E. LES RÉFORMES ANNONCÉES CONCERNANT LES ENSEIGNANTS

1. Une remise en cause du mouvement des enseignants du second degré

Dans la perspective d'une débureaucratisation de l'administration centrale, le ministre a notamment annoncé une déconcentration du mouvement des enseignements du second degré.

a) Le système actuel

- Le mouvement général

Le mouvement national se décompose en un mouvement général qui traite l'ensemble des demandes et des postes en utilisant un barème et des mouvements particuliers et spécifiques qui permettent de réaliser l'adéquation entre le profil des postes et le choix des agents les plus qualifiés pour les pourvoir. Le choix des candidats sans utilisation d'un barème tient largement compte de l'avis de l'IGEN ou est effectué par les recteurs.

A l'origine de tout mouvement, on trouve donc des candidats ayant formulé des voeux de mutation et des postes vacants. Le mouvement national des personnels enseignants du second degré est divisé en disciplines. Pour les enseignants de type lycée, il se fait tous corps confondus (professeurs agrégés, certifiés, chargés d'enseignement, adjoints d'enseignement). Le mouvement organisé au titre de la rentrée 1997 a porté sur 101.392 demandes. Sur ce total, 43.201 agents ont été mutés ou affectés dont 36.928 selon leurs voeux. Le mouvement organisé au titre de la rentrée 1996 avait porté sur 97.074 demandes : sur ce total, 42.850 agents avaient été mutés ou affectés, dont 36.449 sur leurs voeux.

Le mouvement général s'effectue en fonction d'un barème indicatif qui prend en compte des bonifications de points modulés en fonction du corps d'appartenance (professeurs, agrégés, certifiés), des points donnés en fonction de l'échelon atteint et des points accordés en fonction du nombre d'années passées dans le poste actuel.

A ces paramètres s'ajoutent des éléments liés à la situation administrative (par exemple, le type d'affectation : titulaire académique ou titulaire remplaçant, occupation d'un poste dans un établissement situé en ZEP ou dans un établissement sensible) et des éléments relatifs au type de mutation demandée pour convenances géographiques notamment. Ces éléments sont complétés par des éléments à caractère familial, en particulier les bonifications pour rapprochement de conjoints dans la mesure où l'administration a l'obligation de rapprocher les conjoints séparés.

- Les mouvements particuliers et spécifiques

Il existe une vingtaine de mouvements particuliers ou spécifiques, qui représentent avec le mouvement des établissements sensibles une moyenne d'environ 10 % des candidatures.

Tous ces mouvements ont comme finalité la prise en compte de la spécificité des postes (niveau de l'enseignement dispensé, compétences particulières recherchées, contraintes géographiques, publics difficiles...)

Parmi les mouvements particuliers les plus récents, il convient de signaler, depuis la rentrée 1996, celui organisé pour pouvoir les postes dans certains petits établissements ruraux isolés et depuis la rentrée 1997 celui organisé pour pouvoir les postes dans les établissements sensibles ou difficiles développant des actions de pédagogie différenciées. Il s'agit de l'application d'une des mesures du plan de prévention de la violence à l'école.

b) L'appréciation portée sur ce système

Ce système permet dans une seule opération de mettre en oeuvre les mutations, les premières affectations et les réintégrations sur l'ensemble du territoire national en prenant en compte tous les postes vacants et ceux libérés par une mutation : pour un même poste sont mis en concurrence les candidats à ce poste extérieurs à l'académie, et ceux qui sont déjà dans l'académie, l'égalité de traitement étant parfaitement assurée.

Les demandeurs de mutation ont de larges possibilités de formulation de leurs voeux, qui vont d'un établissement ou service précis à tout poste dans une académie, en passant par une commune, un groupe de communes ou un département.

Dans la mesure où le maximum de postes est mis au mouvement, les agents affectés loin de leur région d'origine peuvent espérer pouvoir y retourner dans un délai raisonnable, s'ils le souhaitent. Les demandeurs de mutation sont assurés de conserver leur poste, s'ils n'obtiennent pas satisfaction.

