Compte rendu du déplacement en Seine-Saint-Denis (4 mai 2006)

Composition de la délégation : MM. Alex Türk, président, Pierre André, rapporteur, Gilbert Barbier, Philippe Dallier, Jacques Mahéas, Roland Muzeau, vice-présidents, Mme Raymonde Le Texier, secrétaire, MM. Yves Dauge et Thierry Repentin

Communes visitées : Clichy-sous-Bois, Montfermeil et Sevran.

I. Montfermeil

Accueillie par M. Xavier Lemoine , maire de Montfermeil, pour un tour de ville, la délégation s'est ensuite rendue à la Tour Utrillo, qui offre une vue d'ensemble sur les communes de Montfermeil et Clichy-sous-Bois.

Elle a participé, dans les locaux de la SEM Clichy-Montfermeil, à un petit-déjeuner de travail relatif aux projets de rénovation urbaine en cours et au développement économique de la zone franche urbaine de Clichy-Montfermeil.

Participaient à ce petit-déjeuner : M. Xavier Lemoine, huit chefs d'entreprise de la zone franche urbaine, le directeur de la mission locale, le directeur du développement, de l'insertion et de l'emploi et la directrice de la politique de la ville.

M. Vincent Bourjaillat, directeur du projet de rénovation urbaine, a tout d'abord présenté les grands axes du projet. Celui-ci porte sur un site intercommunal, caractérisé par son ampleur (3.000 logements), par la présence de copropriétés dégradées (plus de 1.200 logements, avec les copropriétés des Bosquets et de la Forestière) et par la faiblesse des ressources financières et fiscales des communes concernées . La réalisation de constructions neuves va s'effectuer sur des terrains initialement destinés à l'activité économique. Il a indiqué que le projet de rénovation urbaine visait à transformer radicalement les conditions de vie des habitants par la diversification de l'habitat et du peuplement , le retour à la « normalité » architecturale et urbaine (morphologie urbaine, diversité architecturale, mutabilité du foncier) et la modification de la structure de la propriété patrimoniale (passage de copropriétés au logement social et privé).

Prévu pour une durée de 8 à 10 ans, ce programme prévoit 1.624 démolitions (dont 584 logements sociaux et 1.040 logements en copropriété), 2.000 logements reconstruits à terme (en majorité logements sociaux), la réhabilitation et la résidentialisation de tous les logements non démolis, une restructuration lourde des activités commerciales du site, la rénovation des équipements scolaires et sportifs et la démolition de la tour Utrillo. Son coût prévisionnel est d'environ 450 millions d'euros, les financements déjà actés étant de 333 millions d'euros (convention ANRU du 17 décembre 2004), ceux en cours de formalisation de 28,5 millions d'euros (avenant « secteur central ») et ceux en cours d'instruction de 44 millions d'euros (avenant « concession d'aménagement » Clichy).

Ce programme s'organise autour d'un dispositif spécifique de pilotage stratégique et de coordination opérationnelle, avec la mobilisation de nouveaux opérateurs : aménageurs (AFTRP), bailleurs sociaux (3F). A court terme, les enjeux sont la finalisation des montages opérationnels (concessions d'aménagements), des réalisations opérationnelles concrètes et l'insertion par l'économie (le PRU se caractérisant par un budget conséquent mais une multiplicité de réalisations de petite/moyenne taille). Les autres enjeux extérieurs au site sont la sécurité (implantation d'un commissariat de plein exercice en lisière du site) et la desserte en transports en commun, une négociation étant en cours pour l'arrivée d'un TCSP (Transport en commun en site propre) de type tramway par « débranchement » de la ligne des « Coquetiers ».

Les chefs d'entreprises de la zone franche urbaine ont ensuite souligné les éléments suivants :

- la clause locale d'embauche n'est pas toujours facile à appliquer en pratique, les entreprises rencontrant des difficultés de recrutement au niveau local, notamment de main d'oeuvre qualifiée. Beaucoup de jeunes sortent du système éducatif sans savoir lire ni écrire ;

- les entreprises n'ont pas subi d'agressions pendant les violences urbaines de l'automne, et ont plutôt été protégées par les habitants ;

- on constate un certain « manque d'enthousiasme » des jeunes pour travailler, certains préférant bénéficier des minima sociaux ;

- les entreprises de la zone franche se heurtent à la concurrence croissante des entreprises des pays de l'Est , par exemple dans le domaine du transport routier ;

- le système éducatif devrait être réformé afin d'améliorer la formation aux métiers manuels , notamment en proposant aux professeurs des stages en entreprises, afin également d'améliorer l'image de ces métiers.

