EXAMEN EN COMMISSION

Votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 12 juin 1996.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Jean Clouet a estimé inapplicable le « rendez-vous citoyen » qu'il était envisagé de substituer à l'actuelle conscription. S'il s'agissait de vérifier l'état de santé des jeunes, la sécurité sociale s'y employait déjà et une nouvelle vérification constituait une dépense inutile. Il a considéré que l'expérience actuelle des » trois jours » démontrait bien les difficultés rencontrées qui justifiaient que ces trois jours aient été réduits progressivement à quelques heures. M. Jean Clouet s'est felicité de ce que l'Assemblée nationale ait substitué le mode conditionnel, en ce qui concernait l'avenir du service national, au futur qui figurait dans le projet de loi initial, reconnaissant ainsi qu'il reviendra à la représentation nationale de définir, à l'automne prochain, les nouvelles modalités du service national. M. Jean Clouet s'est également interrogé sur l'avenir et le rôle de nos porte-avions, compte tenu en particulier du décalage du programme Rafale.

M. Xavier de Villepin, président, a rappelé que le futur projet de loi sur le service national fixerait la durée du « rendez-vous citoyen ». Il s'est déclaré, pour sa part, favorable à une période très brève. Ce « rendez-vous citoyen » serait utile pour vérifier l'état de santé des jeunes, mais aussi pour les informer sur les armées. Il permettrait ensuite de ne pas faire disparaître un instrument de recensement qui pourrait s'avérer utile dans un avenir toujours incertain.

M. Bertrand Delanoë a remercié le rapporteur d'avoir présenté clairement ses choix et son analyse sans recourir à de faux-fuyants, y compris sur la réforme du service national prise en compte par la présente programmation. Il s'est également félicité de l'importance accordée au spatial et au renseignement dans le projet de loi, en soulignant cet aspect indispensable à la modernisation de notre défense.

M. Bertrand Delanoë s'est toutefois déclaré en désaccord sur les finalités de cette programmation. A son avis, la modernisation de notre appareil de défense et sa professionnalisation n'étaient pas conduites comme il convenait ; ainsi, l'importance de la défense du territoire lui apparaissait-elle insuffisamment prise en compte eu égard aux risques à venir. Il a par ailleurs regretté que l'Allemagne soit appelée à être désormais le seul pays à disposer de véritables forces conventionnelles pour assurer la protection du territoire européen.

M. Bertrand Delanoë a déclaré partager les interrogations du rapporteur sur l'avion de transport européen. La suppression de tout crédit de développement sur ce projet n'était bonne ni pour la défense, ni pour l'industrie européenne. Il semblait dès lors probable qu'on achèterait des appareils C 130 J américains, ce qui serait grave pour l'indépendance politique et militaire de l'Europe. Par ailleurs, tout en se déclarant favorable au développement des aides à l'exportation pour les industries d'armement, M. Bertrand Delanoë a estimé que cette programmation aboutissait à affaiblir notre potentiel à l'exportation. M. Bertrand Delanoë a enfin estimé que cette loi constituerait un risque militaire important pour les six ans à venir. Il avait ainsi relevé, à l'occasion des auditions de la commission, que la France ne pourrait pas, pendant ces six années, jouer son rôle, notamment en Méditerranée. M. Bertrand Delanoë a conclu son propos en indiquant qu'il s'opposerait au présent projet de loi de programmation militaire.

En réponse au commissaire, M. Xavier de Villepin, président, a rappelé que les Allemands se posaient également des questions quant à l'avenir de leur système de défense et qu'ils devaient compter avec un nombre extrêmement élevé d'objecteurs de conscience. S'agissant de la Méditerranée, il a rappelé qu'avec la France, l'Italie et l'Espagne se préoccupaient de l'avenir géostratégique de cette zone, et fait observer que l'Eurofor et l'Euromarfor avaient été construites dans ce souci. Il a enfin estimé que, selon lui, le seul moyen constructif de s'opposer au projet de loi de programmation militaire aurait été de proposer un autre plan tenant compte des contraintes budgétaires actuelles.

M. Hubert Falco a regretté le retard dans la mise à disposition du premier escadron de Rafale pour l'armée de l'air. Il a estimé que ce retard risquerait de pénaliser nos capacités d'exportation. Il a attiré l'attention de la commission sur l'intérêt de l'article additionnel introduit par l'Assemblée nationale dans le projet de loi, tendant à étendre, au profit des petites et moyennes entreprises de l'industrie aéronautique militaire, le bénéfice de prêts Codevi à hauteur de 8,5 milliards de francs. Cette modalité de financement pourrait s'avérer très utile pour stimuler nos capacités d'exportation. M. Hubert Falco a souligné qu'il était possible que le ministère des finances soit hostile à cette mesure, ce qui nécessiterait une grande vigilance de la part de la commission.

