L'EVOLUTION DES AIDES PUBLIQUES ET LEUR COÛT

Le principe de la gratuité du service d'enlèvement assuré aux éleveurs en 1975, en contrepartie de l'exploitation des sous produits de l'équarrissage, n'excluait pas la possibilité d'aides compensatoires si l'équilibre de l'activité n'était pas assuré. Ces aides ont été pérennisées et étendues dès lors que cet équilibre a été systématiquement et durablement compromis par les crises successives de la « vache folle » à partir de 1996.

A - DES AIDES PUBLIQUES COMPLEXES ET CHANGEANTES

Depuis la mise en oeuvre de la loi de 1996, l'obligation de destruction des déchets animaux interdits à la consommation animale et humaine a pour contrepartie un financement public dont le périmètre et les conditions d'attribution ont été modifiés plusieurs fois, notamment en fonction des évolutions de la réglementation sanitaire.

a) Un dispositif central et des indemnisations complémentaires

Entre 1997 et 2003, l'enlèvement et la destruction des cadavres d'animaux, des déchets d'abattoirs et des MRS ont été assurés gratuitement par le SPE, au profit des éleveurs et des abattoirs et financés par la taxe sur les achats de viande.

Parallèlement au dispositif du service public de l'équarrissage, une indemnisation transitoire a été mise en place en 1998 pour le retraitement et l'élimination des farines non conformes aux normes de traitement thermique fixées par la décision n° 96/449/CE du 18 juillet 1996.

Ultérieurement, un décret du 1 er décembre 2000 a prévu l'indemnisation des entreprises productrices de farines et de graisses dont l'arrêté du 14 novembre 2000 avait suspendu l'incorporation dans l'alimentation des animaux. Cette indemnisation a été rendue dégressive d'octobre 2002 à fin 2003, afin d'inciter les opérateurs de la filière à prendre en charge progressivement une partie du coût du traitement des déchets.

b) Le régime applicable depuis 2003 par transposition des règles européennes

Les règles d'attribution des aides publiques à l'équarrissage ont été précisées par les lignes directrices de la Commission européenne concernant les aides d'Etat liées aux tests EST 30 ( * ) , aux animaux trouvés morts et aux déchets d'abattoirs, applicables au 1 er janvier 2003.

Le dispositif d'aide, qui n'a pas été notifié à la Commission européenne avant novembre 2003, a toutefois été approuvé le 30 mars 2004 pour les aides prévues en 2004. Les aides versées en 2003 n'ont en revanche été validées que le 5 juillet 2005 et le régime spécifique des aides pour la collecte des vertébrés auprès des bouchers a été approuvé le 5 février 2005.

Dans ce cadre, la réforme du régime des aides a été définie par un décret qui n'est intervenu que le 25 octobre 2004.

1°) Il est mis fin à la gratuité totale de l'enlèvement des cadavres d'animaux en exploitation, dans des conditions cependant différentes selon les catégories d'animaux :

- les éleveurs de porcs et de volailles, en application de l'article 29 des lignes directrices, doivent participer à la couverture du coût de la collecte et de la transformation des cadavres, à hauteur de 25 %.

- les éleveurs de bovins soumis aux tests EST ne sont assujettis à aucune contribution, la couverture de la totalité des coûts pouvant être assurée par un financement d'Etat aux termes de l'article 31 des lignes directrices ;

- les éleveurs des autres animaux (les ovins et caprins notamment) ne sont pas appelés à contribuer à la couverture des frais d'équarrissage, dans la mesure où, selon l'article 30 des lignes directrices, leur financement est assuré par la filière.

2°) Les déchets d'abattoirs sont pris en charge par le SPE, tandis que les ateliers de découpe supportent l'intégralité des coûts d'élimination des vertèbres, et que les bouchers bénéficient d'une prise en charge de ces coûts par le SPE dans les limites de 500 euros pour 2004 et de 1000 euros pour 2005.

La loi sur le développement des territoires ruraux du 23 février 2005 a permis d'exclure les déchets d'abattoirs du service public de l'équarrissage au 1 er octobre 2005.

A compter du 1 er janvier 2006, seule l'élimination des vertèbres collectées auprès des bouchers reste prise en charge à ce titre, dans le cadre d'une aide sous plafond de 1 000 € par établissement établie pour un an. La Cour relève toutefois qu'une lettre interministérielle du 29 juin 2005 au directeur général du CNASEA, partant du constat de la lourdeur et des difficultés du contrôle des plafonds fixés par voie réglementaire, avait autorisé le paiement intégral des demandes d'indemnisation exposées par les opérateurs à ce titre, abolissant de fait le plafond d'aide publique imposé aux bouchers.

