CHAPITRE III
-
Dispositions relatives aux cadres

Art. 5
(art. L. 212-15-1, L. 212-15-2, L. 212-15-3
et L. 212-15-4 nouveaux du code du travail)
Réglementation du temps de travail appliquée
aux cadres et aux itinérants

I - Le dispositif proposé

Cet article distingue trois catégories de cadres pour l'application de la réglementation de la durée du travail : les cadres dirigeants, les cadres intégrés et tous les autres. Par ailleurs, les dispositions relatives aux cadres sont regroupées dans une section V intitulée " Dispositions particulières relatives aux cadres " qui prend place après la section IV du chapitre II du titre Ier du livre II du code du travail.

1. Les cadres dirigeants

Le projet de loi légalise l'exclusion des cadres dirigeants de la réglementation de la durée du travail (durées maximales, repos journalier et hebdomadaire, jours fériés compris) dans la mesure où ils se voient confier des responsabilités dont l'importance implique une large indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps (art. L. 212-15-1 nouveau). Contrairement à l'avant-projet de loi, les cadres dirigeants bénéficient toutefois des congés payés et du repos obligatoire des femmes en couche.

L'exclusion des règles relatives au repos éclaire sur le caractère très restrictif de la notion de cadre dirigeant. Cette catégorie ne devrait représenter qu'un faible pourcentage des cadres, les cadres visés se situent en effet en principe dans le premier cercle concentrique du pouvoir entourant le chef d'entreprise. Cette exclusion concernerait alors exclusivement des directeurs qui siègent au comité de direction ou qui participent à la prise des décisions stratégiques concernant la vie de l'entreprise. Dans leurs domaines respectifs, ces cadres dirigeants exercent toutes les prérogatives de l'employeur sans avoir à solliciter des autorisations préalables. En contrepartie, ils assument, par délégation implicite, la responsabilité pénale du chef d'entreprise. Ils apparaissent ainsi quasiment comme des " co-mandataires de fait ".

2. Les cadres intégrés

L'article 5 crée un article L. 212-15-2 qui prévoit que les salariés ayant la qualité de cadres au sens des conventions collectives de branche, occupés selon l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés et pour lesquels la durée de leur temps de travail peut être prédéterminée sont obligatoirement soumis à l'ensemble de la réglementation de la durée du travail. Sont concernés les cadres de proximité comme les chefs de chantier, les responsables d'agences ou les chefs de service qui encadrent des équipes de travail et qui sont soumis aux mêmes contraintes de présence. Par contre, ne seraient pas concernés les cadres de mission (chercheurs, ingénieurs, journalistes...).

3. Les autres cadres

L'article L. 212-15-3 prévoit que les salariés qui n'appartiennent pas aux deux précédentes catégories doivent bénéficier d'une réduction effective de leur durée du travail et que cette durée peut être fixée par des conventions individuelles de forfait qui peuvent être établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle. Lorsque ces conventions de forfait sont établies sur l'année, en heures ou en jours, leur conclusion doit être prévue par une convention ou un accord collectif étendu ou par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement. Le décompte forfaitaire en heures, dans le cadre hebdomadaires ou mensuel, constitue donc la seule modalité applicable à défaut d'accord.

Après réduction, la nouvelle durée conventionnelle du travail peut néanmoins être supérieure à 35 heures. L'accord collectif doit par ailleurs être complété par la conclusion d'un avenant aux contrats de travail.

La catégorie des cadres au forfait serait d'autant plus vaste que l'on retiendrait une définition restrictive du cadre intégré. Ne seraient pas seulement alors concernés les cadres dont l'horaire n'est pas contrôlable mais également les cadres dont le temps de travail est aléatoire et ne peut être fixé à l'avance.

Lorsque le temps de travail est fixé en heures, le décompte peut s'effectuer forfaitairement à la semaine, au mois ou à l'année. En cas de forfait annuel horaire, l'ensemble des dispositions relatives à la durée du travail s'appliquent à l'exception des dispositions relatives à la durée maximale journalière et hebdomadaire du travail fixées par la loi auxquels des dispositions conventionnelles peuvent toutefois se substituer.

Le décompte en jours est subordonné à un nombre maximum de 217 jours travaillés par an. Il n'est plus fait référence aux 5 jours supplémentaires de repos visés dans l'avant-projet de loi. Cette nouvelle mesure du temps de travail des cadres ne distingue plus dans une journée ce qui relève ou non du temps de travail effectif (repas d'affaires, missions professionnelles...). A contrario , toute journée comportant pour partie du temps de travail devrait être comptabilisée comme un jour travaillé, sauf à identifier la prise effective d'une demi-journée de repos.

