E. LE DÉVELOPPEMENT DES STRUCTURES D'ACCUEIL DES PERSONNES ÂGÉES

La mission estime indispensable de développer les structures d'accueil des personnes des personnes âgées et de tirer toutes les conséquences du vieillissement de la population française.

Il s'agit en effet d'une nécessité impérieuse : les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer sont aujourd'hui 700 000 et le nombre de personnes âgées de plus de 85 ans devrait presque quadrupler en 50 ans. Des efforts importants devront donc être réalisés à l'avenir. Dans cette perspective, la mission a souhaité examiner le « modèle belge », souvent cité en exemple, pour en tirer éventuellement des enseignements.

1. Le modèle belge

A l'occasion de ses déplacements à Bruxelles et à Lille, la mission d'information a cherché à comprendre les raisons de l'attrait des structures belges d'hébergement pour les Français. Il convient en effet de rappeler que la Belgique accueille au total 2 500 retraités et 2 800 personnes handicapées ayant la nationalité française.

On remarquera au préalable que la politique de la Belgique en faveur des personnes âgées apparaît particulièrement dynamique et volontariste. Elle s'est ainsi traduite, entre 1997 et 2002, par une reconversion de 25.000 lits non médicalisés en lits médicalisés dans les maisons de retraite.

a) Les structures d'accueil des personnes âgées en Belgique

D'une façon générale, la diversité de l'offre apparaît plus grande en Belgique qu'en France et la disponibilité des places plus importante.

PANORAMA DES DIFFÉRENTES STRUCTURES ACCUEILLANT DES PERSONNES ÂGÉES :

Outre les maisons de repos pour personnes âgées (MRPA ou MR)  et les maisons de repos et de soins (MRS), d'autres d'institutions existent en Belgique :

- les maisons de soins psychiatriques (MSP), qui offrent aux personnes âgées une structure d'accueil à caractère résidentiel ou une approche active permettant leur réinsertion sociale (habitations protégées, maisons de repos et de soin, retour au domicile ou en famille) ;

- les centres d'accueil de jour, où sont accueillies, pendant la journée, des personnes âgées de soixante ans au moins, en perte d'autonomie, pour y bénéficier de soins familiaux et ménagers et, au besoin, d'une prise en charge thérapeutique et sociale ;

- les centres de soins de jour qui sont des lieux où des soins journaliers et une aide familiale et ménagère partielle ou globale sont proposés aux personnes âgées les plus dépendantes ;

- les centres de court séjour ;

- les résidences services, qui offrent un ensemble de services aux personnes âgées pour leur permettre de mener une vie indépendante. Cette formule est aujourd'hui encore assez peu développée (plus au nord qu'au sud du pays) .

b) Les règles de financement

Seuls les établissements publics et associatifs peuvent obtenir des subventions pour la partie investissement.

S'agissant de la partie fonctionnement, le système est fondé sur un budget global dans lequel la sécurité sociale belge calcule, pour chaque établissement, le budget individuel qui doit couvrir les dépenses de trois trimestres. Dès lors, un dépassement peut engendrer une diminution du forfait de l'établissement sur le dernier trimestre de l'exercice de l'enveloppe, voire des forfaits pour l'ensemble des établissements. L'assurance maladie intervient pour couvrir les coûts des soins et l'assistance pour les actes de la vie courante. Les coûts des soins sont financés sur la base d'une intervention forfaitaire par jour, qui est facturée par l'institution aux organismes assureurs.

Le forfait est octroyé aux établissements qui doivent répondre aux trois critères suivants : être agréés par l'autorité régionale, avoir adhéré à la convention nationale et répondre aux normes d'encadrement de personnel.

Les forfaits sont définis en fonction du degré de dépendance des bénéficiaires, mesuré au moyen de l'échelle de Katz, qui s'apparente sur certains points à la grille AGGIR de l'APA en France. Le niveau de dépendance est validé par le médecin de l'organisme assureur et peut faire l'objet d'une révision. Ce mécanisme conduit les gestionnaires à réévaluer régulièrement (par exemple, tous les quinze jours) le niveau de dépendance des résidents.

c) Le mode de tarification

Le tarif d'hébergement, qui est à la charge du résident, est fixé par l'établissement. Il correspond notamment aux frais de logement et d'hôtel ainsi qu'aux frais de « literie ».

