INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Votre commission a examiné la proposition de loi n° 250 (1996-1997) présentée par M. Jean Delaneau et les membres du groupe des républicains indépendants visant à élargir les modalités d'utilisation des crédits d'insertion par les départements.

Elle a été sensible à la recherche d'une plus grande souplesse dans l'utilisation des crédits en question qui doivent obligatoirement être inscrits dans les budgets départementaux à hauteur de 20 % des sommes versées l'année précédente par l'Etat au titre de l'allocation du revenu minimum d'insertion (RMI).

Ces sommes sont aujourd'hui exclusivement affectées à l'insertion des bénéficiaires du RMI alors qu'il existe, dans certains départements, un déficit structurel de l'offre d'insertion pour des raisons non imputables aux conseils généraux.

Certains crédits étant aujourd'hui reportés, il serait en effet utile de favoriser leur utilisation en faveur de la lutte contre l'exclusion et de l'insertion économique, au-delà de la seule population des titulaires du RMI, qui ne reflète plus aujourd'hui toute la réalité de l'exclusion sociale.

Votre commission a toutefois souhaité se placer dans une perspective moins large que celle de la proposition de loi qui lui était soumise et ne pas procéder à une réforme institutionnelle globale du dispositif départemental d'insertion au moment où le Gouvernement annonce la présentation du projet de loi contre les exclusions, depuis longtemps attendu.

C'est pourquoi elle a adopté un dispositif simple et à caractère temporaire, répondant à l'objectif de la proposition de loi, afin de permettre aux départements de consacrer à la lutte contre l'exclusion au plus 10 % des crédits départementaux d'insertion et de résorber ainsi sur cinq ans les reports de crédits qui ont pu éventuellement apparaître lors du démarrage du RMI.

I. L'ENGAGEMENT FINANCIER INCOMBANT AUX DÉPARTEMENTS S'OPÈRE DANS LE CADRE D'UN DISPOSITIF DE COGESTION

Le revenu minimum d'insertion (RMI) institué par la loi du 1 er décembre 1988 1( * ) et modifié par la loi du 29 juillet 1992 2( * ) , a été conçu à la fois pour assurer un minimum social à l'ensemble de la population et pour favoriser l'insertion ou la réinsertion des personnes confrontées à de graves difficultés.

Il s'agit donc d'assurer un niveau minimal de ressources de subsistance et l'accès à des droits sociaux essentiels, notamment en matière d'assurance maladie, aux plus démunis et à leur famille.

Depuis le 1 er janvier 1988, le montant mensuel garanti au titre du RMI est de 2.429,42 francs , pour une personne seule et de 5.101,77 francs pour un ménage avec deux enfants à charge.

Toutefois, le RMI n'est pas une simple prestation d'assistance . Il repose sur un contrat d'insertion fondé sur des engagements réciproques de l'intéressé et de la collectivité : le titulaire du RMI s'engage à participer à des actions ou des activités d'insertion définies avec lui ; les pouvoirs publics s'engagent à lui offrir des actions ou des activités d'insertion correspondant à ses besoins.

Au regard de l'expérience, le volet relatif à l'insertion - le " I " du RMI- est celui qui soulève aujourd'hui le plus de problèmes de fonctionnement.

Au moment où la France compte 1,01 million de foyers bénéficiaires du RMI et où 1,9 million de personnes sont protégées indirectement par cette allocation, le volet " insertion " appelle deux catégories de critiques, comme l'a bien rappelé notre excellent collègue, M. Jean Chérioux, dans son dernier avis budgétaire sur les crédits relatifs à l'action sociale et à la solidarité 3( * ) .

Tout d'abord, depuis la création du dispositif, une " déconnexion " a toujours existé entre le nombre de titulaires du RMI et celui des signataires de contrat d'insertion. Le taux de contractualisation des bénéficiaires du RMI, même s'il a progressé ces dernières années, n'est que de 52,9 % en 1996 .

Cela conduit à s'interroger sur l'avantage qui serait retiré du rétablissement d'un lien plus étroit entre le versement du RMI et l'obligation d'accomplir une activité d'intérêt général au profit de la collectivité publique. Il s'agirait de passer d'un revenu minimum d'insertion à un " revenu minimum d'activité. "

Par ailleurs, il apparaît que certains bénéficiaires du RMI se sont aujourd'hui durablement installés dans le dispositif au risque d'entrer dans une pure logique d'assistance : 50 % des allocataires du RMI bénéficient de la prestation depuis deux ans au moins .

Cela peut parfois relever de la volonté des intéressés de se maintenir dans une certaine forme de marginalité ; ce chiffre témoigne aussi de la difficulté de mettre en place des parcours personnalisés d'insertion durable pour des personnes peu insérées socialement et qui, depuis longtemps, ont perdu de vue les contraintes du monde du travail.

Il convient de souligner à cet égard que, face à ce problème, une circulaire a été prise, le 31 décembre 1997, par la ministre de l'emploi et de la solidarité, afin de relancer la dynamique d'insertion du RMI 4( * ) .

