II. DE PREMIERS RÉSULTATS INTERESSANTS

A. LA CRÉATION D'ACTIVITÉS ET D'EMPLOIS

1. Rappel des mesures fiscales et sociales en faveur de l'emploi et de l'activité

Les mesures résultant de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 et de la loi relative au pacte de relance du 14 novembre 1996 s'appliquent dans :

- 350 zones de redynamisation urbaines (ZRU) ;

- 44 zones franches urbaines 5( * ) .

Les mesures fiscales et sociales dérogatoires prévues par ces deux lois sont récapitulées dans les tableaux ci-dessous.

MESURES RÉSULTANT DE LA LOI D'ORIENTATION N° 95-115 POUR L'AMÉNAGEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT DU TERRITOIRE

Article de la loi du 4 février 1995

Objet de la mesure

Article correspondant du C.G.I. ou autre

Application

44-I

Exonération d'impôt sur les bénéfices (2 ans, plus abattement dégressif sur 3 ans)

Art. 44 sexies

Liste des quartiers
du décret
du 5 février 1993,
sauf zones non DSU.

Exonération de taxe foncière, de taxe professionnelle et de taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie et de chambres de métiers (2 ans)

Exonération facultative, en cas d'application
du régime de l'article 44 sexies
du C.G.I.

44-II

Réduction de 6 à 0 % du taux de droit de mutation sur les fonds de commerce

Art. 722 bis

Liste des quartiers du décret
du 5 février 1993,
sauf zones non DSU.

Applicable à compter du 7 février 1995

49

Réduction à 3,60 % de la taxe départementale de publicité foncière

Art. 1594 F quater

(même liste)
et décret 95-394
du 12 avril 1995

Applicable à compter du 1er juin 1995

52-II

Exonération de la taxe professionnelle compensée par l'Etat, pendant 5 ans

Art. 1466 Al bis

Liste des quartiers
du décret
du 5 février 1993,
sauf zones non DSU

56

Régime d'amortissement accéléré d'immeubles acquis par des PME

Art. 39 quinq D

(Décret 95-393 du 12 avril 1995)

(idem)

57

Crédit bail immobilier

Art. 239 sexies D

(Décret 95-617
du 6 mai 1995)

Application aux opérations conclues entre
le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 2000

Source : " jaune budgétaire "

MESURES RÉSULTANT DE LA LOI N° 97-987 RELATIVE À LA MISE EN OEUVRE DU PACTE DE RELANCE POUR LA VILLE

Type d'entreprise

Taxe profession-nelle

Impôt sur les bénéfices

Taxe foncière sur les propriétés bâties

Cotisations patronales

Autres exonérations

Entreprise nouvelle de 50 salariés au plus. Tous secteurs d'activités (commerciales, non commerciales, artisanales, industrielles)

Exonération pendant 5 ans dans la limite d'un montant de base nette imposable de 3 MF par établissement et par an

Exonération pendant 5 ans dans la limite de 400.000 F de bénéfice par an et par contribuable (règle du " de minimis ")

Exonération pendant 5 ans dans les immeubles entrant dans le champ d'application de la TP

Exonération pendant 5 ans des cotisations patronales (3) dans la limite de 50 emplois (avec clause d'embauche de résidents si recrutement de plus de 5 salariés)

Réduction à 0 % des droits de mutation pour les acquisitions de fonds de commerce

Certains secteurs d'activité (2)

Idem

Idem

Idem

Idem

Idem

Autres secteurs d'activité : % du CAHT pour les échanges intracommunautaires et l'exportation < 15 % entre 1995 et 1996

Idem

Idem

Idem

Idem

Idem

% du CAHT pour les échanges intracom-munautaires > 15 % entre 1994 et 1995

Entreprise existante de 50 salariés au plus

Option entre :

- exonération pendant 5 ans dans la limite de 500.000 F par an (régime ZRU)

- exonération pendant 5 ans dans la limite de 3 MF en cas d'extension d'activité dans la zone (si augmentation de bases nettes)

Idem

(Règle du " de minimis ")

Option entre :

- exonération facultative pendant 2 ans (si exonération au titre de l'art. 44 sexies)

- exonération de plein droit pour l'extension d'activité

- exonération pendant 1 an des cotisations patronales (4) pour l'embauche du 1er au 50è salarié (régime ZRU)

- exonération pendant 5 ans en cas d'extension d'activité et embauches nouvelles ayant pour effet d'accroître l'effectif (dans la limite de 50 salariés)

Idem

Entreprise nouvelle de plus de 50 salariés (régime ZRU) applicable si la zone franche est classée ZRU

Exonération pendant 5 ans dans la limite de 1 MF par an pour les établissements de moins de 150 salariés (ZRU)

Idem

Exonération facultative pendant 2 ans (si exonération d'impôt sur les bénéfices au titre de l'art. 44 sexies du CGI)

Exonération pendant 1 an des cotisations patronales (4) pour l'embauche du 1er au 50e salarié (ZRU)

Idem

Entreprise existante de plus de 50 salariés (régime ZRU) applicable si zone franche est classée ZRU

