorable.

L'amendement COM-188 n'est pas adopté.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - L'amendement COM-7 prorogerait, presque sans limite, la possibilité de siéger dans les formations de jugement alors que les membres de formation de jugement peuvent déjà siéger jusqu'à 75 ans. Avis défavorable.

L'amendement COM-7 n'est pas adopté.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Avis défavorable aux amendements COM-174 et COM-116 . Je viens d'évoquer le principe du juge unique.

Les amendements COM-174 et COM-116 ne sont pas adoptés.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - L'amendement COM-140 rectifié concerne le dépôt d'une caution pour éviter qu'un débouté du droit d'asile n'exécute pas sa mesure d'éloignement. Nous avons déjà évoqué cette question qui nous semble présenter un faible intérêt pratique. Avis défavorable.

L'amendement COM-140 rectifié n'est pas adopté.

L'article 20 est adopté sans modification.

Après l'article 20

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . -L'amendement COM-236 apporte des garanties pour suspendre la vidéo-audience à la CNDA en cas de difficulté technique.

L'amendement COM-236 est adopté et devient article additionnel.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-127 rectifié, en raison d'une position ancienne du Sénat.

L'amendement COM-127 rectifié n'est pas adopté.

Avant l'article 21

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - L'amendement COM-139 vise à créer une contribution financière pour les étrangers qui demande un visa ou un titre de séjour. Il existe déjà des droits de timbre ou de procédure pour les demandes de titres, hors asile. Il n'est pas nécessaire de créer une taxe supplémentaire. Avis défavorable.

L'amendement COM-139 n'est pas adopté.

Article 21

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - J'ai déjà présenté l'amendement COM-237 . Le Gouvernement propose quatre modalités contentieuses, contre trois pour les rapports Stahl et Buffet. Le Gouvernement veut créer une modalité supplémentaire d'urgence alors que le préfet ne prévoit pas d'assignation à résidence ou de placement en centre de rétention administrative (CRA). Il n'y a aucun intérêt à emboliser les préfectures et les tribunaux administratifs, alors qu'il n'y a pas de perspective d'éloignement à court terme.

L'amendement COM-237 est adopté. En conséquence, les amendements COM-13 rectifié, COM-117 et COM-35 rectifié ter deviennent sans objet.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-132 , qui ne change pas grand-chose, en passant de 48 heures à deux jours ouvrés. Les associations sont habituées à la modalité de 48 heures, ne la modifions pas.

M. Jean-Yves Leconte . - Mais les étrangers assignés à résidence n'ont pas accès aux associations.

L'amendement COM-132 n'est pas adopté.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - L'amendement COM-238 satisfera la plupart de nos collègues. Lorsque l'étranger est placé ou maintenu en rétention administrative ou en zone d'attente sur un aéroport, comment éviter d'utiliser la vidéo-audience ? Malgré ses défauts, c'est la moins mauvaise solution. Imaginez si on devait généraliser, depuis Orly ou Roissy, les escortes d'agents de la police aux frontières vers le tribunal judiciaire de Paris ou le tribunal administratif. Nous approuvons la systématisation du procédé, mais nous apportons des garanties suffisantes. Le Conseil constitutionnel a validé le principe de la vidéo-audience dans certains cas, notamment devant la Cour nationale du droit d'asile en droit des étrangers. Nous proposons deux garanties : la mise à disposition physique du dossier au requérant, là où il se trouve ; et la possibilité pour le magistrat de suspendre l'audience en cas de difficulté technique.

Avis favorable à l'amendement COM-197 de Marc-Philippe Daubresse. En raison de la difficulté à trouver des interprètes en continu dans toutes les langues, il faut admettre que dans certains cas, l'interprète puisse se trouver à l'extérieur de la salle d'audience de la zone d'attente ou du CRA, sinon nous bloquerons le système.

L'amendement COM-238 est adopté. En conséquence, les amendements COM-118, COM-10 rectifié, et COM-176, deviennent sans objet.

L'amendement COM-197 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-120 n'est pas adopté.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-11 rectifié .

L'amendement COM-11 rectifié n'est pas adopté.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Avis favorable à l'amendement de précision COM-12 rectifié .

L'amendement COM-12 rectifié est adopté.

L'article 21 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 22

L'article 22 est adopté sans modification.

Article 23

L'article 23 est adopté sans modification.

Après l'article 23

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Dans la lignée des rapports Stahl et Buffet, l'amendement COM-239 permet à l'OFII de défendre ses avis médicaux dans le cadre des contentieux « étranger malade » et de répondre à certaines préoccupations des tribunaux administratifs sur l'étendue du secret médical. Ces mesures ont déjà été votées par le Sénat. Il propose aussi des ajustements sur le délai d'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD).

L'amendement COM-239 est adopté et devient article additionnel.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - L'amendement COM-82 est satisfait. Nous en demandons le retrait.

L'amendement COM-82 est retiré.

Avant l'article 24

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - L'amendement COM-71 prévoit un délai maximum pour l'octroi des décisions d'aide juridictionnelle. Je comprends l'intention, positive, mais fixer un délai n'aura pas d'effet juridique. Il n'y a pas lieu, non plus, d'avoir un délai d'octroi de l'aide juridictionnelle pour les seuls étrangers, cela nous semble contraire au principe constitutionnel d'égalité. En matière d'asile, l'aide juridictionnelle est de plein droit devant la CNDA sauf si le recours est manifestement irrecevable. Avis défavorable.

L'amendement COM-71 n'est pas adopté.

Article 24

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Les amendements identiques COM-175 et COM-189 concernent les audiences du JLD, lorsqu'il statue sur une décision de placement ou de maintien en centre de rétention administrative ou de maintien en zone d'attente. Nous apportons les mêmes garanties qu'à l'article 21 pour la vidéo-audience. Avis défavorable.

Les amendements identiques COM-175 et COM-189 ne sont pas adoptés.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Même avis sur l'amendement COM-119 .

L'amendement COM-119 n'est pas adopté.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Comme à l'article 21, l'amendement COM-240 apporte des garanties pour la vidéo-audience, avec la possibilité de la suspendre en cas de problèmes techniques et la mise à disposition du dossier pour le requérant.

L'amendement COM-240 est adopté.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-121 .

L'amendement COM-121 n'est pas adopté.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-17 rectifié. Nous avons apporté des garanties.

L'amendement COM-17 rectifié n'est pas adopté.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-177 sur la vidéo-audience.

L'amendement COM-177 n'est pas adopté.

L'article 24 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 25

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Les amendements identiques COM-122 et COM-190 visent à supprimer l'article. Le Gouvernement, dans la suite de l'affaire de l' Ocean Viking , a prévu de porter de 24 à 48 heures le délai d'examen des demandes par le JLD. Cela éviterait que les personnes quittent la zone d'attente faute d'examen de leur dossier dans le délai légal. Cette demande de suppression ne se justifie pas. Nous proposons, pour soulager les magistrats en cas de situation de crise, que sur décision du Premier président de la cour d'appel ou du président du tribunal judiciaire, les JLD de Toulon, par exemple, reçoivent le renfort de JLD de Marseille ou de Draguignan.

Mme Valérie Boyer . - Pourquoi ne pas prolonger, autant que nécessaire, le délai ?

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - C'est une mesure privative de liberté.

Mme Valérie Boyer . - 48 heures, c'est peu.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Au-delà de 48 heures, ce serait inconstitutionnel.

M. Jean-Yves Leconte . - Déjà, le fait d'adapter le temps imparti au JLD pour se prononcer sur une mesure privative de liberté en fonction d'une situation particulière pose problème. C'est pourquoi nous avions proposé la suppression de cette disposition.

M. François-Noël Buffet , président . - À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle. Il faut augmenter le délai, raisonnablement, pour qu'il soit suffisant afin d'examiner tous les dossiers. Il n'est pas inimaginable que les juridictions mobilisent les magistrats du ressort de la cour d'appel. Ponctuellement, cela permet d'anticiper et d'apporter des renforts. Le bateau n'arrive pas discrètement, on en entend parler souvent 15 jours avant... On peut s'organiser pour que cela fonctionne !

M. Jean-Yves Leconte . - Organiser le renfort est une chose, changer le délai en est une autre.

M. François-Noël Buffet , président . - Il faut s'organiser en amont et disposer d'un délai raisonnable. Les amendements identiques COM-122 et COM-190 ne sont pas adoptés.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-123 .

L'amendement COM-123 n'est pas adopté.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - L'amendement COM-241 précise les modalités, en cas de situation exceptionnelle, du recours à des JLD du ressort de la cour d'appel.

L'amendement COM-241 est adopté.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement de suppression COM-191 .

L'amendement COM-191 n'est pas adopté.

L'article 25 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 26

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement de suppression COM-124 . Nous ne sommes pas sûrs de pouvoir adopter par des dispositions directement applicables toutes les mesures d'application ou de coordination outre-mer. Ce sera peut-être possible d'ici la séance publique, mais dans le cas contraire, le recours aux ordonnances ne nous choquerait pas forcément. L'article 26 ne vise pas à réformer le droit de l'asile et de l'immigration en outre-mer, il prévoit simplement les mesures d'adaptation et d'extension en outre-mer de ce qui s'appliquerait en France hexagonale.

L'amendement COM-124 n'est pas adopté.

L'article 26 est adopté sans modification.

Article 27

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Avis défavorable aux amendements identiques COM-125 et COM-172 qui visent à supprimer le délai prévu par le Gouvernement pour l'interdiction des mineurs de moins de 16 ans dans les centres de rétention administrative (CRA), qui était prévue au 1 er janvier 2025. Ne nous voilons pas la face : ce délai est nécessaire au Gouvernement pour déployer suffisamment de locaux de rétention administrative (LRA). Nous sommes défavorables à l'accélération demandée.

Les amendements identiques COM-125 et COM-172 ne sont pas adoptés.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Même avis sur l'amendement COM-173 .

L'amendement COM-173 n'est pas adopté.

L'article 27 est adopté sans modification.

Après l'article 27

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-24 rectifié bis qui est une demande de rapport.

L'amendement COM-24 rectifié bis n'est pas adopté.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - L'aide médicale d'État (AME) et les soins urgents ont déjà été traités par des amendements des rapporteurs : l'un sur la réforme de l'AME, qui reprend des dispositions déjà votées par le Sénat, et l'autre qui modifie le titre « étranger malade ». L'amendement COM-153 est donc satisfait. Nous demandons le retrait.

L'amendement COM-153 est retiré.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Division(s) additionnelle(s) avant TITRE I er :
Assurer une meilleure intégration des étrangers par le travail et la langue

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

198

Titre additionnel à des fins de cohérence

Adopté

Article(s) additionnel(s) avant TITRE I er :
Assurer une meilleure intégration des étrangers par le travail et la langue

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

202

?Débat annuel au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration et détermination de "quotas" ou d'objectifs de nombres de titres de séjour

Adopté

M. RETAILLEAU

152

?Débat annuel au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration et détermination de "quotas" ou d'objectifs de nombres de titres de séjour

Adopté

Mme Valérie BOYER

66

?Débat annuel au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration et détermination de "quotas" ou d'objectifs de nombres de titres de séjour

Rejeté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

200

Renforcement des conditions du regroupement familial

Adopté

M. LE RUDULIER

86 rect. bis

Renforcement des conditions du regroupement familial

Rejeté

M. LE RUDULIER

75

Conditions de ressources pour délivrance de titre sur motif familial

Rejeté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

199

Conditionnalité de l'entrée sur le territoire national pour les bénéficiaires du regroupement familial à la justification d'un niveau de langue

Adopté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

204

Contrôle par les communes du respect des conditions de résidence et de ressources dans le cadre du regroupement familial

Adopté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

201

Renforcement des conditions d'accès au titre "étranger malade"

Adopté

M. LE RUDULIER

83

Conditions d'appréciation des « conséquences d'une exceptionnelle gravité » d'un défaut de prise en charge médicale sur l'état de la santé de l'étranger pour l'admission au séjour au titre de la procédure "étranger malade"

Adopté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

205

Contrôle du caractère réel et sérieux des études

Adopté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

203

Expérimentation de l'instruction à 360°

Adopté

M. REICHARDT

38 rect. ter

Expérimentation de l'instruction à 360°

Adopté

Mme Valérie BOYER

67

Impossibilité de délivrer une attestation d'accueil dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville

Rejeté

Mme DUMONT

3 rect. ter

Augmentation du délai de carence pour bénéficier de l'AME

Adopté

Chapitre I er : Mieux intégrer par la langue

Article(s) additionnel(s) avant Article 1 er

Mme Nathalie GOULET

33

Consultation préalable de l'AGDREF avant inscription au RNIPP

Rejeté

Mme BELLUROT

149 rect. bis

Rapport sur les freins constitutionnels en matière de politique migratoire

Rejeté

Article 1 er

M. LECONTE

88

Suppression de la conditionnalité de la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle (CSP) à la connaissance d'un niveau de langue

Rejeté

M. BENARROCHE

154

Suppression de la conditionnalité de la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle (CSP) à la connaissance d'un niveau de langue

Rejeté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

206 modifié

Rehaussement du niveau linguistique sur l'ensemble du parcours d'intégration et conditionnalité à un examen civique

Adopté

M. REICHARDT

25 rect. bis

Étude d'impact préalable pour la détermination du niveau de langue demandé

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 1 er

M. BASCHER

68

Obligation de participer à la cérémonie de naturalisation et d'y chanter l'hymne national sous peine de sanction

Rejeté

Article 2

M. REICHARDT

39 rect. ter

Suppression de l'article

Adopté

Mme Maryse CARRÈRE

19 rect.

Caractère obligatoire de l'offre de formation par l'employeur au français langue étrangère

Satisfait ou sans objet

M. BENARROCHE

155

Caractère obligatoire de l'offre de formation par l'employeur au français langue étrangère

Satisfait ou sans objet

Article(s) additionnel(s) après Article 2

Mme Valérie BOYER

57

Manifestation de la volonté pour l'acquisition de la nationalité française

Adopté

Mme Valérie BOYER

58

Refus par l'autorité publique de l'acquisition de la nationalité pour non-assimilation manifeste

Rejeté

Mme Valérie BOYER

59

Restriction de l'acquisition de la nationalité par droit du sol

Rejeté

Mme Valérie BOYER

60

Exclusion du bénéfice de l'acquisition de la nationalité par droit du sol des mineurs condamnés à une peine de six mois d'emprisonnement

Adopté

Mme Valérie BOYER

63

Passage de 5 à 10 ans de la condition de résidence pour l'acquisition de la nationalité

Rejeté

M. LE RUDULIER

80 rect. bis

Passage de 5 à 10 ans de la condition de résidence pour l'acquisition de la nationalité

Rejeté

Chapitre II : Favoriser le travail comme facteur d'intégration

Article 3

Mme ASSASSI

192

Suppression de l'article

Rejeté

M. LECONTE

89

Possibilité de régularisation pour motifs professionnels dans l'ensemble des secteurs d'activité

Rejeté

Mme Maryse CARRÈRE

20 rect.

Accès du titre de séjour "travail dans des métiers en tension" aux étrangers en situation irrégulière

Rejeté

Mme Maryse CARRÈRE

21 rect.

Actualisation annuelle de la liste des métiers et zones géographiques en tension

Rejeté

M. REICHARDT

26 rect. bis

Suppression de la mention d'une délivrance "de plein droit" du titre de séjour "travail dans un métier en tension"

Rejeté

M. REICHARDT

36 rect. bis

Restriction du bénéfice du titre de séjour "travail dans des métiers en tension" aux seuls étrangers en situation régulière

Rejeté

M. LECONTE

90

Suppression du caractère salarié de l'activité professionnelle pour bénéficier du titre de séjour "travail dans des métiers en tension"

Rejeté

M. LECONTE

95

Justification par tout moyen du respect des conditions de résidence et d'ancienneté professionnelle

Rejeté

M. LE RUDULIER

87 rect. bis

Titre de séjour "travail dans des métiers en tension" : augmentation de la condition de résidence et réserve d'ordre public

Rejeté

Mme Mélanie VOGEL

158

Accès du titre de séjour "travail dans des métiers en tension" aux étrangers en situation irrégulière

Rejeté

Mme Mélanie VOGEL

156

Possibilité de régularisation pour motifs professionnels dans l'ensemble des secteurs d'activité

Rejeté

Mme Mélanie VOGEL

157

Augmentation de la durée de validité du titre de séjour "travail dans des métiers en tension"

Rejeté

Mme Mélanie VOGEL

159

Actualisation régulière de la liste des métiers et zones géographiques en tension

Rejeté

M. LECONTE

93

Actualisation régulière de la liste des métiers et zones géographiques en tension

Rejeté

M. LECONTE

91

Prise en compte des périodes d'activité professionnelles effectuées sous le statut d'étudiant, de saisonnier ou de demandeur d'asile

Rejeté

Mme Mélanie VOGEL

160

Prise en compte des périodes d'activité professionnelles effectuées sous le statut d'étudiant, de saisonnier ou de demandeur d'asile

Rejeté

M. LE RUDULIER

138

Impossibilité de délivrer tout titre de séjour à l'étranger arrivé irrégulièrement sur le territoire national

Rejeté

M. LECONTE

92

Suppression du caractère expérimental du titre de séjour "travail dans des métiers en tension"

Rejeté

Mme Mélanie VOGEL

161

Suppression du caractère expérimental du titre de séjour "travail dans des métiers en tension"

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 3

Mme Maryse CARRÈRE

9 rect.

Critère de délivrance de la carte de séjour temporaire "salarié"

Rejeté

M. LECONTE

94

Protection contre le licenciement des demandeurs d'un titre "travail dans des métiers en tension"

Rejeté

Article 4

M. LECONTE

98

Assouplissements de l'accès au marché du travail des demandeurs d'asile

Rejeté

M. BENARROCHE

165 rect.

Accès immédiat au marché du travail pour tous les demandeurs d'asile avec autorisation

Rejeté

M. LECONTE

99

Accès au marché du travail des demandeurs d'asile bénéficiant d'un taux de protection élevé dès l'enregistrement à la préfecture

Rejeté

M. LECONTE

101

Validité de l'autorisation de travail des demandeurs d'asile jusqu'à la notification de la décision de la CNDA

Rejeté

M. BENARROCHE

162

Accès immédiat au marché du travail pour tous les demandeurs d'asile avec autorisation

Rejeté

M. REICHARDT

37 rect. bis

Fixation du taux de protection internationale donnant accès immédiat au marché du travail à certains demandeurs d'asile à 50 %

Rejeté

M. BENARROCHE

163

Accès au marché du travail sans autorisation dans les 6 mois de l'introduction d'une demande d'asile

Rejeté

M. BENARROCHE

164

Caractère obligatoire de la révision de la liste des pays dont le taux de protection est supérieur à un seuil fixé par décret

Rejeté

M. LECONTE

100

Bénéfice immédiat de la formation professionnelle pour les demandeurs d'asile

Rejeté

Article 5

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

207

Suppression de l'article

Adopté

Mme ASSASSI

181

Suppression de l'article

Adopté

M. JACQUIN

96

Réforme du statut des travailleurs des plateformes

Irrecevable art. 45, al. 1 C

Article 6

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

208

Fusion de trois titres "talent"

Adopté

Article 7

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

209

Suppression de l'autorisation dérogatoire d'exercice et de la CSP de 13 mois

Adopté

Mme BELRHITI

34

Élargissement des établissements pouvant accueillir et former des PADHUE

Rejeté

Mme EUSTACHE-BRINIO

22 rect. ter

Signature d'une charte de la laïcité pour les seuls PADHUE

Rejeté

Mme EUSTACHE-BRINIO

23 rect. ter

Signature d'une charte de la laïcité pour les seuls PADHUE

Rejeté

Division(s) additionnel(s) après Article 7

M. TABAROT

141 rect. bis

Exclusion des étrangers en situation irrégulière des réductions tarifaires accordées par les autorités de transport

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 7

Mme Valérie BOYER

41

Formation des officiers de l'état civil pour détecter les mariages frauduleux

Rejeté

Mme Valérie BOYER

42

Désignation d'élus référents en matière de détection des mariages frauduleux

Rejeté

Mme Valérie BOYER

43

Interdiction du mariage lorsque l'un des futurs époux séjourne irrégulièrement sur le territoire français

Rejeté

Mme Valérie BOYER

44

Aggravation de l'amende encourue par les officiers de l'état civil

Rejeté

Mme Valérie BOYER

45

Sursis du mariage prononcé par le procureur de la République quand il suspecte un mariage frauduleux

Rejeté

Mme Valérie BOYER

46

Sursis du mariage prononcé par le procureur de la République quand il suspecte un mariage frauduleux

Rejeté

Mme Valérie BOYER

47

Inscription dans le carnet de santé des éventuelles mutualisations sexuelles

Irrecevable au titre de l'art. 45 de la Constitution

Mme Valérie BOYER

48

Création de trois examens obligatoires des enfants mineures pour le constat d'éventuelles mutilations sexuelles

Irrecevable au titre de l'art. 45 de la Constitution

Mme Valérie BOYER

49

Rapport annuel au Parlement sur les mutilations génitales féminines

Irrecevable au titre de l'art. 45 de la Constitution

Mme Valérie BOYER

50

Certification de non excision lors de la sortie du territoire national sans titulaire de l'autorité parentale

Irrecevable au titre de l'art. 45 de la Constitution

Mme Valérie BOYER

51

Remise aux victimes de mutilation sexuelle d'une charte de l'intégrité génitale de la femme

Irrecevable au titre de l'art. 45 de la Constitution

M. LECONTE

131

Accès au séjour de l'étranger parent d'un enfant mineur étranger

Rejeté

M. DURAIN

97

Accès au séjour des jeunes majeurs étrangers précédemment pris en charge par l'ASE

Rejeté

M. BENARROCHE

180

Admission au séjour des jeunes majeurs étrangers précédemment pris en charge par l'ASE

Rejeté

Chapitre III : Mieux protéger les étrangers contre les employeurs abusifs

Article 8

M. BENARROCHE

166

Suppression de l'article

Adopté

Mme ASSASSI

182

Suppression de l'article

Adopté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

210

Suppression de l'article

Adopté

M. LECONTE

102

Limitation de la sanction pénale de recours à un travailleur non muni d'une autorisation de travail aux cas de bande organisée ou de réitération

Satisfait ou sans objet

M. BENARROCHE

167

Prise en compte des démarches de régularisation mise en oeuvre par l'employeur dans l'application des sanctions administratives

Satisfait ou sans objet

TITRE II : Améliorer le dispositif d'éloignement des étrangers
représentant une menace GRAVE pour l'ordre public

Chapitre I er : Rendre possible l'éloignement d'étrangers constituant une menace GRAVE pour l'ordre public

Article 9

Mme ASSASSI

183

Suppression de l'article

Rejeté

Mme Valérie BOYER

53 rect.