Il a ainsi été demandé aux préfets de mobiliser le service public de l'emploi pour que les dispositifs, tels que les contrats emploi solidarité (CES), les contrats emplois consolidés (CEC), les contrats initiative emploi (CIE) et les stages d'insertion et de formation en entreprise (SIFE), soient recentrés sur les personnes les plus en difficulté et notamment les bénéficiaires du RMI.

L'objectif fixé est qu'au moins 25 % des bénéficiaires du RMI entrent dans une mesure aidée en 1998, alors que le taux moyen national est actuellement de 21 % dans une fourchette pouvant varier de 6 % à 53 % selon les départements.

Pour les allocataires du RMI âgés de 26 à 30 ans, ceux de moins de 26 ans et chargés de famille, ou les jeunes à charge dans des foyers de bénéficiaires du RMI, la loi du 16 octobre 1997 sur les " emplois-jeunes " doit être mobilisée. Il est demandé aux préfets de " déterminer localement un objectif ambitieux pour l'accès des bénéficiaires du RMI à ces emplois et d'en suivre attentivement la réalisation ".

Enfin, les 100.915 personnes bénéficiant du RMI depuis 1989 (dont 77.156 en métropole) doivent être " rencontrées " au moins une fois au cours du premier trimestre pour faire un bilan personnalisé de leur situation et leur permettre de bénéficier d'un contrat d'insertion véritablement adapté à leur situation.

Avant de revenir sur le contenu de la présente proposition de loi, il convient de rappeler les caractéristiques du mécanisme de cogestion entre l'Etat et les départements dans le domaine de l'insertion puis de rappeler les conditions dans lesquelles s'opère l'engagement financier des départements en ce domaine.

A. UN DISPOSITIF INSTITUTIONNEL PLACÉ SOUS LE SIGNE DE LA COGESTION ENTRE LE PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL ET LE PRÉFET

Aux termes de l'article 34 de la loi du 1 er décembre 1988 précitée, la mise en oeuvre du dispositif départemental d'insertion et de lutte contre la pauvreté et l'exclusion est confiée, dans chaque département, conjointement au préfet et au président du conseil général qui conduisent " ensemble et contractuellement " l'action d'insertion sociale et professionnelle. Bien entendu, cette action est menée avec le concours d'autres personnes privées ou publiques, et notamment les communes.

Préparée dans le cadre du conseil départemental d'insertion , l'action conjointe du préfet et du président du conseil général se traduit par l'élaboration d'un programme départemental d'insertion et la signature d'une convention de mise en oeuvre.

1. Le conseil départemental d'insertion : l'instance de concertation

Le conseil départemental d'insertion (CDI) doit être en principe l'instance qui permet de rassembler, au niveau du département, les acteurs et les personnalités les plus qualifiées en matière de lutte contre l'exclusion.

Réuni au moins deux fois par an, le CDI est co-présidé par le préfet et par le président du conseil général qui nomment conjointement ses membres.

La mission principale du CDI consiste à préparer et à adopter le programme départemental d'insertion ( art. 36 de la loi du 1 er décembre 1988 ) qui permet d'évaluer les besoins et de recenser les actions entreprises en matière d'insertion sociale et professionnelle.

Composition du conseil départemental d'insertion (CDI)

Aux termes du décret n°89-40 du 26 janvier 1989, les membres du CDI se répartissent en cinq catégories :

- 1° Représentants de l'Etat, de ses établissements publics et du département ;

- 2° Représentants de la région et des communes ;

- 3° Représentants des institutions, organismes, associations intervenant dans le domaine social ;

- 4° Représentants des entreprises, institutions, organismes, associations intervenant dans le domaine économique ou en matière de formation professionnelle ;

- 5° Représentants des commissions locales d'insertion.

Les présidents de ces commissions sont membres de droit du conseil.

Le total des membres des troisième et quatrième catégories doivent représenter au moins la moitié des sièges attribués à l'ensemble des quatre premières catégories.

Les représentants des commissions locales d'insertion non membres de droit sont au moins deux et au plus cinq.

La procédure d'élaboration du programme se déroule en plusieurs étapes .

Tout d'abord, avant le 31 décembre , le CDI doit être destinataire des prévisions de l'Etat et du département en matière d'insertion des bénéficiaires du RMI au titre de l'année à venir. Le conseil départemental dispose alors d'un trimestre pour élaborer le programme départemental qui être adopté avant le 31 mars de l'année.

Le CDI assure en outre un suivi du programme départemental d'insertion. Il est tenu informé de son état d'avancement : au moins six mois après l'adoption du programme, le CDI examine " les conditions de sa mise en oeuvre " et peut éventuellement proposer des " mesures d'adaptation susceptibles de le soutenir et de l'améliorer ".

Quinze jours avant l'adoption du nouveau programme annuel, le CDI se voit soumis le rapport annuel d'exécution du PDI de l'année précédente. Celui-ci doit intégrer un " bilan financier " précis de l'opération.