Ce système présente cependant plusieurs inconvénients. Une part importante des mutations (un peu plus de 50 %) est prononcée par le ministre à l'intérieur d'une même académie. Par ailleurs, le ministre peut être conduit pour une affectation sur des postes précis, à prendre en considération des particularités de l'établissement ou de son environnement géographique, éléments dont l'échelon rectoral devrait avoir une meilleure connaissance.

c) Les perspectives de déconcentration du mouvement

La déconcentration du mouvement a déjà été largement engagée. Si la majorité des affectations sont prononcées par le ministre, les recteurs ont été également investis de cette compétence depuis quelques années dans des cas bien précis. Outre ceux dans lesquels les recteurs procèdent à des affectations sur postes provisoirement vacants de personnels, ils ont compétence :

- depuis 1985, pour prononcer les affectations provisoires sur les postes vacants des " titulaires académiques " ;

- depuis 1986, pour prononcer l'affectation des enseignants en réadaptation ;

- depuis 1987, pour prononcer la réaffectation des enseignants dont le poste a été supprimé ou transformé par suite d'une mesure de carte scolaire.

Une déconcentration plus complète du mouvement qui permettrait de prendre mieux en compte les besoins spécifiques des établissements est actuellement à l'étude.

Dans la perspective d'un " dégraissage du mammouth " le ministre a indiqué son souhait de " casser le mouvement national " des enseignants du second degré actuellement géré par l'administration centrale afin d'instaurer une procédure plus souple et de donner plus de pouvoirs aux recteurs, voire aux chefs d'établissement, pour nommer les professeurs.

Ce souhait rejoint les observations formulées par le rapport de la commission Fauroux qui dénonçait un mouvement national " géré par un ordinateur central et corrigé par d'obscures tractations qui est de très loin l'instrument de gestion le plus absurde inventé par une administration ". Selon un syndicat de l'enseignement secondaire qui contrôle largement le mouvement actuel, une telle réforme aboutirait à rigidifier plus encore le système en figeant les personnels dans une académie au lieu de les encourager à bouger, à renforcer les inégalités entre académies et à restreindre la circulation du savoir et la mobilité d'enseignants de qualité.

2. Vers une réforme du système de remplacement des enseignants

En dénonçant avec quelque éclat l'absentéisme supposé des enseignants, qu'il a évalué à 12 % des effectifs, le ministre a engagé un débat qui devrait déboucher sur un aménagement du système de remplacement dans l'éducation nationale.

a) Le taux d'absentéisme officiel

La direction des écoles évalue à 5,65 % des effectifs le taux d'absentéisme dans le premier degré tandis que la DEP chiffre à 5,6 % ce taux moyen dans l'enseignement secondaire (5,8 % dans les collèges, 4,7 % dans les lycées, 6,5 % dans les lycées professionnels).

1991-1992

Taux d'absence en  %

Taux de remplacement en  %

Taux d'absence devant élèves en  %

Collèges

5,8

47,3

3,1

L.e.g.t.

4,7

44,4

2,6

Lycées professionnels

6,5

34,3

4,3

Ensemble

5,6

43,9

3,1

La part de la maternité dans le taux d'absentéisme constaté dans le primaire étant de 34,45 %, le taux réel, hors maternité, est ainsi ramené à environ 4 % comme dans le secteur privé. Il convient de rappeler que la féminisation dans le premier degré s'élève à plus de 75 %.

b) Les stages de formation professionnelle des enseignants

Les conditions de stage des enseignants ont été également mises en cause par le ministre qui a estimé anormal que les congés de formation soient pris sur le temps de travail et non pendant les périodes de vacances.

Il convient d'abord de rappeler que les crédits de formation continue des enseignants, qui sont en diminution depuis 1989, ne représentent que 3,4 % de la " masse salariale " de l'éducation nationale contre environ 10 % dans la plupart des entreprises privées.

En 1996, près de la moitié des enseignants du premier degré (147.000 sur 320.000) et 285.000 professeurs sur 400.000 en 1995 ont suivi un stage de formation professionnelle. La durée moyenne de la formation est d'une semaine et demie chez les instituteurs et de trois jours pour les trois quarts des professeurs.

La plus grande partie des congés formation correspond à des stages courts inférieurs à dix jours de nature disciplinaire ou didactique.

La formation continue des maîtres relève de l'inspecteur d'académie dans le primaire et des Missions académiques à la formation des personnels de l'éducation nationale (MAFPEN) pour les professeurs. Pour les instituteurs, une circulaire de 1972 accorde à tout titulaire en position d'activité un crédit de formation à temps plein équivalent à une année scolaire à répartir sur l'ensemble de la carrière, les enseignants absents étant remplacés par des maîtres affectés sur des postes de titulaires remplaçants.

L'éducation nationale organise en outre une trentaine d'universités d'été fréquentées par un millier d'enseignants volontaires.

c) Les modalités de remplacement des enseignants

Pendant longtemps, seul l'auxiliariat a permis d'assurer les remplacements des enseignants.

