II. LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Les conclusions de la commission des finances de l'Assemblée nationale constituaient une synthèse entre, d'une part, la proposition de loi de MM. Charles Millon et Jean-Pierre Thomas et, d'autre part, celle présentée par M. Jacques Barrot 2 ( * ) .

Il s'agit d'une proposition dense, composée de 30 articles et reflétant une approche universaliste et syncrétique des fonds de pension.

Elle se voulait orientée, autour de trois grands objectifs :

- la "liberté", en autorisant, d'une part, que les salariés comme les non salariés, puissent adhérer aux plans d'épargne retraite, avec les mêmes avantages fiscaux et, d'autre part, que les adhérents puissent, tous les dix ans, transférer leurs droits acquis sur un autre plan de retraite, renouveler le plan ou y mettre un terme en demandant le maintien des droits acquis ;

- le "souci de souplesse" qui "explique la brièveté de la proposition" et traduit la volonté de mettre en place "un cadre souple ouvrant le champ de la négociation sociale" ;

- " l'orientation vers l'économie de l'épargne" qui implique que les sommes recueillies ne s'investissent pas de manière préférentielle en emprunts d'État ou en obligations mais aillent renforcer les fonds propres des entreprises. D 'où une "finalité claire, caractérisée par des obligations de placement des fonds privilégiant les actions". L'article 21 des conclusions prévoyait en effet initialement que les sommes recueillies par les fonds d'épargne retraite soient obligatoirement investis, directement ou par l'intermédiaire d'organismes de gestion collective, sous forme d'actions ou de titres assimilables à des fonds propres dans le bilan des entreprises de l'Union européenne, pour au moins 60 %. En outre, une proportion minimale de ces 60 %, fixée par décret, devait être investie sous la forme de titres de sociétés non cotées.

Dans l'esprit de son rapporteur, "la mise en place de fonds d'épargne retraite (é tait) conçue comme le moyen de créer un produit d'épargne nouveau destiné à compléter les pensions de retraite".

A l'instar du droit anglo-saxon, une distinction importante était établie entre, d'une part, les "plans d'épargne retraite", sorte de pension schèmes c'est à dire de contrat définissant les droits et obligations des adhérents et, d'autre part, les "fonds d'épargne retraite", sorte de pension funds chargés de gérer les plans et de garantir les engagements, contractuellement définis, aux adhérents.

Deux sortes de plans d'épargne retraite étaient envisagées :

- les plans souscrits individuellement et directement auprès d'un fonds de pension, d'une durée de dix ans renouvelable ;

- les plans souscrits dans le cadre d'accord collectif interprofessionnel, professionnel ou d'entreprise, ou à la suite de la ratification par les intéressés, d'un projet proposé par le chef d'entreprise. Ces plans auraient dû prendre le nom de "plans d'épargne retraite entreprise". Leur durée était égale à la durée du contrat de travail ; la cessation du contrat de travail, pour quelque cause que ce soit, aurait mis un terme au plan. Toutefois, dans ce cas, les droits acquis par l'adhérent auraient pu être soit maintenus sur ce plan, soit transférés sur un autre plan.

L'option retenue pour la sortie des plans était clairement la rente. Toutefois, les rentes d'un montant mensuel de 300 francs, susceptible d'être réévalué par décret, pouvaient être liquidées sous la forme d'un versement en capital.

Quant au mode de gestion, la proposition n'effectuait pas clairement de choix entre la gestion externe et la gestion externe.

En effet, les fonds devaient normalement avoir la personnalité morale (article 9).

Les fonds d'épargne retraite, agréés par le ministre de l'économie (sans qu'il soit posé de conditions à cet agrément), étaient susceptibles d'être constitués à l'initiative des sociétés anonyme d'assurance, des sociétés mutuelles d'assurance, des institutions de prévoyance, des mutuelles d'assurance ou des établissement de crédit. La Caisse des dépôts était également habilitée à solliciter l'agrément pour créer de tels fonds.

Les fonds pouvaient également être agréés à l'initiative d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises mais, dans ce cas, une contre assurance était exigée. C'eut été en quelque sorte une forme dégradée du trust anglo-saxon.

Ces fonds devaient prendre obligatoirement la forme de société anonyme ou de société mutuelle d'assurance (article 10) soumises dans les deux cas aux dispositions du code des assurances (article 17).