Le responsable de la mission locale a souligné que le niveau de qualification des jeunes était généralement très faible , ce qui posait le problème de l'amélioration de la formation. Les missions effectuent un double travail : permettre aux jeunes de mieux appréhender l'image qu'ils renvoient d'eux-mêmes et permettre aux entreprises de mieux prendre en compte l'attitude de ces jeunes. D'après la directrice du développement, de l'insertion et de l'emploi , un jeune sur cinq fréquentant la mission ne sait ni lire ni écrire, et on compte 15 à 20 % d'illettrés.

Enfin, a été évoquée une enquête réalisée auprès des jeunes sur les métiers qu'ils souhaiteraient exercer, qui a révélé une grande pauvreté dans les choix professionnels envisagés. Ceci pourrait résulter notamment du fait que l'orientation est effectuée par des personnes qui connaissent mal le monde du travail, et montre la nécessité d'améliorer la formation des professeurs et de revaloriser le stage pratique effectué en classe de troisième, qui devrait permettre un véritable repérage des métiers.

II. Entretien avec M. Jean-François Cordet, préfet de la Seine-Saint-Denis

En préambule, M. Alex Türk, président , a rappelé que la mission commune d'information visait à aboutir à des propositions concrètes et réalistes, sur la base des témoignages qu'elle aura reçus lors des auditions et des déplacements. Il s'agit d'analyser les faits et d'établir un ordre de causalité, qui permette de faire un diagnostic de la situation et de trouver les remèdes aux problèmes rencontrés sur le terrain.

M. Pierre André, rapporteur , a constaté la coupure qui existe entre le système éducatif et l'univers de l'entreprise, qui semblent être « deux mondes qui ne sont pas prêts à se rencontrer » . Il a estimé que l'éducation, la formation et l'emploi constituent le problème-clef. Il s'est également inquiété du témoignage de certains entrepreneurs qui observent une cassure de plus en plus nette entre les personnes qui désirent travailler et celles qui préfèrent bénéficier des revenus de la protection sociale, parfois plus rémunérateurs que l'exercice d'une activité salariée.

M. Alex Türk, président, a confirmé ce témoignage recueilli auprès des jeunes entrepreneurs issus de la ZFU de Clichy-sous-Bois-Montfermeil.

Mme Raymonde Le Texier a au contraire affirmé avoir reçu dans son département de nombreux jeunes, de niveau bac + 4 ou bac + 5, désireux de travailler et qui n'arrivent pas à trouver d'emploi.

M. Philippe Dallier a considéré que les deux cas de figure existent et qu'on ne peut pas faire de quelques exemples une généralité.

M. Jacques Mahéas a rappelé que si ces réalités existent, certaines méthodes sont plus appropriées que d'autres pour établir un dialogue avec les jeunes. Evoquant la décision du maire de Montfermeil interdisant les réunions de jeunes mineurs dans sa commune, il a expliqué que son groupe politique n'avait pas souhaité se rendre à Montfermeil pour marquer sa désapprobation à l'égard de cette décision.

M. Jean-François Cordet, préfet de la Seine-Saint-Denis , a ensuite rappelé les caractéristiques démographiques du département :

- la population compte 1,5 million d'habitants divisés en trois groupes, un tiers d'étrangers, un tiers de Français d'origine étrangère et un tiers de Français d'origine ;

- l'islam est la religion majoritaire ;

- les jeunes représentent plus d'un tiers de la population ;

- la population, au départ majoritairement ouvrière, d'origine française et européenne (espagnole, portugaise et italienne notamment), s'est peu à peu diversifiée avec l'immigration en provenance des pays du Maghreb et de l'Afrique noire dans les années soixante, puis de l'Inde et de la Chine dans les vingt dernières années.

La situation économique du département présente le paradoxe de regrouper sur un même territoire une grande pauvreté, du fait d'un taux de chômage très élevé dans certains quartiers, et les fleurons de l'industrie française et des services, tels que l'Oréal, Alstom, Siemens, Citroën..., qui n'hésitent pas à embaucher et former des jeunes du département.

Ainsi, la Seine-Saint-Denis présente des caractéristiques socio-démographiques et économiques très particulières et bénéficie des retombées de l'aéroport de Roissy - Charles de Gaulle, plateforme internationale où se concentrent les flux migratoires, et du Stade de France. Mitoyen de Paris, le département est aussi un « lieu de relégation » situé de l'autre côté du périphérique, qui résulte de l'extension de la capitale.