Réduction des protections contre l'expulsion

Rejeté

M. LECONTE

103

Renforcement des protections contre l'expulsion

Rejeté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

212

Critères de levée des protections contre l'expulsion

Adopté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

213

Levée des protections contre l'éloignement des étrangers coupables de violences intrafamiliales

Adopté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

214 modifié

Systématisation du prononcé de la peine d'interdiction du territoire français

Adopté

M. LECONTE

104

Suppression de la possibilité de lever les protections relatives contre l'ITF

Rejeté

Mme Valérie BOYER

55 rect.

Durcissement des protections contre les ITF

Rejeté

M. LE RUDULIER

81

Computation du délai de la peine complémentaire d'ITF

Adopté

Mme Valérie BOYER

54 rect.

Automaticité du prononcé d'une peine complémentaire d'ITF

Rejeté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

211

Coordination

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 9

Mme Nathalie GOULET

32

Rapport au Parlement sur la faisabilité de l'élaboration d'un titre de séjour couplé avec la carte d'accès aux soins

Rejeté

Mme Valérie BOYER

52

Autoriser le prononcé d'une mesure d'expulsion dès l'âge de 16 ans

Rejeté

M. LE RUDULIER

77

Systématiser l'expulsion d'un étranger condamné

Rejeté

Article 10

M. LECONTE

105

Suppression de l'article

Rejeté

Mme ASSASSI

184

Suppression de l'article

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 10

M. LE RUDULIER

69 rect. bis

Réduction du délai de départ volontaire des OQTF

Retiré

Mme DUMONT

2

Compétence liée du préfet pour prononcer une OQTF

Retiré

Article 11

Mme ASSASSI

185

Suppression de l'article 11

Rejeté

M. LECONTE

106

Garanties pour le relevé contraint d'empreintes et photographie

Rejeté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

215

Autorisation préalable d'un magistrat

Adopté

Mme Maryse CARRÈRE

14 rect. bis

Autorisation préalable d'un magistrat

Adopté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

216

Présence de l'avocat

Adopté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

217

Exclusion des mineurs

Adopté

Mme Maryse CARRÈRE

15 rect. bis

Exclusion des mineurs

Adopté

M. BENARROCHE

168 rect.

Exclusion des mineurs

Adopté

Mme Maryse CARRÈRE

16 rect.

Respect de la proportionnalité

Rejeté

Mme Maryse CARRÈRE

18 rect.

Procès-verbal obligatoire

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 11

Mme Nathalie DELATTRE

29 rect.

Renforcement des sanctions en cas de refus de décliner son identité ou de se soumettre à une prise d'empreinte

Adopté

M. TABAROT

142 rect. bis

Présomption de majorité en cas de refus de tests osseux

Rejeté

Mme Nathalie DELATTRE

27 rect.

Présomption de majorité en cas de refus de test osseux

Rejeté

Mme BELLUROT

151 rect.

Présomption de majorité en cas de refus de test osseux

Rejeté

M. LE RUDULIER

79 rect. bis

Systématisation des tests osseux

Rejeté

M. TABAROT

143 rect. ter

Création d'un fichier des MNA mis en cause

Adopté

M. TABAROT

144 rect. bis

Création d'un fichier national des personnes reconnues majeures par les conseils départementaux

Rejeté

Mme DUMONT

1 rect.

Augmentation de délai de la retenue pour vérification du droit au séjour de 24 à 48 h

Retiré

Article 12

Mme Maryse CARRÈRE

8 rect.

Exclusion de tous les mineurs des centres de rétention administrative

Rejeté

M. LECONTE

107

Exclusion de tous les mineurs des centres de rétention administrative

Rejeté

M. BENARROCHE

170

Exclusion de toutes les familles comprenant des mineurs et des femmes enceintes des centres de rétention administrative

Rejeté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

218

Amendement rédactionnel

Adopté

M. BENARROCHE

169

Exclusion de tous les mineurs en centre de rétention administrative

Rejeté

M. BENARROCHE

171

Extension de l'interdiction de placement des mineurs de 16 ans aux locaux de rétention administrative

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 12

Mme Nathalie DELATTRE

28 rect.

Interdiction du placement hôtelier des mineurs pris en charge par l'ASE

Irrecevable au titre de l'art. 45 de la Constitution

M. BONHOMME

84

Hébergement des MNA dans des structures ne relevant pas de l'ASE

Irrecevable au titre de l'art. 45 de la Constitution

M. BONHOMME

85

Hébergement des MNA dans des structures ne relevant pas de l'ASE

Irrecevable au titre de l'art. 45 de la Constitution

M. LECONTE

108

Exclusion du maintien des mineurs des zones d'attente

Rejeté

M. LECONTE

109

Inscription des locaux de rétention administrative dans la loi

Rejeté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

219

Refus d'octroi d'un contrat jeune majeur à une personne faisant l'objet d'une OQTF

Adopté

Mme THOMAS

64 rect.

Refus d'octroi d'un contrat jeune majeur à une personne faisant l'objet d'une OQTF

Adopté

M. IACOVELLI

243 rect.

Rapport sur la mise à disposition des départements de structures d'hébergement des mineurs isolés

Rejeté

M. IACOVELLI

242

Rapport sur le transfert à l'État de la compétence d'évaluation de la minorité et de mise à l'abri des mineurs isolés

Rejeté

M. LECONTE

126 rect.

Diminution de la durée globale de rétention à 45 jours

Rejeté

Chapitre II : Mieux tirer les conséquences des actes des étrangers en matière de droit au séjour

Article(s) additionnel(s) avant Article 13

M. LE RUDULIER

78

Possibilité d'édiction d'une OQTF à l'encontre d'un étranger qui a porté atteinte aux symboles de la République

Retiré

Article 13

Mme ASSASSI

186

Suppression de l'article 13

Rejeté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

223

Amendement de clarification rédactionnelle

Adopté

M. LECONTE

110

Suppression de la condition de résidence habituelle en France pour le renouvellement de la carte de séjour pluriannuelle et de la carte de résident

Rejeté

M. BENARROCHE

179

Suppression de la condition de résidence habituelle en France pour le renouvellement de la carte de séjour pluriannuelle et de la carte de résident

Rejeté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

220

Consécration d'un contrat d'engagement au respect des principes de la République

Adopté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

222

Suppression de l'avis conforme de la commission du titre de séjour

Adopté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

221

Amendement de cohérence légistique

Adopté

M. LECONTE

128

Réforme de la composition de la commission du titre de séjour

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après l'article 13

Mme DUMONT

5

Préférence nationale ou communautaire en matière de prestations sociales

Retiré

Mme DUMONT

6

Préférence nationale ou communautaire en matière de prestations sociales (ASPA)

Retiré

Mme Nathalie GOULET

31

Fin de droits sociaux en cas d'émission d'une OQTF

Rejeté

M. LE RUDULIER

70

Conditionne l'entrée sur le territoire au versement d'une "caution retour" conservée en cas de maintien irrégulier sur le territoire français

Rejeté

Mme Valérie BOYER

62 rect.

Rétablissement du délit de séjour irrégulier

Rejeté

M. LE RUDULIER

73

Rétablissement du délit de séjour irrégulier

Rejeté

Division(s) additionnelle(s) avant TITRE III : Sanctionner l'exploitation des migrants et contrôler les frontières

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

224

Création d'un nouveau titre au sein du projet de loi

Adopté

Article(s) additionnel(s) avant TITRE III : Sanctionner l'exploitation des migrants et contrôler les frontières

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

225

Information des organismes de sécurité sociale et de Pôle emploi des décisions d'OQTF et obligation de radiation une fois la décision devenue définitive

Adopté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

226

Restrictions à la délivrance de visas et conditionnalité de l'aide au développement

Adopté

Mme Valérie BOYER

61 rect.

Restrictions à la délivrance de visas et conditionnalité de l'aide au développement

Adopté

M. LE RUDULIER

76 rect. ter

Restrictions à la délivrance de visas et conditionnalité de l'aide au développement

Adopté

M. TABAROT

145 rect. ter

Restrictions à la délivrance de visas et conditionnalité de l'aide au développement

Adopté

M. CADEC

137 rect. bis

Extension de la durée maximale d'assignation à résidence

Adopté

TITRE III : Sanctionner l'exploitation des migrants et contrôler les frontières

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

227

Remplacement du terme "migrant" par celui, figurant dans le CESEDA, d' "étranger"

Adopté

Article 14

Mme Valérie BOYER

65

Augmentation des sanctions applicables aux passeurs

Rejeté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

229

Renforcement des sanctions applicables aux passeurs

Adopté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

228 rect.

Clarification de la rédaction et du renvoi prévu par cet article à l'article L. 823-9 du Ceseda

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'article 14

M. LECONTE

111

Création d'un délit d'entrave au droit d'asile

Rejeté

Article 15

M. LECONTE

112

Substitution d'une augmentation des peines à l'encontre des marchands de sommeil à la création d'une circonstance aggravante

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après l'article 16

M. CADEC

136 rect. bis

Suppression du jour franc avant d'être réacheminé en cas de refus d'entrée sur le territoire

Adopté

M. LE RUDULIER

147

Élargissement aux membres d'équipage de la collecte de données PNR

Rejeté

M. LE RUDULIER

148

Possibilité de contrôle visuel ou d'inspection des bagages, effets et moyens de transports des étrangers se présentant aux frontières par les officiers de police judiciaire

Rejeté

Article 17

M. LECONTE

129

Suppression de l'article

Rejeté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

230

Mise en place d'une garantie relative à la visite sommaire des véhicules individuels

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'article 17

M. TABAROT

146 rect. bis

Possibilité pour les agents assermentés et agréés de la SNCF de procéder à la fouille sommaire des véhicules ferroviaire et aux vérifications d'identité

Rejeté

Article 18

M. LECONTE

113

Suppression de l'article

Rejeté

Mme ASSASSI

187

Suppression de l'article

Rejeté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

231

Possibilité pour le préfet d'allonger à cinq ans la durée d'interdiction de retour dont il peut assortir une OQTF

Adopté

M. DAUBRESSE

196 rect.

Possibilité pour le préfet d'assortir une OQTF d'une interdiction de retour pendant cinq ans

Adopté

TITRE IV : Engager une réforme structurelle du système de l'asile

Article 19

M. LECONTE

114

Expérimentation "France asile"

Rejeté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

232

Expérimentation "France asile"

Adopté

M. LECONTE

133

Détermination de la langue de la procédure d'asile

Rejeté

M. LECONTE

115

Maintien du délai de 21 jours dans lequel un étranger peut demander l'asile après son enregistrement par la préfecture

Rejeté

M. BENARROCHE

178

Maintien d'un délai pour la formulation du récit détaillé du demandeur d'asile

Rejeté

M. LECONTE

134

Garantie d'indépendance de l'OFPRA dans les pôles "France asile"

Adopté

Mme Maryse CARRÈRE

30 rect.

Désignation d'un référent vulnérabilité

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après l'article 19

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

233

Extension des cas dans lesquels l'OFII est tenu de retirer ou de suspendre le bénéfice des conditions matérielles d'accueil

Adopté

M. LECONTE

135 rect.

Encadrement des conditions de retrait des conditions matérielles d'accueil

Rejeté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

234

Intégration des places destinées à l'accueil des demandeurs d'asile dans le décompte du taux de 20 % à 25 % de logements sociaux imposé aux communes depuis la loi « SRU ».

Adopté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

235

Impossibilité du maintien, sauf décision explicite de l'administration, des personnes déboutées du droit d'asile dans un hébergement accordé au titre du dispositif national d'accueil

Adopté

M. LE RUDULIER

72 rect.

Demande d'asile obligatoire dans un délai de 15 jours à compter de l'entrée sur le territoire national

Rejeté

M. LECONTE

130 rect.

Fixation d'un délai de 4 mois à l'OFPRA pour délivrer les actes d'état civil aux personnes protégées

Rejeté

Mme Valérie BOYER

56

Protection santé des demandeurs d'asile

Rejeté

Article 20

Mme ASSASSI

188

Suppression de l'article

Rejeté

Mme Frédérique GERBAUD

7

Dérogation à la limite d'âge des membres de la Cour nationale du droit d'asile

Rejeté

M. BENARROCHE

174

Suppression de la généralisation du juge unique à la CNDA

Rejeté

M. LECONTE

116

Suppression de la généralisation du juge unique à la CNDA

Rejeté

M. TABAROT

140 rect. bis

Caution pour les déboutés du droit d'asile

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après l'article 20

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

236

Suspension de la vidéo-audience à la CNDA en cas de difficulté technique

Adopté

M. LECONTE

127 rect.

Rétablissement du caractère suspensif du recours devant la Cour nationale du droit d'asile

Rejeté

TITRE V : Simplifier les règles du contentieux relatif à l'entrée, au séjour et à l'éloignement des étrangers

Chapitre I er : Contentieux administratif

Article(s) additionnel(s) avant l'article 21

M. LE RUDULIER

139

Contribution financière de l'étranger à l'instruction de sa demande

Rejeté

Article 21

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

237

Réduction du nombre de procédures applicables en droit des étrangers

Adopté

Mme Maryse CARRÈRE

13 rect.

Réduction du nombre de procédures applicables en droit des étrangers

Rejeté

M. LECONTE

117

Réduction du nombre de procédures applicables en droit des étrangers

Rejeté

Mme EUSTACHE-BRINIO

35 rect. ter

Réduction du nombre de procédures applicables en droit des étrangers

Rejeté

M. LECONTE

132

?Délai de recours contre une OQTF assortie d'un placement en rétention administrative

Rejeté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

238

Recours aux audiences délocalisées et à la vidéo-audience

Adopté

M. LECONTE

118

Recours aux audiences délocalisées et à la vidéo-audience

Rejeté

Mme Maryse CARRÈRE

10 rect.

Recours aux audiences délocalisées et à la vidéo-audience

Rejeté

M. BENARROCHE

176

Recours aux audiences délocalisées et à la vidéo-audience

Rejeté

M. DAUBRESSE

197

Recours aux audiences délocalisées et à la vidéo-audience

Adopté

M. LECONTE

120

Recours aux audiences délocalisées et à la vidéo-audience

Rejeté

Mme Maryse CARRÈRE

11 rect.

Recours aux audiences délocalisées et à la vidéo-audience

Rejeté

Mme Maryse CARRÈRE

12 rect.

Recours aux audiences délocalisées et à la vidéo-audience

Adopté

Article 22

Article(s) additionnel(s) après l'article 23

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

239

Diverses dispositions visant à simplifier le contentieux des étrangers

Adopté

M. LE RUDULIER

82

Levée du secret médical dans le cadre des recours contre un refus de titre "étranger malade"

Retiré

Chapitre II : Contentieux judiciaire

Article(s) additionnel(s) avant l'article 24

M. LE RUDULIER

71

Délai de 30 jours pour attribuer l'aide juridictionnelle

Rejeté

Article 24

M. BENARROCHE

175

Suppression de l'article

Rejeté

Mme ASSASSI

189

Suppression de l'article

Rejeté

M. LECONTE

119

Rétablissement du principe selon lequel l'audience se tient dans les locaux du tribunal judiciaire compétent

Rejeté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

240

Garanties supplémentaires pour la vidéo-audience en centre de rétention administrative et zone d'attente

Adopté

M. LECONTE

121

Impose la présence physique de l'interprète aux côtés du requérant

Rejeté

Mme Maryse CARRÈRE

17 rect.

Ajout d'une dérogation au principe de délocalisation de l'audience

Rejeté

M. BENARROCHE

177

Rétablissement du consentement des parties pour la vidéo-audience du juge des libertés et de la détention statuant en CRA ou en zone d'attente

Rejeté

Article 25

M. LECONTE

122

Suppression de l'article

Rejeté

Mme ASSASSI

190

Suppression de l'article

Rejeté

M. LECONTE

123

Diminution du délai au terme duquel l'étranger maintenu en attente doit être présenté à un JLD

Rejeté

Mme Muriel JOURDA, M. Philippe BONNECARRÈRE, rapporteurs

241

Précision de la procédure et faculté de dépêcher des JLD à l'échelle du ressort de la cour d'appel

Adopté

Mme ASSASSI

191

Suppression de la prise en compte par le JLD d'un nombre important d'étrangers placés en zone d'attente pour l'information et la capacité à faire valoir leurs droits

Rejeté

TITRE VI : Dispositions diverses et finales

Article 26

M. LECONTE

124

Suppression de l'article

Rejeté

Article 27

M. LECONTE

125

Suppression de l'entrée en vigueur différée de l'interdiction du placement des mineurs de 16 ans en CRA

Rejeté

M. BENARROCHE

172

Suppression de l'entrée en vigueur différée de l'interdiction du placement des mineurs de 16 ans en CRA

Rejeté

M. BENARROCHE

173

Anticipation d'une année de l'entrée en vigueur de l'interdiction des mineurs de 16 ans en CRA

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après l'article 27

M. REICHARDT

24 rect. bis

Rapport sur les conditions de création d'un appareil statistique complet en matière d'immigration

Rejeté

Mme Valérie BOYER

153

Rapport sur l'accès aux soins des patients étrangers

Retiré

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 237 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 238 ( * ) . Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 239 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 240 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 15 mars 2023, le périmètre indicatif du projet de loi n° 304 (2022-2023) pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives :

- aux règles d'entrée et de séjour des étrangers sur le territoire national ;

- à la politique d'accompagnement et d'intégration des étrangers ;

- aux modalités d'accès au marché du travail et à l'activité professionnelle des étrangers ;

- à la prévention de l'immigration irrégulière ainsi qu'à l'édiction et à l'exécution des mesures administratives et judiciaires d'éloignement ;

- aux modalités de recueil, d'instruction et de jugement des demandes d'asile ;

- aux contrôles et aux sanctions visant les personnes facilitant l'entrée ou le séjour, offrant des logements indignes ou employant des étrangers en situation irrégulière ;

- aux procédures contentieuses applicables en matière de droit des étrangers et à l'organisation des juridictions administratives et judiciaires pour le traitement des requêtes.

