B. LES DISPOSITIFS RELEVANT PRINCIPALEMENT DE L'ÉDUCATION NATIONALE

1. Le programme « Ecole ouverte »

La charte de l'« école ouverte » a été signée le 19 décembre 2002. Une circulaire du 30 mars 2006 sur les « principes et modalités de la politique de l'éducation prioritaire » a relancé ce dispositif.

a) Les objectifs

Lancée en 1991, cette opération interministérielle consiste à ouvrir les écoles, collèges et les lycées pendant les vacances scolaires, ainsi que certains mercredis et samedis, afin d'accueillir des jeunes de milieux socialement défavorisés. Si des établissements situés en zone rurale ou bien dans des communes connaissant des difficultés socio-économiques peuvent également en bénéficier, la circulaire du 6 avril 2006 insiste sur l'importance de ce dispositif pour l'éducation prioritaire : « S i chaque collège en éducation prioritaire s'efforce de proposer une opération « Ecole Ouverte », de préférence pendant les vacances scolaires, c'est nécessairement dans les collèges des réseaux ambitions réussite que celle-ci devra être développée en priorité ».

Ce programme recouvre des activités à visée éducative, scolaire, culturelle, sportive et de loisirs. L'opération vise à aider les jeunes à modifier leur représentation de l'école et à contribuer à la lutte contre la violence, en offrant un lieu d'accueil de qualité par la nature et la diversité des activités proposées. Elle a également pour objectif de contribuer à la réussite scolaire et à l'insertion sociale, en faisant des collèges et des lycées des lieux d'apprentissage et d'exercice de la citoyenneté et en responsabilisant les jeunes dans la conduite des activités.

b) Le pilotage

Un groupe de pilotage régional est co-présidé par le préfet de région et le recteur d'académie avec des représentants des financeurs nationaux et des partenaires aux niveaux régional et local. Ce groupe est chargé d'examiner la qualité des projets présentés par les établissements et d'en décider l'éligibilité et le financement. Le chef d'établissement se voit attribuer un budget pour financer le fonctionnement et la rémunération du personnel sur la base du nombre de semaines ouvertes et des besoins exprimés. Ainsi que le prévoit la circulaire du 23 janvier 2003 qui régit le dispositif, un bilan quantitatif et qualitatif, ainsi qu'un bilan financier, sont réalisés chaque année, aussi bien au niveau des établissements qu'au niveau académique et au niveau national par la DGESCO. Depuis 2007, un système d'information dédié à l'opération « Ecole ouverte » a été mis en place.

Données académiques: l'académie de Lille, bilan 2007

Dans l'académie de Lille, 96 établissements étaient concernés en 2007 par le dispositif « Ecole ouverte », dont 67 % relevaient de l'éducation prioritaire ou de ZUS. 410 semaines ont été réalisées, soit 83 % des semaines prévues. 45 % des semaines réalisées concernent les petites vacances, 38 % les vacances d'été et 17 % les mercredis et samedis. 57,8 % des élèves (au nombre total de 19 974) étaient scolarisés au sein de l'établissement organisateur, 20,9 % hors établissement, et 21,2 % étaient des élèves du premier degré ( 77 ( * ) ).

Lors des vacances, les activités proposées s'équilibrent entre les activités culturelles (28 %), de loisirs (26 %), sportives (28 %) et scolaires (29 %). En revanche, les activités revêtent une connotation scolaire majoritaire (64 %) lors des sessions du mercredi et samedi, contre 36 % pour les activités culturelles, 26 % pour les loisirs et 30 % pour le sport.

Le dispositif est financé à titre principal par le ministère de l'éducation nationale (48 %), l'Acsé (23 %), le secrétariat général aux affaires régionales (crédits DIV) (10 %), la direction de la population et des migrations (5,4 %), et le FSE (13,5 %). Le coût annuel du dispositif a été de 1 783 299 € en 2007, soit un coût de journée de 868 € et un coût horaire par élève de 17,8€ pour six heures de prise en charge. Le dispositif «  Ecole ouverte » est porté par un encadrement composé de 61 % de titulaires de la fonction publique, contre 39 % de non titulaires ( 78 ( * ) ). Les enseignants représentent 47 % des titulaires ( 79 ( * ) ).