Le département ne regroupe que quarante communes , ce qui confère à chaque maire une responsabilité considérable et rend parfois difficile la coordination de politiques départementales ou intercommunales. Le département a pourtant bénéficié des dispositifs successifs des politiques de la ville et de réalisations fortes, mais qui n'ont souvent pas été à la hauteur des difficultés spécifiques de nombreux quartiers. Par ailleurs, ces politiques n'ont pas toujours été adaptées à l'évolution extrêmement rapide des réalités sociologiques.

On observe également des une absence de dialogue entre les différentes composantes de la population et entre les générations. Les handicaps à traiter - faibles revenus, problèmes de santé, d'emploi, d'illettrisme - varient d'une catégorie à l'autre. Se pose parallèlement le problème des familles monoparentales, les mères de famille seules exerçant une activité, ne pouvant encadrer suffisamment leurs enfants. Ces jeunes, souvent de moins de quinze ans, ainsi livrés à eux-mêmes, vivent en bandes, par sous-quartiers ou dans les cages d'escaliers et ne vont plus à l'école.

Un partenariat a été mis en place entre le procureur de la République, l'inspecteur d'académie, les structures de jeunesse, des pédopsychiatres et des conseillers d'orientation pour proposer des solutions adaptées afin de réinsérer les jeunes connaissant les plus grandes difficultés.

Le MEDEF s'est également impliqué dans des dispositifs d'accès à l'emploi en créant des passerelles entre l'école, l'entreprise et l'université. On observe une multiplication des projets de création d'entreprises par des jeunes issus de l'immigration, qui favorisent le rapprochement entre le système éducatif et le monde de l'entreprise. Des expériences de grande qualité ont été conduites dans ce domaine et mériteraient d'être généralisées. Il serait intéressant d'en faire un bilan et de poursuivre et généraliser les expérimentations réussies. Elles ont pour caractéristiques communes d'être des actions de moyen ou long terme (10 à 20 ans) et de pouvoir s'adapter à des situations particulières avec une certaine souplesse. Elles associent les outils et les structures du service public local de l'emploi : agences nationales pour l'emploi (ANPE), associations d'insertion, tutorats, parrainages, missions locales, ...

Le département affiche un taux de chômage supérieur à la moyenne nationale s'établissant à 13,3 % avec des pics, selon les quartiers ou les catégories de la population, allant de 25 à 40 %. Toutefois, ces pourcentages doivent être pris avec précautions, faute de statistiques fiables par commune.

Parallèlement, des politiques d'accompagnement des parents étrangers ou d'origine étrangère ont été menées en faveur de l'apprentissage de la langue française, de l'éducation des enfants et de l'amélioration des relations avec l'école et l'administration, afin de restaurer l'autorité parentale dans les familles en grande difficulté. Des réussites étonnantes ont pu être observées dans ce domaine dans les dix dernières années.

Par ailleurs, la Seine-Saint-Denis se caractérise par une histoire emblématique de la construction de l'identité française, puisqu'elle abrite à la fois les gisants des rois de France dans la basilique de Saint-Denis et des symboles forts de la République. Elle doit valoriser ce patrimoine et en faire le ciment des communautés présentes sur son territoire.

Enfin, l'objectif de mixité sociale suppose une ouverture du département vers l'extérieur, en améliorant son attractivité, notamment grâce aux ambitieux projets de rénovation urbaine initiés par le Gouvernement.

M. Philippe Dallier a demandé si la présence de l'Etat dans le département était suffisante, souhaitant notamment avoir des précisions relatives aux effectifs de police, d'enseignants et de pédopsychiatres.

M. Jean-François Cordet, préfet de la Seine-Saint-Denis, a reconnu qu'un rattrapage était nécessaire dans plusieurs domaines : les effectifs policiers mériteraient en effet d'être renforcés, ainsi que les structures éducatives de l'enfance et de la petite enfance et la médecine, les professionnels de santé libéraux ayant quitté le département, sans être remplacés par de plus jeunes.

Mme Raymonde Le Texier s'est dite attentive au problème de l'adaptation des politiques de la ville aux réalités évolutives du terrain et à l'enjeu majeur que représente la reproduction des schémas familiaux. Enfin, elle a estimé nécessaire qu'un travail approfondi soit réalisé sur la politique de peuplement.