COMPTE RENDU DE L'AUDITION
DE MM. GÉRALD DARMANIN,
MINISTRE DE L'INTÉRIEUR ET DES OUTRE-MER
ET OLIVIER DUSSOPT, MINISTRE DU TRAVAIL,
DU PLEIN EMPLOI ET DE L'INSERTION

(Mardi 28 février 2023)

M. François-Noël Buffet , président . - Nous auditionnons MM. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer, et Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, dans le cadre de l'examen du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, qui sera examiné en séance publique à partir du 28 mars prochain. Nos collègues Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère en sont les rapporteurs.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Nous allons vous présenter ce projet de loi visant à contrôler l'immigration et à améliorer l'intégration. Il intervient à la suite de l'adoption de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) qui était un texte de moyens et qui nous permettra aussi de répondre aux enjeux très importants qui se posent à nous face à la situation migratoire. Le Sénat appelle de ses voeux depuis longtemps une réponse forte en la matière.

La situation internationale, la multiplication des guerres et des dictatures dans le monde, les persécutions, religieuses ou sexuelles, les difficultés économiques et sociales que connaît notre pays ainsi que nombre de pays en développement, notamment depuis la crise sanitaire de la covid-19, ainsi que le changement climatique font peser sur l'Europe et sur la France une pression migratoire très forte, qui ne se fait pas sentir que depuis quelques mois ou depuis la crise sanitaire. Ainsi, le nombre de demandeurs d'asile a été multiplié par deux en 10 ans et par trois depuis 2007. En 2022, les demandes d'asile, notamment au titre de l'immigration dite de protection, ont augmenté de 61 % dans l'Union européenne, contre « seulement » 31 % en France. Mais nous avons rattrapé le pic historique de 2019, avec 138 000 demandes d'asile en 2022. Rien ne laisse à penser que cette tendance s'infléchira à la baisse dans les mois et les années qui viennent sur l'ensemble du continent européen. Une comparaison avec la fin des années 1990 et le début des années 2000 n'a plus beaucoup de sens dans la mesure où la plupart des pays d'origine des demandeurs d'asile comme la Syrie, la Libye, l'Afghanistan et tous les pays de la bande sahélo-saharienne ne se trouvaient pas dans le chaos politique et terroriste qu'ils peuvent connaître aujourd'hui. La France, comme l'Europe, avait alors des relations diplomatiques fortes avec ces pays, ce qui n'est plus le cas pour une partie d'entre eux.

Pendant très longtemps, les politiques publiques ont estimé que le développement économique, notamment celui du continent africain, freinerait l'immigration. Force est de constater qu'il a même plutôt tendance à l'encourager, les classes moyennes étant enclines à partir pour un avenir meilleur.

Les crises, le développement économique et une démographie importante sont donc des facteurs d'immigration. Aussi, le débat ne réside pas dans le fait d'être pour ou contre l'immigration. C'est une réalité qui touche tous les pays, quel que soit leur régime politique. Comme le disait le général de Gaulle, « on ne fait pas de politique autrement que sur des réalités ». C'est donc ces réalités que nous devons regarder en face.

En revanche, un grand pays comme la France doit répondre à trois questions, qui sont le noeud gordien de notre débat. J'espère que les 27 articles que contient ce projet de loi apporteront un début de réponse.

Quelle immigration voulons-nous ? Quelle exigence demandons-nous aux étrangers qui viennent sur notre sol ? Quels moyens nous donnons-nous pour appliquer cette politique ?

Il est vrai qu'une vingtaine de lois en la matière ont été adoptées par le Parlement depuis 1986. Mais la loi Collomb du 10 septembre 2018, la seule qui a été adoptée sous le précédent quinquennat du Président de la République - sous la présidence de François Hollande, trois lois avaient été adoptées en cinq ans -, a permis notamment de diminuer quasiment par deux les délais de traitement des demandes d'asile de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra). Il n'est donc pas anormal de légiférer sur cette question très importante de l'immigration, d'abord pour transposer nombre de directives européennes, mais aussi pour répondre à son caractère protéiforme.

Pour répondre à la première question, l'immigration en France se révèle trop familiale et insuffisamment professionnelle, trop subie et insuffisamment qualifiée et choisie.

Permettez-moi de dire au préalable que la question de l'immigration ne pourra pas être résolue tant qu'elle ne sera pas réglée au niveau européen. Sous la présidence française du Conseil de l'Union européenne, nous avons beaucoup avancé sur ce sujet. Il convient maintenant de parachever l'accord entre les États membres, qui repose sur quatre grands projets.

Le premier projet concerne la prévention des départs, qui passe par le développement économique, mais aussi par la lutte contre les départs en mer, afin d'éviter les drames qui en résultent parfois. Il importe que l'Europe soit unie et porte le même discours avec les pays d'origine, qui doivent faire un travail d'intégration de leur population et ne pas encourager l'immigration irrégulière, ce qui est parfois le cas.

Le deuxième projet a trait à une politique commune de l'Union européenne en matière de visas et de réadmissions. La politique de retour n'est pas au rendez-vous lorsqu'un pays, comme la France, prend des décisions courageuses de restrictions de visas tandis que d'autres pays européens les accordent. Cela met à mal l'action française de restriction des visas, car le visa octroyé dans un pays de l'Union européenne vaut pour l'ensemble de l'Union européenne. Il est donc essentiel que l'Europe adopte une diplomatie commune en matière de visas et réadmissions. Cette politique a été adoptée par le Conseil européen : il convient maintenant qu'elle se traduise en termes législatifs et diplomatiques.

Le troisième projet, c'est la protection de nos frontières. Les étrangers qui arrivent sur le sol européen ne sont pas tous enregistrés. Nous ne connaissons pas toujours leur état civil, ni leur âge - ce qui pose problème pour savoir s'il s'agit d'adultes ou de mineurs-, ni leur vie antérieure. Le Conseil européen a adopté deux textes importants, à savoir le règlement « Screening », c'est-à-dire l'enregistrement aux portes de l'Europe, et le règlement Eurodac. Il revient au Parlement européen de les adopter à son tour pour que nous ayons enfin une politique commune en la matière.

Le quatrième projet, qui n'a pas été adopté par le Conseil européen, mais qui mériterait d'être largement soutenu par les chefs d'État, vise une politique unique de l'asile. Aujourd'hui, les conditions d'octroi de l'asile diffèrent entre les pays, ce qui est de nature à encourager un certain nombre de personnes à utiliser la demande d'asile à des fins détournées d'immigration irrégulière.

Au demeurant, dans le cadre des règles européennes et de la Constitution, le Parlement français peut adopter des dispositions.

Ainsi, j'évoquerai les quatre grands points d'intérêt du projet de loi qui vous est présenté.

Premièrement, ce projet de loi vise à simplifier le droit appliqué au contentieux des étrangers. Les mesures de simplification générale du droit ont été validées non seulement par votre commission des lois au travers de son rapport d'information, qui a été adopté à l'unanimité, mais également par le Conseil d'État. Toutes les mesures que nous proposons sont donc a priori constitutionnelles, ce dont nous nous félicitons.

S'agissant de la réforme du contentieux en tant que telle, nous proposons de réduire de douze à quatre le nombre de procédures auxquelles les étrangers peuvent recourir avant d'être expulsés du territoire national. Pour rappel, 50 % des contentieux des tribunaux administratifs et 40 % de l'activité des cours administratives d'appel sont relatifs au droit des étrangers. Ces procédures longues et illisibles détournent l'action de l'État de sa finalité et nuisent à son efficacité. Aujourd'hui, lorsqu'un préfet prononce une obligation de quitter le territoire français (OQTF), ce n'est qu'au bout d'un an et demi ou deux ans, après différents recours, que la décision de l'État sera validée - elle est validée dans 70 % des cas. Entretemps, l'étranger aura parfois trouvé un travail de façon illégale, voire légale, se sera marié, aura des enfants. Le nombre important de contentieux entraîne ainsi depuis de très nombreuses années des situations improbables dans la mesure où l'État n'est plus en mesure d'expulser ces personnes au regard de leur vie privée et familiale. La réforme du contentieux est donc essentielle pour réduire drastiquement les délais.

La vidéoaudience, bien que contestée, est également un élément important pour contribuer à réduire ces délais.

La proposition du juge unique à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) serait un gage en termes d'efficacité et de rapidité. Si la loi Collomb a réduit le délai de traitement d'une demande d'asile à quatre mois ou quatre mois et demi, celui-ci est en moyenne de neuf mois, voire plus en cas de recours. Il est donc nécessaire de réduire drastiquement le nombre de recours afin non pas de juger différemment sur le fond, mais de juger plus rapidement.

Enfin, une mesure, que je sais contestée mais qui nous paraît importante - j'essaierai de vous en convaincre - concerne la territorialisation de la CNDA, car son excessive centralisation pose des problèmes de rapidité.

Parallèlement à la simplification générale du droit, je vous présenterai la réforme complète du réseau de nos préfectures. Celles-ci concentrent leurs moyens dans une trop large mesure sur le suivi des titres de séjour déjà déposés. Il s'agit d'un écueil important pour les étrangers qui deviennent parfois des irréguliers, du fait de notre propre incurie administrative. Il importe de faire des efforts en matière d'intégration et de mieux vérifier les dossiers des primo-arrivants, plutôt que de passer du temps à demander des documents administratifs à des personnes résidant sur le territoire depuis de nombreuses années. Le projet de loi de finances que vous avez adopté permettra de donner des moyens aux préfectures et de mettre en place, si le Sénat le souhaite, la fameuse instruction « à 360 °» . Avec cette révolution des préfectures, il incombera à l'État de vérifier dès la première demande l'intégralité des titres auxquels le demandeur d'asile pourrait avoir droit.

Deuxièmement, le projet de loi vise à renforcer les exigences d'intégration que nous demandons aux étrangers. Le Gouvernement, depuis que je suis ministre de l'intérieur, a considérablement augmenté les exigences pour accorder la naturalisation française : entretien d'assimilation, exigences du niveau linguistique, entretien, voire plusieurs entretiens, devant les agents de préfecture. En cinq ans, on dénombre 30 % de naturalisations en moins. Nous souhaitons appliquer à ceux qui ont des titres de séjour sur le territoire national les mêmes exigences, ou quasiment les mêmes, par homothétie, que celles nous demandons à ceux qui vont devenir français.

La première exigence est la langue. Il s'agit de passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultat pour toute personne qui obtient ou possède déjà un titre de séjour - 300 000 titres par an sont concernés. Le projet de loi conditionne l'octroi de ce titre de séjour à la réussite d'un examen de français. Entre 20 et 25 % d'étrangers en situation régulière comprennent extrêmement mal le français, ce qui nuit à l'accès à l'emploi et à l'intégration. Nous voulons d'une immigration qui parle et qui comprend notre langue.

La deuxième exigence s'inspire d'une disposition adoptée dans la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, que la majorité sénatoriale a votée, à savoir demander aux étrangers ayant des titres de séjour de longue durée l'engagement de respecter les valeurs de la République, son emblème, l'hymne national, sa devise, son caractère laïc, la liberté religieuse et l'orientation sexuelle. Si cet engagement n'est pas signé, le titre de séjour sera refusé. En cas de manquement à cet engagement, la personne pourra se voir retirer son titre de séjour. Le ministre de l'intérieur serait, par exemple, en mesure de retirer administrativement le titre de séjour à un homme qui refuse d'être soigné par un médecin femme.

La troisième exigence est l'intégration par le travail. Olivier Dussopt développera ce sujet.

Pour répondre aux exigences d'intégration que nous demandons, vous avez voté une enveloppe extrêmement importante dans la Lopmi en augmentant de 25 % les crédits dédiés à l'intégration - la hausse la plus importante -, soit 106 millions d'euros pour les trois prochaines années.

Troisièmement, le projet de loi traite de l'expulsion des étrangers menaçant l'ordre public, avec le rétablissement de la double peine et la lutte contre les filières d'immigration irrégulière, en donnant les moyens aux préfets, au ministère de l'intérieur et à la justice de pouvoir lutter contre le continuum de l'immigration irrégulière organisée. Les passeurs, véritables criminels, sont responsables de l'immigration irrégulière, mais aussi des drames humains que nous avons connus à Calais ou au large de l'Italie.

D'abord, nous souhaitons renforcer les sanctions contre les employeurs voyous qui embauchent des personnes irrégulières. Ensuite, nous visons notre propre incurie administrative en mettant fin à la possibilité pour un étranger dénué de papiers en règle de devenir autoentrepreneur. Cette chausse-trape conduit parfois à des régularisations ou à des situations où les personnes ne sont ni régularisables ni expulsables.

Ensuite, nous prévoyons un alourdissement de la peine visant les passeurs, passant d'un délit à un crime. Le crime de passeur sera puni d'une peine de 20 ans d'emprisonnement si le passage d'immigrés clandestins entraîne la mort de ces personnes et de 15 ans s'il n'entraîne pas la mort.

Une autre disposition du projet de loi tend également à lutter contre les marchands de sommeil. Aujourd'hui, n'est pas reconnu comme une personne vulnérable l'étranger en situation irrégulière qui dispose d'un faux bail chez un marchand de sommeil. Nous aggravons les sanctions applicables aux marchands de sommeil, afin de lutter contre ceux qui créent ainsi d'énormes réseaux d'immigration irrégulière.

En outre, le projet de loi prévoit trois dispositions importantes pour le renforcement de nos frontières. D'abord, nous donnons désormais à la police aux frontières les moyens d'inspecter les véhicules des particuliers. Cette disposition fait écho à une décision du Conseil constitutionnel, que les sénateurs avaient saisi, sur le pouvoir des douaniers. Nous proposons d'étendre ces pouvoirs législatifs en matière de contrôle et d'inspection des véhicules à nos frontières à la police aux frontières. Par ailleurs, le projet de loi introduit une mesure de coercition pour prendre les empreintes digitales des personnes qui refusent de s'y soumettre. De plus, nous traduirons dans notre droit interne l'autorisation de voyage Etias - système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages.

Avec le système « entrée-sortie », tout citoyen de l'espace Schengen et tout étranger qui rentre dans l'espace Schengen aura une fiche biométrique européenne, ce qui permettra de suivre l'intégralité des personnes qui se trouvent sur notre sol, de vérifier leur identité, de connaître leur âge, sans aucune contestation possible, et ce faisant de mettre en place une politique européenne de contrôle. Six mois après, nous pourrons mettre en place Etias : toutes les polices et gendarmeries européennes auront la possibilité d'effectuer des vérifications d'identité dans l'espace Schengen par le biais de leur nouvel équipement opérationnel (Néo).

Il importe non seulement de lutter contre l'immigration irrégulière, mais aussi de lutter contre le terrorisme dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Quatrièmement, enfin, les dispositions prévues aux articles 9 et 10 prévoient de supprimer la protection contre l'éloignement dont bénéficient des personnes qui commettent des délits extrêmement graves sur le sol de la République. Demain, pour des faits punissables de 10 ans de prison ou cinq ans en cas de récidive, et non pas les condamnations prononcées - nous aurons un débat sur ce sujet -, les dispositions qui empêchent le ministre de l'intérieur d'expulser ces personnes ne s'appliqueront plus. La fin de la double peine, mise en place dans les années 2000, n'est protégée ni par une convention, ni par la Constitution, comme l'a relevé le Conseil d'État.

Nous proposons de mettre fin au bénéfice des protections pour considérer non plus la vie privée et familiale de la personne, mais le crime qu'elle a commis, de façon à être en capacité de l'expulser. Celle-ci pourra toujours déposer un recours devant le juge. Parfois, le Conseil d'État, comme il l'a fait dans l'affaire de l'imam Iquioussen, donne raison à l'État en écartant la vie privée et familiale.

Le retour de la double peine représente évidemment une mesure forte pour lutter contre les étrangers auteurs d'actes de délinquance extrêmement graves : crimes, atteintes aux policiers, aux gendarmes ou aux élus, violences conjugales, trafics de drogue. Demain, ces personnes ne pourront pas revendiquer la protection de la vie privée et familiale pour éviter leur expulsion.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion . - Je reviendrai sur les dispositions du projet de loi qui concernent le travail, en particulier l'intégration par le travail et par la langue. Les mesures que nous vous présentons s'appuient sur un constat et une conviction.

En France, le marché du travail ne propose pas une offre professionnelle satisfaisante aux étrangers présents sur notre territoire. Quel que soit le contexte économique - en cas de récession, de croissance ou de reprise -, le taux de chômage des personnes nées à l'étranger est, en moyenne, presque deux fois supérieur à celui des personnes nées en France. Alors que le taux de chômage général s'élève actuellement à 7,2 %, il est de 13 % pour les personnes nées à l'étranger.

Notre système ne permet pas d'accompagner suffisamment les étrangers en situation régulière vers l'emploi et, dans le même temps, maintient dans l'illégalité des hommes et des femmes qui sont présents depuis longtemps sur le territoire et travaillent souvent de manière régulière. Certaines situations deviennent inextricables, avec des entreprises qui comptent sur un certain nombre de salariés, alors que leur présence sur le territoire est irrégulière, quand bien même leur emploi est déclaré et régulier. Et, comme l'a souligné le ministre de l'intérieur, quand bien même la justice a prononcé l'expulsion de telle personne, il n'est pas possible de l'appliquer pour des éléments relatifs à sa vie privée et familiale.

Nous en sommes convaincus, une meilleure intégration passe par le travail et par la langue. Le travail est en effet un facteur d'autonomie, d'émancipation, qui permet de mener une vie plus autonome. La langue donne, quant à elle, la capacité de s'intégrer, de partager et de communiquer.

C'est pourquoi nous proposons des mesures visant à favoriser l'intégration par le travail et l'apprentissage de la langue - ce sera même une obligation pour réussir le parcours d'intégration. C'est aussi la raison pour laquelle nous voulons que les personnes qui se prêtent délibérément au recrutement de personnes en situation irrégulière puissent être plus durement sanctionnées.

Concernant l'intégration par le travail, l'article 3 prévoit de créer une carte de séjour pour les métiers en tension. Il ne s'agit pas là d'inciter les étrangers non communautaires à venir sur notre territoire. Ce titre permet de régulariser la situation d'hommes et de femmes déjà présents sur notre territoire depuis longtemps et qui travaillent. Très souvent, lors de la signature de leur contrat de travail, ces derniers étaient en situation régulière et leur titre de séjour n'a pas été renouvelé pour différentes raisons. Nous précisons que l'éligibilité à ce nouveau titre de séjour sera conditionnée par une présence sur le territoire depuis au moins trois ans et par le fait d'avoir travaillé au moins huit mois au cours des vingt-quatre derniers mois.

Nous nous inscrivons dans une logique de critères, afin de faire en sorte que ces travailleurs ne restent pas sans droits, ni au séjour ni au travail, que leur situation puisse être régularisée et qu'ils bénéficient, ainsi que leurs employeurs, d'une sécurité juridique.

Pour définir les secteurs en tension, nous souhaitons nous appuyer sur la liste des métiers en tension qui répertorie, dans l'état du droit, les métiers dans lesquels il est possible de recruter de la main-d'oeuvre étrangère non communautaire sans opposabilité de la situation de l'emploi. Aujourd'hui, lorsqu'un employeur souhaite recruter un salarié étranger non communautaire, il doit demander, avant signature du contrat de travail, l'autorisation administrative de signer ce contrat, qui conditionne d'ailleurs l'accès à un visa ou à une autorisation d'entrer sur le territoire.

La liste existante des métiers en tension, qui a été réactualisée il y a quelques années, permet aux employeurs recrutant des étrangers non communautaires de s'affranchir de cette autorisation administrative, dès lors qu'ils recrutent pour un poste répertorié comme étant particulièrement en tension. Nous souhaitons utiliser cette liste pour permettre d'intégrer plus rapidement des travailleurs étrangers déjà présents sur le territoire.

Cependant, cette liste doit être révisée. De nombreuses organisations professionnelles nous ont fait part de son inadéquation avec la situation actuelle du marché du travail, notamment dans les secteurs de la restauration ou de l'entretien des bâtiments et des locaux. À titre d'exemple, dans le secteur de la restauration, le métier de commis de cuisine n'apparaît pas comme étant en tension et, de la même manière, les agents d'entretien des bâtiments, hommes et femmes de ménage, ne figurent pas dans la liste. Nous savons pourtant que la part d'étrangers non communautaires dans ces métiers est particulièrement importante.

