EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Examinés en première lecture les 31 janvier et 1er février dernier par l'Assemblée nationale, le projet de loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française et le projet de loi complétant ce statut ont été adoptés le 20 décembre 1995 en Conseil des ministres.

Conformément aux dispositions de l'article 74 de la Constitution, les dispositions contenues dans ces deux projets de loi ont été soumises pour avis à l'assemblée territoriale qui s'est prononcée favorablement le 8 novembre 1995, tout en suggérant certaines modifications. Soulignons cependant que lesdites dispositions constituaient alors un unique avant-projet de loi, réparties par la suite entre un projet de loi organique, regroupant les règles essentielles relatives à l'organisation et au fonctionnement des institutions propres du territoire et un projet de loi simple, rassemblant celles relatives aux autres modalités de l'organisation particulière du territoire.

Coïncidant avec l'arrêt définitif des essais nucléaires de la France dans le Pacifique, le nouveau statut proposé consacre l'autonomie de la Polynésie française afin que le territoire, avec le soutien de l'État, dispose des compétences nécessaires à la réalisation de son développement économique social et culturel. Il s'agit donc d'instaurer une autonomie institutionnelle et statutaire qui devrait conduire à terme à une autonomie économique, rompant avec le système actuel fondé sur les transferts financiers en provenance de la métropole.

Un rapport d'information du Sénat intitulé « La Polynésie française après l'arrêt des essais nucléaires : l'autonomie au service du développement » dresse à cet égard un bilan détaillé de la situation du territoire et rend compte des observations effectuées par une délégation de la commission des Lois qui a, du 15 au 27 janvier 1996, séjourné dans trois des cinq archipels constituant la Polynésie française.

Les deux textes soumis aujourd'hui à votre examen, dont les dispositions complémentaires relèvent pour les unes de la loi organique et pour les autres de la loi simple conformément à la distinction opérée par l'article 74 de la Constitution dans sa rédaction résultant de la révision constitutionnelle du 25 juin 1992, constituent l'aboutissement d'une évolution statutaire tendant, depuis 1977, à renforcer l'autonomie de la Polynésie française. S'ils consacrent des avancées importantes pour une autonomie renforcée de la Polynésie française, nombreuses sont cependant les dispositions simplement reproduites, sans modification. Il convient en outre de souligner que parmi elles, beaucoup ne devraient pas trouver leur place dans un texte de loi organique car elles relèvent du domaine règlementaire et s'intégreraient davantage dans le règlement intérieur de l'Assemblée territoriale.

I. L'ÉVOLUTION STATUTAIRE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE : VERS UN RENFORCEMENT DE L'AUTONOMIE

Sous protectorat français depuis 1842, Tahiti et ses dépendances devinrent une colonie française, par un traité conclu avec le roi Pomaré V ratifié le 30 décembre 1880, qui fit accéder les tahitiens et les marquisiens à la nationalité française.

Faisant désormais partie des Établissements français de l'Océanie, les archipels furent dotés d'un statut par un décret du 28 décembre 1885 et placés sous l'administration d'un gouverneur.

C'est en 1946 que la Polynésie française est devenue un territoire d'outre-mer, catégorie juridique nouvelle créée par l'article 8 de la Constitution de la IV ème République.

1. 1946-1977 : vers l'autonomie administrative et financière

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la loi n° 46-2152 du 7 octobre 1946 dotait les Établissements français de l'Océanie d'une assemblée représentative chargée de délibérer sur le budget du territoire.

Celle-ci avait en outre la possibilité d' « adresser au ministre de la France d'outre-mer les observations qu'elle aurait à présenter dans l'intérêt du territoire, à l'exception des problèmes d'ordre politique, ainsi que son opinion sur l'état et les besoins des différents services publics ».

Les règles relatives à la composition et à la formation de l'assemblée territoriale de la Polynésie française ont par la suite été déterminées par la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 qui, modifiée à plusieurs reprises, est toujours en vigueur.

« Afin d'associer plus étroitement les populations d'outre-mer à la gestion de leurs intérêts propres », la loi n° 56-619 du 23 juin 1956 dite « loi cadre Defferre » autorisait le gouvernement à doter les assemblées territoriales d'un pouvoir délibérant élargi et à instituer des conseils de gouvernement chargés d'assurer l'administration des intérêts territoriaux.

En application de cette loi, un décret du 22 juillet 1957 relatif à la Polynésie française a prévu la création d'un gouvernement dont les membres étaient désignés par l'assemblée territoriale, celle-ci étant dotée de pouvoirs élargis puisque dans certaines matières, elle était susceptible de prendre des délibérations portant réglementation territoriale immédiatement exécutoires.