Exonération pendant 5 ans dans la limite de 500.000 F par an pour les établissements de moins de 150 salariés

Idem

Idem

(Exonération facultative)

Idem

(Exonération 1 an)

(1) 50 emplois équivalent temps plein à la date de création de l'entreprise ou d'instauration de la zone franche urbaine

(2) Construction, commerce et réparation automobile, commerce de détail et réparation d'articles domestiques, hôtels et restaurants, taxis, santé et action sociale, services collectifs, sociaux et personnels, services domestiques

(3) Assurances sociales, allocations familiales, accidents de travail, versement transport, contributions au fonds national d'aide au logement

(4) Assurances sociales, allocations familiales, accidents du travail

Source : " jaune " budgétaire

Comme il a été dit au chapitre premier du présent avis, l'ensemble de ces exonérations est estimé, pour 1997, à 1.685 millions de francs dans les ZRU et à 762 millions de francs pour les ZFU soit au total 2,44 milliards de francs.

Votre Commission des Affaires économiques souhaite que le gouvernement dresse un bilan détaillé de l'incidence des exonérations fiscales et sociales. En effet, les chiffres globaux présentés par le " jaune budgétaire " ne permettent pas d'établir un bilan " coûts - avantages " qui permettrait seul de nourrir une réflexion approfondie sur ce sujet.

2. Les autres mesures destinées à rétablir l'activité économique, le commerce et l'artisanat

Le Pacte de relance a prévu d'une part la création d'un établissement public spécifique afin de restructurer des espaces commerciaux et artisanaux et, d'autre part, un programme de prévention pour les commerçants et artisans des ZUS.

L'établissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux ( EPARECA ) créé par l'article 25 de la loi relative à la mise en oeuvre du Pacte de relance permettra de mener des opérations importantes pour réimplanter des commerces après requalification des espaces dégradés.

Votre Commission des Affaires économiques s'interroge sur les raisons pour lesquelles, malgré la signature du décret du 12 février 1997, l'EPARECA tarde à débuter ses activités. Elle souhaite obtenir du Gouvernement des éclaircissements sur ce point.

Afin d'améliorer la sécurité des commerçants dans les ZUS la DIV et la direction du commerce intérieur ont lancé un appel à projet le 3 janvier 1997. Il porte notamment sur les modalités de sécurisation des locaux commerciaux, des équipements collectifs, ainsi que sur les mesures de surveillance humaine et de prévention de la délinquance.

La Commission spéciale réunie par le Sénat avait été particulièrement sensible à la situation des commerçants exerçant leurs activités dans les ZUS. Aussi votre Commission des Affaires économiques souhaiterait-elle obtenir des informations plus précises sur le programme lancé au début de l'année 1997.

3. Bilan de la création des emplois de ville

Rappel sur le dispositif

La création des emplois de ville tend à favoriser l'insertion des jeunes des quartiers en difficulté , dans des emplois tels que des services de proximité non encore satisfaits et gérés par des collectivités locales, des associations ou des organismes délégataires de service public. Juridiquement, ces emplois relèvent de la catégorie des contrats emplois consolidés .

Les bénéficiaires des emplois de ville sont les jeunes de 18 à 26 ans, résidant dans les zones urbaines sensibles . Ils sont employés sur la base d'une durée de 20 à 30 heures , pour une période qui peut atteindre 5 ans . Les jeunes embauchés en emploi de ville ne sont pas tenus de passer au préalable par un contrat emploi consolidé (CES).

L'aide de l'Etat consiste en une prise en charge par l'Etat d'une partie du coût de la rémunération (soit 55 % pendant 5 ans, soit 75 % la première année puis une prise en charge dégressive de 10 points par an).

M. Jean-Claude Gaudin avait souhaité que les emplois de ville permettent d'embaucher 100.000 jeunes en 5 ans.

Les résultats

Votre rapporteur pour avis souhaite qu'un bilan soit présenté par le Gouvernement, afin de compléter les informations adressées à votre Commission des Affaires économiques par les services compétents. Ce bilan est d'autant plus nécessaire qu'environ 10.000 emplois, soit 40 % des 25.000 emplois prévus initialement par M. Jean-Claude Gaudin, alors ministre en charge de ce dossier ont été créés, et que d'autres emplois de ville le seront d'ici à la fin de la présente année.

Parmi les emplois de ville d'ores et déjà existants, il convient de relever que :

- 96 % d'entre eux sont des contrats à durée déterminée d'un an, renouvelables ;

- 54 % ont été créés par des associations ;

- 31 % par des collectivités locales ;

- 15 % par des établissements publics ou des entreprises privées délégataires de service public.

Comme elles l'avaient annoncé, des collectivités locales ont soutenu ce dispositif : 6 régions et 12 départements ont créé des aides financières à cette fin.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, le dispositif aurait fait l'objet de deux critiques principales :

- certaines communes de moins de 50.000 habitants auraient manqué de moyens pour y participer ;

- le zonage aurait été jugé trop strict " écartant une population jeune, diffuse dans l'espace urbain, mais présentant les mêmes caractéristiques et victime des mêmes discriminations que celle résidant en ZUS ".