La révision de cette liste doit être encadrée par un certain nombre de critères, notamment statistiques, et doit prendre une dimension régionale. En effet, si la liste est souvent présentée comme étant nationale, elle connaît des déclinaisons régionales pour être la plus adaptée possible aux besoins de l'économie à l'échelle de territoires régionaux qui, d'après la jurisprudence, sont suffisamment larges pour éviter de créer des phénomènes de discrimination, ce qui pourrait être le cas si des territoires plus restreints étaient retenus.

La procédure que nous voulons créer fait suite à une première expérience, à laquelle avait donné lieu la circulaire dite « Valls ». Ce texte prévoyait des admissions exceptionnelles au séjour, motivées pour une part importante par des motifs familiaux, sociaux et privés et, pour une part moins importante et même minoritaire, par des motifs économiques. Environ 7 000 admissions exceptionnelles au séjour sont accordées chaque année au titre de la circulaire « Valls » pour des motifs professionnels ou économiques. S'il est toujours difficile de prévoir le rythme auquel les régularisations de situations interviendront, il s'agit là d'un chiffre autour duquel nous pourrions aboutir dans le cadre de la mise en oeuvre de l'article 3.

La circulaire « Valls » présente deux difficultés. D'abord, son application est hétérogène sur le territoire puisqu'elle résulte d'une forme de pouvoir discrétionnaire des autorités préfectorales.

De plus, l'employeur doit se déclarer et accompagner la régularisation. Cette obligation de participation de l'employeur crée deux limites. En premier lieu, certains employeurs craignent légitimement cette exposition. En effet, dire que leur salarié se trouve en situation irrégulière sur le territoire ne constitue pas une démarche facile.

Nous nous heurtons moins souvent à la seconde limite, mais elle crée une situation beaucoup plus grave. Certains employeurs - que le ministre de l'intérieur qualifiait plus tôt et à raison d'employeurs-voyous - trouvent confortable et positif de pouvoir s'appuyer sur des salariés en situation irrégulière, cette configuration créant un rapport de dépendance et modifiant le lien professionnel tel que défini par le contrat de travail.

Avec ce nouveau titre, les étrangers en situation irrégulière, exerçant une activité régulière depuis plusieurs mois et étant présents sur le territoire depuis plusieurs années, pourront solliciter eux-mêmes leur régularisation. Évidemment, si nous nous contentions de créer un titre d'un an renouvelable, aux mêmes conditions, nous ne ferions que repousser le problème. Ainsi, nous proposons que les étrangers concernés, s'ils sont signataires d'un contrat à durée indéterminée (CDI), puissent demander à terme l'accès à une carte de séjour pluriannuelle. Cet accès serait alors soumis aux mêmes critères que ceux que le ministre de l'intérieur a exposés, notamment en matière de maîtrise de la langue et d'engagement relatif aux valeurs républicaines.

Je sais que cette disposition suscite des interrogations et des attentes, notamment dans les secteurs économiques et les fédérations professionnelles les plus concernés. Il nous paraît donc important d'en débattre, mais aussi de prévoir que le Parlement puisse évaluer ses effets et décider d'une éventuelle reconduction après une première période de mise en oeuvre de la réforme. Le texte prévoit donc une clause de revoyure au 31 décembre 2026, pour que le Parlement puisse décider, sur la base de cette évaluation, si ce nouveau titre de séjour doit être pérennisé.

Vouloir sécuriser la présence de travailleurs sur le territoire implique un corollaire : empêcher que de telles situations ne se reproduisent, en particulier lorsque ces situations sont délibérées - je pense ici aux employeurs qui ont délibérément recours à des personnes en situation irrégulière, pour des activités professionnelles régulières, mais aussi parfois pour des activités professionnelles non régulières. Lorsque des activités non régulières sont exercées par des personnes en situation irrégulière, les sanctions les plus fortes doivent être prises, et c'est la raison pour laquelle nous maintenons les sanctions pénales telles qu'elles sont prévues.

Cependant, nous souhaitons que les employeurs qui recrutent délibérément des personnes en situation irrégulière, même pour exercer une activité régulière, puissent aussi être sanctionnés plus rapidement. Les procédures pénales que j'ai évoquées sont souvent assorties de sanctions lourdes, mais elles tardent à être appliquées. Nous souhaitons donc créer une amende administrative, à la main des autorités administratives et préfectorales, pour sanctionner les employeurs à hauteur de 4 000 euros par salarié étranger employé illégalement. La sanction administrative a l'avantage de la rapidité et permet d'infliger une sanction peu de temps après la constatation de l'infraction.

Le ministre de l'intérieur l'a dit, nous souhaitons aussi empêcher la création ou l'apparition de situations dans lesquelles des personnes en situation irrégulière créent elles-mêmes une activité économique ou professionnelle de manière régulière. Je pense ici à l'accès aux statuts d'entrepreneur individuel et d'auto-entrepreneur. Nous prévoyons donc, à l'article 5, de conditionner cet accès aux personnes se trouvant en situation régulière et d'obliger ainsi à la présentation d'un titre de séjour régulier pour entreprendre ces démarches. Aujourd'hui, ces procédures ne sont pas suffisamment encadrées, et c'est ainsi que, très régulièrement, les plateformes sont contraintes de déconnecter un certain nombre de profils, quand elles constatent qu'il s'agit en fait de personnes en situation irrégulière.

Nous proposons de prendre plusieurs autres mesures pour faciliter l'intégration par le travail et lever certaines contraintes. Je pense notamment à l'article 4, qui vise à faciliter l'accès au travail d'une partie des demandeurs d'asile. En effet, ces derniers n'ont pas le droit d'exercer une activité professionnelle sauf quand, après six mois passés sur le territoire, leur demande d'asile n'a pas été instruite de manière définitive. Il devient alors possible de solliciter une dérogation et d'obtenir le droit de travailler. Ensuite, si la personne est reconnue et que sa demande aboutit, elle obtient bien sûr le droit au travail.

Nous proposons qu'un arrêté du ministre de l'intérieur puisse déterminer chaque année la liste des pays pour lesquels les taux d'admission sont les plus élevés, pour permettre aux demandeurs d'asile venant de ces seuls pays de travailler. Renvoyer cette définition à un arrêté a le mérite de la souplesse. La liste des pays pour lesquels les taux d'acceptation des demandes d'asile sont les plus élevés varie extrêmement vite, au gré des évolutions géopolitiques. Il faut donc pouvoir la modifier aussi rapidement que varient les taux d'admission, de manière à être efficace et à ne pas créer un flux que nous ne saurions maîtriser.

S'agissant de la levée des contraintes, nous proposons également une autre mesure, qui ne concerne pas les personnes présentes sur le territoire, mais celles qui souhaiteraient venir travailler en France dans le cadre du « passeport-talent », que nous proposons de modifier. Ce passeport comporte aujourd'hui onze catégories que nous souhaitons regrouper pour assurer une meilleure lisibilité. De plus, il s'agirait dorénavant de parler de « titre de séjour portant la mention "talent" ». Ce dispositif doit permettre la venue sur le territoire de personnes très compétentes et formées, ayant des projets d'investissement qui répondent aux besoins de notre économie. Par ailleurs, nous souhaitons créer une carte spécifique pour les « talents » des professions médicales, notamment pour les médecins, les pharmaciens et les chirurgiens-dentistes, pour lesquels les procédures d'admission et les délais seraient particuliers, la vérification des équivalences permettant bien sûr de garantir la qualité des soins.

Je finirai en évoquant la question de l'intégration par l'apprentissage de la langue. Nous souhaitons relever le niveau exigé pour l'obtention d'une carte de séjour pluriannuelle, à l'instar de ce qui existe pour obtenir une carte de résidence. Cette nouvelle exigence est fixée dans l'article 1 er et l'article 2 prévoit que nous puissions permettre aux travailleurs étrangers qui demandent l'obtention d'une carte de séjour pluriannuelle de se former au français. C'est la raison pour laquelle, en plus des dispositions d'insertion, d'intégration et de formation au français prévues par la Lopmi et que Gérald Darmanin a évoquées, nous prévoyons que l'article 2 autorise le Gouvernement à prendre un décret, après concertation interprofessionnelle, pour fixer le nombre d'heures de formation au français qui pourraient être effectuées sur le temps de travail. Nous voulons ainsi apporter une réponse aux hommes et aux femmes qui travaillent souvent dans des secteurs en tension, à des rythmes et des horaires parfois compliqués, dans des domaines comme ceux de la restauration ou de l'entretien. Il leur est en effet très difficile de cumuler, dans la même journée ou dans la même semaine, activité professionnelle et présence à ces cours de français. Nous prévoyons donc que du temps puisse être libéré sur leur temps de travail, afin qu'ils puissent participer à ces formations et satisfaire à cette nouvelle obligation.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Ma première question porte sur les articles 1 er et 2 du projet de loi et s'adresse donc à M. Dussopt. Vous indiquez vouloir rehausser le niveau d'exigence en matière d'apprentissage du français et il faut bien dire que, à ce jour, aucune exigence n'est prévue à part le fait d'assister à la formation. Vous proposez donc qu'un niveau de langue soit atteint pour que la carte de séjour pluriannuelle soit délivrée, mais vous ne précisez pas quel doit être ce niveau. Selon nous, cette précision ne doit pas relever du pouvoir réglementaire, mais bien du pouvoir législatif. Il est difficile pour nous de prendre une décision sans savoir exactement quelle demande sera formulée - et nous sommes souvent confrontés à cette difficulté dans ce texte. Quel niveau de langue est envisagé ? Dans le cadre de l'étude d'impact, vous indiquiez envisager de rehausser le niveau de langue pour l'acquisition de la nationalité française, mais il n'en a rien été pour l'instant. Pourquoi cela ?

Par ailleurs, l'article 2 prévoit que les employeurs seront mis à contribution pour permettre à l'étranger qui travaille d'acquérir ce niveau de langue, au moyen de mesures plus contraignantes que dans la formation professionnelle habituelle. Que répondez-vous à ceux qui disent que ce n'est pas aux employeurs de faire les frais de la politique migratoire de la France ?

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Monsieur Darmanin, ma question porte sur la réforme du contentieux des étrangers. Vous avez fait référence aux rapports de MM. Stahl et Buffet. Pourtant, ce que vous présentez sur le sujet ne correspond pas totalement à leur proposition, qui reposait sur un critère d'urgence et était la suivante : en cas de procédure d'urgence, le tribunal administratif doit juger très rapidement et, en cas de procédure normale, le délai d'appréciation reste plus classique, pour éviter une mise en tension des juridictions.

Vous prévoyez toujours une procédure normale et deux procédures d'urgence, l'une lorsqu'il y a assignation à résidence et l'autre lorsqu'il y a placement en centre de rétention administrative (CRA), avec des délais un peu différents. Ensuite, vous créez une nouvelle procédure, qui a manifestement vocation dans votre esprit à être la procédure majoritaire et qui s'appliquerait aux étrangers faisant l'objet d'une OQTF sans délai de départ volontaire. Dans ce cadre, vous demandez au tribunal administratif de juger dans un délai rapide, sans avoir pris de mesure d'assignation à résidence ou de placement en CRA, ce qui nous laisse à penser que vous allez mettre en tension les tribunaux administratifs pour des situations qui ont peu de chances de conduire à un éloignement rapide.

Pourquoi ne pas avoir suivi les préconisations Stahl-Buffet ? Pourquoi créer cette procédure intermédiaire ?

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur. Vous avez indiqué que les articles 9 et 10 visaient à lever les protections qui aujourd'hui s'appliquent à des étrangers ayant commis des faits qui troublent l'ordre public.

Si nous combinons ces dispositions avec l'instruction du 3 août dernier, par laquelle vous indiquiez à vos services que vous souhaitiez que les personnes causant le plus de troubles à l'ordre public soient placées en CRA et donc ensuite éloignées ou expulsées, un paysage se dessine. Ce paysage, s'il n'est pas très clairement décrit dans le texte, ressort notamment des auditions que nous avons menées : il s'agit de prioriser l'expulsion et l'éloignement des personnes troublant l'ordre public en France. Mais que faire des autres, de celles qui sont en situation irrégulière et font aussi l'objet de décisions d'éloignement ? L'article 12 prévoit ensuite que les mineurs de moins de 16 ans ne pourront plus être placés en CRA ; comment assurer alors l'éloignement des familles ? Par ailleurs, pourquoi vous être restreints aux CRA et ne pas avoir inclus les locaux de restriction administrative (LRA) et les zones d'attente, où l'on retient aussi des mineurs ?

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur . - Monsieur le ministre de l'intérieur, je souhaiterais vous interroger sur la question des laissez-passer consulaires. Le sujet de l'immigration ne concerne pas seulement la France, mais la France et les pays d'origine. À cet égard, le Sénat avait regardé avec une certaine satisfaction notre pays mener une politique de réduction du nombre de visas accordés aux pays peu coopératifs en matière de délivrance de laissez-passer consulaires. Cette politique de réduction a été abandonnée. Cependant, lors de nos visites dans les préfectures, nous n'avons pas constaté de grande amélioration en matière d'obtention de laissez-passer consulaires, ou peut-être très à la marge dans le cas de l'Algérie.

J'aimerais savoir si nous vous rendrions service en proposant un amendement qui conduirait le Parlement à donner une orientation en matière de nombre de visas et de titres de séjour qui pourraient être délivrés chaque année dans notre pays.

Monsieur le ministre Dussopt, on ne peut pas échapper à l'article 3 et nous avons un peu de mal à comprendre votre objectif. Si vous voulez régulariser la situation de gens qui travaillent depuis longtemps dans notre pays et sont en situation d'illégalité ou de clandestinité, on peut comprendre votre souhait de voir la société française regarder les réalités en face et de régulariser. Cependant, si tel est le cas, quel est l'intérêt des mesures successives que vous proposez pour sanctionner les employeurs ? En effet, si un employeur régularise ses salariés, on lui garantit un contrôle, il écopera probablement d'une sanction pénale et d'une amende, et on lui épargnera éventuellement la fermeture administrative. Il y a contradiction. S'il doit y avoir régularisation, il faut l'assumer et prévoir une amnistie pour l'employeur. En l'état actuel du texte, il y aura sans doute peu de demandes d'application de cet article 3.

En revanche, si je ne suis pas convaincu par la nécessité de la régularisation et si je pense que vous faites courir un risque à notre pays en créant un appel d'air, il faut limiter le nombre annuel. Les demandes ne seront pas nombreuses et il ne sera pas difficile de fixer un objectif. Par ailleurs, il y n'aurait pas de problème d'inconstitutionnalité car nous sommes dans le champ de l'immigration professionnelle. Que pensez-vous de cette hypothèse traitant le problème par le nombre ?

Il serait également possible de réduire le délai. En effet, l'article 3 présente une curiosité puisque les dispositions sont applicables jusqu'au 31 décembre 2026. Si j'étais passeur, je pourrais faire un calcul simple : le texte permettant de demander la régularisation après trois ans passés sur le territoire, en me dépêchant de faire venir mes « clients » de tel ou tel pays d'ici le 31 décembre 2023, ils seraient dans les temps pour demander leur régularisation. Comment éviter ce risque d'« appel d'air » ?

Enfin, certains craignent plutôt un effet de « trappe à bas salaires » - ce qui est mon cas. À cet égard, deux éléments nous mettent vraiment mal à l'aise dans l'article 3. En premier lieu, vous demandez à traiter la question économique des métiers en tension par la disposition régalienne que constitue ce texte en matière d'immigration. Il manque l'articulation de la négociation collective. Si nous souhaitons que nos concitoyens se dirigent vers des emplois qu'ils n'ont pas envie d'occuper aujourd'hui et qu'il y ait moins d'étrangers pour exercer ces métiers, il faudra résoudre des problèmes de formation et de rémunération. Je serais plus à l'aise si l'article 3 mentionnait le lien avec la négociation collective et la responsabilité conjointe des employeurs, des salariés et de la société.

En second lieu, pour ceux qui craignent cette trappe à bas salaires, l'article 3 est d'autant plus étrange que vous créez un titre de séjour métiers en tension qui sera opposable. Si une personne se trouve en situation d'irrégularité et estime pouvoir bénéficier des dispositions de cet article, elle pourra donc saisir le juge administratif pour sa demande de régularisation. Nous allons ainsi faire du juge administratif - alors que c'est le préfet avec la circulaire « Valls » - le juge de cette régulation économique, alors qu'il n'est pas vraiment outillé pour cela.

En résumé, que l'on soit favorable à la régularisation, que l'on craigne « l'appel d'air » ou la « trappe à bas salaire », l'article 3 ne donne pas satisfaction. Cette disposition me paraît donc perfectible. Quelles sont vos propositions pour tenir compte de ces différents points de vue ?

M. Gérald Darmanin, ministre. - Je commencerai par répondre à la question que Mme Jourda a posée sur le niveau de langue. Je n'ai rien contre le fait que la décision soit prise au niveau législatif ; qui peut le plus peut le moins. Nous verrons bien ce que dira le Conseil constitutionnel, mais le Gouvernement ne s'opposera pas à ce que cela figure dans la loi. Je pencherais pour le niveau A2, mais il faudrait le conditionner au niveau oral. En effet, ce serait beaucoup demander aux étrangers arrivant sur notre sol d'être en mesure d'écrire le français à un tel niveau. Il n'est d'ailleurs pas certain que les personnes ayant déjà des titres de séjour ou étant eux-mêmes français puissent le faire. L'A2 à l'oral représente déjà un niveau d'exigence important et il faudra que les moyens de l'État soient mobilisés pour permettre aux gens de passer cet examen.

S'agissant de l'assimilation et du parallèle que vous avez fait, madame la sénatrice, je pense qu'il n'est pas tout à fait juste. Certes, pour obtenir la nationalité, il faut maitriser la langue, mais il faut également passer un examen plus complet sur les valeurs de la République, auquel on ne soumettrait pas un étranger demandant une carte pluriannuelle. Lors de ces examens, on demande par exemple d'expliquer qui sont Jeanne d'Arc et Napoléon, de citer trois plats français et cinq ministres du Gouvernement - je ne suis pas sûr que tous les Français sachent d'ailleurs répondre à cette dernière question... Ces entretiens ne reposent pas seulement sur la langue. Mais je comprends votre demande et n'y vois pas d'inconvénient.

En ce qui concerne la procédure, je ne partage pas votre opinion, monsieur Bonnecarrère. Ce qu'ont proposé le président Buffet, M. Stahl puis le président Lasserre, consistait à passer de douze procédures à trois. Vous me demandez pourquoi nous passons de douze à quatre. Nous créons une quatrième procédure pour les personnes qui troublent l'ordre public et ces cas, contrairement à ce que vous dites, monsieur le sénateur, ne semblent pas majoritaires. Nous devons pouvoir réduire le délai de présence sur le sol national de ces personnes qui ont reçu une OQTF. Le Gouvernement avait d'abord proposé un délai de 48 heures, mais, après discussion avec le Conseil d'État - qui n'a pas trouvé cette procédure inimaginable d'un point de vue juridique - nous proposons plutôt 72 heures.

Nous pensons ainsi fluidifier les expulsions de ces étrangers qui posent une menace particulière à l'ordre public. Un certain nombre de personnes ne passent ni par les CRA ni par les locaux de rétention administrative (LRA), ni par l'assignation à résidence avant d'être expulsées. Même si ce n'est pas le cas général, nous parvenons fort heureusement à expulser directement un certain nombre d'étrangers, qui ont certains types de nationalités, une fois que l'OQTF a été notifiée.

Aujourd'hui, de nombreux étrangers ne déposent pas de recours ; d'ailleurs, la réduction des délais vise à diminuer le délai de suspension de l'exécution de l'OQTF. En outre, nous souhaitons indiquer aux tribunaux administratifs que notre demande est expresse et prioritaire, car le juge administratif ne sait plus ce qui, dans le contentieux qui lui parvient, relève du prioritaire. Nous tâchons donc de le lui préciser. C'est pourquoi je tiens à la quatrième procédure.

