LES INTERVENTIONS EDUCATIVES EN DIRECTION DES QUARTIERS SENSIBLES : UNE EFFICACITÉ ET UNE EFFICIENCE ENTRAVÉES

I. APPROCHE GENERALE DE L'IMPACT DES DISPOSITIFS ACTUELS

A. LA COMPLEXITE ET L'INSTABILITE DES DISPOSITIFS

Le foisonnement et l'empilement des dispositifs d'intervention éducative de l'Etat en direction des quartiers sensibles induisent une complexité qui constitue - ainsi que l'ont fréquemment relevé les acteurs de terrain interrogés lors de l'enquête - un obstacle à l'appropriation, et donc à l'efficacité et à l'efficience des dispositifs. Ainsi que le montre le schéma suivants, huit configurations sont ainsi possibles selon que l'élève est scolarisé ou non dans un établissement de l'éducation prioritaire ou qu'il réside ou non dans le périmètre d'un CUCS ou d'une ZUS. Ces configurations sont peu lisibles et restent, en particulier, inintelligibles pour les familles.

Scolarisation ou non dans un établissement d'éducation prioritaire

Situation ou non dans le périmètre d'un CUCS

Situation ou non dans le périmètre d'une ZUS

Armature des dispositifs éducatifs de l'Etat en direction des quartiers sensibles

Scolarisé dans un établissement de l'éducation prioritaire

(1 571 586 jeunes scolarisés, soit 20% du total des élèves)

Vivant dans un quartier prioritaire du CUCS

Cas 1 : Vivant en ZUS

Politique de la ville : PRE ; Ecole ouverte ; IE ; accompagnement scolarité ; 100 000 élèves, 100 000 tuteurs ; « Oser l'excellence » ; busing ; VVV

Education nationale : accompagnement éducatif primaire ; RSL ; banque de stages ; médiateurs de réussite scolaire

Cas 2 : Ne vivant pas en ZUS

Politique de la ville : PRE ; Ecole ouverte ; IE ; accompagnement scolarité ; 100 000 élèves, 100 000 tuteurs ; « Oser l'excellence » ; busing ; VVV

Education nationale : accompagnement éducatif primaire ; RSL ; banque de stages ; médiateurs de réussite scolaire

Ne vivant pas dans un quartier prioritaire du CUCS

Cas 3 : Vivant en ZUS

Politique de la ville : PRE ; Ecole ouverte ; IE ; 100 000 élèves, 100 000 tuteurs ; « Oser l'excellence »

Education nationale : accompagnement éducatif primaire ; RSL ; banque de stage ; médiateurs de réussite scolaire

Cas 4 : Ne vivant pas en ZUS

Politique de la ville : PRE ; Ecole ouverte ; IE ; 100 000 élèves, 100 000 tuteurs ; « Oser l'excellence »

Education nationale : accompagnement éducatif primaire ; RSL ; banque de stages ; médiateurs de réussite scolaire

Non scolarisé dans un établissement de l'éducation prioritaire

Vivant dans un quartier prioritaire du CUCS

Cas 5 : Vivant en ZUS

Politique de la ville : PRE ; Ecole ouverte ; IE ; Accompagnement scolarité ; « Oser l'excellence » ; busing ; VVV ;

Education nationale : RSL ; médiateurs réussite scolaire ; accompagnement éducatif possible sous condition .

Cas 6 : Ne vivant pas en ZUS

Politique de la ville : accompagnement scolarité ; « Oser l'excellence » ; busing ; VVV + Ecole ouverte

Education nationale : RSL ; accompagnement éducatif

Ne vivant pas dans un quartier prioritaire du CUCS

Cas 7 : Vivant en ZUS

Politique de la ville : PRE ; Ecole ouverte ; IE ; « Oser l'excellence »

Education nationale : RSL ; médiateurs de réussite scolaire ; accompagnement éducatif possible

Cas 8 : Ne vivant pas en ZUS

Politique de la ville : Ecole ouverte

Education nationale : RSL ; accompagnement éducatif possible

PRE : programme de réussite éducative - VVV : Ville, vie, vacances - IE : internat d'excellence - RSL : réussite scolaire au lycée

L'intégralité de ces dispositifs n'est pas toujours mise en oeuvre, car leur offre dépend de la mobilisation des acteurs locaux, ou bien elle ne peut être proposée que sur des territoires ou établissements bien ciblés. Toutefois, le bilan des dispositifs mis en place amène à constater la prolifération des interventions éducatives dans les quartiers sensibles. Cet empilement soulève des problèmes de lisibilité et d'articulation, et l'efficacité commande qu'une plus grande cohérence soit recherchée.