c) Bilan quantitatif

Le bilan quantitatif apparaît contrasté ( 80 ( * ) ) par rapport aux objectifs initiaux du dispositif et à ceux qui étaient affirmés par la circulaire du 30 mars 2006, notamment en ce qui concerne les collèges du réseau ambition réussite ( 81 ( * ) ). Ce bilan fait ressortir une montée en charge progressive  jusqu'en 2001, puis plus rapide : 776 établissements étaient concernés par le dispositif en 2008, contre 474 en 2001. 72 % des collèges RAR l'ont proposé, ce qui marque une nette progression par rapport à 2006 (49 %). Toutefois, au total, les établissements relevant de l'éducation prioritaire ou situés dans des ZUS ne représentent que 62 % environ des établissements organisateurs. Cette part peut varier de 23 % à 100 % selon les académies.

La période d'été est majoritaire dans l'organisation du dispositif (38 %) : les petites vacances couvrent pour leur part 37 % des périodes. Une relative dérive est observée avec l'organisation de sessions les mercredis et samedis : en effet les activités scolaires dominent sur ces créneaux (64 % de l'ensemble des activités à Lille), alors même que se généralise simultanément l'accompagnement éducatif au sein de l'éducation nationale. Selon la DGESCO, ce recours aux créneaux du mercredi et du samedi serait cependant en diminution depuis 2007.

Le budget national de l'opération est de 15,8 M€ en 2007. Il provient du ministère de l'éducation nationale pour 62 % et de l'Acsé pour 15 %, auxquels s'ajoutent 1,3 M€ provenant des collectivités territoriales ( 82 ( * ) ) et du FSE. Le coût moyen de la semaine est de 3 965 € ( 83 ( * ) ). Cependant, les coûts sont très variables d'une académie à l'autre, puisqu'ils vont de 3 000 € à 6 100 € (maximum autorisé). Le coût moyen par élève connaît également de fortes variations, de 63 € à 236 €, avec une moyenne de 89 €.

d) Eléments d'appréciation de l'efficacité et de l'efficience du dispositif

Les bilans réalisés montrent que l'opération a des effets positifs sur le climat au sein de l'établissement et sur son image. « Ecole ouverte » se révèle notamment un outil efficace de lutte contre la violence. De nombreux établissements constatent un comportement plus responsable de la part des élèves et un meilleur respect des lieux et des personnes. Une amélioration des rapports entre les jeunes et les personnels - les enseignants en particulier - est également observée. Le bilan 2007 indique enfin que certains chefs d'établissement constatent une baisse des demandes de dérogation à la carte scolaire depuis la mise en place du dispositif.

L'opération est d'autant plus efficace qu'elle s'inscrit non seulement dans le projet d'établissement, mais qu'elle est organisée en coordination avec les autres dispositifs de la politique de la ville. La charte « Ecole ouverte » de 2003 prévoit l'articulation de cette opération avec les actions du « contrat éducatif local » (CEL) et sa coordination avec les autres initiatives prises pour les jeunes pendant les congés scolaires, notamment l'opération VVV. Ce point a été évalué dans le bilan 2005 : il en ressort que sur les 655 établissements concernés, 154 avaient établi des liens avec le CEL, 61 avec le CLAS, 40 avec l'opération VVV, 47 avec des dispositifs PRE. Ainsi, la moitié seulement des établissements engagés étaient liés à d'autres dispositifs ( 84 ( * ) ).

Une difficulté spécifique est constituée par la comptabilisation des bénéficiaires, puisqu'un jeune participant au programme est comptabilisé autant de fois qu'il participe à des sessions dans l'année. Une académie a également soulevé lors de l'enquête de la Cour la question de la fiabilité des données, faute de méthodologie commune entre les établissements concernés : l'informatisation de ce dispositif, engagée depuis 2007, devrait cependant être de nature à mieux fiabiliser les informations ( 85 ( * ) ). Certains établissements sont, en outre, confrontés à une gestion difficile, lorsqu'ils ont peu d'inscrits, alors que d'autres sont dans l'impossibilité de répondre à la demande. En outre, le ministère constate une certaine usure des intervenants au sein des établissements engagés depuis plusieurs années dans ce dispositif.