Je précise que cela est le fruit de très longues discussions avec le Conseil d'État, qui, dans cette affaire, est à la fois conseiller du Gouvernement et intéressé en tant que juge administratif ; on pourrait même dire qu'il se juge lui-même... Je pense d'ailleurs que certaines mesures, comme la territorialisation de la CNDA, doivent faire l'objet de dispositions législatives, parce qu'un décret en Conseil d'État sur ce sujet pourrait donner lieu à une forme de conflit d'intérêts pour le Conseil d'État.

Madame Jourda, vous vous inquiétez du fait que les places en CRA seront réservées prioritairement aux étrangers dangereux. Ma difficulté est qu'il n'y a pas assez de places de CRA en France, d'autant que, quand je suis arrivé au ministère au moment de la covid, les restrictions sanitaires s'appliquaient aussi à ces centres. En outre, nombre de places sont réservées aux familles alors qu'elles pourraient être libérées en faveur de délinquants étrangers, qui sont, à 98 %, des hommes. En effet, ces « lieux famille » sont peu utilisés, puisque, en 2022, nous avons compté 107 mineurs dans les CRA en métropole.

Nous essayons de déterminer les priorités : il vaut mieux concentrer nos moyens sur l'expulsion des étrangers délinquants en situation irrégulière plutôt que sur celle des étrangers en situation irrégulière qui ne sont pas délinquants. Je reçois d'ailleurs de nombreuses lettres d'élus de tous bords politiques en faveur de la régularisation de tel ou tel étranger en situation irrégulière et ce sont rarement des délinquants... Ainsi, parmi les étrangers en situation irrégulière à expulser en premier, j'ai préféré me concentrer prioritairement sur les délinquants, qu'ils relèvent du FSPRT - le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste - ou du droit commun. Depuis que je suis ministre de l'intérieur, nous avons expulsé 800 étrangers inscrits au FSPRT et 3 500 délinquants étrangers, soit une multiplication par sept.

Cela étant, nous avons conscience que l'on ne peut pas se contenter de placer les étrangers dangereux dans les CRA, car des étrangers sans casier judiciaire méritent aussi d'être expulsés. C'est pourquoi nous avons soutenu un amendement de M. Ciotti à la Lopmi, qui a été maintenu en commission mixte paritaire, tendant à créer 3 000 places de CRA. Depuis que je suis ministre de l'intérieur, nous avons augmenté de 800 le nombre de places en rétention. En outre, j'ai donné l'instruction de ne plus placer de mineurs dans les CRA, ce qui libère encore des places, puisque l'espace réservé aux familles devient un espace pour les hommes. La priorité donnée aux étrangers délinquants ne sera donc pas exclusive du placement d'étrangers en situation irrégulière non délinquants.

Il y a aussi les LRA, qui étaient négligés par les préfets, notamment dans le sud de la France. Il s'agit d'y placer les personnes qui ne sont pas dangereuses dans l'attente de leur expulsion. On peut même imaginer des assignations à résidence, avec une surveillance de la police nationale.

Quel est l'enjeu pour les services de police aux frontières ? Ce n'est pas de garder pendant des semaines des enfants de six ou sept ans dans des lieux clos, ce qui, d'ailleurs, n'est pas idéal pour le développement ; l'enjeu est de garantir que, la veille de prendre l'avion, les intéressés ne puissent pas s'échapper. Il s'agirait donc de placer, la veille ou l'avant-veille du départ, les familles ayant des enfants en bas âge et devant être expulsées du territoire national dans un lieu de rétention spécifique, comme un hôtel à proximité d'un aéroport, sous la surveillance de la police. Cela permettra de garder les familles sous la main sans impressionner excessivement les enfants.

Sur la question des laissez-passer consulaires délivrés en contrepartie de l'octroi de visas, je n'ai aucune objection contre une disposition législative. Mes homologues étrangers me disent qu'ils respectent les lois de notre République, mais que le principe de l'octroi de visas en contrepartie des réadmissions ne figure nulle part. Dont acte, faisons une loi ! Il me semblerait bizarre de définir des quotas de réadmission, mais conditionner l'octroi de visas à l'émission de laissez-passer consulaires me paraît envisageable.

Cela dit, la relation diplomatique entre deux pays ne se résume malheureusement pas aux relations entre les ministres de l'intérieur, aux échanges entre laissez-passer consulaires et visas. Du reste, beaucoup de parlementaires me reprochent, tout en encourageant par ailleurs le conditionnement des visas aux laissez-passer consulaires, de limiter excessivement la délivrance de visas, au motif que cela pose des problèmes culturels ou économiques. La question de l'aide au développement se pose aussi : est-il normal que des pays qui profitent de notre aide publique au développement puissent refuser d'émettre des laissez-passer consulaires ? C'est une question intéressante.

Aussi, si vous déposez un amendement sur ce sujet, monsieur le rapporteur, je vous invite à considérer l'ensemble de la politique diplomatique et non seulement les relations entre ministres de l'intérieur, car, quand le ministre de l'intérieur échange avec son homologue, il parle de laissez-passer consulaires, mais aussi de coopération antiterroriste, de renseignement, de coopération judiciaire. Toutefois, je ne fais qu'appliquer les lois adoptées par le Parlement et si celui-ci adoptait un tel dispositif, ce serait un levier de négociation appréciable pour moi.

M. François-Noël Buffet , président . - Le Sénat a déjà adopté un amendement sur le sujet en 2018...

M. Olivier Dussopt, ministre . - Mme Jourda demande s'il est normal que l'employeur assume les conséquences de la politique migratoire. Je ne suis pas d'accord avec les prémices de votre question pour deux raisons, madame la sénatrice.

D'abord, nous parlons uniquement des étrangers non communautaires, qui occupent 3,8 % de l'emploi en France, avec de fortes variations selon les métiers. Cela permet de relativiser, d'autant que nombre d'entre eux sont en situation régulière depuis très longtemps et ont satisfait aux obligations d'intégration et de maîtrise du français.

Ensuite, la présence en entreprise d'étrangers non communautaires procède de décisions de recrutement, sachant que nous sommes en tension de recrutement. C'est donc une présence choisie par le recruteur. Beaucoup d'entreprises nous invitent à aller au-delà de ce que nous proposons ; ainsi, l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) demande de régulariser les salariés réguliers dont la présence sur le territoire est irrégulière, mais aussi de faciliter l'entrée sur le territoire.

L'État fait déjà beaucoup en matière de formation. Avant même la mise en oeuvre de la Lopmi et des moyens supplémentaires consacrés à l'insertion et à l'intégration par la langue, des dizaines de milliers de places de formation en français ont été ouvertes par l'État pour permettre à des allophones d'apprendre la langue. En outre, au-delà des heures de travail que nous demandons aux employeurs de libérer pour que leurs employés suivent des cours de français, nous souhaitons que les entreprises et les branches inscrivent dans leurs plans de formation des modules spécifiques pour les salariés allophones.

De manière plus générale, le caractère contraignant de cette libération de temps pour apprendre le français limite l'aspect « armée de réserve », le recours à une main-d'oeuvre étrangère non communautaire dans le but d'exercer une pression à la baisse sur les salaires. En outre, nous avons choisi de libérer du temps de formation sur le temps de travail plutôt que de créer une nouvelle taxe pour financer ces formations. Enfin, en vertu du code du travail, l'employeur a une obligation de formation pour l'adaptation de ses salariés à leur poste, ce qui intègre la maîtrise du français.

J'en viens aux interrogations de M. Bonnecarrère sur l'article 3. Nous ne voulons pas susciter un flux et je pense comme vous que le titre de séjour nouveau ne créera pas un appel d'air, car, pour cela, il faudrait que des étrangers non communautaires ayant connaissance de l'existence d'un titre de séjour spécifique décident de venir sur notre territoire pour s'y maintenir en situation irrégulière pendant trois ans et d'y occuper pendant huit mois un poste dans un métier en tension, en ayant la prescience, trois, quatre ou cinq ans avant, des métiers qui figureront sur la liste des métiers en tension, qui sera révisée régulièrement. La question de l'appel d'air ne se pose donc pas véritablement...

Vous posez également la question des sanctions pour l'employeur qui a recruté des salariés en situation irrégulière. Les employeurs qui ne connaîtraient pas la situation administrative de leurs salariés régularisés ne seront évidemment pas sanctionnés ; ce n'est ni la lettre ni l'esprit. Nous voulons en revanche renforcer les sanctions contre les employeurs qui recrutent délibérément des personnes en situation irrégulière. La création d'une sanction administrative permettra de garantir la proportionnalité de la sanction et une liberté d'appréciation de l'autorité administrative. Beaucoup des personnes qui sont en situation irrégulière, mais qui travaillent régulièrement ont signé un contrat de travail alors qu'ils étaient titulaires d'un titre de séjour qui n'a pas été renouvelé. On ne peut en tenir automatiquement grief à leur employeur ! Du reste, cela arrive même à l'État. Il n'existe donc pas d'articulation entre l'article 3 et l'article 8, qui vise à sanctionner les employeurs qui recrutent délibérément des personnes en situation irrégulière.

Par ailleurs, j'examinerai attentivement vos initiatives pour apporter des garanties.

Vous me posez également la question du caractère opposable du titre de séjour et vous soulevez le cas d'un employeur découvrant que l'un de ses salariés a demandé un titre de séjour pour métier en tension. Le fait d'inscrire dans la loi les critères d'éligibilité à ce titre, via le renvoi à une liste de métiers en tension publiée par arrêté ministériel, le fait de prévoir des critères d'ancienneté dans l'emploi et sur le territoire, et le fait de déterminer ce qui relève des critères retenus au titre de la présence sur le territoire sont les meilleures garanties de ne pas créer d'opposabilité et de ne pas susciter de contentieux. Nous proposons au Parlement de fixer précisément les critères. Par la suite, l'employeur n'est pas tenu de délivrer un CDI, ce qu'il sera toujours libre de faire ou non.

En ce qui concerne les trappes à bas salaires, c'est en réalité aujourd'hui que nous connaissons cette situation. La situation irrégulière de salariés réguliers peut placer ces derniers en situation de vulnérabilité, ce qui alimente une « trappe à bas salaire ». L'obtention d'un titre de séjour donne au contraire droit au salaire minimal et au minimum conventionnel de branche, ce qui est plus protecteur. Et je ne parle même pas des personnes en situation doublement irrégulière - situation administrative irrégulière et travail non déclaré -, qui peuvent se trouver en situation d'exploitation, voire d'asservissement.

On ne peut pas retenir votre option consistant à confier la définition des métiers en tension aux branches, car notre appareil statistique permet de mesurer les tensions de recrutement. En revanche, pour ce qui concerne la formation, l'intégration et l'accompagnement, je pense qu'il serait utile que les partenaires sociaux soient mobilisés, branche par branche.

M. Alain Richard . - Ce projet de loi permettra-t-il de limiter les flux de mineurs isolés entrant en France via un système organisé, artisanal ou mafieux, sachant que ces entrées se font de façon irrégulière ? D'autres outils permettraient-ils de freiner ce mouvement, au travers d'une meilleure identification de leur identité réelle ?

M. Jean-Yves Leconte . - Un quart des étrangers qui suivent la formation linguistique n'atteint pas le niveau A1 à l'issue du parcours d'intégration. Ce projet de loi va donc précariser la situation de ces personnes. Est-ce en précarisant que l'on intègre ?

Comment prendre en compte la question de la vulnérabilité si l'on supprime l'étape de la rédaction d'un récit dans le dépôt d'une demande d'asile ? La limite du nombre de rendez-vous en préfecture va-t-elle empêcher l'accueil de tous les demandeurs d'asile ?

Sur les régularisations, que deviendront les autres dispositions de la circulaire « Valls » ? Cette circulaire sera-t-elle intégralement abrogée ? Comment traiterez-vous la situation des travailleurs des plateformes ? Même s'il est dorénavant interdit aux personnes en situation irrégulière de devenir autoentrepreneurs, certains l'ont déjà fait. Qu'adviendra-t-il d'eux ?

On parle maintenant davantage de LRA. Il est préoccupant que notre pays ait de plus en plus de lieux de privation de liberté qui ne soient pas contrôlés.

Le système d'« entrée-sortie » de Schengen et le système Etias devaient être mis en place en 2023. On parle maintenant d'une entrée en vigueur « aussi vite que possible » : cela sera-t-il mis en place avant les jeux Olympiques ?

Mme Brigitte Lherbier . - Beaucoup de nouvelles drogues se développent en France et de jeunes Africains en situation irrégulière font venir des produits de plus en plus dangereux. Ne peut-on avoir des actions diplomatiques plus sévères à l'encontre des pays d'origine ? À l'encontre de ces trafiquants étrangers ? Il me semble difficile de régulariser les personnes issues des pays dans lesquels s'organisent ces filières.

Beaucoup d'enfants étrangers en situation irrégulière font leurs études et deviennent ingénieurs ou médecins, ce qui peut être intéressant pour notre pays. Selon moi, il faut en tenir compte pour mesurer l'intégration des jeunes.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - En premier lieu, j'ai de fortes réserves sur l'article 3.

D'abord, je ne sais pas ce qu'est un métier en tension ; en Île-de-France, tous les métiers sont en tension !

Ensuite, vous indiquez que le monde patronal est favorable à ces régularisations. D'une part, si l'on se posait la question du niveau des salaires, certains emplois seraient pourvus sans problème. D'autre part, cet article va entraîner la création d'une main-d'oeuvre sous-payée et docile. Vous vivez ce qu'a vécu Valéry Giscard d'Estaing avec le regroupement familial, lorsqu'il a cédé aux pressions du patronat. On ne se pose pas la question de ce qui motive les employeurs à promouvoir ces régularisations. La circulaire « Valls » permet déjà de faire certaines choses et les préfectures y travaillent.

En outre, avez-vous abordé avec le patronat la question du logement et de l'intégration de ces personnes ? Cela ne pose problème à aucun employeur que cinq ou six étrangers vivent dans 20 mètres carrés ! Il n'y a pas de quoi être fier de donner des titres de séjour si l'on ne se préoccupe pas de laisser cinq personnes vivre dans 20 mètres carrés. C'est de l'esclavage !

En second lieu, les accords liant la France à certains pays ne vont-ils pas gêner l'application de la loi ? L'accord franco-algérien risque de perturber grandement l'application de ce texte. Par conséquent, faut-il maintenir ces accords ou faut-il les dénoncer, afin que les lois s'appliquent partout de la même manière ?

En troisième lieu, vous avez évoqué la sanction des étrangers qui refusent de voir un médecin d'un sexe qui ne leur convient pas. C'est un véritable sujet, mais quid des médecins ? Beaucoup de médecins étrangers travaillant dans nos hôpitaux ne respectent pas les valeurs de la République.

Mme Valérie Boyer . - Au moment où nous parlons, l'Algérie a suspendu la délivrance de laissez-passer consulaires.

Ma question porte sur le trafic d'êtres humains. Les Nations unies estiment les profits de la traite des êtres humains à 32 milliards d'euros dans le monde, dont 3 milliards en Europe. La France reçoit ou voit transiter des victimes de ces trafics. Ne pas agir, c'est être complice. Les passeurs sont des experts en détournement des procédures et abusent de la générosité nationale. La France a le droit de protéger ses frontières et doit lutter contre ceux qui prostituent, violent, volent ou exploitent les migrants. C'est un devoir de dignité. Le trafic des migrants est juridiquement dissocié de la traite des êtres humains, alors que ces deux phénomènes sont liés. J'avais déposé en 2015 une proposition de loi sur ce sujet, qui a été rejetée, mais le Gouvernement reprend désormais mes propositions. Ainsi, le fait de faciliter l'entrée ou le séjour irrégulier d'un étranger est puni de cinq ans de prison et de 30 000 euros d'amende.

Pourquoi ce qui était absurde en 2015 et en 2018 ne l'est-il plus aujourd'hui ? Pourquoi avoir perdu autant de temps ?

Pourquoi ne pas renforcer les sanctions contre tous les trafiquants d'êtres humains ? Votre réforme ne concerne que l'exposition d'un étranger à un risque immédiat de mort ou de blessure et ne touche que les dirigeants ou les organisations.

Je m'interroge enfin sur les mineurs étrangers isolés. Ceux-ci accèdent en général à la nationalité française après leur séjour ; accéderont-ils toujours automatiquement à la nationalité avec votre texte ?

M. Marc-Philippe Daubresse . - Pouvez-vous nous en dire plus sur les restrictions du regroupement familial ? Comment avez-vous placé votre curseur ? Jusqu'où serez-vous prêt à aller ?

M. Gérald Darmanin, ministre . - Les mineurs étrangers isolés relèvent de la compétence du garde des sceaux, parce qu'il y a un sujet d'état civil et parce que ce n'est pas le ministre de l'intérieur qui expulse les mineurs ; cela relève de l'autorité judiciaire et non administrative. Dès que les services du ministre de l'intérieur constatent qu'ils ont affaire à un mineur, le traitement du dossier relève de la compétence du garde des sceaux. Pour mettre fin aux flux et pour expulser, je ne suis donc pas compétent.

Cela étant, deux mesures incluses dans ce texte peuvent faciliter le travail de reconnaissance de la majorité et de la minorité d'âge.

Il y a d'abord la coercition sur les empreintes. L'un des sujets est l'identification de l'état civil des personnes ; aujourd'hui, les personnes peuvent refuser de donner leurs empreintes. Bruno Retailleau propose, me semble-t-il, d'instaurer une présomption de majorité si la personne refuse les tests d'état civil ou la prise d'empreintes. Je pense qu'il ne savait pas, lorsqu'il a formulé cette idée, que nous proposions la coercition des empreintes, validée par le Conseil d'État. Du reste, les deux mesures ne sont pas incompatibles entre elles ! Si le Sénat dépose un amendement allant dans ce sens, sous réserve de la difficulté constitutionnelle sous-jacente, nous pourrions le soutenir.

Une expérimentation s'achève à Bordeaux, où le parquet, le siège et la police se sont mis d'accord pour que les mineurs ne passent plus de test, mais que la police puisse déterminer si un étranger est mineur ou majeur, décision qui vaut ensuite pour le parquet, ce qui permet d'orienter l'intéressé vers le parcours administratif et éventuellement pénal des majeurs. Cela peut servir de base de travail au Sénat. Cela permettra d'établir plus rapidement et plus efficacement la minorité ou la majorité d'âge des étrangers, mais cela ne facilitera pas leur retour. En effet, indépendamment de la difficulté à identifier la nationalité des étrangers en situation irrégulière, le problème réside surtout dans l'application par l'autorité judiciaire, qui est indépendante, du retour. Le garde des sceaux a signé un accord avec le Maroc sur le retour, mais aucune décision judiciaire de retour d'un mineur n'a encore eu lieu.

Monsieur Leconte, c'est vrai, un quart des étrangers ayant suivi les cours de français ne maîtrise pas la langue. Vous affirmez que nous allons les précariser ; non, ils vont simplement retourner dans leur pays. Le but est de ne pas donner de titres de séjour aux personnes qui ne comprennent pas le français ou le parlent mal.

Cela implique d'accroître les moyens pour donner des cours de français. Ce qu'a dit M. Dussopt est important : les gens doivent maintenant prendre leurs cours de français pendant leurs heures de travail. C'est une révolution pour les salariés étrangers, cela va faciliter grandement leur vie ! Nous conditionnons l'obtention du titre de séjour à la réussite d'un examen de français, mais nous mobilisons beaucoup de moyens pour leur enseigner notre langue. Une fois qu'ils ont passé l'examen, s'ils ne le réussissent pas, nous ne les précarisons pas ; simplement, ils n'auront pas de titre et devront retourner dans leur pays. Nous assumons de conditionner l'octroi du titre de séjour à la réussite de cet examen.

M. Jean-Yves Leconte . - Ils perdront donc le droit de rester sur le territoire.

M. Gérald Darmanin, ministre . - C'est la proposition du Gouvernement, vous pouvez être contre. Nous pensons que c'est nécessaire pour s'intégrer. Je pense notamment aux femmes, qui créent du communautarisme d'obligation, parce que la République ne leur a pas donné les moyens d'apprendre la plus belle langue du monde et de s'ouvrir l'esprit. Avec les moyens importants que nous engagerons, après cet examen, si les gens ne réussissent pas l'examen, ils devront partir. Et cela vaudra pour demander ou renouveler un titre de séjour. De nombreux pays le font !

Sur les moyens des préfectures, la Lopmi a renforcé les effectifs de 570 agents. En outre, les importants travaux informatiques en cours permettront de libérer des équivalents temps plein supplémentaires pour se concentrer sur les contrôles. Par ailleurs, je me suis peut-être mal exprimé : le texte ne supprime nullement le passage devant une association pour raconter son récit.

