CHAPITRE II -

LE TRANSPORT AÉRIEN : LA NÉCESSITÉ DE S'ADAPTER À LA NOUVELLE DONNE MONDIALE ET EUROPÉENNE

Initié par les Etats-Unis en 1977, un processus de libéralisation du transport aérien international s'est développé de manière plus ou moins rapide selon les pays, tout au long de la dernière décennie.

Il s'est traduit au sein de l'Union européenne par la mise en oeuvre de trois " paquets " de mesures, dont le dernier est entré en vigueur depuis le 1er janvier 1993. La libéralisation en ce domaine y est donc désormais totale, les quelques restrictions subsistantes en matière de cabotage ayant été levées le 1er avril 1997.

La question qui se pose désormais est de savoir quelle place la France se donnera les moyens d'occuper dans un ciel désormais totalement ouvert.

I. LE CONTEXTE MONDIAL ET EUROPÉEN

La libéralisation du secteur du transport aérien se poursuit, avec les opportunités qu'elle ouvre aux compagnies, mais aussi la " guerre des prix " qui l'accompagne et les inquiétudes nées des difficultés, voire des faillites, subies par certaines compagnies ces dernières années.

A. UNE CONCURRENCE DÉSORMAIS MONDIALE DANS UN SECTEUR EN CROISSANCE

Le développement de la croissance qui caractérise le secteur du transport aérien est soutenu par la croissance du trafic, de l'ordre de 6 % en 1996 pour les passagers et de 5,5 % pour le fret.

Les premiers résultats de 1997 confirment ces évolutions. Selon l'OACI, pour l'ensemble des services aériens réguliers de transport de passagers, internationaux et intérieurs, le trafic total des compagnies aériennes devrait croître de 7 % en 1997 et de 6,6 % en 1998. Le taux moyen annuel de croissance serait de 5,5 % jusqu'en 2005. La croissance du trafic total de fret devrait être encore plus forte, avec un taux annuel de 7 % pendant la même période. Ce sont les liaisons internationales transpacifiques et celles entre l'Europe et la région Asie-Pacifique qui devraient connaître la plus forte croissance.

C'est dans ce contexte qu'est venue s'inscrire la libéralisation du ciel européen qui avait d'abord été limitée aux liaisons intercommunautaires. Désormais, depuis le 1er avril 1997, toute compagnie européenne a libre accès aux vols intérieurs de tous pays membre de l'espace économique européen (c'est-à-dire l'Union européenne, la Norvège, l'Islande). La concurrence s'y avère donc de plus en plus vive.

Dans cette conjoncture de croissance globale, pour la quatrième année consécutive, les compagnies régulières du monde ont enregistré globalement un bénéfice d'exploitation.

Après une année 1996 qui s'était soldée par des pertes globales pour l'Association des compagnies européennes, en 1997 et pour la première fois, les transporteurs européens pourraient participer à cette embellie. Ce redressement provient de la conjonction de trois facteurs :

- la " sortie du rouge " de plusieurs compagnies ayant longtemps enregistré des déficits, comme Air France, Iberia et Alitalia ;

- les bons résultats de Swissair Groupe et surtout de Lufthansa qui multiplie ses bénéfices par quatre ;

- les bénéfices toujours croissants de British Airways qui multiplie ses profits par trois.

B. LA MONDIALISATION S'ACCOMPAGNE D'UN MOUVEMENT ACCENTUÉ D'ALLIANCES ENTRE COMPAGNIES

La mondialisation de l'économie mondiale connaît une traduction très nette dans le secteur du transport aérien et s'accompagne d'une multiplication des alliances internationales.

Depuis trois ans, le mouvement de regroupement de compagnies aériennes s'est développé de façon importante. Tous types confondus, 363 alliances étaient recensées en mai 1997 contre 280 en 1994, soit une augmentation de 30 % 1( * ) , dont 72 entre mai 1996 et mai 1997. Ce sont aujourd'hui 177 compagnies qui, dans le monde, sont engagées dans ces accords.

Depuis 1994, les rapprochements de compagnies se développent notamment au travers d'alliances commerciales. Si l'élément capitalistique n'est pas toujours majeur, il est souvent présent -notamment entre compagnies européennes- et le sera probablement encore davantage à l'avenir. C'est ainsi, par exemple, qu' au cours des derniers mois, de grandes compagnies ont acquis ou consolidé leur contrôle dans le capital de compagnies susceptibles d'apporter un trafic complémentaire. C'est le cas de British Airways , qui a pris le contrôle de 67 % du capital d'Air Liberté en automne dernier et qui vient de d'assurer une participation de 65 % dans Deutsche BA en juillet 1997, contre 49 % précédemment ; c'est aussi le cas de KLM qui vient de porter sa part de capital à 100 % (contre 45 %) dans Air UK ; c'est encore le cas de Lufthansa qui, par le biais d'obligations convertibles, devrait acquérir à terme une participation de 15 % au capital d'Air Littoral.