M. Thierry Repentin a souhaité savoir si la taille des communes posait un problème de gouvernance spécifique au département de la Seine-Saint-Denis, soulignant le faible développement de l'intercommunalité. Concernant les projets de rénovation urbaine conduits par l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), il s'est également demandé si l'application d'une législation uniforme et d'un processus décisionnel identique pour toutes les communes étaient adaptés.

M. Gilbert Barbier a souligné les atouts du département et s'est interrogé sur le réalisme de la « politique du un pour un » prônée par l'ANRU.

M. Jacques Mahéas a déploré le manque de coordination entre les politiques menées sur les quartiers en difficulté, citant l'exemple de la ville de Neuilly-sur-Marne, dans laquelle la création récente de la zone franche urbaine s'est accompagnée d'une réduction des crédits attribués à la zone d'éducation prioritaire. Après avoir évoqué le regroupement des médecins et des cliniques dans les quartiers privilégiés et les difficultés des relations entre police et justice, il a interrogé le préfet sur les moyens de renforcer les services de l'Etat dans le département. Il a enfin indiqué que les opérations de démolition - reconstruction pouvaient entraîner un transfert et un regroupement des familles défavorisées dans des quartiers encore plus dégradés.

M. Jean-François Cordet a estimé que la coordination était satisfaisante, même si elle pourrait être améliorée. Il a également précisé que la mission régionale de santé n'avait toujours la même approche que les services de l'Etat. Après avoir rendu hommage à l'action menée par les élus au mois de novembre, il a jugé nécessaire de la renforcer. Il a également évoqué le problème de l'absence de la justice dans les quartiers et a souligné que l'implication des mineurs dans les violences avait explosé.

M. Jacques Mahéas a expliqué qu'il avait formé dans le passé des employés municipaux pour accueillir des jeunes condamnés à des travaux d'intérêt général a déploré que l'idée de la « peine pédagogique » n'arrive pas à s'imposer.

M. Yves Dauge , soulignant que le département de la Seine-Saint-Denis devait faire l'objet de propositions spécifiques, à l'image des villes nouvelles à l'époque de leur création, a émis l'idée d'un plan d'action spécifique pour ce département et a insisté sur l'importance du rôle du maire.

M. Pierre André, rapporteur, a rappelé que les quartiers en difficulté ne se résumaient pas à la Seine-Saint-Denis et que le problème de l'emploi touche tous les départements à des degrés divers. Ce département présente de surcroît l'avantage d'avoir un potentiel économique et industriel très supérieur à celui de nombreux départements français. Les poches de chômage que l'on observe dans certains quartiers résultent donc, pour une grande part, d'une distorsion entre le système de formation et le monde de l'entreprise.

M. Jean-François Cordet est convenu que l'adéquation de l'offre à la demande d'emplois constitue un réel enjeu. Une partie de l'offre n'est en effet pas solvable, car il n'existe de pas de filières adaptées. Toute réforme supposerait en premier lieu une meilleure connaissance des offres d'emplois et des métiers, afin d'améliorer le système éducatif et la formation professionnelle. A cet égard, il s'est dit favorable à une régionalisation de l'offre de formation en fonction des bassins d'emplois.

III - Déjeuner au Conseil Général

La délégation a ensuite participé à un déjeuner de travail au conseil général de la Seine-Saint-Denis.

Participaient à ce déjeuner : M. Hervé Bramy, président, M. Jean-Charles Nègre, vice-président, M. Abdel Sadi, conseiller général, M. Christian Jeudy, adjoint au directeur de cabinet, Mme Hamida Ben Sadia, chargée de mission, Mme Carmen Bourvic, directrice générale des services départementaux, Mme Helvise Sauvage, directrice générale adjointe, Mme Mathilde Sacuto, directrice de la prévention et de l'action sociale et M. Santiago Serrano, chef de service.

M. Hervé Bramy , président du conseil général, est revenu sur les événements du mois de novembre 2005, ceux-ci traduisant une « crise sociale des quartiers populaires des villes » , plutôt qu'une « crise des banlieues » . Selon son analyse, les jeunes se sont en effet exprimés dans des lieux où la souffrance sociale est fortement ressentie par les populations, et qui ne se limitent pas aux quartiers situés en périphérie des grandes villes. Il a rappelé que le point de départ de ces événements était le décès de deux jeunes à Clichy-sous-Bois le 27 octobre 2005 dans un transformateur EDF. Il a déploré la « mauvaise communication du Gouvernement » dans cette affaire, évoquant les termes controversés du ministre de l'intérieur lors de son déplacement à Argenteuil et à La Courneuve.

