b) La réglementation française de 1977

En France, ce n'est qu'en 1977 que la première valeur moyenne d'exposition professionnelle sur 8 heures (VME) était adoptée. Elle était fixée à 2 fibres/ml par le décret n° 77-949 du 17 août 1977 relatif aux mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante .

Le décret du 17 août 1977 concernait les parties des locaux et chantiers des établissements où le personnel est exposé à l'inhalation de poussières d'amiante à l'état libre dans l'atmosphère, notamment dans les travaux de transport, de manipulation, de traitement, de transformation, d'application et d'élimination de l'amiante et de tous produits ou objets susceptibles d'être à l'origine d'émission de fibres d'amiante. L'employeur était tenu de remettre des consignes écrites à toute personne affectée à ces travaux de manière à l'informer des risques auxquels son travail peut l'exposer et des précautions à prendre pour éviter ces risques. Cette information écrite devait être complétée par une information orale dispensée par le médecin du travail 33 ( * ) .

Les travaux concernés devaient être effectués soit par voie humide, soit dans des appareils capotés et mis en dépression. En cas de travaux occasionnels et de courte durée, et s'il est techniquement impossible de respecter ces dispositions, des équipements de protection individuelle devaient être mis à la disposition du personnel, notamment des appareils respiratoires anti-poussières. L'employeur était tenu de prendre toute mesure pour que ces équipements soient effectivement utilisés.

Les déchets de toutes natures et les emballages vides susceptibles de dégager des fibres d'amiante devaient être conditionnés et traités de manière à ne pas provoquer d'émission de poussières pendant leur manutention, leur transport et leur stockage.

Seules étaient prises en compte, dans la définition de la VME, les fibres de plus de 5 microns de longueur, de 3 microns au plus de largeur et dont le rapport longueur/largeur excède 3. Il s'agissait des fibres susceptibles d'atteindre les alvéoles pulmonaires.

L'atmosphère des lieux de travail devait être contrôlée au moins une fois par mois, selon une méthode de mesure normalisée décrite en annexe d'un arrêté du 25 août 1977.

Par ailleurs, le personnel exposé était soumis à une surveillance médicale spéciale. Aucun salarié ne pouvait être affecté à des travaux l'exposant à l'amiante sans une attestation médicale spéciale renouvelée une fois par an après un examen comprenant une radiographie pulmonaire ainsi que, le cas échéant, une exploration fonctionnelle respiratoire. Un arrêté du ministre du travail du 8 mars 1979 est venu fixer les instructions techniques que devaient respecter les médecins du travail assurant cette surveillance.

On note que l'ensemble de cette réglementation impliquait les chefs d'entreprise, les directions départementales du travail, l'inspection du travail, la médecine du travail, les représentants du personnel et les comités d'hygiène et de sécurité.

La VME professionnelle a ensuite été progressivement réduite et la VME actuelle, fixée par le décret n° 96-98 du 7 février 1996 relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante, est de 0,3 fibre/ml sur 8 heures pour le chrysotile (il est prévu dans les textes que cette valeur soit ramenée par la suite à 0,1 fibre/ml) et de 0,1 fibre/ml sur 1 heure pour les mélanges de chrysotile et d'amphiboles.

Parallèlement, des mesures réglementaires ont été adoptées pour les expositions dites « passives » rencontrées dans les bâtiments.

Le flocage des bâtiments, massivement utilisé à partir des années 1960, a été interdit en France, par un arrêté du 29 juin 1977 pour les locaux d'habitation, et par un décret du 20 mars 1978 pour tous les bâtiments dès lors que la concentration d'amiante dépassait 1 % dans les produits utilisés. La réglementation adoptée en 1996 considère que les niveaux de concentration inférieurs à 0,005 fibre/ml ne traduisent pas un niveau de pollution élevé, que les niveaux de concentration supérieurs à 0,025 fibre/ml nécessitent la mise en oeuvre de travaux de correction, et que les valeurs intermédiaires nécessitent un régime de surveillance renforcée.

