B. L'ALLEGEMENT DU COÛT DU TRAVAIL

Les crédits consacré à l'allégement du coût du travail représentent pour 1999, 45,86 milliards de francs contre 41,62 milliards de francs soit une progression de 4,24 milliards de francs (+10,2 %).

Cette forte progression semble correspondre intégralement à la remise à niveau des crédits destinés au financement de la ristourne dégressive fusionnée que le gouvernement avait réduit arbitrairement de 3 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 1998 afin de constituer une provision destinée à financer la mise en place de la loi sur les 35 heures.

Votre commission s'était opposée à cette ponction et à la sous-estimation des crédits qui en résultaient, nonobstant les très fermes déclarations en sens contraire du ministre. En effet la ristourne dégressive fusionnée constitue un moyen simple et efficace de contribuer à la création d'emplois dans le secteur marchand et, partant, de lutter contre le chômage.

L'intérêt des baisses de charges sociales : le rapport Piketty
Les créations d'emploi en France et aux Etats-Unis :
" Services de proximité " contre " petits boulots " ?

Cette étude repose sur une comparaison entre les structures d'emplois par secteur d'activités, notamment dans le domaine des services, en France et aux Etats-Unis où de fortes divergences en matière de création d'emplois sont apparues au cours des 25 dernières années.

Ainsi en 1970, les Etats-Unis et la France avaient un taux d'emploi identique, de l'ordre de 64%. En 1996, alors que ces deux pays avaient connu un taux de croissance annuel similaire, ce taux s'élevait à 58,5 % en France et à 73,6 % aux Etats-Unis, soulignant l'importance des différences affectant le processus de création d'emplois.

Si la logique des besoins dans les services semble la même, des différences importantes existent notamment dans le commerce et l'hôtellerie-restauration. Si le taux d'emploi, en France, était le même, dans ces deux secteurs que celui existant aux Etats-Unis, elle compterait en effet 2,8 millions d'emplois supplémentaires. Une explication de cette différence basée sur des facteurs culturels semble peu pertinente, dans la mesure où le décrochage entre les deux pays dans le milieu des années 1970 a coïncidé avec l'apparition d'un coût du travail peu ou pas qualifié supérieur en France à celui existant aux Etats-Unis. Or dans le domaine des services, la demande de travail peu ou pas qualifié est beaucoup plus élastique, par rapport à son coût, que dans d'autres secteurs.

Evoquant la question de la baisse du coût du travail peu ou pas qualifié, ce rapport estime que des mesures allant en ce sens devraient être appliquées de façon générale, ainsi que sur une longue période afin de présenter une efficacité optimale. Il est ainsi regrettable que le programme de réduction du coût du travail mis en place en France en septembre 1995 ait été remis en cause dès le printemps 1997 alors qu'aux Etats-Unis les créations d'emplois s'inscrivent dans une tendance de long terme, relativement indépendante des alternances politiques.

Cette étude avait été publiée en décembre 1997 par les Notes de la Fondation Saint-Simon. Eu égard à son intérêt la Commission des Finances du Sénat avait tenu à en entendre l'auteur dès le début du mois de février 1998.

A cette occasion M. Piketty avait rappelé que le salaire minimum, ainsi que le taux de travail à temps partiel étaient pratiquement identiques dans les deux pays. En revanche, le système de protection sociale constituait un élément essentiel de différence, les Etats-Unis n'offrant qu'une couverture sociale très faible aux salariés peu rémunérés. De ce fait, pour maintenir en France le niveau actuel de protection sociale, les mécanismes de solidarité devaient être accrus et repensés, notamment en déplaçant le poids des charges sociales des bas vers les hauts salaires. Ainsi la croissance américaine a-t-elle provoqué l'apparition simultanée d'emplois peu et hautement qualifiés, alors que l'économie française n'a créé que des emplois hautement qualifiés, sans passer par la phase de créations intensives d'emplois précaires et peu rémunérés.