Il a ensuite souhaité que les regards portés sur le département changent, soulignant notamment ses atouts économiques , la Seine-Saint-Denis étant le deuxième département en termes d'implantations et de créations d'entreprises et bénéficiant de la présence de grandes entreprises. Ce département, tôt industrialisé, a été particulièrement meurtri par le phénomène de la désindustrialisation. Il a aujourd'hui besoin d'équipements structurants dans le cadre d'une solidarité francilienne et nationale

Dans ce contexte, il a expliqué le taux de chômage élevé (près de 15 %), notamment chez les jeunes (près de 40 %), par l'inadéquation des qualifications des demandeurs d'emploi avec le monde des entreprises. Il a également souligné les insuffisances des zones franches urbaines, qui ne permettent pas toujours aux petites et moyennes entreprises de se développer de façon pérenne et de créer des emplois. A cet égard, il s'est félicité de la signature de plusieurs chartes pour l'emploi avec la SNCF, l'aéroport de Roissy, Véolia, la chambre syndicale des bâtiments et travaux publics et la RATP, visant à améliorer la formation des demandeurs d'emploi.

S'agissant de la rénovation urbaine , il a rappelé que 69 projets pilotés par l'ANRU sont en cours dans 26 communes du département et concernent 60 quartiers. Alors que le parc locatif social représente 36 % du total des logements et que 63 % des locataires habitent dans du logement social, il s'est inquiété de l'insuffisance de l'offre de logements sociaux et de l'incapacité du conseil général à apporter sa contribution financière dans le cadre des projets de l'ANRU, qui prévoient la destruction de 12.000 logements, dont 10.000 à destination des ménages les plus modestes. Il a dit avoir adressé une lettre au Président de la République et à M. Jean-Louis Borloo, demandant à l'Etat de se substituer au conseil général pour financer cette dotation, afin de tenir compte de la rupture de l'égalité républicaine au profit d'un département qu'il considère comme particulièrement défavorisé.

Il a indiqué que la dégradation de la situation financière du conseil général, qui résulte notamment de la décentralisation du revenu minimum d'insertion (RMI) (80 millions d'euros sur 132 millions d'euros de déficits), a occasionné une augmentation des impôts locaux de près de 9 %, ainsi qu'une aggravation de la dette. Il a proposé la création d'une dotation spéciale pour l'égalité républicaine , destinée à compenser intégralement les compétences transférées, conformément au principe inscrit dans la Constitution.

IV. Clichy-sous-Bois

1. Visite de la caserne des sapeurs-pompiers

Accueillie par M. Claude Dilain, maire de Clichy-sous-Bois, la délégation s'est entretenue avec le lieutenant-colonel Rasschaert et le capitaine François Millet.

Trois sujets ont été évoqués et ont fait l'objet de discussions :

- la sécurité et les conditions d'intervention des pompiers ;

- la coordination avec la police municipale et nationale lors des interventions ;

- la faible attractivité du département qui pose des problèmes pour le recrutement et le logement des familles des sapeurs-pompiers sur place.

2. Visite de la copropriété « La Forestière »

La visite de cette copropriété a été conduite par M. Claude Dilain, maire de Clichy-sous-Bois, et par un agent de médiation du quartier, une escorte policière en civil accompagnant la délégation.

La Forestière est une copropriété, autrefois relativement luxueuse, de 508 logements construite au début des années 80 et particulièrement dégradée. La délégation a été frappée en effet, par l'état de délabrement extrême de ces immeubles, dont les entrées sont souvent dépourvues de portes, de boîtes aux lettres et sont dans un état tel que la sécurité des habitants n'est pas assurée.

De nombreux appartements sont murés, ont été incendiés, sont squattés ou suroccupés, notamment par des familles très nombreuses d'origine étrangère, et exploitées par des marchands de sommeil qui rachètent à vil prix aux propriétaires. Tous les appartements des premiers étages sont munis de grilles. Un seul ascenseur est en état de marche dans chaque tour, sous la surveillance d'un « groom » chargé de la sécurité...

Cette copropriété se caractérise également par une disposition des immeubles qui ne permet pas aux forces de police d'intervenir avec leurs véhicules.

Elle devrait faire prochainement l'objet d'une intervention prioritaire planifiée dans le cadre du grand projet de ville (GPV) des communes de Clichy-sous-Bois et Montfermeil mais son statut se prête mal à une intervention de l'ANRU.

Le GPV entend agir sur les cinq leviers producteurs de mixité sociale et urbaine que sont la mobilité, la qualité résidentielle, le développement économique et l'accès à l'emploi, l'éducation et l'intégration.

