CHAPITRE III

LES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ILE-DE-FRANCE

En dépit du redressement du trafic, les transports collectifs en Ile-de-France coûtent de plus en plus cher à l'Etat, aux entreprises et aux usagers.

Le tableau ci-après donne le détail et l'évolution des différentes contributions de l'Etat.

Comme en 1997 et en 1998, on ne peut qu'être frappé par le contraste entre l'évolution des subventions de fonctionnement (+ 270 millions de francs en 1998, + 50 millions de francs en 1999) et celle des subventions d'investissement (- 41 millions de francs en 1998, - 225 millions de francs en 1999).

I. LE FINANCEMENT DU FONCTIONNEMENT DES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ILE-DE-FRANCE

La très vive hausse des tarifs observable en Ile-de-France depuis plus de dix ans a été compensée sur la période par une érosion du trafic, à laquelle elle n'est très probablement pas étrangère. Lorsque les prix montent, la demande baisse : c'est un raisonnement élémentaire.

Simultanément, la hausse des coûts de fonctionnement des entreprises de transport collectif a excédé largement celle de leurs recettes commerciales.

Par conséquent, la pression sur les recettes financées par prélèvements obligatoires (indemnité compensatrice et versement de transport) a fortement augmenté.

Les présents crédits continuent de manifester cette tendance, tout en l'infléchissant grâce à une légère reprise du trafic.

La SNCF et la RATP ont entrepris de redresser cette situation, et des résultats sont déjà perceptibles. L'Etat doit également jouer son rôle, en adaptant l'offre de transport à la demande, et par une politique tarifaire adaptée. Ceci passe par deux voies :

- le renforcement des investissements sur les lignes de banlieue à banlieue ;

- le freinage de la hausse des tarifs en grande banlieue.

A. L'ÉVOLUTION DES TARIFS ET DES TRAFICS

1. L'évolution des tarifs

L'évolution des tarifs en termes réels est retracée dans le graphique ci-après. Les prix des transports publics ont fait l'objet d'une hausse moyenne de 3,4 % à compter du 1er juillet 1998. Les prévisions associées au présent projet de loi de finances font également état d'une hausse moyenne des tarifs de l'ordre de 3 % en 1999.

Ceci signifie que les franciliens et les entreprises qui les salarient auront connu en 1998 une hausse des tarifs de transport collectif supérieure de près de 35 % à celle des prix des autres biens et services par rapport à 1986.

Cette forte évolution des tarifs était justifiée à l'origine par la nécessité de faire prendre en charge par les usagers une fraction plus substantielle du coût du transport. Il est vrai que cette fraction est faible (un gros tiers) et notablement plus faible que celle prise en charge par les usagers de province. L'objectif initial était donc de relever progressivement à 50 % la part du coût pris en charge par l'usager.

Mais à l'expérience, on doit constater que l'objectif n'a pas été atteint : la hausse de la prise en charge ne pouvait en effet se produire que pour autant que le chiffre d'affaires des entreprises de transport augmente également, et que les entreprises de transport maîtrisent leurs coûts.

Or, le trafic s'est érodé sur la période . En 1997, il reste inférieur, à structure constante, au niveau constaté en 1989. En outre, les coûts d'exploitation ont dérivé en dépit de l'érosion du trafic.

Comme le soulignait déjà la Cour des Comptes en 1995, le rattrapage des tarifs ne saurait donc constituer l'unique remède à la résorption des déficits. Celle-ci suppose au contraire une maîtrise des coûts et une amélioration de la qualité du service (confort, ponctualité, sécurité, fiabilité).

Sinon, comme le rappelait en 1995 le rapport du Commissariat général du Plan " Transports : le prix d'une stratégie ", l'augmentation continue des tarifs aggrave son caractère d'iniquité, alimente la fraude et pénalise les populations les plus faibles (jeunes, chômeurs) davantage que les salariés, (dont les frais de déplacement sont partiellement pris en charge), sans pour autant redresser les résultats des transporteurs.

Les tarifs des transports en Ile-de-France ont ainsi fait l'objet en 1998 de trois mesures spécifiques visant à éviter ces effets pervers :

- le rééquilibrage des prix entre le centre et la périphérie, au bénéfice des voyageurs de banlieue. L'augmentation de la carte orange a ainsi été inférieure à 2 % pour les zones 1-4 à 1-8. En outre, l'augmentation des billets SNCF a été limitée à 2,5 %.

