EXPOSÉ GÉNÉRAL

La possibilité de s'assurer un complément de retraite au travers d'instruments facultatifs existe depuis longtemps dans notre pays. Il s'agit en l'occurrence des contrats d'assurance de groupe dits des articles 39, 82 et 83 du code général des impôts, du nom des articles de ce code qui encadrent, de façon générale, la fiscalité de ces produits. Mais à défaut sans doute d'un encadrement juridique spécifique, cette technique a, jusqu'à présent, été peu utilisée par les entreprises et le total de ces contrats représenterait environ 10 milliards de francs d'encours.

La création de fonds de pension comporte essentiellement deux enjeux : un enjeu social, qui a trait à la façon dont ces fonds vont s'articuler avec les régimes actuels de retraite ; un enjeu économique et financier relatif au renforcement des fonds propres de nos entreprises.

Tel qu'adoptés par l'Assemblée nationale, les fonds de pension mis en place n'ont pas vocation à se substituer aux régimes actuels de retraite. Il s'agit, plus modestement, de permettre aux français qui le souhaitent, de compléter leur retraite de base. Cela résulte clairement des articles premier, six et sept : les versements du salarié, comme l'abondement des employeurs, à un fonds de pension sont facultatifs. Compléter, mais non remplacer les régimes par répartition, tel est donc le mot d'ordre qui préside à cette création. Les propositions de votre commission des finances ne remettent nullement en question cette orientation.

L'enjeu économique et financier est de permettre une meilleure allocation de l'épargne de nos concitoyens vers l'épargne longue et le financement des entreprises.

De ce double point de vue, deux questions clefs se posaient :

- le versement des sommes investies dans les fonds de pension s'effectuera-t-il en rente ou en capital ?

- les fonds de pension seront-ils gérés par l'entreprise elle-même (gestion interne) ou par des organismes extérieurs (gestion externe) ?

Une sortie exclusive en capital aurait qualifié l'instrument mis en place de produit d'épargne, alors que la prééminence accordée à la sortie en rente consacre davantage une approche en termes de retraites.

En effet, la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, fait clairement le choix de la sortie en rente, tout en autorisant, de façon pragmatique, la sortie en capital dans deux cas (article 2) : soit lorsque la rente versée serait trop faible (selon un plafond déterminé par arrêté du ministre de l'économie qu'il est envisagé de fixer à 300 francs par mois), soit, lorsque le bénéficiaire le désire, jusqu'à concurrence de 20 % de la provision mathématique dans la limite de 100.000 francs.

On se félicitera de ce choix, assez proche de celui effectué par la proposition de loi sénatoriale qui prévoyait la sortie en rente et celle en capital, à l'initiative du bénéficiaire.

Le choix entre la gestion externe et la gestion interne n'est pas moins important.

La gestion interne aurait davantage orienté la structure de notre économie vers le modèle allemand, qui privilégie l'autocontrôlé des entreprises et le financement par les banques à celui par les marchés financiers.

L'option retenue par la proposition de loi (article 9) en faveur de la gestion externe favorisera davantage un développement de notre économie dans l'esprit du modèle anglo-saxon, dans lequel l'allocation du capital se fait essentiellement par les marchés.

On ne pourra à nouveau qu'être en accord avec ce choix qui rejoint celui effectué par la proposition de loi sénatoriale, mais qui est surtout cohérent avec les réformes effectuées pendant les années 1980 consistant à développer la "désintermédiation" financière par la mise en place d'un vaste marché des capitaux, allant du court terme au long terme et auquel les entreprises ainsi que les particuliers ont la possibilité d'accéder.

On rappellera brièvement les différents textes ayant précédé la proposition aujourd'hui soumise à votre examen avant de présenter la position de votre commission des finances.

Toutefois, les délais impartis au Sénat pour procéder à l'examen de cette proposition, ainsi que la concomitance de cet examen avec celui de la loi de finances, n'ont pas rendu possible une analyse approfondie des régimes existants et des exemples étrangers dans le cadre du présent rapport. Néanmoins, les précédents travaux de la commission des affaires sociales (rapport n° 288 du 29 avril 1993) et de la commission des finances (avis n° 361 du 15 juin 1993) éclairent ces points particuliers et demeurent, pour l'essentiel, d'actualité 1 ( * ) .