Au niveau mondial, les grandes compagnies s'engagent dans des alliances globales, dites " stratégiques ", en révisant au besoin les alliances antérieures. La révision la plus spectaculaire est sans doute la rupture entre US Airways et British Airways et l'annonce de la nouvelle alliance entre la compagnie britannique et American Airlines. D'autres révisions s'opèrent : Virgin rompt avec Delta et s'allie avec Continental ; Varig s'engage avec United et abandonne Delta.

On peut finalement considérer que les grandes compagnies réajustent actuellement leurs alliances, abandonnant celles qui leur apparaissent infructueuses pour en conclure de nouvelles, plus prometteuses. Dans le même temps, certaines alliances déjà réalisées s'élargissent à de nouvelles compagnies pour constituer un partenariat commercial fonctionnant à l'échelle planétaire, c'est le cas de la " Star Alliance " qui comprend Lufthansa, United, SAS, Air Canada, Thaï et Varig.

L'illustration suivante permet d'appréhender l'évolution possible des cinq alliances majeures.

Camenbert à coller

Evolution possible des alliances majeures

L'objectif recherché par les grandes compagnies aériennes avec des accords commerciaux est à la fois d'étendre l'offre proposée à leur clientèle (nouvelles destinations, fréquences plus nombreuses) en accédant aux réseaux de leurs partenaires 2( * ) et de réduire les coûts d'exploitation en réalisant des coopérations plus étroites.

Lorsqu'il s'agit d'alliances conclues avec une compagnie exploitant un marché " régional " de faible dimension, le but recherché par les compagnies principales est d'assurer l'alimentation de leur(s) plate(s)-forme(s) aéroportuaire(s) en passagers en correspondance, désireux de se rendre vers des destinations plus lointaines. De ce point de vue, le contrat de franchise, forme particulière d'alliance, s'est fortement développé ces dernières années en Grande-Bretagne sous l'impulsion de British Airways (lié à neuf petites compagnies).

C. LES ÉVOLUTIONS EN COURS ENTRAÎNENT SOUVENT EN EUROPE UNE MODIFICATION DE L'ACTIONNARIAT DES COMPAGNIES

Dans de nombreux secteurs, libéralisation et mondialisation entraînent une évolution des statuts, voire de l'actionnariat, afin d'acquérir la souplesse de gestion nécessaire dans un contexte de concurrence accru et, bien souvent, de satisfaire aux exigences en matière d'alliances internationales. Le secteur aérien ne contrarie en rien cette tendance.

C'est ainsi que sur les quatorze principales compagnies européennes, sept possèdent une majorité de capital public, détenu par l'Etat ou/et par une ou des entreprises publiques (notamment par des holdings d'investissements en Italie et en Espagne), mais deux d'entre elles ont associé du capital privé dans une proportion significative (Austrian et Finnair).

Trois de ces compagnies sont, par ailleurs, cotées en bourse : il s'agit d'Austrian Airlines et de Finnair.

Six compagnies ont une majorité d'investisseurs privés dont la totalité des actions peut être diffusée dans le public, c'est le cas de British Airways , ou bien répartie entre l'Etat minoritaire, des institutions privées et le marché boursier lorsque les compagnies sont cotées en bourse. C'est le cas de KLM, Lufthansa et Swissair.

SAS, compagnie multinationale, dont la propriété est répartie selon des bases nationales (3/7 des parts du capital aux nationaux suédois et 2/7 pour chacun des nationaux danois et norvégiens) possède un capital à 50 % public, la part publique étant détenue par les Etats selon les répartitions nationales précédentes. La compagnie est également cotée en bourse.

Le mouvement de privatisation commencé avec British Airways en 1987, s'est peu à peu étendu à KLM, Sabena et Lufthansa dont l'Etat allemand doit vendre fin 1997 le reliquat de ses actions (35,7 %). La situation d'ensemble reste, néanmoins, assez diverse et marquée généralement par une mixité de capitaux publics et privés , dans des proportions qui peuvent varier fortement.

Enfin, des compagnies tierces sont parfois présentes dans le capital des compagnies concernées pour une part importante (49,5 % pour Swissair dans le capital de Sabena et 40 % pour SAS dans celui de British Midland), ou de manière diluée (10 % de Swissair, 9 % d'All Nippon et 1,5 % d'Air France dans le capital d'Austrian ou encore 4,5 % de Delta et 2,7 % de Singapore Airlines dans celui de Swissair).

Il est important de garder présent à l'esprit l'ensemble de ces éléments avant d'évoquer la situation des compagnies françaises.

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