Les LRA sont connus, y compris dans votre département. J'ai du mal à comprendre le problème que cela pose par rapport aux libertés publiques, puisque c'est Lionel Jospin qui les a créés par décret le 19 mars 2001. S'il l'a fait, il a dû considérer que c'était républicain.

Sur le système « entrée-sortie » de Schengen et l'Etias, je répète que nous sommes prêts : on peut le faire demain matin ; mais l'Europe n'est pas que la France. En outre, nous avons un problème avec le Royaume-Uni qui avait engagé le processus, mais qui est devenu un pays tiers entre-temps. Clément Beaune et moi avons indiqué à la Commission européenne qu'il fallait le faire soit maintenant, soit juste après la coupe du monde de rugby, soit après les jeux Olympiques. Pour mettre en place ce système, il faudra créer une fiche biométrique pour chaque personne entrant sur le sol européen, ce qui prend dix minutes. Le faire au moment des JO entraînerait une thrombose préjudiciable dans les aéroports. Pour notre part, nous sommes prêts et nous attendons les autres.

Madame Lherbier, je suis d'accord avec vous sur l'ordre public, notamment sur les liens avec les pays producteurs de drogue et les trafiquants.

Madame Eustache-Brinio, vous me parlez des accords bilatéraux. C'est une question à laquelle je me suis beaucoup intéressé.

Prenons l'accord franco-algérien de 1968, qui présente des avantages et des inconvénients pour les questions migratoires. Avantages pour les Algériens : ils ont une carte de résident spécifique ; inconvénient pour eux : ils ont besoin d'un visa. Le parlement algérien demande la même chose que vous : l'abolition de l'accord, pour ne plus devoir demander de visa.

Mettre fin à un accord est assez facile, même si, en l'occurrence, cet accord ne prévoit pas les conditions de sa résiliation. La conséquence serait donc de retourner à la situation ex ante . Or quelle était la situation ex ante ? La France et l'Algérie étaient le même pays, donc circulation libre et totale entre les deux territoires, sans visa. Pour renégocier la convention, il faut l'accord des deux pays et si nous mettons fin unilatéralement à cet accord, nous reviendrons à la communauté antérieure, dans laquelle nous ne pourrions plus exiger de visa.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - Mais c'est un pays indépendant !

M. Gérald Darmanin, ministre . - Je m'y suis beaucoup intéressé et de nombreuses personnes se sont penchées sur la situation très particulière de ces deux pays. Nous aurions donc plus à perdre qu'à gagner.

Tout le monde pose la question de la renégociation de cet accord. Le seul enjeu est : faut-il le faire dans une situation de communion politique, comme le Président de la République essaie de le faire, ou dans la confrontation ? Il ne m'appartient pas d'en juger.

Monsieur Daubresse, il n'y a pas de restriction du regroupement familial dans ce projet de loi. Beaucoup de sénateurs proposent des restrictions. Le Gouvernement a pris soin de doter son texte d'« accroches » permettant le dépôt de tels amendements. J'y serai favorable s'ils respectent la Constitution et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales, ce dont je ne doute pas.

Je vois trois pistes possibles.

La première réside dans le rôle du maire pour apprécier les conditions d'accueil des personnes dans le regroupement familial. Quand j'étais maire, je signais personnellement, après vérification, les attestations certifiant que le logement était assez grand pour accueillir la famille, que le demandeur touchait au moins 1 800 euros pour une famille de deux personnes et qu'il était dans une situation stable depuis plus de dix-huit mois sur le territoire national. Je ne suis pas sûr que tous les maires de France le fassent scrupuleusement. Les préfectures s'appuient pourtant sur ce document émanant de la mairie.

D'abord, ces conditions d'accueil doivent-elles être mieux contrôlées ? Faudrait-il prévoir un contreseing pour empêcher le clientélisme électoral ou la difficulté de dire non à une famille que l'on connaît ?

Ensuite, un revenu de 1 800 euros pour deux personnes suffit-il ? La notion de logement à taille suffisante est-elle assez claire ? Il ne paraît pas anormal de demander davantage de revenu, de commodité ou de présence sur le territoire national. Si le Sénat proposait d'évoluer dans ce sens, cela me paraîtrait de bon sens, conforme à la Constitution et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), et pourrait peut-être limiter le regroupement familial.

Concernant ceux qui bénéficient de la protection internationale, des possibilités de réunification familiale existent, mais leur périmètre est très large, allant bien au-delà du cercle des frères et soeurs, car la vision de la famille retenue est beaucoup plus extensive que celle que nous pouvons concevoir en droit français. Si l'on donne l'asile à une personne, il n'est pas choquant de le donner aussi aux membres de sa famille, mais faut-il pour autant retenir une acception aussi large du terme ? Si le Sénat considérait qu'il fallait limiter ce droit au périmètre de famille au sens strict, en définissant son sens, nous y gagnerions.

M. Marc-Philippe Daubresse . - Très bien !

M. Gérald Darmanin, ministre . - Enfin, j'évoquerai l'attestation linguistique ou de partage des valeurs de la République, y compris pour ceux qui ont des visas de regroupement familial. C'est bien de demander à une personne de parler notre langue et de respecter les valeurs de notre République, mais lorsqu'elle sera installée sur le territoire français depuis dix-huit mois, qu'elle aura un logement décent et 1 800 euros de revenus, elle pourra faire venir les membres de sa famille, sans que l'on ne leur demande rien. Là encore, il appartiendra au Sénat d'apprécier s'il convient d'exiger de ces personnes également un niveau minimal de maîtrise de la langue française et le respect des valeurs de la République.

Ces mesures pourraient limiter le regroupement familial sans être contraires à la Constitution ou à la Convention européenne des droits de l'homme.

Mme Valérie Boyer . - Vous n'avez pas répondu à ma question sur les mineurs isolés qui accèdent à la nationalité française alors qu'ils sont rentrés illégalement en France, sont en situation irrégulière et sont à la charge des départements. Ferez-vous en sorte que ces personnes une fois majeures n'accèdent pas automatiquement à la nationalité française ?

M. Gérald Darmanin, ministre . - Je n'ai pas connaissance de cas de mineurs isolés qui aient acquis automatiquement la nationalité française à leur majorité. En revanche, il est vrai que ces personnes obtiennent quasi systématiquement des titres de séjour parce qu'elles sont depuis un certain temps sur le territoire national. Le président de conseil départemental de l'Essonne m'a d'ailleurs interpellé sur une difficulté résultant de l'application de la loi Taquet du 7 février 2022 relative à la protection des enfants : les mineurs isolés doivent être protégés pendant leur minorité et pendant deux ans après leur majorité. Pour en revenir au sujet initial, si vous avez des cas à me signaler, je les étudierai volontiers.

Mme Valérie Boyer . - J'ai rédigé un rapport sur l'immigration, l'asile et l'intégration lorsque j'étais députée : les départements interrogés m'avaient indiqué qu'ils accompagnaient les mineurs isolés pour les aider à accéder à la nationalité française le plus rapidement possible.

M. Gérald Darmanin, ministre . - Je lirai votre rapport et j'étudierai avec attention les cas que vous pourriez me soumettre.

Madame Eustache-Brinio, sur les passeurs, nous reprenons votre proposition : en la matière, le rassemblement de toutes les bonnes volontés est bon à prendre ! Nous créons une circonstance aggravante générale, qui concerne tous les passeurs au sens large, y compris les complices. Je rappelle d'ailleurs que nous avons créé un office de police judiciaire spécialisé, doté de 140 officiers de police judiciaire.

Enfin, s'agissant des médecins qui n'appliqueraient pas la loi, l'article L. 412-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que nous créons avec l'article 13 du projet de loi est clair : « L'étranger qui sollicite un document de séjour s'engage à respecter la liberté personnelle, la liberté d'expression et de conscience, l'égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République au sens de l'article 2 de la Constitution et à ne pas se prévaloir de ses croyances ou convictions pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers. » Cela concerne tout le monde, les patients comme les médecins.

M. Olivier Dussopt, ministre . - Un dernier mot sur les plateformes, les auto-entrepreneurs et les entreprises individuelles. Il y a là une faille dans notre droit. Il n'est pas acceptable que des personnes en situation irrégulière puissent créer une entreprise individuelle ou se constituer en autoentrepreneurs. Ces personnes peuvent facilement arguer devant le juge, pour contester une OQTF, que l'État ne pouvait pas ignorer leur situation irrégulière puisqu'il perçoit des cotisations sociales ou des impôts sur le revenu avec le prélèvement à la source. Il convient donc de tarir ce flux de personnes en situation irrégulière, mais qui exercent une activité économique régulière.

Beaucoup de ces autoentrepreneurs sont des travailleurs des plateformes. Lorsque la plateforme découvre qu'une personne est en situation irrégulière, elle doit procéder à une déconnexion. Mais souvent les personnes exercent sur les plateformes par le biais d'alias. Nous avons signé des chartes sociales avec les plateformes pour que la déconnexion fasse l'objet d'un préavis et d'un accompagnement. Il n'en demeure pas moins que ces personnes sont en situation irrégulière et que leur situation doit être examinée à cette aune. Nous ne pouvons plus laisser perdurer la possibilité pour des personnes qui n'ont pas de raison d'être sur le territoire de créer des entreprises.

Sur le fondement de la circulaire « Valls », 7 000 admissions exceptionnelles au séjour en raison d'une activité économique sont prononcées chaque année, dans des situations qui peuvent recouper en partie celles visées par article 3 ; mais dans 22 000 ou 23 000 cas, il s'agit d'admissions exceptionnelles au séjour pour des motifs familiaux. Les deux dispositifs ne sont donc pas antagonistes. La moitié des 7 000 régularisations en raison d'une activité économique concernent l'Île-de-France. Il nous semble préférable que les régularisations des travailleurs en situation irrégulière ayant une activité régulière sur le territoire dépendent de critères fixés par le législateur plutôt que d'une appréciation discrétionnaire des préfectures.

On peut considérer en effet que beaucoup de métiers sont en tension. Beaucoup de fédérations s'inquiètent d'ailleurs de savoir si leur filière figurera dans la liste. Mais ce n'est pas le Gouvernement qui décidera si tel ou tel métier est en tension. Nous nous appuierons sur les statistiques et la définition d'un niveau de tension. Cette liste des métiers en tension existe, elle a été créée par la loi voilà plusieurs années, elle est publiée régulièrement et nous allons lancer le processus d'actualisation, en nous appuyant sur les comités régionaux pour l'emploi et la formation professionnelle (Crefop) et sur l'appareil statistique du ministère. On tient compte à la fois des difficultés de recrutement et de la présence, parfois très forte, d'étrangers non communautaires sans lesquels la filière serait incapable de fonctionner. J'ai évoqué les demandes des fédérations professionnelles. Les trois principaux syndicats - la CFDT, la CGT, et Force Ouvrière - souhaitent que les étrangers qui travaillent bénéficient d'une régularisation de plein droit. Ce n'est pas la voie que nous avons retenue, car nous préférons fixer des critères, mais nous avons une volonté partagée de faciliter les parcours de régularisation.

Peut-on dire que les métiers seraient moins en tension si les salaires augmentaient ? Je note que la filière de l'hôtellerie et de la restauration demeure l'une des plus en tension, en dépit d'une revalorisation des salaires minimaux conventionnels de 16 % grâce à la négociation entre les partenaires sociaux. Doit-on craindre que ces régularisations n'entraînent la constitution d'une trappe à bas salaire ? Il me semble que c'est justement l'inverse : c'est le fait d'être en situation irrégulière qui rend les personnes vulnérables face aux employeurs. Je pourrais vous citer des cas de salariés en situation irrégulière, employés à temps partiel, mais qui travaillent beaucoup plus dans les faits et sont contraints d'accepter cette situation. En renforçant la sécurité juridique des salariés, et des employeurs, qui sont souvent de bonne foi, on garantit l'application des niveaux de rémunération conventionnels et du salaire minimum.

M. François-Noël Buffet , président . - Je vous remercie. La commission examinera ce texte lors de sa réunion du 15 mars prochain.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat .

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Ministère de l'intérieur et des outre-mer

Direction générale des étrangers en France (DGEF)

M. Éric Jalon , directeur général

M. Adrien Brunel , conseiller juridique auprès du directeur général

Direction de l'immigration

M. Simon Fetet , directeur

M. Jérôme Guerreau , directeur-adjoint

M. Ludovic Guinamant , sous-directeur du séjour et du travail

M. Frédéric Garnier , sous-directeur chargé de la lutte contre l'immigration irrégulière

Mme Lucile Josse , adjointe au sous-directeur du séjour et du travail

M. Aurélien Dardé , conseiller juridique à la sous-direction des visas

Direction de l'asile

Mme Clémence Olsina , directrice

M. Gabriel Morin , directeur-adjoint

Direction de l'intégration et de l'accès à la nationalité

M. David Coste , directeur

Mme Anne Brosseau , cheffe de service, directrice adjointe de l'intégration et de l'accès à la nationalité

Mme Anne Baretaud , sous-directrice de l'intégration des étrangers

Direction centrale de la police aux frontières (DCPAF)

M. Fabrice Gardon , directeur central

M. Xavier Delrieu , commissaire divisionnaire, chef de l'office de lutte contre le trafic illicite de migrants

Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ)

Mme Pascale Léglise , directrice

Préfecture de police de Paris

M. Gautier Beranger , préfet délégué à l'immigration auprès du préfet de police

Préfecture des Alpes-Maritimes

M. Philippe Loos , secrétaire général

Mme Marie-Pierre Euzenot , directrice adjointe de la règlementation, de l'intégration et des migrations

Préfecture de Guyane

M. Thierry Queffelec , préfet

Préfecture du Rhône

Mme Sarah Guillon , directrice des migrations et de l'intégration

Ministère de la justice

Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG)

Mme Elise Barbe , sous-directrice de la négociation et de la législation pénales

M. Thibault Cayssials , chef du bureau de la législation pénale spécialisée

Ministère de la santé et de la prévention

Direction générale de l'offre de soin (DGOS)

M. Marc Reynier , adjoint au sous-directeur des ressources humaines du système de santé

Mme Carole Stenger , adjointe au chef du bureau « Exercice et déontologie des professions de santé »

Mme Maeva Barbier , cheffe du bureau « Personnels médicaux des établissements de santé »

Ministère des affaires étrangères et de l'Europe

M. Christophe Léonzi , ambassadeur chargé des migrations

Ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion

Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)

M. Fabrice Masi , chef de service adjoint au délégué

M. Stéphane Lherault , chef du département Pôle emploi

Mme Véronique Delarue , adjointe du chef du département Pôle emploi

M. Laurent Gaullier , adjoint au sous-directeur des politiques de formation et du contrôle

Délégation interministérielle chargée de l'accueil et de l'intégration des réfugiés (DIAIR)

M. Alain Régnier , délégué interministériel

Cour nationale du droit d'asile (CNDA)

M. Mathieu Herondart , président

M. Olivier Massin , secrétaire général

Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII)

M. Didier Leschi , directeur général

Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)

M. Julien Boucher , directeur général

Pôle emploi

M. Aymeric Morin , adjoint du directeur général adjoint à l'offre de services

Mme Anne-Marie da Silva , adjointe de la directrice des partenariats et de la territorialisation

Mme Agnès Dubarry , adjointe du directeur de la stratégie, de l'innovation et de la responsabilité sociale des entreprises

Haut-commissariat aux réfugiés (UNHCR)

M. Paolo Artini , représentant du HCR en France

Mme Mathilde Crépin , administratrice en charge de la protection

Mme Asceline Neyrand , associée à la protection

Défenseur des droits

Mme Claire Hédon , défenseure des droits

Mme Mireille Le Corre , secrétaire générale

Mme Marie Lieberherr , directrice de la protection des droits et des affaires judiciaires

Mme Elsa Alasseur , cheffe du pôle droits fondamentaux des étrangers

M. Pierre Auriel , conseiller affaires publiques

Mme France de Saint Martin , conseillère parlementaire

Représentants des employeurs

Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

M. Christophe Beaux , directeur général

Mme France Henry-Labordère , responsable du pôle social

Mme Elizabeth Vital-Durand , responsable du pôle affaires publiques

Mme Odile Menneteau , directrice de la « veille stratégique et nouveaux enjeux sociaux »

Union des entreprises de proximité (U2P)

M. Pierre Burban , secrétaire général

Mme Thérèse Note , conseiller technique, chargée des relations avec le Parlement

Représentants des salariés

Confédération française démocratique du travail (CFDT)

Mme Lydie Nicol , secrétaire nationale, responsable de la politique de l'immigration

Mme Emilie Ouchet , secrétaire confédérale

Confédération générale du travail (CGT)

M. Gérard Ré , responsable du collectif confédéral migrants

M. Jean-Albert Guidou , responsable du collectif confédéral migrants

Représentants des « secteurs en tensions »

Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH)

M. Olivier Dardé , président UMIH 44 et porte-parole de la commission sociale

Mme Ophélie Rota , directrice des relations institutionnelles

Fédération française du bâtiment (FFB)

M. Anthony Laudat , vice-président, président de la commission sociale

Mme Léa Ligneres , chargée des relations institutionnelles

Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB)

M. Henry Halna du Fretay , secrétaire général

Fédération du service aux particuliers (FESP)

M. Brice Alzon , président

Fédération française des services à la personne et de proximité (Fédésap)

M. Rémus Diaconescu , administrateur et président de la commission « autonomie »

Mme Anne Richard , responsable « médico-social »

Fédération des particuliers employeurs de France (Fépem)

Mme Ophélie Lerouge , directrice des projets structurants

M. Michael Christophe , délégué aux affaires publiques sectorielles et directeur de cabinet de la gouvernance

Syndicats de magistrats

Union syndicale des magistrats administratifs (USMA)

M. Emmanuel Laforêt , président

M. Hervé Cozic , magistrat administratif, membre du bureau et trésorier

Syndicat de la juridiction administrative (SJA)

Mme Gabrielle Maubon , présidente

M. Virgile Nehring , secrétaire général adjoint

Mme Jeanne Sauvageot , membre du conseil syndical

Conseil national des barreaux (CNB)

Mme Laurence Roques , présidente de la commission « Libertés et droits de l'homme »

Mme Émilie Guillet , chargée d'affaires publiques

Association française des juges de l'asile (AFJA)

M. Joseph Krulic , président

M. Pierre Jamet , président vacataire

Mme Aurélie Tardieu , membre du bureau (Collège Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés)

Mme Laure Ginesty , membre du bureau (Collège Conseil d'État)

Association des rapporteurs et anciens rapporteurs de la Cour nationale du droit d'asile (ARC-CNDA)

M. Sébastien Brisard , président

Représentants des professions médicales et de la pharmacie

Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes

Mme Sylvie Germany , directrice des affaires juridiques et institutionnelles

Conseil national de l'ordre des médecins

Dr Henri Foulques , président de la section « Formation et compétences médicales »

Mme Camille Le Bris , conseillère juridique de la section « Formation et compétences médicales »

Conseil national de l'ordre des pharmaciens

M. Serge Caillier , membre du Conseil national

Mme Hélène Leblanc , directrice des affaires publiques, européennes et internationales

Conseil national de l'ordre des sages-femmes

Mme Isabelle Derrendinger , présidente

M. David Meyer , chef de cabinet, conseiller technique

Conseil national de l'ordre des infirmiers

M. Patrick Chamboredon , président

Personnalités qualifiées

M. Dominique Reynié , professeur des universités à Sciences-Po Paris et directeur général de la Fondation pour l'innovation politique

M. Serge Slama , professeur des universités, professeur de droit public à l'université de Grenoble Alpes

M. Vincent Tchen , professeur des universités, professeur de droit public à l'université de Rouen

Associations (intervenants en centre de rétention administrative)

France Terre d'Asile

Mme Hélène Soupios-David , directrice du plaidoyer

M. Guillaume Landry , directeur de l'appui juridique

Forum réfugiés - Cosi

M. Laurent Delbos , adjoint de direction « Asile-Plaidoyer »

La Cimade

M. Gérard Sadik , responsable des questions asile

M. Marc Duranton , responsable des questions prison

Mme Sophie Dru , adjointe des pôles thématiques nationaux

ASSFAM - SOS solidarités

Mme Céline Guyot , directrice adjointe

Associations (accès au séjour)

ADATE

Mme Nathalie Bessard , directrice du pôle d'accès au droit, juriste en droit d'asile et droit des étrangers

Mme Eloïse Bernon , juriste en droit d'asile et droit des étrangers

M. Stéphane Perreau , juriste en droit d'asile et droit des étrangers

Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT)

Mme Emilie Schmidt , responsable des programmes et du plaidoyer « France sûreté et libertés »

Mme Mathilde Mase , responsable des programmes et du plaidoyer « asile »

Amnesty international France

M. Jean-Claude Samouiller , président

Mme Tchérina Jerolon , responsable du programme « Conflits, migrations et justice »

Associations (solidarité)

Coallia

Mme Alice Brassens , directrice des opérations et des métiers

Mme Samira Cespedes , responsable Intégration

Fédération des acteurs de la solidarité (FAS)

Mme Maëlle Léna , chargée de mission « Réfugiés Migrants »

Ligue des droits de l'Homme (LDH)

Mme Marie-Christine Vergiat , vice-présidente

Unicef

M. Corentin Bailleul , chargé de plaidoyer France et expertise

Mme Julia Poyol , chargée des relations avec les pouvoirs publics

Associations (accueil des demandeurs d'asile)

Accueil des demandeurs d'asile (ADA)

M. Jean-Michel Reynaud , vice-président

Mme Fanny Braud , salariée en charge de l'Observatoire de l'Asile en Isère (OASIS)

M. Olivier Tirard-Collet , salarié

Coordination française pour le droit d'asile (CFDA)

Me Oumayma Selmi , membre du bureau des Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE)

Me Sophie Giroud , membre du comité national de la Ligue des droits de l'homme (LDH)

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Ministère de l'intérieur et des outre-mer

Préfecture de la Haute-Garonne

Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion

Direction générale du travail (DGT)

Représentants des employeurs

Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

Représentants des salariés

Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadre (CFE-CGC)

Confédération Force ouvrière (FO)

Représentants des « secteurs en tension »

Union nationale des entreprises du paysage (Unep)

Groupement des Professions de services (GPS)

Groupement des Hôtelleries & Restaurations de France

Représentants des professions médicales et de la pharmacie

Fédération de l'Hospitalisation Privée

Syndicats de magistrats

Syndicat de la magistrature

Union syndicale des magistrats (USM)

Unité Magistrats - SNM FO

Représentants des agents de la CNDA

Confédération générale du travail CE-CNDA

Associations

Fédération des acteurs de la solidarité

Observatoire international des prisons (OIP)

PROGRAMME DES DÉPLACEMENTS

Mardi 21 février 2023

Préfecture du Haut-Rhin

Entretien avec MM. Louis Laugier , préfet du Haut-Rhin, Christophe Marot , secrétaire général, Jean-Christophe Schneider , directeur de la règlementation et John Babin , chef du service de l'immigration et de l'intégration.