Le décompte en jours dispense l'employeur d'appliquer les 35 heures aux cadres concernés et l'exonère des dispositions relatives à la durée journalière et hebdomadaire du travail. Par contre, l'employeur doit respecter les règles applicables au repos journalier (11 heures consécutives), au repos hebdomadaire (1 tous les 6 jours d'une durée ininterrompue de 24 heures).

Le projet de loi légalise le forfait de salaire en reprenant les apports de la jurisprudence relatifs au respect des minima conventionnels.

4. Les non-cadres itinérants

L'article L. 212-15-3 nouveau prévoit que la convention ou l'accord peut également préciser que le décompte de la durée en jours est applicable aux salariés itinérants n'appartenant pas à la catégorie et dont la durée du temps de travail ne peut être déterminée.

L'application du décompte forfaitaire de la durée du travail suppose donc l'absence d'horaire déterminé ce qui exclut les chauffeurs routiers par exemple mais le statut d'autres catégories de salariés comme les VRP reste incertain.

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

•  L'Assemblée nationale a adopté un amendement déposé par la commission et le groupe socialiste ayant pour souci de définir le plus précisément possible la notion de cadres dirigeants en ajoutant aux critères retenus par le Gouvernement le niveau de rémunération et le pouvoir de décision, l'ensemble de ces critères devant être considérés comme cumulatifs.

•  La fin du premier paragraphe de l'article L. 212-15-3 a été modifiée par l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement présenté par le groupe socialiste qui a considéré que les conventions individuelles de forfait annuelles devaient nécessairement déterminer les catégories de cadres susceptibles de bénéficier de ces conventions individuelles de forfait ainsi que les modalités et les caractéristiques principales des conventions de forfait susceptibles d'être conclues. A défaut de convention ou d'accord collectif étendu ou de convention ou d'accord d'entreprise ou d'établissement, des conventions de forfait peuvent néanmoins être établies sur une base mensuelle.

•  Par ailleurs, l'Assemblée nationale a prévu en adoptant un amendement présenté par la commission et le groupe socialiste que les dérogations apportées aux limites journalières et hebdomadaires devaient être accompagnées par la définition de modalités de contrôle de l'application de ces nouveaux maxima conventionnels et la détermination des conditions de suivi de l'organisation du travail et de la charge de travail des salariés concernés.

•  L'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par la commission et le groupe socialiste qui précise que le nombre de 217 jours travaillés sur l'année n'est pas une référence en soi pour l'ensemble des accords mais constitue un plafond. Il s'agit ce faisant pour l'Assemblée nationale d'insister sur le fait que les négociateurs ont tout à fait la possibilité de convenir au niveau de la branche ou de l'entreprise au niveau plus faible de jours travaillés au cours de l'année.

•  Dans le cadre des conventions de forfait en jours, l'Assemblée nationale a ajouté la notion des modalités de contrôle à celle de suivi du nombre de jours travaillés que devait prévoir l'accord collectif en votant un amendement présenté par la commission.

•  Par ailleurs, l'Assemblée nationale a rappelé que les salariés concernés par un forfait en jours devraient bénéficier des dispositions relatives au repos hebdomadaire en adoptant un amendement présenté par la commission et le groupe socialiste et accepté par le Gouvernement.

III - Les propositions de votre commission

Comme l'ont souligné plusieurs orateurs à l'Assemblée nationale dont Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Georges Sarre et Gérard Terrier, les cadres craignent que le forfait débouche sur une intensification du travail, c'est-à-dire l'effet exactement contraire à celui recherché.

Par ailleurs, votre commission observe que le recours à la loi pour définir le régime des cadres est une conséquence de l'abaissement généralisé de la durée du travail qui oblige le Gouvernement à organiser de manière précipitée des dispositions ayant pour objectif la réduction du temps de travail des cadres. La solution proposée -la distinction artificielle de trois catégories de cadres- ne semble pas pertinente du fait notamment des difficultés à distinguer les cadres au forfait des cadres intégrés.

Par ailleurs, il apparaît que la définition des différentes catégories de cadres retenue ne reprend pas le contenu des accords signés par les partenaires sociaux dans leur intégralité, que ce soit en termes de frontières entre les catégories, ou pour ce qui est du contenu du forfait.

Il est à noter que le désaccord qu'entretient votre commission avec l'article premier enlève tout caractère d'urgence à la définition législative d'un régime des cadres dans le cadre d'une réduction du temps de travail généralisée.

C'est pourquoi votre commission vous propose de modifier cet article 5 en prévoyant qu'une convention ou un accord collectif étendu peut déterminer les modalités particulières applicables à l'organisation et à la rémunération du travail des cadres qui, du fait de leurs fonctions, de leurs responsabilités et de leur niveau de rémunération, doivent bénéficier d'une large indépendance dans l'organisation de leur temps de travail, excluant l'application des règles de droit commun relatives à la durée du travail.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

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