Lors de l'enquête, l'inspecteur d'académie de l'Essonne a souligné qu'il « n'existe pas de cartographie qui [reprenne] tous les dispositifs existants ». En effet, les multiples dispositifs qui relèvent de l'offre scolaire, parascolaire (offre complémentaire à la réalisation de la scolarité), et périscolaire (offre indépendante de l'école et visant le bien être et le développement socioculturel du jeune scolarisé) se superposent en relevant de multiples logiques (éducation prioritaire, CUCS, dispositifs contractuels, ...), sans que tous les acteurs connaissent les caractéristiques des actions des autres intervenants. Outre les effets de concurrence ou de redondance entre des dispositifs dont le professionnalisme peut s'avérer inégal, cette situation est génératrice de difficultés de coordination, dès lors que le temps de l'élève - qui n'est pas indéfiniment extensible - est écartelé entre une pluralité d'intervenants présents hors et dans l'établissement. Il convient d'observer à cet égard que c'est à partir de la gestion du temps scolaire que doivent s'engager les actions éventuellement complémentaires, et non l'inverse : les actions éducatives complémentaires ne peuvent déterminer les horaires et modalités des apprentissages scolaires fondamentaux. Mais il serait par ailleurs de bonne gestion d'optimiser le hors temps scolaire par rapport aux obligations de la scolarité. Un recensement précis des modalités d'intervention de l'ensemble des dispositifs de l'éducation nationale et de la politique de la ville est donc nécessaire.

Par ailleurs, il est important de rappeler que la difficulté scolaire est fortement concentrée sur le plan géographique. Ainsi, pour le second degré ( 46 ( * ) ), une enquête de la DEPP sur les sortants sans qualification du système éducatif montre que les difficultés sont plus accentuées dans une dizaine d'académies, situées dans le quart inférieur droit du tableau ci-après.

Un des premiers objectifs de l'articulation entre les dispositifs de la politique de la ville et de l'éducation nationale dans les quartiers sensibles devrait donc être de veiller à apporter des correctifs harmonisés à l'ensemble de ces situations, et d'éviter que l'inégalité des moyens mis en oeuvre par les acteurs locaux aggrave les différenciations. Cette exigence doit amener les acteurs et responsables de terrain à disposer des outils d'une maîtrise commune des actions engagées : la réponse de l'académie d'Aix-Marseille produite lors de l'enquête évoquait ainsi, de façon significative, la nécessité d' « une synthèse permettant, au niveau central, de constituer une « doctrine » quant à l'articulation détaillée des dispositifs » .

Ce besoin de clarification d'une « doctrine » de la mise en oeuvre des dispositifs apparaît d'autant plus nécessaire que les enquêtes de la DEPP ( 47 ( * ) ) aboutissent à une classification des collèges, à partir de multiples variables ( 48 ( * ) ), qui fait apparaître une catégorie de « collèges très défavorisés », qui représente 6,5 % du total des établissements ( Cf. annexe ). Une concentration des moyens sur cette catégorie de collèges, qui ne recoupe pas exactement la classification « ambition réussite », peut donc apparaître souhaitable, si elle ne restreint pas pour autant la mise en place de dispositifs de lutte contre la difficulté scolaire dans les autres établissements.

En outre, dans un récent rapport public thématique sur Les communes et l'école de la République, la Cour et les chambres régionales des comptes ont déjà eu l'occasion de recommander de clarifier la répartition des compétences en matière d'accompagnement de la scolarité, ce qui implique que l'Etat fixe un cadre minimal suffisamment précis pour qu'il s'impose à tous les partenaires de l'école. La Cour évoquait à cet égard l'intérêt de réfléchir à la possibilité de définir un cahier des charges national des services ou prestations attendues dans le cadre de l'accompagnement scolaire, afin de constituer un cadre de référence permettant d'évaluer - et donc éventuellement de faire compenser par l'Etat - les écarts susceptibles de mettre en cause l'égalité des chances.

* 46 DEPP, Note d'information n° 04/17 : « Les parcours dans le secondaire : des disparités régionales ».

* 47 Enquêtes DEPP publiées dans le cadre de la revue Education et Formation depuis février 2004.

* 48 Composition socio-économique des publics scolaires, proportion d'étrangers, proportion de boursiers, retards scolaires, ....

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