Il avait également indiqué que la loi relative aux de 35 heures, dont l'approche était différente de celle concernant la baisse du coût du travail peu qualifié, était susceptible de créer des emplois car elle s'inscrivait dans une logique de temps partiel, qui avait déjà permis en dix ans la création d'un million d'emplois de ce type en France mais qu'il était probable que le passage aux 35 heures entraînerait un gel salarial durable.

1. La ristourne dégressive des cotisations sociales patronales sur les bas salaires

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1998, votre commission s'était élevée contre la volonté du gouvernement d'amenuiser la ristourne dégressive sur les bas salaires, notamment en abaissant le plafond des salaires éligibles à 1,3 SMIC.

Dans ce cadre, le Sénat, en adoptant le 29 juin 1998 la proposition de loi déposée par M. Christian Poncelet, avait tenu à manifester son attachement à un tel dispositif et sa volonté d'en étendre le champ eu égard à ses effets bénéfiques sur l'emploi.

Elle ne peut que se féliciter de la progression de 11,8 % des crédits, qui s'élèvent à 43 milliards de francs. Cette forte hausse permettra par ailleurs de pallier l'insuffisance des dotations antérieures que l'on peut estimer à 2,8 milliards de francs.

Elle a été de facto confirmée par le ministre qui lors de son audition par votre commission estimait que " la prévision de dépenses de 43 milliards de francs pour 1999 était cohérente avec la prévision de 41,5 milliards de francs de dépenses pour 1998 ".

Votre rapporteur s'étonne cependant de la cohérence d'ensemble de ces chiffrages et de leurs très fortes variations. En effet, dans le projet de loi de finances rectificative pour 1998 figurent 5,6 milliards de francs de crédits au titre du " rattrapage " des exonérations de charges sur les bas salaires, soit un montant sensiblement plus important que celui que laissait entrevoir le ministre pour 1998. En effet, en prévoyant des dépenses de 41,5 milliards de francs, elle sous-entendait que ce rattrapage, par rapport à une dotation initiale de 38,7 milliards de francs, ne serait que de 2,8 milliards de francs, soit la moitié du chiffre figurant dans le collectif pour 1998.

Il apparaît donc indispensable que des compléments d'information précis soient apportés en ce domaine au Sénat.

2. Les autres exonérations

a) Les exonérations sur les bas salaires

Il s'agit d'une part de l'exonération des charges dans les DOM résultant de la loi du 25 juillet 1994 dont le montant est porté de 705 millions de francs 12( * ) à 1 milliard de francs.

Par ailleurs bénéficiaient de l'exonération de cotisations d'allocations familiales certaines catégories d'employeurs auxquels la ristourne dégressive ne s'appliquait pas : ceux situés en zone de revitalisation rurale, ceux relevant de régimes spéciaux de sécurité sociale ou au tire des " entreprises nouvelles ".

L'article 81 du projet de loi de finances pour 1999 vise à supprimer ces exonérations au titre de la rationalisation des aides à l'emploi.

Votre commission ne peut que marquer sa surprise devant une telle disposition qui vient contredire la pérennisation d'un dispositif votée lors de la précédente loi de finances et soutenue par votre commission. Cette suppression apparaît à votre commission tout à la fois inopportune et précipitée. Elle ne semble pas, par ailleurs, être satisfaisante au plan de la technique juridique. En conséquence, et quelque puisse être l'intérêt d'une rationalisation de ce dispositif d'aide elle vous demandera d'adopter un amendement de suppression de cet article.

b) Les autres exonérations

Elles concernent soit des zones économiques en difficulté ( 1,4 milliard en progression de 400 millions de francs), soit présentent un caractère spécifique (presse locale, travailleurs indépendants ou les avantages en nature des cafés restaurants). Leur progression est de 11,45 % et elles s'établissent à 465,2 millions de francs.

Page mise à jour le

Partager cette page