En outre, l'annonce au cours de l'été de la création des emplois-jeunes par le gouvernement n'a pas manqué de susciter un certain attentisme chez les organismes et collectivités susceptibles de créer des emplois de ville.

Vers la suppression des emplois de ville ?

L'article 64 du projet de loi de finances pour 1998 prévoit la suppression des emplois de ville au motif que " le projet de loi relatif au développement d'activités pour les jeunes offre un champ plus large d'intervention de l'Etat en faveur de l'emploi des jeunes et rend ces dispositions inutiles ".

Du fait de l'adoption de ce dispositif, il n'y aurait plus de nouvelle entrée en emploi de ville à compter du 1er janvier 1998, cependant, les contrats en cours continueraient à porter effet dans des conditions inchangées.

Cette réforme appelle deux observations de la part de votre Commission des Affaires économiques :

- votre Commission s'interroge, en premier lieu, sur la possibilité de substituer des emplois " jeunes " aux " emplois de ville " dans la mesure où les premiers relèvent d'un soutien à la création d'activités nouvelles, alors que les seconds permettent la création d'emplois nouveaux s'inscrivant dans le cadre d'un dispositif d'insertion : le contrat d'emploi consolidé ;

- en second lieu, c'est à l'initiative du Sénat que la possibilité a été ouverte de créer des emplois de ville dans des zones plus étendues que les seules zones franches urbaines, précisément afin d'éviter les " effets de frontière ". En outre, il a été prévu que les emplois de ville seraient accessibles aux titulaires du baccalauréat afin d'éviter l'effet de démotivation qui n'aurait pas manqué d'apparaître si les plus diplômés des jeunes des quartiers sensibles avaient été les premiers exclus des emplois de ville.

Votre Commission des Affaires économiques juge qu'il est illusoire de considérer que la création des emplois jeunes -même si ceux-ci sont, sous certains aspects financiers, plus favorables pour les jeunes ou pour les employeurs- soit à elle seule de nature à répondre à tous les problèmes posés par le chômage des jeunes dans les quartiers en difficulté. En effet, de deux choses l'une :

- soit on considère qu'il est suffisant de créer des emplois (qu'il s'agisse d'emplois ville ou d'emplois jeunes)  ;

- soit on estime que le fait que seuls 40 % du contingent prévu par les emplois de ville soient utilisés -alors même que le taux de chômage des jeunes est très élevé dans les ZUS- signifie que ce système malgré ses qualités indéniables, -il a permis à 10.000 jeunes de trouver un travail- ne correspond pas à tous les besoins des jeunes et qu'en conséquence il faut accroître le volet " insertion " de ces emplois pour répondre au problème " d'employabilité " des jeunes.

Or quelle est la logique choisie par les promoteurs des " emplois-jeunes " ?

Ces emplois ne sont pas " ciblés " en fonction d'un zonage mais, en principe, répartis sur l'ensemble du territoire. Dans ces conditions, le risque est loin d'être inexistant de voir les " emplois-jeunes " prioritairement utilisés ailleurs que dans les quartiers en difficulté : l'absence de " zonage " de ces mesures rompt avec la logique de " discrimination positive " qui avait inspiré la création des emplois de ville, tout comme l'ensemble du Pacte de relance.

Au total, votre Commission des Affaires économiques s'interroge sur l'incidence de la suppression des emplois de ville et sur leur remplacement par les " emplois-jeunes ". Elle souhaite que le problème de l'employabilité des jeunes des quartiers défavorisés fasse l'objet d'une réflexion spécifique. Il ne servirait à rien de vouloir créer des emplois, alors même que bon nombre de jeunes ont besoin du passage par un dispositif d'insertion, avant même de pouvoir occuper un emploi durable .

De ce point de vue, les observations présentées par le Conseil national des villes (CNV) dans son dernier rapport, paru en novembre 1997 méritent d'être étudiées car bon nombre d'entre elles sont applicables aux emplois-jeunes.

Le CNV souligne le fait que les personnes susceptibles d'occuper un emploi de ville sont " en mal de projet " 6( * ) ce qui pose un problème spécifique aux formateurs. En outre le CNV relève que : " La conciliation entre les qualités humaines importantes requises par certaines activités envisagées pour les emplois de ville (au contact avec le public) et le profil des jeunes les plus en difficulté, censés bénéficier de ces emplois, passe par une formation qui devra essentiellement viser à leur apporter des compétences en matière de relation et de communication [...] ce type de compétence s'impose d'autant plus que le public concerné par les emplois de ville a connu l'échec scolaire. Il serait dès lors nécessaire que la formation dispensée dans le cadre des emplois de ville soit nouvelle, de façon à développer des qualités et des compétences laissées de côté par le système scolaire. En, particulier, il serait regrettable qu'elle soit confiée aux organismes classiques de formation dont les interventions dans le cadre des CES n'ont pas connu un grand succès. "

Votre Commission des Affaires économiques souhaite que le Gouvernement présente des propositions tendant à améliorer l'employabilité des jeunes des quartiers en difficulté.

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