Dans ce but, la convention du GPV de Clichy-sous-Bois/Montfermeil se concentre sur quatre axes d'intervention prioritaires :

- la cohérence urbaine (raccordement à l'agglomération parisienne et mobilité interne, aménagement des espaces délaissés de l'ex A 87, valorisation du patrimoine vert, reconquête des espaces fédérateurs) ;

- l a qualité de l'habitat (restructuration lourde des copropriétés les plus dégradées, actions de requalification et de prévention sur les autres copropriétés, qualité du parc social) ;

- la remise à niveau des équipements publics (rénovation et animation des équipements existants, développement de l'offre d'équipements) ;

- la gestion urbaine de proximité (développement des actions associatives, qualité de la vie sociale, lutte contre l'exclusion économique et sociale).

Certains habitants ont manifesté leur attachement à cet ensemble d'immeubles, dont ils craignent la destruction, le relogement des populations risquant d'entraîner la dispersion des occupants dans différents quartiers de Clichy-sous-Bois ou des communes voisines.

3. Table ronde sur l'enseignement au centre social intercommunal de la Dhuys

Participants : M. Claude Dilain, maire de Clichy-sous-Bois, M. Olivier Klein, premier adjoint au maire, M. Guy Depelley, adjoint à la sécurité, Mme Joëlle Vuillet, adjoint à l'éducation, Mme Agnès Martin, adjoint au logement, Mme Weiss, inspecteur de l'éducation nationale, Mme Marie-Christine Culioli, principale du Collège R. Doisneau, Mmes Landron et Descargues, coordonnatrices REP, Mmes Agnès Faulcon et Annick Teinturier, directrice et coordinatrice du centre social intercommunal de la Dhuys, MM. Joseph Berrebi et Rachid Bazzazi, directeur et éducateur de la MOUS Forestière, MM. Marc Ratsimba et Didier Ostre, directeurs généraux adjoints à la politique de la ville et aux prestations, M. Ali Zahi, chargé de mission au cabinet du maire, M. Eric Imbert, directeur de l'habitat et de la solidarité, Mme Valérie Klein, directrice de l'action éducative, Mme Florence Langrade, coordinatrice des équipes de réussite éducative et M. Samir Maouche, chargé de mission des dispositifs contractuels.

M. Claude Dilain a présenté la situation éducative de Clichy-sous-Bois :

Sur 28.400 habitants, il a tout d'abord rappelé que 50 % de la population a moins de 25 ans, soit le double de la moyenne française.

Clichy-sous-Bois scolarise 1.700 enfants dans douze écoles maternelles (dont dix classées en ZEP) et 2.680 élèves dans douze écoles primaires (dont dix en ZEP) ; 1.945 élèves sont répartis dans les trois collèges de la ville et le lycée Alfred Nobel accueille 1.080 élèves.

La commune cumule de nombreux handicaps :

- la population étrangère représente 33 % à Clichy-sous-Bois, 18 % en Seine-Saint-Denis alors que la moyenne nationale est de 6 % ;

- le taux de chômage s'élève à 21 % et 1.164 personnes étaient bénéficiaires du RMI à la fin 2005 (52 % depuis plus de 2 ans, 21 % depuis plus de 6 ans, 49 % sont de nationalité étrangère, 51 % ne sont pas bénéficiaires d'aide au logement, 54 % ont moins de 40 ans) ;

- plus de 75 % des élèves appartiennent à des familles très défavorisées et 58 % d'entre eux sont boursiers ;

- le retard scolaire est plus important à Clichy-sous-Bois que dans l'ensemble du département : 13,4 % des élèves ont un retard de plus de deux ans à leur entrée en classe de sixième contre seulement 5,5 % sur l'ensemble du Seine-Saint-Denis. Ce pourcentage est de 20,1 % à l'entrée en classe de troisième contre 12 ,6 % au niveau du département ;

- le pourcentage de réussite au brevet des collèges (59,5 %) est nettement inférieur à la moyenne départementale (68 %) et à la moyenne nationale (79,8 %) ;

- le taux de réussite au bac scientifique du lycée Alfred Nobel est de 17 points inférieur à la moyenne de l'académie de Créteil (77 %) ; en revanche, pour les séries L, ES et STT, le pourcentage de réussite au bac est légèrement supérieur à la moyenne académique.

Le maire a ensuite exposé les différentes politiques et actions éducatives mises en oeuvre ces dernières années : contrat de ville, projet éducatif local, contrat « enfance », contrat « temps libre », contrat local d'accompagnement à la scolarité et contrat local de sécurité.

