ANNEXE - COMMUNICATION DE LA COUR DES COMPTES À LA COMMISSION DES FINANCES DU SÉNAT

PA 56207

RAPPORT

effectué au titre de l'article 58 alinéa 2 de la loi organique n° 2001-692

du 1 er août 2001 relative aux lois de finances

sur

« L'articulation entre les dispositifs de la politique de la ville et de l'éducation nationale dans les quartiers sensibles »

Septembre 2009

INTRODUCTION

1. Le présent rapport fait suite à la demande formulée par le président de la commission des finances du Sénat, en application de l'article 58 alinéa 2 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, d'une enquête sur « l'articulation entre les dispositifs de la politique de la ville et de l'éducation nationale dans les quartiers sensibles » . Cette demande a été complétée par une lettre incluant dans le champ de l'enquête de la Cour une première analyse du programme des médiateurs de réussite scolaire.

2. La notion de « quartiers sensibles » ne fait pas l'objet d'une définition unique que la Cour aurait pu retenir. Ces quartiers sont toutefois caractérisés dans leur sens le plus courant par le fait qu'ils constituent des territoires situés le plus souvent à la périphérie des villes et particulièrement exposés aux difficultés urbaines, économiques et sociales. A ce titre, la présente enquête a choisi d'analyser plus particulièrement trois exemples de quartiers auxquels s'appliquent des dispositifs de la politique de la ville et dont les établissements scolaires relèvent de l'éducation prioritaire : les quartiers Nord à Marseille, Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), et les quartiers de politique de la ville de Roubaix-Tourcoing. Cette approche a entraîné des contacts multiples auprès des préfectures, des rectorats d'académie, des collèges, de sept associations financées au titre de la politique de la ville,.... Au niveau central, l'enquête a porté sur les directions du ministère de l'éducation nationale - notamment la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) - et sur la délégation interministérielle à la ville (DIV). L'enquête a également donné lieu à un échange avec l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé), gestionnaire du dispositif de réussite éducative financé sur la base du programme 147 « Equité sociale et territoriale et soutien ».

Afin de pouvoir délibérer sur cette enquête, une formation inter-chambres réunissant la 3 ème et la 5 ème chambres de la Cour des comptes a été constituée. Un relevé d'observations provisoires a été transmis à fin de contradiction aux destinataires suivants : le secrétaire général du comité interministériel des villes, le directeur général de l'enseignement scolaire, le directeur général de l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé), le directeur général de l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), les recteurs des académies d'Aix-Marseille, de Lille, et de Versailles, les préfets des Bouches-du-Rhône, du Nord , et des Yvelines, les principaux des collèges Van der Meersch (Roubaix), Albert Samain (Roubaix), Magellan (Chanteloup-les-Vignes), Jules Verne (Les Mureaux), Jean Moulin (Marseille) et Henri Wallon (Marseille), les présidents des associations Hommelet Sport et Culture (Roubaix), Centre social «  le Nautilus » (Roubaix), et Pacquam (Marseille). Enfin des auditions ont été tenues à la Cour avec les préfets, les recteurs et les principaux de collèges concernés par l'enquête.

3. Cette enquête a été menée un an après l'annonce, en février et mars 2008, du plan « Espoirs Banlieues », dont le volet éducatif est estimé à 200 M€ ( 6 ( * ) ). Compte tenu de l'absence de recul, le présent rapport n'a pas analysé globalement sa mise en oeuvre.

4. Ainsi que le montrent les tableaux des pages suivantes, qui recensent d'une part des dispositifs de soutien scolaire gérés par l'éducation nationale, et d'autre part des dispositifs de la politique de la ville, les interventions menées en direction des quartiers sensibles sont caractérisées par la juxtaposition des initiatives et par la multiplicité des acteurs (administrations nationales et déconcentrées, collectivités territoriales, associations,...). L'articulation de ces interventions est en l'état variable et aléatoire d'un territoire à l'autre, et la complexité de leur coordination ne peut qu'être accrue par l'empilement des dispositifs.

5. Ces interventions soulèvent en outre des difficultés sémantiques qu'il convient de souligner. Le terme « éducatif » apparaît ainsi aussi bien dans des dispositifs de l'éducation nationale que dans des dispositifs de la politique de la ville, alors même que ces interventions recouvrent des champs d'action nettement distincts. En sens inverse, certains dispositifs dont les dénominations sont très différentes apparaissent en fait très voisins dans leur inspiration : ainsi « Ville, Vie, Vacances » (VVV) pour la politique de la ville, et « Ecole ouverte » pour l'éducation nationale. Enfin, pour ajouter encore à la complexité, voire même à la confusion, certains termes sont presque homonymes, alors même qu'ils correspondent à des dispositifs totalement différents : ainsi, le « PRE » (projet de réussite éducative) relève de la politique de la ville, et le « PPRE » (programme personnalisé de réussite éducative) de l'éducation nationale.