La réforme de 1985 a mis en place les titulaires remplaçants en distinguant les titulaires académiques, qui sont chargés des remplacements à l'année, et les titulaires remplaçants qui sont chargés principalement des courtes et moyennes durées. La crise du recrutement des années 1986-1993 a stoppé la progression des postes de titulaires remplaçants : on dénombre aujourd'hui 35.000 titulaires académiques mais seulement 3.714 titulaires remplaçants, soit 1,7 % des postes implantés en établissement.

Ces effectifs apparaissent insuffisants par rapport au taux d'absentéisme, ce qui conduit les recteurs soit à ne pas pouvoir assurer les remplacements de moins de 2,3 semaines, soit à recourir à des auxiliaires.

Si un enseignant est remplacé au bout d'une demi-journée en moyenne dans le primaire, ce délai est porté de quinze jours à un mois dans le second degré.

d) La mise en place d'une table ronde

Une table ronde intitulée " présence des enseignants ", présidée par le recteur Bloch, vient d'être créée pour réexaminer le problème du remplacement des enseignants. Elle a défini une méthode de travail et désigné des commissions qui examineront les problèmes propres à chaque type d'établissement et aborderont les questions de la formation continue, du remplacement des congés de maladie et de l'assouplissement du système.

Le ministre a par ailleurs indiqué à la commission qu'un taux de 1 % d'absentéisme des enseignants se répercutait directement sur 130.000 élèves et que le système actuel qui " immobilise " de trop nombreux remplaçants qui pourraient être affectés ailleurs, sera modifié. Il a notamment évoqué les modalités du congé de maternité qui pourraient être aménagées en prévoyant par exemple une décharge de classe pour l'ensemble de l'année scolaire sous réserve que les intéressées effectuent des travaux de correction des copies du CNED.

e) Les classes non pourvues lors de la dernière rentrée

La ministre déléguée a reconnu, devant la commission, compte tenu du décalage observé entre les besoins et le profil des maîtres auxiliaires qui ont été réemployés à la dernière rentrée, qu'un déficit d'enseignants dans certaines spécialités de lycée professionnel, mais aussi en espagnol, en italien, en biologie et en mathématique avait pu être constaté.

Elle a indiqué que toutes les capacités de remplacement seraient utilisées pour gérer ce décalage, y compris en utilisant les personnels disponibles dans les académies voisines et que des recrutements éventuels seraient ouverts dans les académies par spécialités afin de pourvoir toutes les classes sans professeur à la rentrée des vacances scolaires de la Toussaint.

f) La nécessité d'une meilleure gestion des enseignants du second degré

Selon certaines sources syndicales, il existerait 30.000 enseignants en surnombre, dont quelque 14.000 maîtres auxiliaires et 10.000 titulaires, soit près de 10 % des 365.000 enseignants du secteur public du second degré.

Le ministère a par ailleurs indiqué qu'il avait dû faire appel au cours des dernières semaines à 2.000 nouveaux maîtres auxiliaires, contractuels ou vacataires, en plus des 28.000 maîtres auxiliaires réemployés à la rentrée de 1997 alors qu'il avait indiqué pendant l'été que tout recours à de nouveaux maîtres auxiliaires était exclu.

Afin de pourvoir les postes restés vacants dans certaines disciplines, il a été fait appel à des étudiants admissibles aux derniers concours de recrutement, et à des attachés temporaires d'enseignement et de recherche en fin de contrat à l'université, à d'anciens maîtres d'internat et surveillants d'externat, à des maîtres auxiliaires qui n'étaient plus en poste depuis plus de deux ans et même à des " reçus-collés ".

Selon d'autres sources syndicales, les effectifs d'enseignants en surnombre peuvent être évalués à 3.000 ou 4.000, ceux-ci étant cantonnés dans quelques disciplines comme l'histoire, la géographie et la physique.

Si le réemploi de tous les maîtres auxiliaires a répondu à un impératif social, il a contribué à aggraver les dysfonctionnements déjà constatés dans la gestion des affectations des enseignants.

Si votre commission est consciente de la difficulté de gérer les mutations, en tenant compte de la disponibilité des personnels, des souhaits d'affectation géographique et des besoins par discipline, elle estime que la gravité des dysfonctionnements actuels, et les absurdités auxquelles ils conduisent, imposent une réforme rapide de la gestion des personnels enseignants du second degré.

Le ministre a annoncé à l'Assemblée nationale que la réforme des procédures de mutation n'interviendrait qu'en 1999, après consultation des organisations syndicales.

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