Toutefois, les sociétés cotées étaient susceptibles de souscrire des plans d'épargne retraite entreprise au profit de leurs salariés financés par voie de provisionnement interne des engagements (article 11 ). C'eut été une forme de gestion interne. Néanmoins, dans le but sans doute de dissuader la création de tels fonds, ceux-ci auraient dû être financés exclusivement par des cotisations des employeurs.

Les excédents des fonds d'épargne retraite auraient dû être répartis, au moins pour 85 %, entre les adhérents, ou affectés à la constitution de réserves (articles 13). L'externalisation des profits réalisés par les fonds eut été dans ce cas quelque peu difficile.

Par ailleurs, les conclusions de la commission des finances prévoyaient qu'un comité de surveillance soit obligatoirement constitué (article 14). Ce comité, composé pour au moins la moitié de ses membres, de représentants des adhérents, avait pour mission d'émettre un avis sur la gestion du fonds (article 15).

Des obligations renforcées d'information et de garanties étaient mises à la charge des souscripteurs (articles 18 à 20). En particulier, il était prévu que les rentes versées au profit des adhérents fassent l'objet d'une revalorisation au moins égale à celle prévue par les règles applicables aux pensions servies par la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (article 18).

Comme cela a été dit, les sommes recueillies par les fonds de pension auraient dû être normalement investies, à concurrence de 60 %, dans des actions et, pour une proportion fixée par décret, dans des titres de sociétés cotées (article 21).

Mais surtout, par dérogation aux règles prudentielles du code des assurances, il était initialement prévu que les cotisations versées par les salariés sur un plan d'épargne retraite puissent être réinvesties sous forme de titres émis par l'entreprise jusqu'à concurrence de 20 % de leur montant. S'agissant des cotisations des employeurs, elles devaient être investies dans des titres de la société de l'employeur à concurrence au moins de 10 % et au plus de 30 % dans le cas de sociétés cotées, et dans des proportions fixées par décret dans le cas des sociétés non cotées (article 22).

Le contrôle de la gestion des plans d'épargne retraite devait être soumis initialement à la Commission des opérations de bourse (article 23).

D'un point de vue fiscal les conclusions de la commission des finances prévoyaient, tout d'abord, que les versements effectués par l'employeur au profit de ses salariés, normalement déductibles intégralement de l'impôt sur les sociétés, ne soient déductibles de cet impôt que dans une limite égale à 20 % du plafond de la Sécurité sociale (article 24).

Concernant les adhérents, il était prévu, d'une part, que les sommes versées au bénéfice des plans soient exonérées d'impôt sur le revenu dans la limite d'un plafond égal à 20 % du plafond de la sécurité sociale (article 25) et, d'autre part, que les sommes versées par le fonds soient assimilées à des pensions (article 27). En outre, il était prévu que l'adhérent puisse renoncer au bénéfice de l'exonération d'impôt sur le revenu et opter pour le versement d'une prime, (versée par l'État) égale à 20 % des sommes investies dans la limite de 3.500 francs par an (article 28). Cette dernière disposition était manifestement irrecevable au regard de l'article 40 de la Constitution qui prévoit qu'un texte d'origine parlementaire ne peut se traduire, en aucun cas, par une augmentation des dépenses publiques.

Par ailleurs, il était prévu que les versements effectués, tant par l'employeur que par le salarié, soient totalement exonérés de cotisations sociales, au titre du régime de base de l'assurance vieillesse, et totalement soumises aux cotisations prélevées au titre des régimes de retraite obligatoire (article 26). On rappelle que les sommes versées par les salariés sont, par construction, exonérées de cotisations sociales puisqu'elles ne sauraient être assimilées à des salaires reçus. Sauf à imaginer un dispositif permettant de recalculer le salaire, le caractère très large de cette disposition était, concernant les versements des salariés, inutile.

L'article 29 réservait le bénéfice des dispositions fiscales au profit des seules entreprises respectant les accords régissant les institutions de retraite obligatoires.

Enfin, l'article 30 prévoyait de gager les pertes de recettes pour l'État et les organismes de Sécurité sociale par une augmentation des droits sur le tabac.

Comme nous le verrons (paragraphe IV infra), les conclusions de la commission des finances de l'Assemblée nationale ont été modifiées de façon significative, en séance publique, à l'initiative du rapporteur, M. Jean-Pierre Thomas.

* 2 On rappelle que, s'agissant d'une proposition de loi. contrairement aux projets de loi, la discussion du texte en séance publique s'engage non pas sur le texte de la proposition, mais sur les "conclusions" de la Commission chargée de la rapporter.

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