Inversement, pour les résidents les plus proches de la zone centrale, les tarifs ont augmenté davantage à mesure que l'on se rapproche du centre. Ainsi, la carte orange 1-3 augmente de 3,4 %, la carte orange 1-2 de 6,3 % et le carnet de tickets de métro de 8,2 % ;

- la mise en place, en mars 1998, d'un chèque mobilité pour favoriser les déplacements de certains demandeurs d'emploi et de certains allocataires du RMI ;

- la création, à compter de la rentrée 1998, d'une carte jeune ("Imagine R") en faveur des enfants d'école primaire, des lycéens, des apprentis et des étudiants.

Ces modulations tarifaires se sont traduites :

- par une moindre progression du prix moyen effectivement acquitté par les usagers ;

- par la création de nouvelles compensations tarifaires ;

- par une augmentation des recettes des transporteurs, du fait de la diminution de la fraude et de l'augmentation des compensations tarifaires.

2. L'évolution du trafic

En 1997, le trafic a progressé de 2,8 % à la RATP et de 3,8 % à la SNCF, cette évolution favorable s'accentuant en fin d'année et se prolongeant au premier semestre 1998.

Cette inflexion positive s'explique pour partie par le reprise économique, notamment la stabilisation de l'emploi à Paris et le dynamisme de l'emploi dans les Hauts-de-Seine, en particulier à la Défense ; et pour partie par une année touristique exceptionnelle qui s'est traduite par une forte augmentation des ventes de forfaits commerciaux (+ 39,7 % pour les ventes de "Paris-visite").

Ce redressement résulte aussi de la vigoureuse campagne de reconquête des usagers engagée par la SNCF et la RATP, alors qu'elles n'étaient pas encouragées à le faire.

La pérennité de cette évolution est toutefois incertaine, et repose sur plusieurs conditions :

les transporteurs doivent améliorer la maîtrise de leurs coûts ;

les transporteurs doivent poursuivre l'amélioration de la qualité du service, notamment en terme de fiabilité et de propreté. Les enquêtes conduites auprès des voyageurs montrent en effet que leurs attentes en matière de propreté restent fortes. La propreté des gares et des trains est en effet un élément essentiel au sentiment de sécurité des voyageurs et constitue un appui à la prévention des incivilités. L'amélioration du nettoyage est ainsi peu spectaculaire, mais parfois plus efficace que des investissements de haute technologie pour réconcilier les franciliens avec leurs transports en commun.

Ces efforts resteront toutefois vains si l'Etat (via le syndicat des transports parisiens) ne prend pas les responsabilités qui lui incombent, en infléchissant durablement sa politique dans trois domaines :

- les investissements doivent se diversifier davantage sur la banlieue. La concentration sur les liaisons est-ouest de Paris intra-muros (Eole et Météor) est une erreur à ne plus commettre ;

- les tarifs en banlieue et grande banlieue doivent continuer de progresser moins vite qu'en zone centrale. Une trop forte hausse encourage ceux qui le peuvent à prendre leur voiture, les autres à frauder ;

- enfin, il est indispensable de s'attaquer vigoureusement aux problèmes de sécurité . Les transports publics sont en effet devenue la cible privilégiée de la violence urbaine, notamment en banlieue.

L'évolution de la sécurité dans les transports collectifs d'Ile-de-France

Si, fin 1997, on observait une régression significative de la délinquance, aussi bien envers les voyageurs qu'envers les agents, à la faveur du maillage policier mis en place après les attentats de 1995, cette tendance s'est inversée à la fin du premier semestre 1998 :

- les délits envers les voyageurs augmentent à 7,9 par jour en moyenne au premier semestre 1998, contre 7,4 pour la même période de 1997. Ces délits (aux 2/3 des vols à la tire) sont pour moitié concentrés sur 31 complexes du métro et du RER ;

- les délits envers les agents, tous réseaux confondus, ont augmenté de 18 % et de plus de 30 % pour les agents du réseau bus et tram (3,4 violences par jour à la mi-1998). La quasi-totalité de cette augmentation est due à la recrudescence des violences contre les machinistes. De plus, ces derniers subissent au quotidien de nombreux actes d'incivilités (injures, crachats, vexations de toute nature, etc...) qui ne font qu'accroître le malaise de cette profession.

Face à cette violence, les réponses de la brigade de surveillance de la RATP (GPSR, 720 agents) ou de la police (SPSM, 400 agents) s'avèrent efficaces. En effet, dans 75 % des cas, les équipes des agents de sécurité ou celles de la police arrivent sur les lieux des incidents en moins de 10 minutes ; 72 % des auteurs de violences à l'encontre des agents RATP ont été interpellés sur le réseau ferré et mis à disposition de la police judiciaire pendant les six premiers mois de 1998. Ces performances s'appuient sur un dispositif technique renforcé : télésurveillance, extension de la radiolocalisation des bus (programme AIGLE), etc...