De 1995 à 2005, la ville a consacré 9 millions d'euros à la rénovation des équipements scolaires, soit 25,6 % des investissements réalisés. De 2004 à 2006, la ville a prévu de financer à hauteur de 70.000 euros l'initiation à l'informatique.

De plus, 38 % des crédits de fonctionnement du « contrat de ville » sont consacrés aux actions éducatives :

- les trois collèges et les écoles qui s'y rattachent sont labellisés « ambition réussite » ;

- des « ateliers pour la réussite » sont systématiquement proposés le soir après la classe à l'école élémentaire ;

- trois « équipes de réussite éducative » (ERE) se mettent en place ;

- des classes de seconde expérimentales seront créées au lycée Alfred Nobel à partir de septembre 2006 ;

- un partenariat avec les grandes écoles (Polytechnique, IEP de Paris...) est envisagé ;

- « l'école sans murs » et une « classe relais » ont été implantées sur la ville.

Les points suivants ont été abordés :

- malgré la qualité des réseaux de transports publics dans le département, le temps de transport pour rejoindre les facultés de Saint-Denis, Villetaneuse et Marne-la-Vallée reste supérieur à une heure pour les habitants de Clichy-sous-Bois ;

- des précisions statistiques ont été demandées concernant l'avenir des bacheliers à l'université, notamment le taux d'échec en première année ainsi qu'une analyse comparative des taux de réussite dans les filières générales et professionnelles ;

- le budget consacré aux projets de réussite éducative à Clichy-sous-Bois est de 400.000 euros sur cinq ans, dont 40.000 euros en 2005.

- les actions périscolaires menées dans le cadre de la politique de la ville sont nombreuses, qu'il s'agisse des programmes « ville, vie, vacances » ou du soutien scolaire assuré par des associations ;

- l'individualisation des parcours et des programmes et l'accompagnement personnalisé des élèves semblent être des facteurs importants de réussite ;

- la coopération et l'existence d'un dialogue constant entre l'équipe pédagogique et les familles réduisent les problèmes de délinquance et d'échec scolaire ;

- un débat s'est instauré sur les classes de niveaux : les intervenants se sont dits plutôt défavorables à ce principe, préférant les classes à options en sixième, qui pourraient être un bon moyen d'attirer ou de retenir les élèves de bon niveau ;

- la jeunesse des professeurs dans les zones d'éducation prioritaire a été fréquemment observée et semble constituer un handicap ; il faudrait assurer un certain équilibre et assurer la présence de professeurs plus expérimentés pour former les plus jeunes. Des mécanismes d'incitation pourraient être mis en place, soit financiers, soit relatifs au rythme de progression dans la carrière.

V- Sevran

La délégation a été accueillie par M. Stéphane Gatignon, maire de Sevran.

1. Rencontre avec des associations représentant la jeunesse, le logement et l'insertion.

Participaient à cette réunion : M. Stéphane Gatignon, maire de Sevran, M. Femmami, premier adjoint au maire en charge de la politique de la ville, Mme Bernadette Caliskan, adjoint au maire en charge de la santé et de la prévention, M. Bernard Portel, adjoint au maire en charge des travaux, M. Jean-François Baillon, adjoint au maire en charge des affaires économiques et proviseur du lycée de Blanc-Mesnil, M. Philippe Piraux, sous-préfet du Raincy, M. Jérôme Masclaux, responsable à la DDE du service « Habitat et renouvellement urbain », M. Didier Caheruc, chef de projet social du quartier Rougemont, M. Samir Kamiri, directeur du Centre social Michelet, Mlle Lydie Pechon et M. Amin Mohamed de l'association « Femmes et enfants en milieu rural et urbain » (FEMRU), M. Abdelatif Bennissi de l'association « Horizons », Mme Odette Ralli du CLCV du quartier des Beaudottes, M. Attias, président de l'Association des entrepreneurs des Beaudottes (AEB-FIFEL), M. Afid Djadaoui, responsable de l'association sportive des Beaudottes, MM. Mamadou Ba et Wilfried Gavarin, membres de l'association sportive des Beaudottes, M. Nsingi Sokola, informaticien.

Mme Odette Ralli , responsable de l'Amicale des locataires du quartier des Beaudottes, a rappelé qu'elle s'occupait d'un ensemble d'immeubles gérés par la société immobilière 3F et regroupant 1.500 logements. Habitante de Sevran depuis 1944, elle a assisté à l'évolution du quartier des Beaudottes, qui s'est transformé dans les années 60, avec la construction de grands ensembles, et où se sont développés au cours des années 70 les problèmes d'emploi, de drogue et d'insécurité.