Le CDI dispose, par ailleurs, d'une compétence générale de suivi et d'évaluation en matière de lutte contre l'exclusion ( art. 36 et 37 de la loi précitée ) :

- il peut proposer toutes études ou enquêtes sur les phénomènes spécifiques de pauvreté ou de précarité dans le département ;

- il assure la cohérence des actions d'insertion dans le département au regard notamment des plans locaux d'insertion par l'économique (PLIE) ;

- il communique aux services de l'Etat et du département l'évaluation des besoins à satisfaire ;

- il met en place un dispositif d'évaluation " indépendante et régulière " des actions d'insertion.

Le CDI est libre de constituer des groupes de travail en son sein. Il est invité à consulter les instances responsables en matière d'insertion et de lutte contre l'exclusion.

Selon le rapport d'évaluation qui a été réalisé en avril 1996 sur le fonctionnement du dispositif RMI 5( * ) , le jugement des acteurs locaux est relativement sévère sur cette instance.

Si 92 % des départements réunissent le CDI une ou deux fois par an, 88 % considèrent que le mode de fonctionnement du CDI n'est pas propice à de réels débats et échanges sur le fonctionnement du dispositif d'insertion.

La lourdeur de fonctionnement de cette instance semble, selon le rapport précité, expliquer que le CDI soit parfois considéré comme " une structure amorphe, souvent qualifiée de chambre d'enregistrement ".

En d'autres termes, le CDI semble souvent tributaire du caractère ambivalent de sa mission qui en fait, à la fois, une instance de concertation et d'orientation et une structure de " validation " des choix proposés par les responsables de la politique d'insertion.

2. Le programme départemental d'insertion : un document centré sur les bénéficiaires du RMI

La mission essentielle du CDI consiste à élaborer le programme départemental d'insertion (PDI) dont le contenu est défini par l'article 36 de la loi du 1 er décembre 1988 précitée.

Le PDI doit, à partir de l'évaluation des besoins à satisfaire et des actions existantes, définir les différentes actions et initiatives à conduire, en recensant les moyens, notamment financiers, correspondants.

Il assure donc un double rôle d'orientation et de recensement concernant les moyens mis en oeuvre au titre de l'insertion.

a) Un document d'orientation

En premier lieu, le PDI évalue les besoins à satisfaire et les moyens supplémentaires éventuellement à mettre en oeuvre en matière d'insertion.

Il traite, à cet égard, de l'ensemble des aspects de l'insertion -accès à l'emploi, à la formation, au logement, à la santé et à l'action sociale-, y compris pour l'insertion de publics spécifiques, tels que les gens du voyage.

Ensuite le PDI recense les actions d'insertion déjà prises en charge par les collectivités publiques : Etat, régions, départements, communes et autres acteurs concernés.

En outre, le PDI doit évaluer les besoins spécifiques de formation des personnels et bénévoles concernés.

Enfin, il définit les conditions d'une coordination entre les différents acteurs et d'une harmonisation de l'ensemble des actions conduites .

Par rapport à l'objet de la proposition de loi, qui est d'étendre et de mieux définir le champ du programme départemental en matière de lutte contre l'exclusion, il n'est pas inutile de rappeler que l'article 36 précité prévoit déjà que le champ du CDI peut être étendu " à l'ensemble de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion et à l'ensemble des actions en faveur de l'insertion, notamment économique ". Toutefois, dans cette hypothèse, il est précisé que les crédits dont l'inscription par le département est obligatoire, " restent affectés exclusivement aux bénéficiaires du RMI ".

Selon le rapport d'évaluation d'avril 1996 susvisé, dans 67 % des départements , le PDI s'adresse à d'autres publics que les bénéficiaires du RMI, sans qu'il soit précisé clairement comment sont tirées les conséquences financières de cet élargissement de mission.

b) Un recensement des moyens d'action

Le PDI permet de récapituler dans un document synthétique les actions respectivement engagées par l'Etat et par le département.

Sont ainsi recensés :

- la répartition, entre les différentes catégories d'action, des crédits que le département doit obligatoirement engager en faveur des titulaires du RMI,

- la répartition, entre les différentes catégories d'action, des crédits affectés par l'Etat aux actions d'insertion menées dans le département.

3. Les conventions : l'outil financier

L'article 39 de la loi du 1er décembre 1988 susvisée renvoie à une convention conclue entre le préfet et le président du conseil général pour définir les conditions de mise en oeuvre du programme d'insertion.

Celle-ci constitue le " cadre d'exécution du programme d'insertion " en définissant les engagements et les contributions de chacun des deux signataires.

Elle précise les moyens des dispositifs d'insertion retenus dans le programme, ainsi que les moyens d'évaluation des résultats.

D'autres conventions peuvent être passées conjointement par le préfet et par le président du conseil général avec les autres partenaires concourant à l'insertion.

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