B. LE COÛT DES AIDES PUBLIQUES

* D'après la Cour des comptes, l'ensemble des dépenses liées à la mise en oeuvre de l'équarrissage atteignait 2,043 milliards d'euros au 31 août 2005, répartis comme suit :

- 1,407 milliard d'euros au titre du seul SPE, soit deux tiers des dépenses totales : la Cour des comptes observe que les dépenses prises en charge par le SPE ont principalement servi à indemniser quatre entreprises d'équarrissage qui ont reçu, de 2001 à 2005, 81 % des aides publiques. Plus de deux tiers du total ont bénéficie à deux entreprises ;

- 626 millions d'euros de dépenses relatives aux co-produits animaux (farines). Ces dépenses sont décroissantes à partir de 2004.

* En complément des aides liées à la mise en oeuvre de l'équarrissage, des aides publiques à l'investissement ont été, sur l'ensemble de la période, accordées aux entreprises de transformation procédant au traitement ou à la destruction de certains co-produits.

De 1994 à 1999, le champ de ces aides excluait en principe les entreprises représentant plus de 5 % du marché. La Cour des comptes note cependant que toutes les entreprises ont bénéficié d'une aide ponctuelle visant à mettre les installations en conformité avec une norme communautaire de traitement des farines.

Le montant de ces aides a représenté plus du tiers des dépenses totales d'investissement engagées par les entreprises, soit 10,04 millions d'euros d'aides européennes et 4,54 millions d'euros d'aides nationales sur un total de 43,06 millions d'euros.

C. L'ÉVOLUTION DU FINANCEMENT DU SPE

La Cour des comptes relève que, pour assurer le financement des aides accordées aux professionnels de l'équarrissage, plusieurs dispositifs de taxes ont été successivement mis en oeuvre et qu'ils se sont heurtés aux résistances des professionnels assujettis à ces taxes et aux critiques de la Commission européenne .

1. Une taxe sur les achats de viande contestée par les instances européennes

La loi de finances initiale pour 1997 a institué une taxe sur les achats de viande et produits assimilés, dite « taxe d'équarrissage ».

La Cour des comptes indique que les pouvoirs publics ont été contraints d'alourdir la taxation mise en place par cette loi pour répondre aux besoins du SPE, quitte à aggraver les contestations de ce dispositif et l'ampleur des contentieux prévisibles.

Parallèlement, afin de dissimuler la fragilité juridique de la taxe, en particulier au regard des règles communautaires, le produit de la taxe a cessé d'alimenter le SPE par l'intermédiaire du CNASEA et a abondé le budget général, le financement du SPE et des mesures consécutives à la décision du 14 novembre 2000 étant ainsi assuré sur crédits budgétaires .

A partir de 2002, les aides de l'Etat aux producteurs de farines « bas risque » ont été progressivement diminué sans que les taux de la taxe soient pour autant révisés à la baisse.

Enfin, la Cour des comptes rappelle que la contestation de la taxe par les professionnels de la grande distribution a conduit la Cour de justice des communautés européennes, par une décision du 20 novembre 2003, à qualifier le versement du produit de la taxe, non notifiée aux autorités européennes, d'aide d'Etat incompatible avec le droit européen de la concurrence . Cette décision, faisant suite à la publication des lignes directrices de la Commission européenne, le 24 décembre 2002, a entraîné la suppression de la taxe sur les achats de viande, intervenue le 1 er janvier 2004.

Bien que la Commission européenne ait notifié cette décision le 14 décembre 2004, elle a autorisé, à titre rétroactif, le dispositif de financement du SPE instauré en 1997 dont la taxe sur les achats de viande constituait l'élément central, dans la limite du montant notifié par les autorités françaises, soit 829 millions d'euros . Cette autorisation était cependant subordonnée au remboursement partiel des sommes perçues sur le marché intérieur et au remboursement intégral de la taxe ayant frappé les viandes importées entre 1997 et 2000.

