Compte rendu du déplacement à Vaulx-en-Velin (13 avril 2006)

Composition de la délégation : MM. Alex Türk, président, Pierre André, rapporteur, Philippe Dallier, Gilbert Barbier, vice-présidents, et Thierry Repentin.

I. Réunion avec M. Maurice Charrier, maire de Vaulx-en-Velin, et Mme Christine Cecchini, directrice du Grand projet de ville (GPV)

Présentant les principaux traits de l'évolution de Vaulx-en-Velin, M. Maurice Charrier a tout d'abord rappelé que sa commune avait vécu, depuis les années 1970, toutes les grandes étapes de la politique de la ville.

Structuré, il y a encore moins de dix ans, autour d'une imposante dalle de ciment à découvert recouvrant un parking et soutenant une galerie commerciale au premier étage, le centre ville a connu depuis cette date une opération de renouvellement massif visant à un remaillage total de la ville et à une mise en relation de son centre avec les autres quartiers. Cette recomposition urbaine s'est appuyée notamment sur une logique d'îlots afin de diversifier le paysage par la création de commerces, de bureaux, de services publics et d'immeubles, dont certains en accession à la propriété. Les fonctions culturelles et administratives ont, par ailleurs, été renforcées par l'implantation d'équipements tels qu'une école d'architecture ou un lycée professionnel.

M. Maurice Charrier a insisté sur la nécessaire diversification de l'habitat et sur la possibilité donnée aux habitants d'accomplir des parcours résidentiels satisfaisants. Ainsi, alors qu'en 1990, 70 % du parc était composé de logements sociaux, cette proportion est aujourd'hui de 64 %, l'objectif étant de la ramener à 40 %. Toutefois, le problème de la commune réside à cet égard dans la faiblesse des revenus des ménages, 70 % d'entre eux ayant un revenu inférieur au seuil des prêts locatifs à usage social (PLUS).

En dépit d'une augmentation continue du nombre de logements en accession à la propriété et du nombre de logements sociaux (8.700 actuellement avec un objectif de 9.000 dans quelques années), la coexistence de 14 offices publics d'aménagement et de construction (OPAC) sur le territoire de Vaulx-en-Velin suscite une complexité accrue dans le montage des projets. Lors de l'une des opérations de renouvellement urbain les plus emblématiques, au Mas du Taureau, il a d'ailleurs été procédé à un échange de patrimoine afin de réduire le nombre de bailleurs.

D'une manière générale, la philosophie qui a guidé ces opérations de renouvellement urbain a été celle d'un retour à des quartiers résidentiels , moins denses et plus végétalisés. Elle s'est accompagnée d'opérations de démolition rendues nécessaires par la morphologie des bâtiments (1.700 logements démolis) et couplées à des opérations de relogement. Le travail a essentiellement porté sur l'organisation urbaine et l'organisation d'une nouvelle trame de rues.

Pour ne pas accréditer l'idée selon laquelle les moyens mis en oeuvre seraient uniquement concentrés dans le centre, il s'agit aujourd'hui de continuer d'étendre le rayonnement des opérations réalisées en centre ville.

Désormais, chaque équipement de proximité est pensé comme une façon de relier le quartier au reste de la ville. Certains quartiers font par ailleurs l'objet d'un plan de sauvegarde immobilière avec une requalification du patrimoine et le versement d'une aide de la région.

En matière de financement , s'agissant notamment des quartiers en copropriété, un outil de portage associant la Caisse des dépôts et consignations et six organismes bancaires a été proposé par la ville. L'objectif était alors l'achat de logements dans les quartiers les plus défavorisés, éventuellement à l'occasion de ventes judiciaires, puis leur remise en état. La lenteur des négociations avec la Caisse des dépôts et consignations a toutefois fait perdre une grande part de sa pertinence à ce projet.

L'intervention a progressivement pris un caractère préventif, avec des actions d'accompagnement, de conseil et de formation des syndics.

La difficulté majeure des opérations de renouvellement urbain réside dans la question du relogement des habitants . Ainsi, dans l'agglomération de Vaulx-en-Velin, le délai d'attente pour un logement social s'élève, du fait du retard accumulé, à trois ans. En outre, le relogement de familles en difficulté nécessite souvent des actions d'accompagnement, l'insuffisance de T5 aggravant la situation. Face à ce problème majeur, une charte du relogement vient d'être signée par l'ensemble des bailleurs, la ville, le Grand Lyon et l'Etat, et un guide sur le thème du logement et de la santé mentale vient d'être lancé.

La problématique du relogement est d'autant plus lourde à gérer que 60 % des familles souhaitent rester sur place. Ce sentiment d'appartenance à la vie d'un quartier est d'ailleurs tout particulièrement fort chez les personnes âgées, certaines se retrouvant parfois dans des situations de grande souffrance.

La ville de Vaulx-en-Velin a présenté, avec le Grand Lyon, un dossier à l'Agence nationale de renouvellement urbain (ANRU). Les délais pour monter un tel dossier, comme ceux induits par le code des marchés publics, contrastent toutefois avec l'urgence liée aux opérations de renouvellement urbain. Dans ce contexte, les délais de recours contre un programme ne font qu'aggraver la situation et tendent souvent au blocage total des opérations.