Visite du guichet unique pour demandeurs d'asile (GUDA) et échange avec les agents.

Aéroport de Bâle-Mulhouse-Fribourg

Entretien avec le commandant Franck Vendamme , directeur interdépartemental adjoint de la police aux frontières.

Visite de la zone d'attente.

Jeudi 23 février 2023

Cour nationale du droit d'asile

Entretien avec MM. Mathieu Hérondart , président de la Cour nationale du droit d'asile et Thomas Besson , président de section, vice-président de la Cour nationale du droit d'asile.

Tribunal administratif de Paris

Entretien avec M. Jean-Christophe Duchon-Doris , président du tribunal administratif de Paris, Mme Marie-Pierre Viard , présidente de la quatrième section, M. Yves Marino , président de la sixième section et Mme Déborah Toupillier , responsable du greffe du service des urgences : référés et reconduites à la frontière.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl22-304.html

ANNEXE
Étude de législation comparée

___________

Les études de législation comparée sur les titres de séjour pour motifs économiques, les mécanismes de régularisation des étrangers en situation irrégulière et les quotas migratoires, réalisées par la division de la législation comparée de la direction de l'initiative parlementaire et des délégations, sont disponibles sur le site du Sénat aux adresses suivantes :

http://www.senat.fr/notice-rapport/2022/lc317-notice.html

http://www.senat.fr/notice-rapport/2022/lc316-notice.html

http://www.senat.fr/notice-rapport/2022/lc315-notice.html


* 1 65 076 ont été prononcées et 4 474 exécutées sur le premier semestre 2022 (ministère de l'intérieur).

* 2 Avis n° 121 (2022-2023) de Mme Muriel Jourda et M. Philippe Bonnecarrère, fait au nom de la commission des lois, « Projet de loi de finances pour 2023 : Immigration, asile et intégration », 17 novembre 2022.

* 3 Rapport d'information n° 626 (2021-2022) de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois, « Services de l'État et immigration, retrouver sens et efficacité », 10 mai 2022.

* 4 En matière d'immigration familiale, un tel nombre ne constituerait néanmoins qu'un objectif, afin de garantir la conventionnalité du dispositif.

* 5 À l'exemple de l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark et les Pays-Bas.

* 6 Il s'agit des titres « talent - salarié qualifié », « talent - salarié entreprise innovante » et « talent - salarié en mission »

* 7 Rapport d'information de François-Noël Buffet précité.

* 8 Chiffres clés de l'immigration, 26 janvier 2023. Données hors Britanniques.

* 9 Donnée obtenue en rapportant les 11 946 titres « passeport talent » (à l'exclusion des familiaux) délivrés aux 52 570 titres primo-délivrés hors Britanniques en 2022 pour des motifs économiques, selon une estimation du ministère de l'intérieur.

* 10 Les amendements adoptés et décrits ci-dessous l'avaient déjà été lors de l'examen du projet de loi relatif au droit des étrangers en France en 2016 (amendement de séance n° 1 rectifié quater de Roger Karoutchi) et lors de l'examen du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie en 2018 (amendement COM-216 rectifié de Roger Karoutchi, devenu l'article 1 er A du texte de commission).

* 11 La commission a relevé qu'il est d'ailleurs particulièrement problématique qu'un tel rapport n'ait pas été remis au Parlement l'année dernière avant le 1er octobre, comme il est pourtant prévu par la loi.

* 12 Article L. 434-2 du Ceseda.

* 13 L'article R. 434-4 du Ceseda prévoit que cette condition de ressource est satisfaite lorsque la personne perçoit sur les douze derniers mois : la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance (SMIC) pour une famille de deux ou trois personnes ; cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes ; cette moyenne majorée d'un cinquième pour une famille de six personnes ou plus.

* 14 Article L. 434-7 du Ceseda.

* 15 Le délai de traitement du dossier de la personne concernée ne saurait allonger par trop un tel délai.

* 16 Compte rendu n° 7 du mercredi 9 juin 2021, séance de 15 heures, audition de Didier Leschi devant la commission d'enquête sur les sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la France.

* 17 CJUE, 4 juin 2015, P et S contre Commissie Sociale Zekerheid Breda et College van Burgemeester en Wethouders van de gemeente Amstelveen, C-579/13.

* 18 CJUE, Udlændingenævnet, C-279/21, 22 décembre 2022.

* 19 Ladite moyenne est majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes et d'un cinquième pour une famille de six personnes ou plus.

* 20 En cas de refus, les conditions de logement sont réputées non remplies (article R. 434-19 du Ceseda).

* 21 Cet avis lie partiellement la compétence de l'autorité administrative, en ce qu'il contraint cette dernière, s'il est positif, à motiver son refus. Le quatrième alinéa de l'article L. 425-9 du Ceseda prévoit en effet que si « le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée ».

* 22 Comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport de 2020 ; voir Cour des comptes, « L'entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères », rapport public thématique, p. 111, consultable à l'adresse suivante : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/lentree-le-sejour-et-le-premier-accueil-des-personnes-etrangeres .

* 23 « La délivrance de premiers titres de séjour (métropole ) », chiffres clés de l'immigration, 26 janvier 2023, consultable à l'adresse suivante : https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Etudes-et-statistiques/Chiffres-cles-sejour-visas-eloignements-asile-acces-a-la-nationalite/Les-chiffres-2022-publication-annuelle-parue-le-26-janvier-2023 .

* 24 Le nombre annuel de primo-délivrances de titres pour des réfugiés est ainsi passée d'environ 10 000 jusqu'en 2014, avant de passer à 13 656 en 2015 puis connaître un premier plafond en 2017 à 21 429 en 2017, une évolution notamment due au contexte géopolitique de l'époque.

* 25 Article 40 de ladite loi.

* 26 Conseil d'État, 7 avril 2010, Ministre de l'immigration c/ Mme Diallo, n° 316625.

* 27 Une telle évolution ne paraîtrait pas poser de difficulté au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) en la matière, en particulier les arrêts de grande chambre Paposhvili c. Belgique de 2016 et Savran c. Danemark de 2021, le refus d'un titre « étranger malade » n'impliquant pas, à lui seul, l'irrégularité du séjour et la prise à l'endroit de l'intéressé d'une décision d'éloignement.

* 28 La France est déjà liée par de telles conventions à une quarantaine d'États, comme le rappelle le centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (CLEISS) : https://www.cleiss.fr/docs/textes/index.html .

* 29 Article 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du Ceseda.

* 30 Conseil d'État, avis, 28 novembre 2007, Mme A., n° 307036.

* 31 L'admission au séjour au titre de l'asile et de la procédure dite « étranger malade » est néanmoins exclue de l'expérimentation du fait des spécifiques propres à chacune de ces procédures.

* 32 Le compte rendu de l'audition est disponible à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20230227/lois.html#toc2

* 33 Amendement COM-218.

* 34 Amendement n° II 25.

* 35 TA Paris, 25 janvier 2018, n° 1605926-1605956

* 36 Voir les 1° à 6° et 11° à 15° de l'article L. 413-5 du Ceseda.

* 37 Voir les 7° à 10°, 16° et dernier alinéas du même article L. 413-5 du Ceseda.

* 38 Article L. 413-3 du Ceseda.

* 39 Cette formation civique s'articule autour de cinq thématiques : le « portrait de la France », la santé, l'emploi, la parentalité et le logement (source : site Internet du ministère de l'intérieur ).

* 40 Selon l'OFII, une telle situation représentait 53,5 % des cas en 2022.

* 41 Pour 2022, d'après l'OFII, dans 19,4 % des cas, la formation prescrite était de 100 heures ; dans 28,3 % des cas, de 200 heures ; dans 32,3 % des cas, de 400 heures ; dans 20 % des cas, de 600 heures.

* 42 Voir le 1° de l'article L. 433-4 du CESEDA.

* 43 Voir l'arrêté du 30 décembre 2021 relatif au modèle type de contrat d'intégration républicaine.

* 44 Prévue à l'article L. 433-4 du CESEDA

* 45 Étude d'impact, p. 42.

* 46 Ainsi la « Zuwanderungsgesetz » allemande d'août 2004 prévoit-elle que les étranges disposent, selon le cas d'une connaissance de la langue « ausreichende » (suffisante), ou d'une capacité à communique à l'oral de manière simple.

* 47 Une telle formation devrait s'intégrer sans difficulté au sein du « portrait de la France » déjà existant.

* 48 Pour une présentation de l'historique du compte personnel de formation, voir le rapport de l'inspection générale des affaires sociales établi par S. Fourcade, E. Robert et V. Wallon, « Bilan d'étape du déploiement du compte personnel de formation (CPF) », juillet 2017, pp. 11-16, consultable à l'adresse suivante : https://www.igas.gouv.fr/spip.php?article623 . Pour une présentation synthétique, bien que datée, du compte personnel de formation, voir l'annexe n° 2 au rapport « La formation des demandeurs d'emploi » établi par la Cour des comptes pour la commission des finances de l'Assemblée nationale, mai 2018, pp. 166-167, consultable à l'adresse suivante : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-formation-des-demandeurs-demploi . Pour une présentation des modifications apportées au compte personnel de formation au titre de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, voir le rapport n° 609 (2017-2018) sur le projet de loi afférent de Michel Forissier, Catherine Fournier, Philippe Mouiller et Frédérique Puissat, fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, déposé le 27 juin 2018, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l17-609-1/l17-609-1.html .

* 49 Étude d'impact attachée au projet de loi, p. 59.

* 50 D'origine jurisprudentielle (voir l'arrêt Soc., 25 février 1992, Expovit , n° 89-41.634) cette obligation a été inscrite dans la loi par l'article 17 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, dite « Aubry II ». Elle a connu un resserrement par l'article 7 de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, à la seule adaptation du salarié à son « poste de travail ».

* 51 Une telle obligation doit néanmoins être appréciée au cas par cas. La Cour de cassation a ainsi jugé qu'une salariée anglophone, nécessitant la maîtrise du français dans le cadre du passage d'un agrément de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et soulevant le moyen que son employeur « connaissait ses difficultés en français et la nécessité pour les agents de sécurité d'être titulaires de cet agrément (...) ne pouvait imputer à faute à son employeur sa défaillance dans la pratique de la langue française, comme étant d'origine anglophone, dans la mesure où elle avait su répondre à certaines des questions » dans le cadre de l'agrément. Voir à cet égard l'arrêt Soc., 16 septembre 2009, n° 08-42.554, consultable à l'adresse suivante : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000021058776 .

* 52 Auditionné par le rapporteur, le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) a ainsi jugé utile de prévoir qu'une telle disposition soit inscrite dans la loi.

* 53 Par construction, la faculté créée au 1° ne peut qu'être difficilement évaluable, reposant sur la volonté des employeurs. L'étude d'impact se borne à relever, s'agissant des obligations créées aux 2° et 3°, qu'elle pourrait bénéficier à 7 700 nouveaux signataires de CIR par an, dans le cas où le niveau fixé serait au niveau A2.

* 54 Au sujet du 2° de l'article, la confédération française démocratique du travail (CFDT) a ainsi relevé, dans sa réponse au questionnaire transmis par les rapporteurs : « la CFDT est favorable au principe, mais s'interroge sur l'opérationnalité et donc l'effectivité de cette mesure dans des entreprises qui sont pour beaucoup des TPE ».

* 55 Le MEDEF a estimé qu'il « conviendrait de prévoir que le salarié demande une autorisation d'absence à l'employeur » ; la CPME a noté que « [alerté] sur cette dérogation qui pourrait désorganiser le service ou l'entreprise » ; l'U2P a jugé que cette « dérogation ne semble pas justifiée, car elle n'est prévue dans aucun autre cas de recours au CPF ».

* 56 Article 18 du code civil.

* 57 Article 19-3 du code civil.

* 58 Article 21-2 du code civil.

* 59 Article 21-7 du code civil.

* 60 Voir les chiffres clefs de l'immigration, publication du 20 juin 2022, consultable à l'adresse suivante : https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Etudes-et-statistiques/Chiffres-cles-sejour-visas-eloignements-asile-acces-a-la-nationalite/Les-chiffres-2022-publication-annuelle-parue-le-26-janvier-2023 . Les données pour 2022 seront disponibles en juin 2023.

* 61 Amendement n° 407 rectifié ter de M. Leroy.

* 62 Rapport n° 162 (1997-1998) de M. Christian Bonnet, déposé le 10 décembre 1997, au nom de la commission des lois. Dans celui-ci, Christian Bonnet estimait que « les raisons qui avaient conduit la Commission de la nationalité à préconiser l'exigence d'une manifestation de volonté pour l'acquisition de la nationalité française conservent aujourd'hui toute leur pertinence » et jugeait « frappant de constater que les critiques les plus fréquemment adressées à la loi du 22 juillet 1993 (insuffisance de l'information des jeunes, voire des administrations concernées, difficultés des intéressés à apporter la preuve de leur résidence en France...) tiennent plus aux conditions d'application de la loi qu'au principe même de la manifestation de volonté . »

* 63 Article 21-27 du code civil.

* 64 Étude d'impact, p. 149.

* 65 Pôle Emploi, Enquête « Besoins en Main-d'oeuvre » (2022).

* 66 Nouvelle-Aquitaine (67,8 %) Bretagne (66 %), Pays de la Loire (64,3 %), Centre Val-de-Loire (64,1 %), Normandie (63,9 %) et Auvergne Rhône-Alpes (62,7 %).

* 67 Dans l'ordre : couvreurs ; aides à domicile et aides ménagère ; pharmaciens ; chaudronniers, tôliers, traceurs, serruriers, métalliers, forgerons qualifiés ; mécaniciens et électroniciens de véhicules ; carrossiers automobiles ; conducteur de transport en commun sur route ; plombiers et chauffagistes ; infirmiers et puéricultrices ; menuisiers.

* 68 Dares et France Stratégie, « Les métiers en 2030 : quelles perspectives de recrutement en région et au niveau national ? » (24 janvier 2023).

* 69 « Parmi les quinze métiers aux plus forts déséquilibres potentiels, neuf figurent dans les quinze métiers aux plus forts besoins de recrutement. On retrouve ainsi les agents d'entretien et les aides à domicile, les conducteurs de véhicules, les ouvriers qualifiés de la manutention, deux métiers de cadres (cadres commerciaux et de services administratifs et financiers), les aides-soignants, les ouvriers qualifiés du second oeuvre du bâtiment et, enfin, les enseignants » (p.7 de la synthèse).

* 70 Arrêté du 1 er avril 2021 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse (disponible à cette adresse : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043317444).

* 71 La DGEFP indique que, premièrement, les données utilisées dataient de 2019 et n'intégraient donc pas les évolutions intervenus du fait de la pandémie de la Covid-19 et que, deuxièmement, le choix a été fait de privilégier des métiers pour lesquels il n'existait pas de levier de court terme pour faciliter les recrutements.

* 72 Informations publiées sur le site internet du ministère de l'intérieur, disponibles à cette adresse : https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Europe-et-International/Les-accords-bilateraux/Les-accords-bilateraux-relatifs-a-la-mobilite-professionnelle.

* 73 La « circulaire Valls » prévoit par ailleurs des critères alternatifs lorsque l'étranger justifie d'une résidence en France supérieure à sept ans, d'un emploi dans le secteur de l'économie solidaire ou lorsqu'il a cumulé des contrats de faible durée ou exercé des postes d'intérim.

* 74 DGEF, L'essentiel de l'immigration (26 janvier 2023).

* 75 Étude d'impact, p. 143.

* 76 Conseil d'État, Avis n° 462784 et 462786 du 14 octobre 2022.

* 77 Formulaire CERFA n° 15186*03, de demande d'autorisation de travail pour un salarié étranger avec les pièces justificatives précisées en annexe du formulaire correspondant à la situation du salarié

* 78 Conformément aux articles L. 422-1, L. 422-4, L. 422-5 du Ceseda, l'étudiant étranger est autorisé à exercer, à titre accessoire, une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle.

* 79 Si l'étude d'impact mentionne le fait que l'étranger pourrait travailler « dans un autre métier en tension » , le fait que l'autorisation de travail soit matérialisée par la carte de séjour tend, a priori, à autoriser l'exercice de n'importe quelle activité.

* 80 Le point 66 de l'annexe 10 du Ceseda cite les exemples suivants : « bulletins de salaire ou à défaut relevés ou virements bancaires, certificat de travail, attestation Pôle Emploi, avis d'imposition sur le revenu correspondant aux périodes de travail ».

* 81 Étude d'impact, p. 145.

* 82 Le terme « justifie » est également utilisé au présent dans l'exposé des motifs, ce qui tend à confirmer cette analyse.

* 83 Conformément aux dispositions de l'article L. 436-4 du Ceseda, qui fixe en outre à 200 euros le montant de ladite taxe.

* 84 La différence avec le graphique présenté ci-dessus s'explique, au moins partiellement, par l'inclusion des jeunes majeurs précédemment pris en charge par l'ASE dans les volumes d'admission exceptionnelle au séjour présentés.

* 85 Voir commentaire de l'article 8.

* 86 Étude d'impact, p. 148.

* 87 Depuis la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, en application de l'article L. 554-3 du Ceseda, le silence de l'administration au terme d'un délai de deux mois. L'autorisation de travail est, en outre, applicable pour la durée du droit au maintien au séjour du demandeur d'asile.

* 88 Rapport n° 552 (2017-2018) de François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois, déposé le 6 juin 2018, sur le projet de loi en première lecture, consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl17-464.html

* 89 Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale.

* 90 Pour 2021, les chiffres 2022 ne sont pas disponibles.