Ce tarif ne varie d'une année sur l'autre qu'en cas de déficit du budget de l'établissement, de changement de législation, ou d'augmentation particulière des charges toujours sur la base d'un accord du ministère des affaires économiques, après analyse d'un dossier justifiant la demande de hausse des prix.

S'agissant des pensionnaires belges, l'état fédéral peut financer une allocation pour personne âgée, de façon à assurer un complément de revenu (sur la base du niveau d'invalidité de la personne et de ses revenus). Les centres publics d'aide sociale assument en revanche la plus grande partie de la charge des personnes dont les revenus sont insuffisants.

d) Les taux d'encadrement en personnel et l'évaluation des coûts

Le ratio d'encadrement en personnel serait globalement légèrement plus élevé en Belgique qu'en France, mais les comparaisons sont rendues malaisées par les spécificités nationales. On constate en effet des différences au niveau :

- de la prise en charge des soins dont la couverture dépasse celle réalisée en France, le personnel soignant et aide-soignant en Belgique étant plus polyvalent que dans notre pays. D'une manière générale, le personnel soignant participe à la prise en charge de la dépendance de la personne âgée ;

- de la surveillance de nuit assurée en Belgique par le personnel soignant ;

- d'une qualité de prise en charge différente (comme le montre l'exemple de la MRS de Warneton, visitée par la mission d'information, qui propose des repas froids le soir et des chambres d'une surface assez réduite);

- dans une plus grande polyvalence des personnels hôteliers et une très grande souplesse dans l'organisation du travail, en constante modification pour tenir compte des besoins.

Les deux principales différences résident, d'une part, dans les coûts salariaux, qui seraient plus élevés en Belgique qu'en France, et d'autre part, dans la durée du temps de travail, qui est plus faible en France qu'en Belgique (38 heures par semaine).

Dès lors, il semble donc que la prise en charge de la sécurité sociale belge (INAMI) soit plus élevée qu'en France et qu'elle prenne en compte une partie des charges de personnel liées à la dépendance. Cette plus forte participation de l'INAMI peut expliquer des tarifs moins élevés qu'en France : de 25 à 35 euros par jour en moyenne en Belgique, contre 40 à 50 euros en moyenne en France.

e) La qualité des soins

Les exigences en matière de sécurité et de qualité de soins paraissent identiques en Belgique, par rapport aux normes françaises.

L'encadrement en personnel soignant semble plus important qu'en France, notamment la nuit, où la présence d'une infirmière est obligatoire. Cependant, il existe deux catégories d'infirmières en Belgique, alors qu'en France, elles sont toutes diplômées d'état.

En revanche, les auxiliaires de soins bénéficient d'une formation plus longue que dans notre pays. S'agissant des médicaments, les structures françaises tolèrent que leur distribution soit assurée par les aides soignantes, alors que les infirmières belges sont seules autorisées à distribuer les médicaments.

En outre, la politique gérontologique pour les personnes en fin de vie semble plus développée en Belgique : plates-formes au niveau des régions, formation spécifique obligatoire du personnel...

f) Des conclusions prudentes

Au total, les facteurs pouvant expliquer l'attrait des maisons de retraite belges pour les Français semblent être les suivants :

- la proximité géographique et culturelle, dans la mesure où un membre de la famille est souvent d'origine belge ;

- l'accueil et les projets d'animation, qui sont souvent dynamiques et adaptés ;

- une diversification des prises en charge, grâce à une offre plus importante ;

- un ratio de personnel auprès de la personne âgée plus important ;

- un coût d'hébergement moins élevé, même si un certain nombre de charges doivent souvent être ajoutées (produits de toilette, lavage du linge ...)

La mission souhaiterait que les premiers éléments de comparaison qu'elle a recueilli soient complétés par une étude approfondie de nos inspections générales.

2. Le développement de structures adaptées aux besoins des personnes âgées dépendantes

a) Un besoin de structures plus diversifiées

Les déplacements effectués par la mission d'information et les rencontres qu'elle a pu effectuer ont révélé la nécessité de structures diversifiées pour accueillir les personnes âgées.