La Cour des comptes note que les remboursements réclamés par la grande et moyenne distribution portaient sur un montant total estimé à 1,8 milliard d'euros en 2004. Cependant, après avoir engagé le remboursement des sommes indûment perçues dès septembre 2004, le gouvernement a décidé de l'arrêter au montant de la taxe collectée de 1997 à 2000, évalué à 400 millions d'euros . Les distributeurs ont, en conséquence, engagé en 2005 une nouvelle campagne de réclamations et de contentieux afin d'obtenir le remboursement intégrale des sommes versées au titre de la taxe d'équarrissage 11 ( * ) .

S'agissant du bilan financier de la taxe d'équarrissage, la Cour des comptes relève que, au total, elle aura rapporté à l'Etat, entre 1997 et 2005, un produit net proche de 2,1 milliards d'euros, dont 1,6 milliard d'euros aura été affecté au financement du SPE. Le bilan financier de cette taxe aura cependant été fortement affecté par les suites des contentieux qui obligent l'Etat à rembourser 400 millions d'euros aux distributeurs assujettis, montant qui pourrait être aggravé par l'issue des contentieux en cours.

2. Une taxe sur les abattoirs récusée par la filière viande

La Commission européenne a validé, le 30 mars 2004, le double dispositif mis en place par la France à partir du 1er janvier 2004 , à savoir :

- l'autorisation des aides à l'élimination des cadavres d'animaux d'espèces victimes d'EST ou susceptibles de l'être, et la participation directe, pour les autres espèces (porcs et volailles), des éleveurs, à hauteur de 25 % au moins, aux coûts de transformation et d'incinération, ou, alternativement, l'instauration d'un prélèvement obligatoire sur les filières viandes en excluant la distribution ;

- l'autorisation, à titre dérogatoire, du financement de l'élimination des déchets d'abattoirs qualifiés de MRS pris en charge par le SPE, par le produit de la taxe d'abattage assis sur le tonnage de ces déchets.

En outre, la Commission a exigé la mise en place d'une comptabilité indépendante du SPE, d'où la création, dans les comptes du CNASEA, d'un fonds à comptabilité distincte auquel est rattaché le produit de la taxe.

Dès lors, la Cour des comptes rappelle que l'article 28 de la loi de finances initiale pour 2004 a supprimé la taxe d'équarrissage et instituée la taxe d'abattage, assise pour partie sur le poids des animaux abattus et pour partie sur le poids des déchets d'abattoirs. Le produit de cette taxe est affecté à un fonds spécifique du CNASEA, qui contribue au financement des dépenses du SPE et des mesures concourant au stockage, au transport et à l'élimination des farines animales. Les prévisions associées à la loi de finances pour 2004 escomptaient un rendement de 156 millions d'euros de la taxe d'abattage .

Toutefois, la Cour des comptes relève que cette taxe a fait l'objet de plusieurs contestations :

- une contestation des abatteurs en raison de l'exonération des éleveurs autres que les éleveurs de porcs et de volailles : les abatteurs n'ont pas accepté de payer pour ces éleveurs. En outre, la demande formulée en 2003 par les organisations professionnelles de l'abattage, visant à obtenir la mise en place d'un mécanisme obligatoire et forfaitaire de répercussion vers l'aval, a été refusée par les pouvoirs publics ;

- une résistance des éleveurs de porcs et de volailles au paiement de leur participation : le recouvrement par les établissements d'équarrissage de la participation des éleveurs de porcs et de volailles au financement de l'élimination des cadavres de ces espèces s'est révélé irréalisable ; ces opérateurs ont donc présenté au CNASEA des factures correspondant au coût total du service, sans abattement pour la participation des éleveurs. Une lettre interministérielle du 28 décembre 2004 a autorisé le paiement des factures présentées par les équarrisseurs, sans abattement au titre de la participation des éleveurs, non recouvrée 12 ( * ) . La Cour des comptes précise, en outre, que les problèmes rencontrés dans le recouvrement des participations demandées aux éleveurs ont aggravé les difficultés de gestion du CNASEA, auxquelles l'Etat a remédié sous la forme d'une avance remboursable décidée par une lettre interministérielle du 10 mai 2004.