Enfin, ce dispositif, initialement conçu pour corriger les inégalités sociales, ne repose que sur le volontariat des acteurs : les zones non couvertes constituent autant d'inégalités territoriales. La faible articulation avec les autres dispositifs, notamment celui du VVV, limite le taux de couverture des besoins et peut expliquer en partie le phénomène d'usure constaté. Plus globalement, la réalisation d'un état des lieux des dispositifs proposés sur les temps de vacances scolaires, tous opérateurs confondus, permettrait d'assurer un meilleur niveau de réponse en s'assurant de la complémentarité des actions : des critères d'analyse et d'évaluation communs devraient être dégagés pour connaître leurs performances respectives.

2. Le dispositif d'accompagnement éducatif

a) Le cadre juridique du dispositif

Les textes ont prévu la mise en place d'un « accompagnement éducatif » à la rentrée 2007 dans les collèges de l'éducation prioritaire, puis sa généralisation à l'ensemble des collèges publics et privés sous contrat à la rentrée 2008, ainsi qu'aux écoles élémentaires relevant de l'éducation prioritaire. L'accompagnement éducatif peut également être organisé dans les écoles élémentaires qui ne relèvent pas de l'éducation prioritaire, après concertation entre l'inspection académique et la commune. Parallèlement à ce dispositif, un soutien et un accompagnement sont également proposés aux élèves en difficulté scolaire dans 200 lycées généraux et technologiques dans le cadre d'une expérimentation engagée au mois d'août 2008 ( 86 ( * ) ). Au total, le dispositif de l'accompagnement éducatif a vocation à être progressivement élargi à l'ensemble des écoles et des établissements scolaires, y compris les lycées, d'ici la rentrée 2011.

b) Les modalités et l'organisation

Ce dispositif, gratuit pour les familles, est organisé sur une base indicative de deux heures par jour pendant quatre jours par semaine. Il s'adresse à un public d'élèves qui s'engagent sur la base du volontariat. L'accompagnement éducatif s'applique à quatre domaines, selon des formules retenues par l'équipe éducative en fonction des besoins des élèves : l'aide aux devoirs, les activités culturelles, les activités sportives, et les langues vivantes depuis la rentrée 2008 pour les collégiens. Les activités sont encadrées principalement par des enseignants volontaires, des assistants d'éducation, et des intervenants extérieurs (associations, structures culturelles et sportives...). Peuvent également intervenir des personnels non enseignants, des étudiants, des parents d'élèves, des bénévoles (membres d'associations, enseignants à la retraite...).Leur rémunération est effectuée sous la forme d'heures supplémentaires effectives non fiscalisées ou de vacations, selon les statuts des intervenants.

c) Bilan de la mise en oeuvre

Un bilan de l'accompagnement éducatif pour l'année 2008 -2009 a été réalisé auprès des académies par la DGESCO.

Bilan de l'accompagnement éducatif 2008-2009

a) écoles élémentaires (mise en oeuvre en septembre 2008 dans l'éducation prioritaire) :

2 640 écoles élémentaires de l'éducation prioritaire ont mis en place ce dispositif depuis la rentrée 2008. Elles représentent 81 % des écoles RAR et 63 % des écoles RRS. 147 014 élèves des écoles élémentaires publiques relevant de l'éducation prioritaire bénéficient de l'accompagnement éducatif, soit 26,9 % des élèves des écoles RAR et 24 % des élèves des écoles RRS. 22 944 intervenants ont participé à ce programme, dont 73,1 % d'enseignants : le taux d'encadrement moyen est d'un intervenant pour 6 écoliers. Les 698 767 heures d'accompagnement éducatif se répartissent à hauteur de 62 % pour le travail scolaire, 26,1 % pour la pratique artistique et culturelle, et 11,9 % pour la pratique sportive.

b) collèges (éducation prioritaire en septembre 2007, puis généralisation en septembre 2008) :

En 2008-2009, 5 104 collèges ont organisé un accompagnement éducatif, qui a concerné 725 434 collégiens du public soit 30,7 % des effectifs. Ce programme a concerné 113 057 intervenants, dont 60% d'enseignants : le taux d'encadrement est d'un intervenant pour 6 collégiens. L'aide aux devoirs représente 65,1 % de ces activités, la pratique culturelle et artistique 20,7 %, la pratique sportive 10,4 % et les langues vivantes 3,8 %.

