2. Les « effets pervers » d'une politique excessivement centrée sur la prévention secondaire

Traditionnellement, en matière de lutte contre la drogue, sont distinguées la prévention primaire et la prévention secondaire. La première s'adresse aux personnes ne consommant pas de drogues et vise à les dissuader de devenir usagers. La seconde s'adresse aux personnes utilisant des produits stupéfiants, de façon plus ou moins intense, et cherche à réduire, ou mieux, à supprimer leur comportement addictif. Les deux types de prévention, dont les publics et les objectifs diffèrent, doivent normalement être menées de façon simultanée et équilibrée.

Or, il apparaît que la politique de prévention de la MILDT s'est excessivement focalisée sur la prévention secondaire, au point de considérer comme acquise l'idée qu'existe une consommation et que les pouvoirs publics ne peuvent espérer l'éradiquer, mais tout juste la contenir, ou plutôt en limiter les effets « collatéraux ». C'est en tout cas le message que véhicule l'expression utilisée par Mme Nicole Maestracci lors de son arrivée à la tête de la structure interministérielle en 1998 selon laquelle « une société sans drogue, ça n'existe pas », ce dont elle tire comme conséquence que « l'objectif de la politique publique dans le domaine des drogues est de réduire les dommages sanitaires et sociaux liés à l'usage des drogues ».

Si cet objectif est louable et nécessaire, il ne doit pas pour autant conduire à négliger la prévention primaire, dont la population cible est quantitativement et qualitativement essentielle puisqu'elle concerne l'ensemble des non consommateurs de drogues illicites (qui constituent tout de même plus de 90 % de la population) et surtout la majeure partie de la jeunesse. La réduction des risques est une composante, certes importante, mais non unique, de la politique de lutte contre la drogue ; elle doit prendre en son sein la place aux côtés d'autres instruments et approches tout aussi fondamentaux, concernant aussi bien les stratégies de réduction de l'offre que les stratégies de réduction de la demande. C'est là un élément qu'a clairement souligné M. Philip Emafo, président de l'OICS, lors de l'entretien qu'a eu avec lui la délégation sénatoriale dans le cadre de son déplacement à Vienne.

Or, la politique de réduction des risques a monopolisé le terrain de la lutte contre la drogue, ce qui a eu pour effet de sensibiliser une partie de l'opinion publique à l'idée que l'existence de la drogue était incontournable et qu'il fallait en conséquence se résoudre à la gérer. « Force est de constater que le discours officiel, institutionnel, a entraîné une grande confusion dans les esprits, notamment en détournant (...) la notion de prévention des risques » a affirmé le ministre de l'intérieur M. Nicolas Sarkozy lors de son audition par la commission. Ajoutant qu'elle constituait « une politique utile et justifiée dès que la santé et bien sûr la vie des usagers est susceptible d'être mise en cause », le ministre a appelé à « veiller à ce que cette politique réaliste ne soit pas dévoyée à d'autres fins ».

De son côté, le ministre de la santé, M. Jean-François Mattéi, a déclaré à la commission que les progrès indéniables accomplis dans le domaine de la prévention secondaire « ont peut-être masqué un constat qui s'impose aujourd'hui : la prévention primaire reste le maillon faible de notre système sanitaire ». « Ne nous trompons pas , a t-il ajouté, réduire les dommages liés à la consommation de drogues n'est pas prévenir la consommation elle-même ».

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