B - LE COÛT DES AIDES PUBLIQUES

a) La charge des dépenses liées au SPE

L'ensemble des dépenses liées à la mise en oeuvre de l'équarrissage (y compris le SPE, le FODREFA 31 ( * ) et les dépenses de stockage et de destruction des farines induites par l'interdiction, décidée le 14 novembre 2000, de l'emploi des farines en alimentations animale) atteignait 2 043 M€ au 31 août 2005 32 ( * ) , répartis comme suit.

1°) Les dépenses du seul SPE représentent près des deux tiers du total, soit 1 407 millions d'euros. Elles résultent pour 54 % des charges de collecte de cadavres et de déchets, pour 27 % du coût de la transformation et pour 13 % des dépenses d'incinération. La proportion des charges de collecte a toutefois tendance à augmenter depuis 2004.

La Cour observe que les dépenses prises en charge par le SPE ont principalement servi à indemniser quatre entreprises d'équarrissage qui ont reçu, de 2001 à 2005, 81 % des aides publiques. Plus des deux tiers du total ont bénéficié à deux entreprises.

2°) Les dépenses relatives aux co-produits (farines) s'élèvent à 626 M€. Elles n'atteignent des montants significatifs qu'à partir de 2001 : en 2000, celles qui ont été prises en charge par le compte du SPE ne représentaient que 850 000 € 33 ( * ) .

Ces dépenses sont décroissantes à partir de 2004, les aides aux entreprises ayant alors cessé et la dépense relative aux « co-produits » ne concernant plus que le stockage et la destruction progressive des farines en stock.

b) Les aides à l'investissement des entreprises

En complément des aides liées à la mise en oeuvre de l'équarrissage, des aides publiques à l'investissement ont été, sur l'ensemble de la période, accordées aux entreprises de transformation procédant au traitement ou à la destruction de certains co-produits.

De 1994 à 1999, le champ de ces aides excluait en principe les entreprises représentant plus de 5 % du marché. La Cour note cependant que toutes les entreprises ont bénéficié d'une aide ponctuelle visant à mettre les installations en conformité avec une norme communautaire de traitement des farines 34 ( * ) .

Le montant de ces aides a représenté plus du tiers des dépenses totales d'investissement engagées par les entreprises, soit 10,04 millions d'euros d'aides européennes 35 ( * ) et 4,54 millions d'euros d'aides nationales sur un total de 43,06 millions d'euros.

A partir de 2000, les aides à l'investissement ont été concentrées sur les techniques innovantes contribuant à une meilleure valorisation des produits. Dès lors, les demandes qui concernaient de simples mises aux normes ont été rejetées. Au total, depuis le 1 er janvier 2000, 5,95 millions d'euros d'aides européennes et 3,37 millions d'euros d'aides nationales ont été versées. Elles ont concerné quelques opérateurs : 4,52 millions d'euros ont été versés à une entreprise de Bretagne, 2,44 M€ à une entreprise de Franche-Comté et 1,34 M€ à une autre entreprise pour deux de ses sites en Bretagne et en Normandie.

Ces aides à l'investissement ont renforcé le soutien apporté par le SPE à la modernisation des entreprises d'équarrissage. Celles-ci, en effet, ont pu autofinancer leurs investissements et les amortir sur une durée courte, grâce aux marges élevées dégagées sur un système tarifaire favorable 36 ( * ) .

La modernisation des installations, qui a permis leur adaptation aux exigences de la réglementation en matière sanitaire et d'environnement, a eu pour effet également de stabiliser les structures du secteur et de consolider les périmètres et conditions d'intervention des professionnels.

* 30 EST= Encéphalopathie Spongiforme Transmissible

* 31 FODREFA= Fonds pour le Retraitement et l'Elimination des Farines Assimilées non-conformes.

* 32 Ce montant représente une moyenne d'environ 227 M€ par an. Cependant les montants ne peuvent être comparés d'une année à l'autre compte tenu des nombreux changements de réglementation.

* 33 Antérieurement, un fonds pour le retraitement et l'élimination des farines assimilées non conformes à la directive européenne de 1996 (FODREFA), clôturé début 2000, a permis d'assurer neuf millions d'euros de dépenses.

* 34 Chauffage à 133° C, pendant 20 mn, sous 3 bars.

* 35 FEOGA-Orientation, Programme 5 A.

* 36 L'administration a pu constater que la sortie des déchets d'abattoirs du périmètre du SPE, en octobre 2005, avait entraîné un mouvement à la baisse du prix des prestations depuis lors facturées dans un cadre contractuel : alors que leur tarif était de 197 €/tonne au titre du SPE (taux de la taxe d'abattage sur la partie « déchets » de l'assiette), elles ont été négociées en moyenne sur la base de 140 €/tonne (voire, dans une région, de 110 €/tonne).

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