* 91 Il s'agit du taux synthétique prenant en compte les décisions de l'OFPRA et de la CNDA, de demandeurs ayant obtenu au cours d'une année donnée la reconnaissance du statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire.

* 92 Cette procédure « rapide » est appliquée par l'OPFRA (articles L. 531-24 et suivants du Ceseda) : soit dans certains cas déterminés par la loi (demandeur provenant d'un pays d'origine sûr ou maintenu en rétention) ; soit de sa propre initiative lorsque le demandeur a présenté de faux documents ou fait des déclarations contradictoires par exemple ; soit à la demande de l'autorité administrative lorsque le demandeur refuse de donner ses empreintes digitales ou constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État.

* 93 Il s'agit des personnes dont la demande d'asile relève d'un autre État membre.

* 94 Étude d'impact, p. 156 et suivantes.

* 95 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.cnda.fr/content/download/187619/1803267/version/7/file/RA2021%20VF1%20maj%2001%202023.pdf

* 96 Étude d'impact, p. 156 et suivantes.

* 97 Le Conseil constitutionnel juge de manière constante que « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ».

* 98 Étude d'impact, p. 159 et 160.

* 99 Rapport n° 552 (2017-2018) de François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois, déposé le 6 juin 2018, sur le projet de loi en première lecture, consultable au lien suivant :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl17-464.html

* 100 En prenant en compte les protections accordées directement par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) suite à l'annulation d'une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

* 101 Le taux synthétique de protection OFPRA + CNDA est en 2021 de 39,2 % selon le ministère de l'intérieur, « Les chiffres clés de l'immigration » 2021, p. 65, consultables à l'adresse suivante :

https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Etudes-et-statistiques/Chiffres-cles-sejour-visas-eloignements-asile-acces-a-la-nationalite/Les-chiffres-cles-de-l-immigration-2021

* 102 En application de l'article 4 quater de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et de l'article 91 ter du règlement du Sénat, Philippe Bonnecarrère a estimé ne pas devoir prendre part aux travaux du Sénat sur cet article.

* 103 Avis du Conseil d'État sur le projet de loi, p. 7.

* 104 L'inscription au RCS est obligatoire pour toutes les entreprises dont l'activité est commerciale.

* 105 Voir les pièces mentionnées au 1.1.3.2. de l'annexe 1-1 du code de commerce.

* 106 L'annexe II de cet arrêté prévoit ainsi qu'il soit fourni lors de l'immatriculation, pour l'étranger résidant en France, « copie d'un des documents de séjour en cours de validité prévus à l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'exclusion des documents prévus aux 1°, 7° et 8° dudit code ».

* 107 Le dispositif proposé s'écarte néanmoins de l'ancien article L. 122-1 du code de commerce dans son champ d'application : il ne s'appliquait ainsi qu'aux non-résidents et aux seules professions commerciales, industrielles ou artisanales - certaines professions libérales en étant donc exemptées.

* 108 La peine prévue était un emprisonnement de six mois et une amende de 3 750 euros, le tribunal judiciaire pouvant au surplus ordonner la fermeture de l'établissement concerné.

* 109 Article 21 de ladite loi.

* 110 Voir le commentaire de l'article 17 du rapport n° 201 (2013-2014) de Thani Mohamed Soilihi, fait au nom de la commission des lois, déposé le 4 décembre 2013, relatif au projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises.

* 111 Étude d'impact du projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises, p. 76.

* 112 Ibidem .

* 113 Étude d'impact, p. 99.

* 114 Étude d'impact, p. 97.

* 115 Alinéa 10 de l'article 1 er de la proposition de loi n° 852 (2021-2022) relative aux travailleurs en situation de dépendance économique vis-à-vis des plateformes numériques de Bruno Retailleau, Frédérique Puissat et plusieurs de leurs collègues, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-852.html .

* 116 Les jeunes diplômés qualifiés salariés, les salariés d'une jeune entreprise innovante, les travailleurs hautement qualifiés, les salariés en mission, les chercheurs, les créateurs d'entreprise, les porteurs d'un projet économique innovant, les investisseurs économiques, les mandataires sociaux, les artistes interprètes et les étrangers ayant une renommée nationale ou internationale.

* 117 Rapport n° 716 (2014-2015) de François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois, déposé le 30 septembre 2015, p. 90, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l14-716/l14-716.html .

* 118 Ou avoir obtenu une carte de séjour identique dans un autre État membre de l'Union européenne et y avoir séjourné au moins 18 mois

* 119 Chiffres clefs, « L'essentiel de l'immigration », direction générale des étrangers en France, 26 janvier 2023, consultable à l'adresse suivante : https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Etudes-et-statistiques/Chiffres-cles-sejour-visas-eloignements-asile-acces-a-la-nationalite/Les-chiffres-2022-publication-annuelle-parue-le-26-janvier-2023 .

* 120 Calculs pour l'évolution entre 2021 et 2018.

* 121 En incluant les passeports « famille ».

* 122 En incluant les Britanniques.

* 123 Source : Chiffres clefs, « L'essentiel de l'immigration, op. cit. ; calculs : commission des lois du Sénat.

* 124 Elle n'est que de 3,2 % si l'on en exclut les titres « passeport talent » familiaux.

* 125 Source : exposé des motifs du projet de loi.

* 126 Étude d'impact, p. 104.

* 127 Pour un rappel historique de ces dispositifs, voir le rapport n° 205 (2018-2019) de Martine Berthet sur la proposition de loi visant à sécuriser l'exercice des PADHUE, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l18-205/l18-205.html .

* 128 Article 70 de la loi n° 2019-774 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé.

* 129 Article 48 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

* 130 En seraient notamment exclus les centres de santé.

* 131 Rapport n° 524 (2018-2019) d'Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 22 mai 2019, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l18-524/l18-524.html .

* 132 Alinéa 3 de l'article.

* 133 Le chapitre II, du Titre VII du Livre II du code du travail relatif à la lutte contre le travail illégal.

* 134 En l'occurrence l'arrêté du 5 décembre 2006 relatif au montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine qui prévoit les montants suivants :

ZONE DE DESTINATION

MONTANT de la contribution
(en euros)

Afrique Subsaharienne...................

2 553

Amériques..................................

3 266

Asie du Sud-Est/Moyen-Orient........

2 309

Caucase/Europe centrale.................

2 398

Maghreb....................................

2 124

* 135 En application des articles R. 632-1 et R. 632-2 du Ceseda, l'autorité administrative compétente pour prononcer l'expulsion est en principe le préfet de département et, par exception, le ministre de l'intérieur lorsque l'intéressé bénéficie de protections ou en cas d'urgence absolue.

* 136 En application de l'article L. 632-1 du Ceseda, celle-ci est composée du président du tribunal judiciaire du chef-lieu du département, ou d'un juge délégué par lui, d'un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal judiciaire du chef-lieu du département et d'un conseiller de tribunal administratif. Elle rend son avis dans un délai d'un mois à compter de la convocation de l'étranger.

* 137 Comme précisé à la page 211 de l'étude d'impact, l'ensemble du comportement de l'étranger est pris en compte, en incluant par exemple la nature des faits commis (caractère isolé ou non, gravité) ou le comportement en détention.

* 138 Instruction au préfet du 29 septembre 2020 (INTK2023921J).

* 139 À condition qu'il contribue effectivement à son entretien et son éducation depuis sa naissance ou depuis au moins un an.

* 140 À condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française.

* 141 À l'exception des étrangers ayant résidé en France exclusivement sous le statut étudiant.

* 142 Ou un ressortissant étranger résidant habituellement en France depuis au plus l'âge de 13 ans. Dans tous les cas, la communauté de vie ne doit pas avoir cessé depuis le mariage.

* 143 Sous les mêmes conditions que pour le 1° de l'article L. 631-2 du Ceseda.

* 144 Loi n° 81-973 du 29 octobre 1981 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France

* 145 Loi n° 91-1383 du 31 décembre 1991renforçant la lutte contre le travail clandestin et la lutte contre l'organisation de l'entrée et du séjour irréguliers d'étrangers en France

* 146 Loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France

* 147 Comme cela est mentionné dans l'étude d'impact du projet de loi, « les modifications ultérieures n'ont fait évoluer les conditions du prononcé d'une mesure d'expulsion que de façon marginale » (p. 208).

* 148 Étude d'impact, p. 213.

* 149 Le taux d'exécution annuel constitue toutefois un indicateur imparfait, notamment en raison du décalage temporel entre l'édiction d'une ITF et son exécution.

* 150 Pour les étrangers mentionnés au 2°, le mariage doit être antérieur aux faits à l'origine de la condamnation.

* 151 À l'exception des étrangers ayant résidé en France exclusivement sous le statut étudiant.

* 152 Prévues par les articles 431-14 à 431-17 du code pénal.

* 153 Prévues par les articles 442-1 à 442-4 du code pénal.

* 154 En application du 6° de l'article 222-13 du code pénal.

* 155 En application de l'article 222-14-5 du code pénal.

* 156 En application des articles 311-4 et 311-4-1 du code pénal.

* 157 Un dispositif analogue avait été adopté lors de l'examen en commission du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie (amendement COM-223).

* 158 À l'exception des étrangers ayant résidé en France exclusivement sous le statut étudiant.

* 159 À condition qu'il contribue effectivement à son entretien et son éducation depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans.

* 160 À condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage.

* 161 Sur le fondement du 5° de l'article L. 611-1 du Ceseda.

* 162 Ces dispositions ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 sur la loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration selon laquelle ces mesures de police administrative n'ont pas « (...) porté d'atteinte excessive à la liberté individuelle de nature à méconnaître la Constitution ».

* 163 Règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

* 164 Voir notamment les articles 9 et 14 du règlement (UE) n° 603/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride et relatif aux demandes de comparaison avec les données d'Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et Europol à des fins répressives, et modifiant le règlement (UE) n° 1077/2011 portant création d'une agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice.

* 165 La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a porté de seize à vingt-quatre heures la durée maximale de retenue d'un étranger aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Dans sa décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 sur ce projet de loi, le Conseil constitutionnel a jugé qu'en « en fixant à vingt-quatre heures, et non au-delà, la durée maximale de la retenue, le législateur a assuré entre la protection de la liberté individuelle et de la liberté d'aller et de venir et l'objectif à valeur constitutionnelle de protection de l'ordre public, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ».

* 166 Étude d'impact, p. 241 et suivantes.

* 167 Conseil constitutionnel, décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 sur la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

* 168 Leurs empreintes peuvent toutefois être relevées avec leur consentement lors du franchissement d'une frontière à partir de 14 ans.

* 169 « Mineurs non accompagnés, jeunes en errance : 40 propositions pour une politique nationale », Rapport d'information n° 854 (2020-2021) du 29 septembre 2021, de MM. Hussein Bourgi, Laurent Burgoa, Xavier Iacovelli et Henri Leroy, fait au nom de la commission des lois et de la commission des affaires sociales

* 170 Aux termes de l'article R. 221-15-3 du code de l'action sociale et des familles, les données du fichier AEM ne sont ouvertes qu'aux « agents des préfectures et des sous-préfectures chargés de la mise en oeuvre de la réglementation concernant les ressortissants étrangers », aux « agents relevant des services centraux du ministère de l'intérieur chargés de l'immigration et du séjour ainsi que des applications et des systèmes d'information relatifs aux étrangers en France » et aux « agents chargés des études et des statistiques affectés à la direction générale des étrangers en France et à la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère chargé des affaires sociales ».

* 171 Le rapport d'information précité de Hussein Bourgi, Laurent Burgoa, Xavier Iacovelli et Henri Leroy défendait déjà l'idée que cet accès aux données d'AEM «  ne permettrait certes pas de résoudre l'ensemble des difficultés liées à l'identification des jeunes interpellés, mais accélérerait a minima le processus pour les jeunes s'étant préalablement présentés aux services de l'ASE ».

* 172 Article L. 611-3 du Ceseda.

* 173 Article L. 631-4 du même code.

* 174 Rapport n° 552 (2017-2018) de François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois, déposé le 6 juin 2018, sur le projet de loi en première lecture, consultable au lien suivant :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl17-464.html

* 175 Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

* 176 Étude d'impact, p. 251 et suivantes.

* 177 Décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 sur la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

* 178 Voir notamment, Cour européenne des droits de l'homme, 31 mars 2022, N.B. et autres c. France, requête n° 49775/20.

* 179 Voir audition du ministre en fin de rapport.

* 180 Idem .

* 181 Conseil d'État - Juge des référés, 28 novembre 2022, Mme AB (n° 468184).

* 182 Décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021 sur la loi confortant le respect des principes de la République.

* 183 Étude d'impact, p. 262.

* 184 Décision n° 2006-539 DC du 20 juillet 2006. La loi soumise à son contrôle prévoyait que le regroupement familial pouvait être refusé si le demandeur « ne se conforme pas aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ». Il avait validé cette

formulation en la précisant par une réserve d'interprétation - depuis inscrite dans la loi - en estimant que « le législateur a entendu se référer aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil ».

* 185 Étude d'impact, p. 267.

* 186 Considérant 37.

* 187 Voir notamment Cour européenne des droits de l'homme, 21 octobre 1997, affaire n° 25404/94, Boujlifa c/ France.

* 188 Décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 sur la loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration.

* 189 Loi n° 97-396 du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l'immigration, dite loi Debré.

* 190 Loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile.

* 191 Étude d'impact, p. 290 et suivantes.

* 192 Voir commentaire de l'article 9

* 193 Source : Direction générale des étrangers en France.

* 194 Les relations consulaires se sont normalisées avec l'ensemble de ces trois États depuis le printemps 2022.

* 195 Amendement COM-271 du rapporteur.

* 196 Cet office a remplacé en 2022 l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre qui avait été créé en 1996.

* 197 Décision n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018.

* 198 « Immigration clandestine : une réalité inacceptable, une réponse ferme, juste et humaine », rapport de la commission d'enquête n° 300 (2005-2006) de MM. Georges Othily et François-Noël Buffet, déposé le 6 avril 2006.

* 199 Notamment les lois dites Alur du 24 mars 2014 et Elan du 23 novembre 2018.

* 200 https://www.ecologie.gouv.fr/mesures-lutte-contre-lhabitat-indigne-et-marchands-sommeil

* 201 Depuis le 12 janvier 2009, les ressortissants de pays non soumis à l'obligation de visa pour entrer sur le territoire des Etats-Unis doivent obligatoirement disposer d'un Electronic System for Travel Authorization (ESTA).

* 202 Directive visant à compléter les dispositions de l'article 26 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985.

* 203 Il découle de l'article R 311-1 du code de la route qu'un véhicule particulier est un « véhicule conçu et construit pour le transport de personnes et comportant, outre le siège du conducteur, huit places assises au maximum ».

* 204 Qui ne serait pas un officier de protection de mais un agent de catégorie B.

* 205 Article 17 I. « Les États membres font en sorte que les demandeurs aient accès aux conditions matérielles d'accueil lorsqu'ils présentent leur demande de protection internationale. »

* 206 Un renvoi entraîne en moyenne une augmentation du délai de jugement de deux mois, le temps que l'affaire soit réaudiencée.

* 207 Articles L. 531-24, L. 531-26 ou L. 531-27 du Ceseda.

* 208 Article L. 531-32 du même code.

* 209 L. 532-7 du Ceseda.

* 210 Article L. 532-13 du Ceseda.

* 211 Conseil d'État, « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l'intérêt de tous », p. 16 (mars 2020).

* 212 Délai de recours de 30 jours et de jugement de 3 mois pour les OQTF émises sur le fondement des 3°, 5° et 6° de l'article L. 611-1 du CESEDA (article L. 614-4 du CESEDA) contre un délai de recours de 15 jours et un délai de jugement de 6 semaines pour les OQTF émises sur le fondement des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 du CESEDA (article L. 614-5 du CESEDA).

* 213 Instruction du 17 novembre 2022.

* 214 Étude d'impact p. 380.

* 215 Réalisé à partir du modèle communiqué par le syndicat de la juridiction administrative au cours de son audition.

* 216 Par l'adoption de deux amendements du rapporteur (COM-234) et de Roger Karoutchi (COM-39).

* 217 Les conditions de placement en zone d'attente sont prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda).

* 218 Les conditions du maintien, au-delà de quatre jours, en zone d'attente, sont prévues aux articles L. 342-1 à L. 342-19 du même code.

* 219 Il en va de même pour l'étranger en transit dans une de ces infrastructures ou, en-dehors de celles-ci, « lorsqu'il est manifeste qu'un étranger appartient à un groupe d'au moins dix étrangers venant d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d'au plus dix kilomètres » (article L. 341-1 du Ceseda).

* 220 Article L. 341-2 du Ceseda.

* 221 Article L. 341-3 du Ceseda.

* 222 Article L. 352-4 du CESEDA. Le recours est formé dans les 48 heures suivant la décision, le juge administratif disposant de 72 heures pour statuer sur la requête.

* 223 Voir la décision Conseil d'Etat, du 20 août 2003, n° 259494, consultable à l'adresse suivante : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000008205252 . Pour un exemple plus récent, voir aussi Conseil d'Etat, 11 avril 2018, n° 418027.

* 224 Comme le rappelle le Conseil constitutionnel dans son commentaire de la décision n° 2021-983 QPC du 17 mars 2022, « selon une jurisprudence constante, le juge judiciaire n'a pas compétence pour apprécier la légalité de la décision de maintien en zone d'attente » (voir Cass. civ. 2e, 20 janvier 2000, n° 98-50.046).

* 225 Article L. 342-5 du CESEDA.

* 226 Article L. 342-1 du CESEDA.

* 227 Article L. 342-4 du CESEDA.

* 228 Eric Jalon, directeur général des étrangers en France (DGEF) a ainsi évoqué devant la commission des lois du Sénat le 14 décembre 2022 la mobilisation de 80 militaires de la gendarmerie maritime, 20 fonctionnaires de la direction départementale de la sécurité publique, 65 sapeurs-pompiers du service départemental d'incendie et de secours (Sdis), 30 fonctionnaires de la police aux frontières (PAF), 15 fonctionnaires de la douane et 15 officiers de protection de l'Ofpra. Le compte rendu de cette audition est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20221212/lois.html .

* 229 Cour d'appel d'Aix-en-Provence, ordonnance du 16 novembre 2022, n° 2022-01209, consultable à l'adresse suivante : https://www.courdecassation.fr/decision/637dc76214982305d4c1fd11 .

* 230 Relatif à la notification et à l'exercice de leurs droits par les étrangers placés en zone d'attente.

* 231 Il apparaît douteux qu'un tel délai puisse être porté jusqu'à 72 heures, le maintien en zone d'attente - qui certes « n'entraîne pas à l'encontre de l'intéressé un degré de contrainte sur sa personne comparable à celui qui résulterait de son placement dans un centre de rétention » (cons. 14 de la décision n° 92-307 DC du 25 février 1992) mais demeure une mesure privative de liberté - pendant une durée qui pourrait en conséquence être portée jusqu'à sept jours avant l'intervention d'un JLD ferait probablement l'objet d'une censure, le Conseil constitutionnel ayant déjà jugé contraire à la Constitution le maintien en détention sur décision administrative pendant un tel délai (cons. 4, décision n° 79-109 DC du 9 janvier 1980). Le passage à 48 heures de ce délai paraîtrait, bien que plus proportionné, pourrait également poser un problème de constitutionnalité - la plupart des requêtes pouvant être jugées dans ce délai à l'heure actuelle, cela reviendrait à imposer un délai de rétention allongé au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour de nombreux cas.

* 232 Le président du tribunal judiciaire pourrait également en être responsable.

* 233 L'article L. 121-4 du code de l'organisation judiciaire prévoit ainsi que les magistrats concernés ne peuvent être délégués plus de cinq fois par an.

* 234 L'article 137-1-1 du code de procédure pénale prévoit ainsi que les suppléances ne peuvent excéder 40 jours par année judiciaire.

* 235 Ces dispositions, dont il pourrait être estimé qu'elles relèvent de la loi organique (voir la décision n° 2019-779 DC du 21 mars 2019), sont aujourd'hui prévues en loi ordinaire.

* 236 Voir le cons. 9 de la décision n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018, M. Cédric H. et autre, consultable à l'adresse suivante :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2018/2018717_718QPC.htm .

* 237 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 238 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 239 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 240 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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