II. Visite du centre-ville de Vaulx-en-Velin

M. Maurice Charrier a souligné à cette occasion le souci de la mairie de travailler avec un urbaniste par secteur et un paysager par projet d'aménagement, afin de parvenir, dans le cadre d'une coordination d'ensemble, à un juste équilibre entre l'unité et la diversité du paysage urbain. Il a, en outre, insisté sur la nécessité de bien séparer les espaces publics des espaces privés au sein de chaque îlot composant la ville et sur l'utilité des commerces en rez-de-chaussée des immeubles pour insuffler de la vie au quartier et éviter les « façades mortes ».

III. Réunion à l'Espace Carco

La délégation s'est ensuite rendue à l'Espace Carco, lieu d'accueil de 17 associations, au croisement de plusieurs quartiers et a rencontré divers acteurs du tissu associatif vaudais.

Participants : MM. Maurice Charrier, Miloud Le Kouara (association MEDIACTIF, gestionnaire de l'Espace Carco), Frédéric Munari (service « Jeunesse » de la ville), Saïd Yahiaoui (« Initiative jeunes créateurs »), Damien Labas (« Lieu écoute ados »).

- L'association FRAMETO est tournée vers l'accompagnement scolaire et les sorties familiales . Cette association, essentiellement composée de bénévoles de l'École nationale des Travaux Publics et de l'Équipement (ENTPE), prend en charge une soixantaine de jeunes par semaine, du CM2 jusqu'à la troisième, du lundi au jeudi. Dans le cadre de ses activités, elle propose des « ateliers découverte des métiers » ainsi que des forums de rencontre, y compris pour les parents.

Elle a pour partenaires la ville ainsi que la fondation ADECCO et le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD). Elle est, par ailleurs, en relation avec l'éducation nationale, son projet rentrant dans le cadre d'un contrat éducatif local (CEL).

Elle vise à un accompagnement éducatif global qui ne se confond ni avec du soutien, ni avec du rattrapage, un volet culturel et un travail sur l'orientation des enfants venant compléter une aide aux devoirs plus traditionnelle. Fondée sur un contrat moral passé avec les élèves et les parents, elle procède à une sélection des jeunes accueillis, notamment par le biais d'un entretien avec les parents dont la présence est souhaitée au cours de différentes réunions qui rythment l'activité annuelle de l'association (au moins cinq réunions par an). Contrainte par ses capacités d'accueil, l'association FRAMETO refuse, chaque année, un grand nombre d'inscriptions.

Les animateurs de l'association peuvent s'appuyer tout au long de l'année sur les conseils d'un psychologue. Par ailleurs, le service « Jeunesse » de la ville soutient les projets d'accompagnement par une aide logistique et humaine.

Un suivi de ses activités ainsi qu'un bilan sont réalisés par l'intermédiaire d'un questionnaire d'évaluation rempli par les élèves, d'une part, et les parents, d'autre part. Un taux de satisfaction très fort est ainsi enregistré chaque année, ainsi qu'une très bonne assiduité et des résultats scolaires en progrès pour les jeunes concernés par ces programmes.

Au travers de ces activités, les animateurs de FRAMETO ont pu percevoir une difficulté des jeunes à se projeter dans l'avenir. Cette incapacité est d'autant plus forte que nombre de « grands frères diplômés » (BTS, etc.) se retrouvent au chômage.

A cette occasion, M. Maurice Charrier a rappelé que, malgré une quinzaine de lieux d'accueil comparables à l'Espace Carco au sein de sa commune, Vaulx-en-Velin présente un terreau social propice au déclenchement d'événements tels qu'en a connus notre pays au mois de novembre 2005. Il a souligné que des centaines de jeunes sont en grande souffrance sur le territoire de sa commune et que les dispositifs institutionnels d'insertion traditionnels ne s'appliquent la plupart du temps qu'à des publics présélectionnés de fait. Les publics les plus fragiles parmi les jeunes s'excluent, en effet, d'eux-mêmes de ces aides et se retrouvent ainsi particulièrement démunis. Il a en outre regretté l'interpénétration entre ces publics délaissés et les bandes délinquantes, même si les groupes les plus en difficulté sont aujourd'hui moins enrôlés dans ces bandes qu'il y a une quinzaine d'années.

Le maire de Vaulx-en-Velin a également rappelé que des heurts avaient eu lieu, sans être toutefois médiatisés, dans sa commune 8 à 10 jours avant les événements qui ont enflammé certains quartiers en novembre 2005. Il a toutefois constaté, qu'en dépit d'un mimétisme largement encouragé par les images diffusées par les médias et d'un profond malaise social, les dégradations commises dans les quartiers de Vaulx-en-Velin durant cette période étaient restées limitées et essentiellement dues à l'action de quelques dizaines d'individus seulement.