M. Serge Vinçon a estimé qu'il s'agissait d'un projet de loi courageux qui faisait des choix importants. Il a rappelé que le principe même de toute programmation était essentiel non seulement pour les stratégies industrielles, mais aussi pour le moral de nos forces. Il importait désormais que cette loi soit fidèlement exécutée ; il a rappelé, à cet égard, que le gouvernement présenterait au Parlement un rapport annuel sur les conditions d'exécution de cette programmation, allant dans le sens des propositions formulées lors de l'examen de la précédente loi de programmation.

M. Yvon Bourges a tout d'abord indiqué qu'il suivrait les conclusions du rapporteur avec une conviction totale. Il a regretté que, dans le passé, on ait donné l'impression de poursuivre une politique immuable, alors que la disparition du bloc communiste avait créé une situation géostratégique totalement nouvelle. Il s'est par conséquent félicité de ce que le présent projet de loi soit l'occasion de prendre en compte cette nouvelle situation. Dans l'hypothèse d'un retour à une menace majeure en Europe, la France ne serait d'ailleurs pas seule ; elle aurait avec elle les forces importantes de ses partenaires européens. Il a souligné que cette loi se distinguait des précédentes en ce qu'elle couvrait tout à la fois les crédits du fonctionnement et les crédits d'équipement. Le Président de la République, en se portant garant du respect des crédits prévus dans cette loi, lui apportait toute sa crédibilité.

M. Yvon Bourges a estimé que l'intérêt du « rendez-vous citoyen », qui incluait en effet un bilan de santé de la jeunesse, n'était pas négligeable ; il permettrait également d'informer les jeunes et de les aider dans leur vie professionnelle. Il a estimé que, si notre force aéronavale devait être transitoirement affaiblie, son rôle consistait moins à assurer la défense du territoire qu'à permettre à la France de maintenir sa liberté d'action dans le monde. Evoquant les mesures destinées à aider les industries liées à l'armement, il a fait observer que les effectifs des industries d'armement en région Bretagne étaient équivalents à ceux employés dans le secteur agroalimentaire. Il s'est félicité de la désignation d'un délégué interministériel aux restructurations ainsi que de la signature de conventions entre l'État et les régions sur ce sujet.

M. Yvon Bourges a enfin estimé que cette loi constituait un minimum et que, si la situation économique le permettait, ce serait en premier lieu le budget de la défense qui devrait en bénéficier. M. Yvon Bourges a enfin souhaité une approbation massive du présent projet de loi par le Sénat.

M. Michel Caldaguès a souligné le caractère volontariste de la présente loi de programmation, compte tenu des très fortes contingences budgétaires auxquelles le gouvernement était confronté. Evoquant la perspective européenne de ce projet, M. Michel Caldaguès a estimé que le calendrier de la monnaie unique était notamment à l'origine du nivellement de notre spécificité militaire, compte tenu des contraintes budgétaires que ce calendrier faisait peser sur nos choix. Ce calendrier, selon lui, était un héritage du passé, comme l'était d'ailleurs également le « guêpier » de l'ex-Yougoslavie qui avait coûté à notre pays plus cher que le prix d'un second porte-avions. M. Michel Caldaguès a estimé qu'il ne serait plus possible, désormais, de s'engager dans une nouvelle aventure du type de l'ex-Yougoslavie.

M. Michel Caldaguès a enfin souhaité obtenir du gouvernement des précisions sur le coût du « rendez-vous citoyen », sachant qu'il reviendrait à la présente loi de programmation d'amortir toutes les dépenses nouvelles qui surviendraient du fait de l'organisation de ce « rendez-vous ».

M. Claude Estier, en réponse à M. Michel Caldaguès, qui évoquait « l'héritage » de la monnaie unique, a souligné que le Président de la République et le Premier ministre avaient déclaré que les efforts budgétaires étaient nécessaires en eux-mêmes, indépendamment du traité de Maastricht et du projet de monnaie unique. Il a confirmé que son groupe s'opposerait au présent projet de loi.

M. Jacques Genton a souligné que sa non-candidature au rapport sur la présente programmation ne signifiait évidemment pas un quelconque désintérêt de sa part sur les questions de défense. Il a estimé que cette loi confirmait le bien-fondé de toute loi de programmation. Il a souligné que celle-ci prenait pleinement en compte l'avenir de nos industries de défense, ce qui constituait une innovation importante. Il a indiqué qu'il voterait le présent projet de loi.

M. Xavier de Villepin, président, a indiqué qu'il avait décelé, au cours de ses différents entretiens, la ferme volonté des militaires de réussir l'adaptation qui leur était demandée, malgré les difficultés importantes qu'elle présentait ; il s'est déclaré par ailleurs optimiste sur la future coopération européenne dont l'accord entre le Président de la République et le Chancelier allemand dans le domaine spatial constituait un symbole particulièrement important.

La commission a alors adopté l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002.

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