LES CONCLUSIONS DE VOTRE RAPPORTEUR

Les difficultés de mise en oeuvre de la profonde réforme de notre défense qui nous est proposée ne doivent en aucune manière être mésestimées :

- la professionnalisation de nos forces, qui est parfaitement justifiée et, aux yeux de votre rapporteur, tout à fait nécessaire, constitue un bouleversement majeur pour nos armées, tout particulièrement pour l'armée de terre ; la réussite de la politique de recrutement des engagés nécessaires constitue ainsi un enjeu particulièrement important ; des efforts exceptionnels devront être consentis, tant pour l'organisation des forces que pour les personnels ; la période de transition sera, chacun le sait, particulièrement délicate à gérer ; il en résultera en particulier une limitation de nos possibilités d'engagements extérieurs dans les prochaines années dont nous devons être conscients ;

- la réduction des crédits d'équipement aura des conséquences lourdes sur de nombreux programmes et pour chacune des trois armées ; des efforts d'économies systématiques ont été faits et tout a été calculé au plus juste ; comme l'a souligné le général Douin devant votre commission, il ne sera plus possible de différer encore des programmes ou d'en réduire les cibles ;

- l'effort ne s'arrêtera donc pas en 2002 et devra être poursuivi au-delà de cette date pour atteindre le modèle cohérent retenu pour 2015 ; les prochaines programmations seront décisives pour financer des équipements majeurs, et très lourds, qui ont été reportés ; chacune de nos armées sera alors confrontée à de telles "bosses" financières :

- c'est avant tout le problème de la montée en puissance du Rafale et le financement simultané des avions de transport pour l'armée de l'air,

- c'est aussi, pour la Marine, le problème de la permanence de la cohérence du groupe aéronaval, avec la question du second porte-avions,

- c'est encore notamment, pour l'armée de terre, la question de l'aéromobilité dont la modernisation a été différée par le décalage des programmes d'hélicoptères Tigre et NH 90.

C'est dans ce cadre que doit être visé, à terme, l'objectif très ambitieux, et très difficile à atteindre, de réduction des coûts des programmes de 30 % , dont votre rapporteur rappelle qu'il n'est pas pris en compte dans les données chiffrées du projet de loi, en fin de programmation ;

- enfin l'adaptation des structures de notre industrie d'armement, vigoureusement engagée et impérative, n'ira pas non plus sans difficultés ; les conséquences économiques et sociales des restructurations industrielles, comme des restructurations militaires, seront douloureuses ; les mesures d'accompagnement prévues ne pourront qu'atténuer ces conséquences et ce sera, nous le savons, une rude épreuve sur le plan local.

Le pari est donc très ambitieux. Il doit cependant, selon votre rapporteur, être relevé car il s'agit à la fois d'un pari nécessaire -qui aurait d'ailleurs dû être engagé plus tôt- pour bâtir une défense efficace et adaptée pour aborder le XXIe siècle et d'un pari raisonné. Au moins à quatre titres :

- La réforme qui nous est proposée se caractérise d'abord par sa cohérence d'ensemble. La démarche entreprise a un caractère global pour tirer toutes les conséquences des bouleversements stratégiques récents. Elle prend en compte, pour la première fois, tous les aspects de notre défense, qu'il s'agisse du format et des effectifs, des équipements de nos forces, et de l'industrie de défense. C'est là un premier gage de réussite.

- Cette réforme est ensuite caractérisée par son réalisme. Adaptée à nos besoins, elle se veut aussi adaptée à nos moyens. Il aurait, certes, été aujourd'hui plus aisé d'adopter une loi de programmation ignorant les contraintes financières et le contexte de nos finances publiques. L'enveloppe financière qui nous est proposée -185 milliards de francs constants par an-exige, en effet, le report ou la révision à la baisse de nombreux programmes. Mais cet effort systématique d'économies constitue précisément le facteur essentiel de crédibilité de la programmation qui nous est soumise. Cette masse financière reste au demeurant ambitieuse puisqu'elle privilégie les crédits militaires -qui seront maintenus en francs constants- par rapport aux budgets civils et qu'elle vise à stopper la chute des crédits d'équipement constatée, dans les faits, depuis plusieurs années en les stabilisant tout au long des six prochaines années. C'est là un deuxième gage de réussite.

- La réforme qui nous est soumise se caractérise aussi par son caractère progressif. Cette progressivité est indispensable pour accompagner la professionnalisation et la réduction de format de nos armées. Elle est aussi nécessaire pour accompagner de façon satisfaisante l'adaptation de nos structures industrielles. Elle permettra de gérer dans le temps et de préparer avec tout le soin nécessaire les conséquences des restructurations, qu'elles soient militaires ou industrielles. C'est là un troisième gage de réussite.

- Enfin la réforme proposée s'inscrit fondamentalement dans une perspective européenne forte qui touche, là encore, tous les aspects du modèle de défense retenu. La nouvelle organisation de nos forces doit faciliter notre participation à une future défense européenne. Nos équipements s'inscriront également dans une stratégie européenne encore plus marquée, qu'il s'agisse de nos capacités de projection, de nos moyens d'observation ou des moyens de commandement qui doivent être par définition interopérables avec ceux de nos alliés. Enfin, notre stratégie industrielle a pour objectif que nos entreprises s'intègrent dans un véritable marché intérieur européen et que nos équipements soient, chaque fois que possible, réalisés par des entreprises européennes. Cette dimension européenne constitue, aux yeux de votre rapporteur, un autre gage de réussite, peut-être le plus important pour l'avenir.

Pour toutes ces raisons, cette réforme de notre appareil de défense, quelles qu'en soient les difficultés, apparaît à bien des égards exemplaire. La programmation qui nous est soumise, malgré tous les obstacles qu'il faudra surmonter, constitue la rampe de lancement indispensable de l'adaptation de notre défense.

Tel est bien l'enjeu. Nous n'avons dès lors pas le droit à l'erreur. L'échec n'est pas permis.

C'est la raison pour laquelle l'exécution fidèle et intégrale de cette programmation constituera un impératif auquel notre commission devra porter, tout au long des années à venir, la plus grande vigilance. Votre rapporteur est, à cet égard, moins pessimiste que pour les précédentes programmation, pour deux raisons majeures :

- l'enveloppe financière est d'abord, cette fois, raisonnable et réaliste,

- l'engagement personnel du Président de la République, dont le mandat correspond à la période de programmation, constitue ensuite un élément primordial de respect de la loi et un gage de crédibilité essentiel.

Sous le bénéfice de ces observations, votre rapporteur vous invite à approuver le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002.

Page mise à jour le

Partager cette page