Enfin, la Cour des comptes relève les limites financières du nouveau financement SPE ainsi que les obstacles économiques à ce financement :

- s'agissant du rendement de la taxe d'abattage, la Cour des comptes note qu'escompté à 156 millions d'euros par la LFI pour 2004, il a finalement été estimé à 129 millions d'euros en 2004 par l'IGF et à 91 millions d'euros au 31 août 2005. En outre, la Cour des comptes note que les besoins résiduels de financement du SPE en 2004 et 2005 s'élèvent à 76 millions d'euros en 2004 et 93 millions d'euros au total pour la période 2004-2005 ;

- la Cour des comptes constate également que la répercussion de la taxe d'abattage sur l'aval de la filière par les abattoirs est difficile puisqu'elle ne peut être imposée sans être contraire au droit communautaire. De ce fait, n'a été édictée qu'une obligation d'information au bas des factures sur les charges dont les abattoirs s'acquittent au titre du SPE.

Dès lors, la Cour des comptes relève que, face à ces difficultés, les différentes parties ainsi que le gouvernement et le Parlement ont convenu que la seule solution possible aux problèmes de financement de l'équarrissage était de réduire le périmètre du service public à la collecte et à la destruction d'animaux trouvés morts, et de revenir à des relations contractuelles pour le traitement des déchets d'abattoirs .

3. La réforme du financement du SPE par la loi de finances pour 2006

Avant 2006, la Cour des comptes relève qu'au total, sur la période 1997-2005, les dépenses liées au SPE (2,1 milliards d'euros) sont restées inférieures aux produits des taxes destinées à les financer (2,3 milliards d'euros). L'écart ne compense cependant pas la charge des remboursements accordés aux distributeurs au titre des contentieux relatifs à la taxe sur les achats de viande.

La loi de finances initiale pour 2006 permet d'assurer le financement du SPE, dont la charge est évaluée à 136 millions d'euros (hors coût du déstockage des farines animales), par une taxe d'abattage dont l'assiette est réduite au poids de viande des animaux abattus, la partie de la taxe pesant sur les déchets d'abattoirs étant éliminée.

En outre, le régime d'aide instauré en faveur des bouchers, nonobstant leur sortie du champ du SPE, aura un coût de 10 millions d'euros tandis que la contribution des éleveurs de porcs et de volailles doit fait l'objet d'une nouvelle définition dans le cadre fixé par la loi de finances pour 2006 qui prévoit la possibilité d'une participation des éleveurs de toutes espèces animales évaluée à 8 millions d'euros en 2006.

Du point de vue de la nomenclature budgétaire, les crédits destinés au SPE sont désormais inscrits au sein de la mission interministérielle « Sécurité sanitaire », et plus particulièrement du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » qui relèvent de la responsabilité du ministre de l'agriculture et de la pêche. Réunis au sein de l'action « Elimination des farines et des co-produits animaux », les crédits se répartissent de la façon suivante pour 2006 :

- 44 millions d'euros en crédits de paiement (CP) et 242 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) pour la « collecte et élimination des cadavres et sous-produits animaux ».

Ainsi, le financement du SPE, pour une dépense estimée à 136 millions d'euros, est assuré par le budget de l'Etat à hauteur de 44 millions d'euros, la participation des éleveurs à hauteur de 8 millions d'euros et le produit de la taxe d'abattage à hauteur de 84 millions d'euros 13 ( * ) ;

- 55 millions d'euros en CP et 164,4 millions d'euros en AE pour le « stockage et élimination des farines animales accumulées jusqu'en 2003 ».

Toutefois , la Cour des comptes relève que la nouvelle présentation des crédits ne permet toujours pas d'évaluer l'ensemble des dépenses administratives affectées au fonctionnement du SPE , incluses notamment dans des programmes de soutien des budgets de l'agriculture et de l'environnement.

* 11 La Cour des comptes indique que le TA de Marseille a ordonné le remboursement à un opérateur sur cette base et que la cour administrative d'appel et le Conseil d'Etat seront amenés éventuellement à se prononcer sur cette question en 2006.

* 12 « S'agissant de la participation financière des éleveurs de porcs et de volailles, nous vous précisons que votre établissement est déchargé de toute opération de contrôle et de régularisation, notamment par voie de recouvrement ».

* 13 Les taux de la taxe d'abattage pourront être modifiés en 2006 en fonction du résultat de l'appel d'offres national lancé le 29 novembre 2005.

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