La DGESCO a souligné la proportion importante des écoles RAR et RSS où ce dispositif est mis en place. Cependant, l'examen national de la mise en oeuvre de l'accompagnement éducatif au sein des établissements relevant de l'éducation prioritaire met en évidence le pourcentage relativement faible d'écoliers bénéficiant effectivement de cette mesure. Ce sont au total 73 % des élèves des écoles RAR et 76 % des élèves des écoles RRS qui échappent à ce dispositif de lutte contre la difficulté scolaire, même s'il faut prendre en compte, ce que souligne la DGESCO, le fait que ce dispositif est complémentaire d'aides déjà existantes et donc que des élèves sont déjà pris en charge par d'autres dispositifs. Le pourcentage de participation observé est en outre d'autant plus limité que, sur les 26,9 % d'écoliers RAR volontaires, seuls 62 % ont fait le choix du soutien scolaire.

Ces moyennes nationales recouvrent par ailleurs une mise en oeuvre très inégale au niveau des établissements, ainsi que l'ont montré des exemples analysés lors de l'enquête.

Exemple de deux collèges des Yvelines

En 2008, au collège « Magellan » de Chanteloup-les-Vignes, classé en RRS et implanté au sein d'un territoire sensible (ZUS, ZRU, CUCS, GPV), un accompagnement éducatif est mis en oeuvre pour 60 % de l'effectif (74 % en 6 ème , 27 % en 3 ème et 0 % pour les élèves en SEGPA).

Le collège « Jules Verne » des Mureaux, classé en RAR et soumis aux mêmes caractéristiques (ZUS, ZRU, CUCS, GPV), n'assure pour sa part un accompagnement éducatif que pour 37 % de l'effectif avec des variations allant de 62 % en 6 ème à 15 % en 3 ème .

L'accompagnement éducatif est donc plus important au collège Magellan. Or l'examen des performances scolaires des élèves à l'occasion de l'évaluation diagnostique de 6 ème menée en 2007-2008 indique qu'en français, le taux de réussite au collège « Jules Verne » n'est que de 34,4 % alors qu'il atteint 43,2 % au collège «  Magellan ». De même, les résultats au diplôme national du brevet sont de 53,1 % pour le collège « Jules Verne » et de 75,4 % au collège «  Magellan ».

L'exemple de ces deux collèges souligne donc les limites des modalités retenues pour la mise en oeuvre de l'accompagnement éducatif. Fondé sur le volontariat tant des élèves que des enseignants et des autres intervenants, ce dispositif peut être mis en oeuvre de façon comparativement moins importante dans les établissements où le besoin est apparemment le plus manifeste.

d) L'organisation du dispositif

L'accompagnement éducatif est complémentaire d'autres formes d'aide aux élèves organisées au sein des écoles et collèges, telles que l'aide personnalisée, les stages de remise à niveau, ou les PPRE. Il doit également être coordonné avec les dispositifs existants hors temps scolaire (CLAS, CEL, PRE, études surveillées...) ( 87 ( * ) ). La circulaire du 19 juin 2008 prévoit que l'articulation de cette mesure avec les dispositifs existants  doit être prise en compte, au sein des différentes instances de pilotage départemental, par l'inspecteur d'académie-DSDEN.

Ainsi, dans le département de l'Essonne, l'intégration de l'« accompagnement éducatif » s'est faite après un inventaire des dispositifs existants, permettant de cibler les niveaux scolaires où l'offre était inexistante ou trop faible par rapport aux besoins repérés par la communauté éducative. Sur la ville de Corbeil-Essonnes, par exemple, l'offre municipale était importante, mais les études municipales n'étaient fréquentées que par les CP, CE1, et CE2, et très faiblement par les CM1 et CM2 : l'éducation nationale a donc décidé de mettre en place un accompagnement éducatif pour les CM2.