Outre les maisons de retraite classiques, il conviendra de développer les foyers-logements, les hébergements temporaires, les accueils de jour, ainsi que les établissements permettant une prise en charge appropriée des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer.

Un gros effort doit être réalisé en la matière, comme l'a souligné devant la mission d'information M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées : « Oui, notre pays manque de lits médicalisés, parce qu'on n'a pas su anticiper ni accompagner ce phénomène du vieillissement. On manque d'environ 25 000 à 30 000 lits. Oui, 20 % des lits sont encore inadaptés dans les 10 000 maisons de retraite publiques, privées, associatives, locales. On ne peut pas dire qu'on ne fait pas ce qu'il faut pour bien y accueillir les personnes âgées, mais il existe encore des établissements où on retrouve des chambres à 5-6 lits, avec un sanitaire par étage. On a, dans ce secteur, un effort très important à faire pour la rénovation et la construction de nouveaux établissements ».

Le taux d'encadrement des personnels dans les établissements accueillant des personnes âgées doit également être revu à la hausse, ce qui nécessitera en parallèle, on l'a vu précédemment, qu'un effort de formation et de revalorisation de ces métiers soit mené. Les taux d'encadrement des personnels sont en effet insuffisants, comme l'a rappelé M. Hubert Falco : « On parle beaucoup des pays qui nous entourent. Nous ne sommes pas les meilleurs, mais on n'a pas non plus à rougir, contrairement à ce qu'on a dit, par rapport à l'ensemble des pays européens. Le ratio d'encadrement des personnels dans les établissements accueillant des personnes âgées, en Belgique et au Royaume-Uni, est de 0,4. En Espagne, il est de 0,5. En Finlande, il est de 0,6, en Allemagne de 1,2. (...) En France, le ratio est de 0,4 ».

SYNTHÈSE DU RAPPORT DE L'IGAS

LE RAPPORT DE L'IGAS RELATIF À LA PRISE EN CHARGE SOCIALE ET MÉDICOSOCIALE DES PERSONNES ÂGÉES FACE À LA CANICULE DE L'ÉTÉ 2003

Le rapport remis au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité confirme les observations et les préconisations de la mission.

Il relève que le phénomène exceptionnel de la canicule « a confirmé un certain nombre d'insuffisances dans une politique en faveur des personnes âgées dépendantes qui reste en construction ». Il souligne ainsi l'écart croissant entre les besoins et les capacités des structures d'accueil ou d'aide à domicile et relève que « les années 1990 se caractérisent par une croissance très ralentie de la capacité d'accueil des établissements pour personnes âgées ».

Tout en constatant le dévouement des équipes de terrain, le rapport énumère les nombreuses causes de la surmortalité constatée dans les établissements : âge et fragilité des résidents ; médicalisation insuffisante des établissements ; responsables « encore éloignés d'une culture du risque et de l'anticipation » ; personnels qualifiés en nombre insuffisant en période de congés.

Il insiste également sur l'inadéquation des prescriptions architecturales et des structures de certains établissements, soulignant que, « dans nombre de cas, la rénovation des bâtiments inadaptés est inenvisageable » et que « la modernisation passe par des opérations lourdes de reconstruction ». Il relève par ailleurs l'insuffisante capacité des services de soins infirmiers à domicile au regard des besoins croissants.

L'IGAS préconise de clarifier les responsabilités. Elle suggère de conforter la place du président du conseil général dans les dispositifs de prévention et en cas de déclenchement du « plan Vermeil » d'alerte. Elle invite ensuite les différents acteurs à entrer dans des réseaux de coordination gérontologique et préconise de mieux former les personnels et de dynamiser la rénovation des établissements sociaux.

Outre des propositions concrètes, l'IGAS propose également de mieux identifier les personnes vulnérables et souhaite associer les services publics de proximité ainsi que l'environnement local à des actions de vigilance à l'égard des personnes isolées.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a indiqué à la mission d'information que la mise en oeuvre du plan vieillissement et solidarité serait notamment « destiné à renforcer la médicalisation des établissements aux personnes âgées et à créer de nouvelles places. Il servira aussi à accentuer l'effort en faveur de la vie à domicile pour parvenir à environ 100 000 places de services de soins infirmiers à domicile en 2007 et à une augmentation significative des places en hébergement temporaire ou en accueil de jour ».