La portée de ces dispositifs est toutefois limitée par l'insuffisance des poursuites et des condamnations : il importe de sanctionner effectivement les auteurs de ces violences.

En outre, les entreprises de transport sont relativement démunies face au développement des incivilités, qui sont pourtant une source majeure de désaffection des transports en commun en entraînant un climat d'insécurité latent.

B. L'ÉVOLUTION DES CONTRIBUTIONS ADMINISTRÉES

L'insuffisance persistante des recettes commerciales a pesé sur les financements reposant sur les prélèvements obligatoires ; que ce soit le budget général avec l'indemnité compensatrice, ou le versement de transport, acquitté par les entreprises et rétrocédé aux compagnies de transport par le syndicat des transports parisiens.

1. Le versement transport


Le versement de transport est une taxe assise sur la masse salariale des entreprises de plus de 10 salariés.

Rendement du versement de transport

(en millions de francs)

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998
estimation

1999 prévision

7.269

7.819

8.411

9.368

10.015

10.082

11.145

11.869

12.061

12.400

Le produit du versement transport a augmenté en 1997 de 6,5 %, à 11,9 milliards de francs. Entre 1989 et 1997, le versement transport aura ainsi augmenté de 73,2 %.

Le rendement du versement de transport n'a pas progressé grâce à la prospérité des entreprises franciliennes, mais grâce à des relèvements successifs de taux (1988, 1991, 1993 et 1996) et des extensions d'assiette (en 1993, à l'ensemble de la masse salariale et non plus à la masse sous plafond de la sécurité sociale, en 1995, aux entreprises installées dans les villes nouvelles).

2. L'indemnité compensatrice


Cet alourdissement des charges pesant sur les entreprises ne s'étant pas traduit par une augmentation du nombre de leurs salariés utilisant les transports en commun, l'ajustement de l'augmentation des coûts des sociétés de transport franciliennes s'est fait sur l'indemnité compensatrice payée par l'Etat.

C. L'ÉVOLUTION DE LA RÉPARTITION DU FINANCEMENT DES CHARGES D'EXPLOITATION

Le tableau ci-dessous indique la part respective de l'usager, de l'Etat, des collectivités locales et des employeurs dans le financement des charges d'exploitation de la RATP et de la SNCF-Banlieue.



On observe sur ce tableau que, contrairement à l'objectif poursuivi, la part de l'usage n'a guère augmenté dans la prise en charge du fonctionnement des transports collectifs d'Ile-de-France.

D. LE PARADOXE DU FINANCEMENT DES TRANSPORTS EN COMMUN D'ILE-DE-FRANCE

Sur la période 1991-1996 :

- les tarifs ont augmenté de 28 % en termes réels ;

- le versement transport a augmenté de 42,5 % ;

- l'indemnité compensatrice a augmenté de 11,9 %.

Ce paradoxe résulte de la diminution du trafic et de l'augmentation des coûts du transport.

Sur la période 1997-1999 :

- les tarifs augmentent de près de 10 % ;

- le trafic se redresse (+ 5 % en 1997-1998, + 1 % à + 2 % attendus pour 1999), à la faveur de la reprise économique ;

- le versement transport attendu augmente de 11,3 % ;

- pourtant, l'indemnité compensatrice versée par l'Etat augmente dans le projet de loi de finances pour 1999 par rapport à la loi de finances initiale pour 1998.

Il y a là un paradoxe : les usagers et les entreprises paient de plus en plus, le trafic se redresse, mais les concours publics sont toujours aussi élevés.

Ce paradoxe trouve son origine dans la dérive des coûts .

Cette dérive des coûts s'explique pour partie par le lancement simultané de deux projets largement redondants : Eole et Météor.

Selon le ministre de l'équipement, des transports et du logement, la nouvelle ligne de métro Météor se traduit pour la RATP par une perte annuelle de l'ordre de 250 millions de francs, auxquels il conviendrait d'ajouter les charges financières des investissements financés par la collectivité publique. In fine, chaque voyage effectué sur la ligne Météor 6( * ) coûte ainsi plus de 20 francs à la collectivité, directement ou au travers de la subvention d'équilibre de la RATP, pour un trajet maximal de 7 kilomètres 7( * ) .

Par ailleurs, la mise en service d'Eole devrait se traduire pour la SNCF Ile-de-France par un surcoût annuel de l'ordre de 600 millions de francs (y compris le remplacement des rames existantes par des trains à deux niveaux).

Ce constat invite à conduire enfin une réforme du syndicat des transports parisiens, que chacun s'accorde à reconnaître indispensable, afin de clarifier les responsabilités des opérateurs, de l'Etat et des collectivités locales.

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