L'efficacité du dispositif dépend donc de la mise en oeuvre d'un bon ciblage des besoins afin de ne pas juxtaposer les dispositifs, mais de les organiser de telle sorte que les solutions les plus efficaces soient privilégiées, ce qui suppose, pour des raisons de compétence pédagogique, une expertise par l'éducation nationale. Les enquêtes auxquelles le CNV a procédé montrent que, dans une majorité des cas ( 88 ( * ) ), la mise en place de l'accompagnement éducatif a donné lieu à une concertation avec les divers responsables locaux concernés. Cette articulation a permis des complémentarités de nature géographique ou bien de niveau scolaire, de même que la mise en oeuvre implicite d'un principe de subsidiarité, l'éducation nationale privilégiant les aspects scolaires, alors que les associations et services municipaux se positionnent sur les domaines culturels et sportifs.

e) L'efficience et l'efficacité

La généralisation du dispositif à tous les collèges et l'extension de son expérimentation se traduisent budgétairement à hauteur de 174 M€ prévus dans le projet de loi de finances pour 2009 (contre 77 M€ en 2008). Ces crédits se répartissent entre 134,4 M€ de subventions aux EPLE pour la rémunération de 6.000 assistants d'éducation, et 39,6 M€ de subventions aux associations. A ce total doivent être ajoutés les crédits du titre 2 destinés au financement des HSE et vacations, soit 37 M€ en LFR 2008 et 99 M€ en LFI 2009.

Dans une réponse produite lors de l'enquête, la DGESCO a indiqué ne pas disposer d'évaluation sur la performance de ce dispositif. Les enquêtes et bilans réalisés jusqu'alors portent sur des données quantitatives (nombre d'élèves, d'établissements, organisation horaire, intervenants, domaines d'intervention). Etant donné les enjeux financiers, la DGESCO indique avoir sollicité la DEPP afin que soit réalisée une enquête sur l'organisation et le fonctionnement du dispositif, ainsi que sur ses effets sur la réussite et le comportement scolaire des élèves.

Les observations relevées lors des visites sur le terrain, en particulier à Chanteloup-les-Vignes, confirment l'hétérogénéité de la mise en oeuvre de ce dispositif : sur les cinq écoles primaires relevant de l'éducation prioritaire, aucune, selon la chargée de mission à la ville, n'a mis en place un accompagnement éducatif. En outre, certaines difficultés pratiques ont été soulevées par les académies. La disparité des établissements et des publics rend tout d'abord parfois délicate la mise en oeuvre de ce dispositif : les départements à dominante rurale peuvent par exemple rencontrer des difficultés liées aux transports ; de même, un collège de Roubaix, excentré par rapport aux habitations des familles, a éprouvé des difficultés pour obtenir leur autorisation, car les familles redoutaient pour des raisons de sécurité le retour de leurs enfants après 18 heures, surtout en hiver : cette difficulté a pu être levée grâce au partenariat avec la municipalité qui a mis à disposition du collège des locaux mieux situés, et grâce au fait que les intervenants ont accepté de se déplacer. Une autre difficulté est enfin constituée par le fait que le dispositif prévoit l'adhésion des élèves sur la base du volontariat. S'ils ne sont pas volontaires, les enseignants ne sont pas toujours en position de les convaincre, ainsi que leurs familles. Le responsable d'un établissement de l'académie d'Aix-Marseille a ainsi souligné lors de l'enquête les limites du volontariat que « le public présent n'est pas celui qui serait le plus concerné » et que « l'implication des familles les plus défavorisées est souvent plus difficile que celui des CSP favorisées ».

3. Les médiateurs de la réussite scolaire

a) L'objectif initial du dispositif : la lutte contre l'absentéisme

La direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) ( 89 ( * ) ) a conduit en 2007 une enquête sur l'absentéisme des élèves du second degré public de septembre 2005 à avril 2006 ( 90 ( * ) ). Il ressort de cette enquête qu'une majorité d'établissements est peu ou pas touchée par l'absentéisme, et que, chaque mois, l'absentéisme « lourd » ( 91 ( * ) ) ne concerne qu'une fraction limitée des élèves. Toutefois, les collégiens en ZEP sont plus fréquemment absents que les autres : la proportion de collégiens absents quatre demi-journées par mois oscille en moyenne de 6 % à 10,3 % en ZEP, contre 1,2 % à 2,2 % hors ZEP.