I- LA PROPOSITION DE LOI SÉNATORIALE

Les six articles des conclusions adoptées par la commission des affaires sociales du Sénat définissaient un cadre souple et cohérent, articulé autour de quelques grands principes :

ï la mise en place des fonds de pension, sur une base facultative, à l'initiative des entreprises, des groupes d'entreprises et des organisations représentatives d'une ou plusieurs professions non salariées (article premier) ;

ï la gestion externe, mais sans personnalité morale dédiée aux fonds de pension. Ceux-ci sont de simples contrats, placés sous le régime des contrats de groupe du code des assurances, passés entre l'entreprise et un organisme habilité. Peuvent être habilités : les organismes relevant du code des assurances, ceux relevant du code la mutualité, les institutions de prévoyance et les établissements de crédit. Ces organismes sont soumis au contrôle de la commission de contrôle des assurances. Ils peuvent déléguer la gestion financière des actifs affectés au fonds de pension à des établissements de crédit ou à des maisons de titre (article 2) ;

ï l'affiliation volontaire, réservée aux seuls salariés, et transférabilité des droits acquis en cas de licenciement, de démission, de changement d'emploi ou de profession. Principe d'un contrôle de la gestion administrative et financière du fonds par les affiliés posé dans la loi, mais dont les modalités sont renvoyées à un décret (article 3) ;

ï la sortie s'effectue en principe en rente, mais le versement d'un capital est possible selon des modalités définies librement par les cocontractants, c'est à dire les entreprises et les organismes habilités (article 4) ;


• les règles prudentielles et notamment celles de répartition et de dispersion des risques sont renvoyées à un décret en Conseil d'État ; les principales obligations prudentielles (provisionnement intégral des engagements, marge de solvabilité) sont rappelées par la proposition (article 5) ;


la proposition renvoyait le soin à une loi de finances de déterminer le régime fiscal de la proposition (article 6).

Les amendements adoptés par la commission des finances du Sénat sur ces conclusions visaient, essentiellement, à définir le régime fiscal des fonds de pension. Le dispositif préconisé était le suivant :


• pour les employeurs :

- exonération des cotisations de sécurité sociale dans la limite de 85 % du plafond de la sécurité sociale ;

- exonération totale de cotisations sociales, pour les fonds de pension dont la création résulte d'un accord collectif ou lorsque celui-ci couvre 20 % au moins de l'effectif de l'entreprise ;

ces deux exonérations auraient été gagées par une augmentation du prélèvement perçu au profit de la caisse nationale des allocations familiales ;


pour les adhérents :

les versements au fonds :

- déductibilité de la masse des versements effectués par l'employeur et le salarié de l'assiette du revenu imposable dans la limite de l'enveloppe actuelle de 19 % de huit fois le plafond de la Sécurité sociale pour les contrats à cotisations définies ;

- la mise en place d'une enveloppe spécifique pour les travailleurs non salariés ;

ces deux exonérations auraient été gagées par une augmentation de la taxe sur la publicité télévisée ;

les prestations versées par le fonds :

- imposition de la rente à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des pensions et retraites ;

- imposition du versement unique selon un régime de quotient (régime dit du pécule des footballeurs professionnels) avec étalement sur quatre ans ;


les bénéfices réalisés par le fonds :

- non-assujettissement des bénéfices à l'impôt sur les sociétés.

cette dernière mesure aurait été gagée par une augmentation des droits sur les tabacs.

La proposition de loi, ainsi rapportée par deux commissions permanentes, était en état d'être inscrite, à tout moment, à l'ordre du jour du Sénat, mais les gouvernements qui se sont succédé depuis 1993 ne l'ont pas souhaité.

* 1 Pour une vision plus actualisée, on pourra se reporter à l'ouvrage de M. François Charpentier : "Retraites et fonds de pension" : l'état de la question en France et à l'étranger Éditions Economica, février 1996.

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