M. Attias , médecin gynécologue installé dans la ZFU des Beaudottes depuis 2004 et responsable du Club des entrepreneurs, a exposé les activités de son association, notamment en faveur des jeunes. Il a évoqué l'aide à la conduite de projet d'entreprise pour les jeunes titulaires ou non d'une formation. Il a fait observer que l'origine ethnique et le lieu d'habitation peuvent constituer un frein réel à l'embauche. Il s'est montré favorable au développement des services à la personne, susceptibles de créer, selon lui, des emplois nouveaux de proximité pour les demandeurs d'emploi résidant dans les quartiers.

M. Jean-François Baillon, adjoint au maire en charge des affaires économiques, a rappelé que la ville de Sevran comptait 4.000 chômeurs et 2.000 Rmistes. Il a souligné l'efficacité du pôle « compétences-emploi-formation » , installé dans le quartier des Beaudottes, réunissant les missions locales, l'ANPE et les structures de formation et mettant en relation les entrepreneurs et les organismes de formation et d'insertion.

M. Abdelatif Bennissi de l'association Horizons , M. Afid Djadaoui, responsable de l'association sportive des Beaudottes, MM. Mamadou Ba et Wilfried Gavarin, membres de la même association, ont souligné le côté positif des activités sportives dans les quartiers, qui apparaissent comme de « véritables vaccins contre la délinquance » . Elles permettent d'inculquer aux jeunes le sens de l'équipe et le respect des règles et permettent de canaliser les énergies de façon positive. Les associations sont souvent le lieu de règlement pacifique des conflits et sont à l'origine d'un lien social dans les quartiers.

Mlle Lydie Péchon et M. Amin Mohamed de l'association « Femmes et enfants en milieu rural et urbain » (FEMRU) ont expliqué que l'aide aux devoirs et les cours d'alphabétisation permettaient souvent de résoudre les conflits au sein des familles ainsi que certaines difficultés économiques et sociales, grâce à l'accompagnement des personnes les plus isolées du fait de leur incapacité à communiquer. Ces activités font l'objet de demandes croissantes de la population et sont en plein développement. L'association FEMRU offre également un service d'assistance juridique hebdomadaire le samedi qui rencontre un grand succès.

M. Nsingi Sokola , qui exerce une activité bénévole au centre d'action sociale Michelet, a indiqué avoir acquis une qualification en informatique après avoir abandonné précocement le cursus scolaire. Il a insisté sur l'importance de choisir une filière « porteuse » , où il est possible de trouver facilement un emploi. Il s'est interrogé sur la capacité du système scolaire à donner une formation adaptée aux jeunes et à les préparer à entrer dans le monde du travail. Il s'est dit par ailleurs inquiet de la démotivation des jeunes de la génération suivante et de leur incapacité à pouvoir « rebondir » alors que nombre d'entre eux ont choisi la facilité en vivant de l'économie souterraine. Certains ont déjà été plusieurs fois incarcérés pour des faits graves et sont dépourvus de tout repère. Sa mission au centre social est de remotiver les jeunes et de jouer le rôle du « grand frère » en les remettant sur le droit chemin en servant d'exemple de réussite.

M. Alex Türk, président , a demandé si la modification des conditions d'octroi de la DSU avait eu un impact pour la commune de Sevran.

M. Stéphane Gatignon, maire de Sevran, a indiqué que la hausse significative de la DSU a servi en réalité à compenser la diminution importante des subventions accordées à sa commune les années précédentes. Au total, il a reconnu avoir bénéficié d'une augmentation de 0,5 % des subventions et dotations versées par l'Etat.

2. Visite du quartier Rougemont

La délégation a visité le quartier Rougemont, en cours de rénovation, accompagné par le premier adjoint au maire de Sevran, M. Famimi.

Elle a pu observer comment la rénovation remarquable de ce quartier pouvait en changer l'atmosphère et favoriser le développement d'activités commerciales. En effet, les immeubles moins hauts (six étages maximum) et espacés de façon à créer des espaces verts et des voies permettant une certaine fluidité de la circulation et l'intervention des forces de police, a permis de sécuriser le quartier et de le rendre ainsi plus attractif et plus « convivial ».

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Le déplacement de la délégation s'est achevé par une conférence de presse organisée à l'Hôtel de la Préfecture, et en présence du préfet.

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