Dans le même sens, la mission estime nécessaire de privilégier le développement des services de soins infirmiers à domicile, et plus largement des dispositifs permettant le maintien à domicile des personnes âgées.

b) Une première réponse: le plan « vieillissement et solidarités »

On rappellera que le Premier ministre a présenté, le 6 novembre 2003, une réforme de solidarité en faveur des personnes dépendantes -personnes handicapées et personnes âgées- qui devrait être mise en oeuvre sur quatre ans. Cette réforme répond à certaines attentes de la mission.

La première partie du plan, qui fait l'objet d'un projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, devrait consacrer un « droit à la compensation du handicap » et prévoit la prise en charge personnalisée des personnes handicapées et de leur intégration dans la cité.

La seconde partie du plan est consacrée à la solidarité envers les personnes âgées.

Ainsi que l'a indiqué lors de son audition M. François Fillon, ce programme en faveur des personnes âgées s'articule autour de plusieurs orientations : « La première -nous sommes là au coeur des difficultés que nous avons connues cet été- consiste à réduire autant que possible la coupure entre le secteur social et le secteur médical. C'est pourquoi elle associe prévention et médicalisation prises en charge par les travailleurs sociaux, les professionnels de l'aide à domicile et les personnels médicaux et paramédicaux. La deuxième orientation répond à l'attente prioritaire des personnes âgées et a pour but de développer l'autonomie personnelle en favorisant le plus longtemps possible la vie à domicile. La troisième vise à accroître la responsabilité des principaux acteurs publics ou associatifs de la prise en charge. Elle a notamment pour but d'organiser une meilleure coordination des interventions en cas d'alerte et de favoriser le pilotage de proximité, notamment par les conseils généraux ».

Le plan annoncé par le Premier ministre vise en effet à privilégier le maintien à domicile de ces personnes pour vaincre l'isolement, à moderniser les maisons de retraite en renforçant leur médicalisation -15 000 personnels soignants seraient recrutés d'ici 2007, 10 000 places seraient créées en maisons de retraite-, et enfin à améliorer les soins gériatriques.

Le gouvernement mobiliserait ainsi sur quatre ans 9 milliards d'euros supplémentaires pour les personnes dépendantes, ce qui devrait notamment permettre d'assurer la pérennité du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). M. François Fillon a précisé à cet égard devant la mission d'information que 850 millions d'euros par an seraient mobilisés en faveur des personnes âgées, financement de l'APA mis à part.

Le projet de loi relatif au dispositif de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, qui met en oeuvre une partie du plan annoncé, prévoit des mesures correspondant à la mise en place d'un dispositif de veille et d'alerte au profit de ces personnes et destiné à prévenir les risques exceptionnels, climatiques ou non. Ce dispositif sera arrêté conjointement par le préfet du département et par le président du conseil général. Il sera mis en oeuvre sous l'autorité des préfets pour venir en aide, dans le cadre communal, aux personnes âgées ou handicapées qui en auront préalablement fait la demande et dont la situation le justifie.

Le projet de loi propose ensuite la création d'une « caisse nationale de solidarité pour l'autonomie », qui aurait pour mission de contribuer au financement de la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et handicapées.

Le dispositif retenu serait national, mais sa gestion serait décentralisée au niveau du département. Le plan prévoit que la nouvelle caisse devrait être opérationnelle avant la fin 2004.

Le financement de ces dépenses serait notamment assuré par une journée de travail supplémentaire . Celle-ci devrait permettre d'augmenter la production nationale de 0,3 % environ. En contrepartie, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie recevrait le produit d'une contribution de 0,3 % acquittée par tous les employeurs, privés et publics. Pour simplifier son prélèvement, cette contribution serait assise et recouvrée comme le sont les cotisations patronales affectées au financement des régimes de base de l'assurance maladie. Elle recevrait également le produit d'une contribution de 0,3 % portant sur les revenus du patrimoine et sur les revenus des placements, définie comme une contribution additionnelle au prélèvement social de 2 % et portant sur ces mêmes revenus. En année pleine, cette nouvelle contribution de solidarité devrait rapporter 1,9 milliard d'euros.

Au total, le plan « vieillissement et solidarité » devrait ainsi permettre de combler une partie des insuffisances de notre système.

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