L'absentéisme est par ailleurs un phénomène très marqué dans certaines académies, telles que par exemple l'académie d'Aix-Marseille. L'inspection académique du Vaucluse a ainsi observé une progression de l'absentéisme de 41 % entre 2007 et 2008, notamment dans les collèges publics. De même, l'inspection académique des Bouches-du-Rhône a observé en 2007-2008 que l'absentéisme concernait particulièrement les collèges RAR, bien que de grandes disparités s'observent entre les collèges, puisque le pourcentage d'élèves concernés peut varier de 2 % à 68 %. L'absentéisme léger, classé en A1 ( 92 ( * ) ), représente tous collèges confondus 2300 élèves, soit 3 % de la population scolaire ; l'absentéisme lourd, classé en A3 et A4, représente 1400 élèves décrocheurs qui sont en voie de déscolarisation, notamment dans les collèges RAR de Marseille où l'on trouve près de 900 élèves en décrochage fort. Près de la moitié de l'absentéisme lourd (A4) est enfin concentré sur trois collèges RAR : ces établissements semblent débordés par ce phénomène qui touche en leur sein un élève sur cinq.

b) Le cadre de déploiement des médiateurs de réussite scolaire

Le dispositif des médiateurs scolaires n'est porté, sur le plan juridique, que par une circulaire et une lettre ministérielle. La circulaire du 18 décembre 2008 cosignée par le ministre de l'éducation nationale et la secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville évoque la nécessité de connaitre avec précision l'importance du décrochage scolaire, d'en mesurer l'évolution et de construire des réponses. Une lettre du 27 janvier 2009 cosignée par les mêmes autorités a été adressée aux recteurs et préfets pour définir le cadre d'actions préventives à l'encontre des situations de décrochage.

A compter du 1 er février 2009, 5 000 médiateurs de réussite scolaire doivent être recrutés dans les établissements du second degré pour prévenir et lutter contre le décrochage scolaire. La mission de ces médiateurs est de participer activement, sous la responsabilité du chef d'établissement, à la prévention de l'absentéisme, ainsi qu'au renforcement du lien parents/école. Il appartient aux recteurs, en fonction du taux d'absentéisme des établissements, de procéder à l'affectation de trois à cinq médiateurs. Toutefois, un groupe renforcé de 102 établissements, sur 17 académies, a été ciblé pour une dotation de cinq médiateurs. Pour l'ensemble des établissements, l'objectif, à l'issue de 3 ans, est de réduire de 50 % le taux d'absentéisme par rapport à l'année 2007-2008 ; pour le groupe renforcé constitué par les 102 établissements, une réduction de 30 % est attendue dès la fin de l'année scolaire 2008-2009.

Objectifs énoncés par la lettre du 27 janvier 2009 sur les médiateurs de réussite scolaire

Placés sous la responsabilité du chef d'établissement, les médiateurs doivent :

- participer, sous l'autorité des conseillers principaux d'éducation, au repérage et au traitement des absences lors des heures de cours : ils soutiennent au quotidien les projets de lutte contre l'absentéisme menés dans les établissements .

- d'organiser dans l'établissement des actions d'aide à la parentalité permettant notamment d'accompagner les familles concernées et de les informer des exigences scolaires et réglementaires de l'institution.

- d'appuyer la lutte contre l'absentéisme et le décrochage en créant un lien fort avec les familles dans et hors de l'établissement sur le mode de l'alerte et du contact direct vers les parents dès le constat de la situation d'absentéisme.

- d'établir des relations avec les collectivités locales, les associations de quartier spécialisées dans l'accompagnement social et les coordonnateurs de la réussite éducative : il est nécessaire de rapprocher les médiateurs des adultes-relais exerçant au sein des quartiers.

c) Le déploiement quantitatif du dispositif

Les médiateurs de réussite sont recrutés sous un statut de contrat aidé, dans le cadre d'un contrat de 24 mois (plus 12 mois) avec une durée hebdomadaire de travail maximale de 26 heures. Le coût prévisionnel global de ce dispositif est de 17 M€ en 2009.

Sur le plan national ( 93 ( * ) ), le nombre de médiateurs recrutés au 31 mars 2009 était de 1193, soit 24 % de l'effectif attendu. Toutefois, selon la réponse de la DGESCO aux observations de la Cour, près de la moitié des 5 000 médiateurs auraient été recrutés au 31 mai 2009.

L'enquête a permis d'obtenir des données plus détaillées pour l'académie de Versailles, où 67 % des médiateurs prévus avaient été recrutés au 29 mai 2009.