Le système institutionnel mis en place par le décret de 1957 ne fut cependant qu'une parenthèse : l'instabilité politique en ayant perturbé le fonctionnement, une ordonnance du 23 décembre 1958 restitua la maîtrise de l'exécutif local au représentant de l'État.

La Polynésie française attendit 1977 pour bénéficier d'un statut consacrant une certaine dose d'autonomie.

La loi n° 77-772 du 12 juillet 1977 a ainsi accru les pouvoirs conférés aux institutions territoriales, son article premier dotant le territoire de « l'autonomie administrative et financière ». L'assemblée territoriale recevait une compétence de droit commun, les attributions du conseil de gouvernement étaient renforcées alors que celles de l'État, limitativement énumérées, se trouvaient réduites à due concurrence. Le haut-commissaire, représentant de l'État sur le territoire, conservait cependant la fonction d'exécutif de cette collectivité territoriale. Un comité économique et social était par ailleurs institué afin d'assurer la représentation des organismes socio-professionnels.

Ces institutions permirent à la vie politique polynésienne de se structurer et rapidement l'ensemble des courants politiques demandèrent un renforcement de l'autonomie de gestion pour les affaires locales. Ce souhait aboutit en 1984 à l'adoption d'un nouveau statut pour la Polynésie française.

2. 1984 : un statut d'autonomie interne

Aux termes de l'article premier de la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984, le territoire de la Polynésie française constitue « un territoire d'outremer doté de l'autonomie interne dans le cadre de la République ».

C'est ce statut, modifié en 1990 et 1995 pour renforcer l'autonomie du territoire et améliorer le fonctionnement des institutions territoriales, qui est actuellement en vigueur.

Les institutions du territoire sont constituées du gouvernement du territoire, de l'assemblée territoriale et du comité économique, social et culturel.

Le haut-commissaire, représentant de l'État sur le territoire, a la charge des intérêts nationaux, du respect des lois et de l'ordre public ; il veille à l'exercice régulier de leurs compétences par les autorités territoriales.

Le Gouvernement, avec un président élu en son sein par l'assemblée territoriale, exerce collégialement ses attributions. Doté d'un pouvoir de décision propre dans un certain nombre de matières, il est également chargé de l'exécution des délibérations de l'assemblée territoriale. Ses attributions ont été renforcées par la loi du 12 juillet 1990.

Le président du gouvernement, chef de l'exécutif territorial, représente le territoire, est l'ordonnateur de son budget et le chef de l'administration territoriale. La loi du 12 juillet 1990, avec la suppression de la double investiture permettant de ne plus soumettre la composition du gouvernement à l'approbation de l'assemblée, a renforcé sa position. Cette loi a en outre accru les pouvoirs propres du président du gouvernement, en particulier dans le domaine des relations internationales.

Composée de quarante-et-un membres élus pour cinq ans au suffrage universel direct, l'assemblée territoriale tient chaque année deux sessions ordinaires, une session administrative et une session budgétaire. Elle peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement par l'adoption d'une motion de censure. Toutes les matières qui relèvent de la compétence territoriale, c'est-à-dire toutes celles qui ne sont pas expressément confiées à l'État, sont de sa compétence, à l'exception de celles que le statut attribue au conseil des ministres. La loi du 12 juillet 1990 a en outre conféré l'autonomie financière à l'assemblée territoriale.

Le comité économique, social et culturel, composé de représentants des groupements professionnels et des syndicats, donne son avis sur les projets qui lui sont soumis par le gouvernement du territoire et l'assemblée territoriale. Il est obligatoirement consulté sur les projets de plan à caractère économique et social du territoire.

Les lois du 12 juillet 1990 et du 20 février 1995 modifiant le statut, en accroissant les compétences propres du territoire et en précisant la ligne de partage avec les compétences étatiques, en améliorant par ailleurs le fonctionnement des institutions territoriales, ont élargi et renforcé son autonomie. La loi de 1990 a parallèlement prévu que les comptes du territoire seraient soumis au contrôle d'une chambre territoriale des comptes tout en instituant un contrôle préalable sur l'engagement des dépenses du territoire et de ses établissements publics. Elle a également créé un collège d'experts susceptible d'éclairer les autorités territoriales sur les problèmes complexes auxquels elles sont fréquemment confrontées en matière foncière. Elle a enfin prévu la création de conseils d'archipels qui n'ont, en définitive, jamais été mis en place.

Malgré ces ajustements successifs qui ont chaque fois contribué à conforter l'autonomie interne du territoire, est apparu, à la veille de l'arrêt définitif des essais nucléaires, la nécessité, pour la Polynésie française, de disposer d'un statut lui permettant de forger les fondements de son développement économique, social et culturel.

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