M. Saïd Yahiaoui a ensuite exposé la philosophie de la pépinière d'entreprises dont il est le président : « Initiative jeunes créateurs » . Il s'agit d'aider les jeunes potentiellement créateurs d'entreprise à trouver des dispositifs correspondant à leur profil. Dans cette perspective, les services publics de l'emploi et de l'insertion (ANPE...) sont mis à contribution.

Le financement de ces actions est assuré par le fonds social européen (FSE), les crédits de la politique de la ville et l'intervention de la Caisse des dépôts et consignations (financement des investissements en matériels informatiques, des cours dispensés et de l'accompagnement proposé).

Les jeunes sélectionnés par l'association « Initiative jeunes créateurs » ont entre 18 et 30 ans et sont de niveau CAP et BEP jusqu'à des diplômés Bac + 1 ou 2.

Ils sont identifiés puis suivis, pendant quatre à cinq mois, et formés, un diplôme universitaire, de niveau bac +1 (non reconnu par l'Etat) étant délivré. A la sortie de ce cursus, il n'y a pas nécessairement création d'entreprise, le but restant néanmoins de trouver un emploi. Le jeune trouve un emploi, crée une entreprise (la pépinière Carco lui étant ouverte), s'inscrit en première ou deuxième année de sciences économiques ou trouve une autre orientation en première année d'université.

Depuis 2 ans, une trentaine de projets potentiels ont ainsi déjà été identifiés, dont une vingtaine sont en phase d'émergence et bénéficient d'un suivi par les services « Jeunesse » et les services économiques de la ville de Vaulx-en-Velin. Les projets de création d'entreprise privilégient les services à la personne ou aux entreprises, les activités commerciales (création de lignes de vêtements, café-restaurant...) ou encore les services informatiques pour les populations à faible revenu.

Les jeunes participant à ce programme sont d'autant plus encouragés à prendre des initiatives que la pépinière Carco, hébergée par l'Espace Carco, accueille aujourd'hui une vingtaine d'entreprises et représente pour eux un espace de rencontre privilégié avec des créateurs d'entreprises.

Cette opération permet de lever tout à la fois la discrimination financière (aucun coût n'incombe aux jeunes) et la discrimination géographique (le programme est réservé aux jeunes de Vaulx-en-Velin). Son coût global s'élève, en année pleine, à 200.000 euros, auxquels il faut ajouter le coût du diplôme universitaire (24.000 euros).

Le succès de ce programme d'enseignement et de formation résulte notamment de la qualité des enseignants, la plupart d'entre eux étant eux-mêmes issus de quartiers sensibles ou connaissant bien ces populations urbaines difficiles pour travailler dans les collèges ou lycées de ces quartiers.

M. Damien Labas a présenté les activités de l'association « Lieu écoute ados », centrées autour de la prévention de la toxicomanie, du soutien à la parentalité et du travail à domicile .

Cette association vise les publics pré-adolescents, adolescents ainsi que leurs parents. Située dans le quartier du Mas du taureau, elle est animée par trois psychologues, dans des locaux d'accès facile et discret. Elle est financée par la ville, le conseil général et la direction départementale de l'action sanitaire et sociale (DDASS) du Rhône.

Une décentralisation à Vaulx-en-Velin sud et éventuellement à Vaulx-le-village est à l'étude.

Même si les psychologues de l'association soulignent une grande souffrance chez les jeunes, ils constatent néanmoins une dynamique positive et leur souhait de faire évoluer dans le bon sens l'image de leur ville.

Dans les cas de grande détresse, la consommation de cannabis peut être assimilée, au sein de ces populations fragilisées, à un moyen de calmer les souffrances, au même titre qu'un antidépresseur.

L'association « Lieu écoute ados » cherche à valoriser les atouts des jeunes qu'elle reçoit, à multiplier les entretiens individuels, ainsi qu'avec les familles, pour leur permettre d'exprimer leurs envies et aux parents de trouver des solutions à leurs problèmes. Elle s'appuie sur une approche positive de la prévention et une appréhension globale de la personne.

Beaucoup de jeunes n'arrivent toutefois pas à franchir le pas et à rentrer dans le local de l'association. Ils s'abandonnent alors dans un processus de déscolarisation et de désocialisation. Les éducateurs de terrain peuvent difficilement les approcher, le groupe jouant un rôle de rempart pour protéger les jeunes qui auraient le plus besoin d'aide.

L'association« Lieu écoute ados » travaille régulièrement avec la protection judiciaire de la jeunesse, des « ateliers santé » ayant été organisés à la maison des jeunes et de la culture de Vaulx-en-Velin l'année dernière et ayant réuni près de 150 jeunes.

L'accès aux soins, via le Centre médico-psychologique pour enfants, est en revanche limité par une file d'attente de 6 mois extrêmement dissuasive.

Si le « Lieu écoute ados » intervient relativement en aval des difficultés auprès des jeunes, les programmes de réussite éducative peuvent, en revanche, aider à intervenir plus en amont auprès de ce public.

Le déplacement de la délégation s'est achevé par une conférence de presse organisée à l'issue d'un déjeuner de travail.

Page mise à jour le

Partager cette page