Le dispositif des médiateurs de réussite scolaire dans l'académie de Versailles

Département

Médiateurs

autorisés

Nombre de recrutements réalisés

09/03/09

13/03/09

20/03/09

30/05/09

78

140

42

109

116

118

91

128

7

40

56

89

92

124

19

54

58

82

95

126

6

14

26

58

académie

518

74

217

256

347

Source : Académie de Versailles - réponses au questionnaire de la Cour

Au 30 mai 2009, l'académie des Bouches-du-Rhône avait, pour sa part, réalisé 87 recrutements de médiateurs sur les 222 autorisés.

d) Premiers éléments d'appréciation

Les médiateurs de réussite scolaire constituent une nouvelle intervention éducative de l'Etat susceptible de concerner les quartiers sensibles. Sur le fond, il n'est pas possible, avec si peu de recul et sans avoir pu examiner lors de l'enquête les interventions effectives de ces médiateurs nouvellement nommés, de porter une appréciation sur l'impact de ce dispositif. Les éléments recueillis sur le terrain à l'occasion de cette enquête conduisent, cependant, à s'interroger sur les conditions de déploiement du dispositif.

a) Des critiques formulées par les conseils d'administration des établissements

Comme les inspections des autres académies analysées lors de l'enquête, l'inspection académique des Bouches-du-Rhône a recensé des critiques formulées lors de certains conseils d'administration des établissements concernés :

- L'information sur le recrutement de ces médiateurs a, tout d'abord, parfois suscité certaines réserves de la part de la communauté éducative sur la nature précaire de ces emplois, compte tenu des besoins pérennes qu'ils doivent couvrir.

- Un décalage a pu être en outre critiqué dans certains cas entre l'ambition de ce type de fonction qui s'apparente à celle de travailleur social et les niveaux de qualification des personnes retenues pour ces contrats. Des inquiétudes ont également été exprimées au sein de certains conseils d'administration sur la nature des missions confiées aux médiateurs, qui sont placés en position d'acteurs de premier plan face aux parents et partenaires sans en avoir nécessairement les compétences, et au risque de se substituer aux conseillers principaux d'éducation et aux assistantes sociales.

- Enfin, diverses réserves se sont manifestées sur le risque de décalage entre les contraintes de confidentialité liées à cette fonction et le profil des médiateurs qui seront notamment recrutés au regard de leur proximité avec leur territoire d'intervention ( 94 ( * ) ) : cette difficulté potentielle a conduit l'académie d'Aix-Marseille à prévoir, dans le cadre de la formation de ces agents, une sensibilisation au droit et à l'éthique.

Toutefois, dans sa réponse aux observations de la Cour, la DGESCO a estimé que les critiques formulées par les conseils d'administration n'étaient pas fondées, car « les textes précisent qu'il ne s'agit nullement de substituer l'action de ces médiateurs à celle des professionnels qui oeuvrent quotidiennement au sein des équipes éducatives pour éradiquer le phénomène de l'absentéisme ». Elle a en outre précisé qu'une enquête effectuée auprès de 23 académies avait fait apparaître « qu'il s'agit en majorité de femmes âgées de 26 à 40 ans », « que le niveau de formation est assez élevé (niveau IV à niveau II) », et « que la moitié des agents a bénéficié d'une formation organisée par l'éducation nationale et/ou les partenaires ».

b) Un déploiement du dispositif peu concerté avec les acteurs locaux

Le partenariat avec les acteurs locaux a été limité pour la mise en oeuvre de ce dispositif. Le CNV a observé qu'en dehors de la participation des villes à un diagnostic partagé, la circulaire interministérielle du 18 décembre 2008 sur le décrochage scolaire semblait davantage concerner les services de l'Etat. Il convient d'observer, par ailleurs, que les dispositions législatives ( 95 ( * ) ) prévoyant la saisine du président du conseil général pour la mise en oeuvre d'un contrat de responsabilité parentale semblent diversement mises en oeuvre. Il en est de même des dispositions ( 96 ( * ) ) prévoyant la communication au maire de la liste des élèves domiciliés sur la commune pour lesquels un avertissement a été notifié aux familles.