Plusieurs décrets ont réduit le nombre des applications possibles de l'amiante :

- en avril 1988, interdiction de produits à base d'amiante visant surtout la sécurité du grand public, tels les jouets ou les articles pour fumeurs... ;

- en juillet 1994, interdiction de tous les produits contenant des amphiboles ainsi que de nombreux usages du chrysotile.

Les produits à base d'amiante, essentiellement du chrysotile, autorisés jusqu'au 1 er janvier 1997, comprenaient principalement :

- les produits d'amiante-ciment (plaques ondulées, tuiles, ardoises de toiture...), plaques et panneaux de cloisons intérieures, faux-plafonds... ;

- les produits textiles (cordes ou tresses, joints ou bourrelets d'étanchéité et de calorifugeage, vêtements de protection contre la chaleur, presse-étoupe, filtres...) ;

- les garnitures de friction (freins et embrayages de véhicules automobiles et ferroviaires, ascenseurs, moteurs et machines diverses) ;

- le papier-carton pour l'isolation thermique ou électrique ;

- des produits divers (amiante imprégné de résines, compensateurs de dilatation, évaporateurs, diaphragmes pour électrolyse, embouts de remplissage de bouteilles d'acétylène, revêtements de sols, composés bituminés...).

Lors de son audition, Mme Martine Aubry a évoqué la préparation du décret de 1977 : « Nous étions très fiers de ce décret car nous pensions que nous étions très en avance - nous l'étions d'ailleurs - par rapport aux autres en matière d'amiante et nous étions absolument convaincus, car toutes les études le disaient, que nous pouvions, en prenant des précautions d'usage et de manipulation et en faisant en sorte que les salariés ne soient pas au contact avec les fibres d'amiante, exclure totalement le danger pour la santé des salariés ». Elle a également ajouté : « Nous étions très fiers de sortir de ce ministère des textes qui étaient en avance par rapport à tout le reste de l'Europe. [...] Le ministère pensait vraiment que nous étions en avance et que nous devions l'être ».

La mission tient cependant à rappeler que cette réglementation de 1977 consacre l'« usage contrôlé », alors qu'en Europe, les Pays-Bas ont purement et simplement interdit, dès l'année suivante, en 1978, l'utilisation d'une variété d'amiante, la crocidolite.

Par ailleurs, Mme Martine Aubry a souligné l'avance de la France par rapport à la réglementation américaine. Elle a en effet indiqué que « nous nous sommes mis alors en dessous des niveaux les plus sévères, puisque les plus sévères étaient les Etats-Unis, avec 5 fibres dans l'air par millilitre, et que nous nous sommes placés à 2 fibres par millilitre dans l'air ». Cependant, c'est en 1976, soit un an avant la France, que les Etats-Unis avaient fixé la valeur limite d'exposition à 2 fibres/ml, la valeur limite d'exposition ayant été fixée dans ce pays à 5 fibres/ml en 1972. Rappelons enfin, comme il a été indiqué plus haut, que la valeur limite a été fixée à 0,5 fibre/ml pour la crocidolite et à 1 fibre/ml pour les autres variétés d'amiante dans notre pays en 1987, alors que la norme de 0,5 fibre/ml était appliquée aux Etats-Unis pour toutes les variétés d'amiante dès 1983. D'ailleurs, dès 1946 les Etats-Unis avaient fixé à 15 fibres/ml la première valeur limite d'exposition. Les Etats-Unis ont interdit l'amiante en 1989. Toutefois, en 1991, à l'issue d'un procès perdu par l'État contre les producteurs d'amiante, ils ont été contraints d'autoriser de nouveau la fabrication de produits à base de cette fibre.

* 33 Dans une circulaire du 14 mai 1985 relative à la prévention des cancers d'origine professionnelle, adressée, notamment, aux inspecteurs du travail, le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle indiquait une nouvelle fois que « le recul de ces pathologies passe aussi par une information efficace des travailleurs concernés et par une action concertée sous la responsabilité de l'employeur, de l'ensemble des partenaires sociaux et du médecin du travail » et qu' « il est souhaitable qu'un contrôle médical adapté, destiné à prévenir ou à détecter précocement les cancers, soit programmé par le médecin du travail ».

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