c) Un dispositif qui risque de s'écarter partiellement de sa cible prioritaire

Le dispositif des médiateurs de réussite scolaire, présenté comme un axe fort de la politique de lutte contre l'absentéisme et le décrochage scolaire, repose sur l'autorisation de recrutement donnée par les conseils d'administration des établissements concernés. Or certains conseils ont d'ores et déjà exprimé leur refus, bloquant ainsi les recrutements. Au 30 mai 2009, l'inspection académique des Bouches-du-Rhône recensait ainsi, sur 68 conseils d'administration de collèges et lycées, 26 votes négatifs. De même, dans l'académie de Versailles, sur les 146 établissements concernés, 25 conseils d'administration avaient refusé le recrutement. Dans certains cas, un deuxième vote du conseil d'administration s'est de nouveau soldé par un échec, y compris pour certains établissements du groupe renforcé. Faute d'autorisation de recruter, les postes de médiateurs sont réaffectés vers d'autres établissements initialement non repérés comme les plus touchés par l'absentéisme et le décrochage scolaire : alors même que le dispositif vient d'être institué, des risques de dérive peuvent donc être enregistrés par rapport à l'objectif initial.

* 77 Il ne s'agit pas du nombre de jeunes concernés : un élève ayant fréquenté 4 sessions est compté 4 fois.

* 78 Agents contractuels, aides éducateurs, assistants pédagogiques, animateurs, parents d'élèves, étudiants, autres.

* 79 Cette part est en progression : les enseignants représentaient 31 % en 2005, 33 % en 2006.

* 80 Données extraites des réponses de la DGESCO, ainsi que du dernier bilan  « école ouverte » publié sur le site du MEN « bilan 2005, perspectives 2006 », actualisé par la DGESCO : les éléments de ce bilan ne permettent pas toujours des comparaisons avec la précédente année et ne recouvrent pas les mêmes thématiques, notamment celle relative à l'articulation de « l'école ouverte » avec les dispositifs municipaux ou financés dans le cadre de la politique de la ville.

* 81 Ou ceux situés en ZUS et/ou dans une commune ayant signé un CUCS.

* 82 N'est prise en compte que la participation financière des collectivités locales, qui est souvent complétée par des aides en nature comme la mise à disposition de personnels et de locaux.

* 83 66 % des dépenses concernent la rémunération des personnels, et 34 % des dépenses de fonctionnement (transports, prestations de service, achats de matériel...).

* 84 Au niveau de l'académie de Lille, les bilans émanant des établissements évoquent ainsi une faible coordination avec les actions de quartiers ou de la ville.

* 85 Ainsi, en 2007, les 137 748 participants comptabilisés ne recouvrent que 93 612 jeunes.

* 86 Circulaire du 5 juin 2008 : ce dispositif prend la forme d'un accompagnement scolaire des lycéens tout au long de l'année, avec l'organisation de stages durant les vacances scolaires ainsi que des sessions d'entraînement systématiques aux examens.

* 87 L'association des maires de France (l'AMF) estime que les « trois quarts des collectivités locales proposent déjà des activités périscolaires très diverses (aides aux devoirs, club sportif, cours de dessin...) qu'elles financent entièrement ou en partie » .

* 88 Le CNV a cependant également mentionné des cas où la coordination a été insuffisante.

* 89 La DEPP a retenu un seuil de quatre demi-journées d'absence non régularisées par mois pour mesurer l'absentéisme des élèves. Avec une méthodologie différente, une étude de l'OCDE parue en 2004 montre que l'absentéisme concerne en France 15 % des élèves, ce qui représentait la 21 ème position sur les 27 pays de l'OCDE : la France est donc comparativement peu touchée par ce phénomène.

* 90 Note d'information 07.24 mai «  L'absentéisme des élèves dans le second degré en 2005-2006 ». Il s'agit de la dernière parution, l'enquête 2006-2007 n'étant pas publiée.

* 91 Il correspond au dépassement d'un seuil de 10 demi-journées d'absence non justifiée par mois.

* 92 L'inspection académique des Bouches-du-Rhône classe les absences selon quatre niveaux : A1 moins de 15 demi-journées d'absences non justifiées ; A2 de 15 demi-journées à 39 demi-journées ; A3 de 40 demi-journées à 74 demi-journées ; A4 plus de 74 demi-journées.

* 93 Source : DGESCO.

* 94 Parmi les critères de recrutement est mentionné que la « résidence dans un quartier relevant de la politique de la ville peut constituer un atout dans leur éligibilité».

* 95 L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles.

* 96 Article L. 131-6 du code de l'éducation.

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