Par delà ces difficultés sémantiques, il convient toutefois de distinguer fondamentalement ce qui relève du « scolaire », avec une dimension essentiellement pédagogique, puisqu'il s'agit de l'acquisition de compétences et de connaissances scolaires, et ce qui relève de l'« éducatif », entendu dans son acception la plus large, ce qui recouvre l'ensemble des interventions sociales, urbaines, culturelles, économiques,... qui contribuent à assurer un cadre favorable, non seulement à la réussite scolaire, mais également à la pleine intégration des jeunes dans la vie sociale. Certes, l'éducation nationale peut mettre en place, pour sa part, des dispositifs qui comprennent une dimension éducative (les activités culturelles ou sportives de l'« accompagnement éducatif », par exemple), de même que la politique de la ville peut proposer des dispositifs comportant une part d'aide complémentaire au soutien scolaire (dans les « projets de réussite éducative », par exemple). Il reste cependant que, si les domaines d'intervention peuvent se recouper partiellement, la responsabilité propre de l'éducation nationale est avant tout celle du domaine « scolaire », alors que la politique de la ville a essentiellement en charge un volet « éducatif » concernant l'ensemble des conditions qui, bien qu'extérieures à l'école, influent directement sur la réussite scolaire.

6. Le présent rapport se compose de deux parties :

- La première partie analyse tout d'abord l'articulation de la politique de la ville et de l'action de l'éducation nationale dans les quartiers sensibles sous l'angle de leur cohérence globale, tant du point de vue territorial qu'en ce qui concerne les instances, outils de pilotage, et moyens financiers disponibles.

- La seconde partie analyse ensuite cette articulation sous l'angle de l'efficacité et de l'efficience des principaux dispositifs mis en oeuvre.

Exemples de dispositifs de prise en charge de la difficult é scolaire gérés par l'éducation nationale et pouvant s'appliquer dans les quartiers sensibles

Temps scolaire

Péri-scolaire

Extra-scolaire

Ecole maternelle

- aides non spécialisées conduites par l'enseignant de la classe dans le cadre des PPRE (programmes personnalisés de réussite éducative) (toutes les écoles)

- aides spécialisées et enseignements adaptés conduits dans le cadre des RASED pour les enfants ayant des difficultés graves et persistantes

- aide personnalisée conduite par les enseignants pour les élèves en difficulté (en grande section) dans le cadre de 60 heures prévues dans le service annuel des enseignants (toutes les écoles)

Ecole élémentaire

- aides non spécialisées conduites par des enseignants de la classe dans le cadre des PPRE (toutes les écoles).

- aides spécialisées et enseignements adaptés conduits dans le cadre des RASED pour les enfants ayant des difficultés graves et persistantes

- aide personnalisée conduite par les enseignants pour les élèves en difficulté dans le cadre de 60 heures prévues dans le service annuel des enseignants (toutes les écoles)

- accompagnement éducatif (depuis 2008 pour les écoles de l'éducation prioritaire) - Elèves et enseignants volontaires, après la classe, quatre soirs par semaine pour des activités d'aide aux devoirs, de pratique sportive et pratique artistique et culturelle

- stages de remise à niveau (CM1-CM2) pendant les vacances scolaires pour les élèves présentant en fin d'école primaire des difficultés en français et en mathématiques (toutes les écoles). Enseignants et élèves volontaires. Stage d'une durée d'une semaine, trois heures par jour, cinq jours par semaine.

- Ecole ouverte : Cf. infra

Collège

-aides non spécialisées conduites par des enseignants de la classe dans le cadre des PPRE (tous les collèges).

- heures de soutien et autres dispositifs spécifiques à vocation transitoire (tous les collèges

- enseignements adaptés dans le cadre de SEGPA pour les élèves connaissant des difficultés graves et durables

- dispositifs relais : prise en charge des enfants en voie de déscolarisation. Affectation par une commission départementale à l'inspection académique

- accompagnement éducatif (depuis 2008 dans tous les collèges). Elèves et enseignants volontaires après la classe quatre soirs par semaine semaine pour des activités d'aide aux devoirs, de pratique sportive et pratique artistique et culturelle

- Ecole ouverte : s'adresse aux élèves des établissements publics, aux jeunes du quartier et aux enfants des écoles élémentaires (en priorité des classes de CM2) dans le cadre de la liaison école /collège. Les activités à vocation éducative sont de quatre ordres : scolaires, culturelles, sportives, et de loisirs.

Lycée

- dispositif expérimental de réussite scolaire au lycée (concerne 200 établissements). Ce dispositif a pour objet d'apporter un appui individualisé aux élèves en fonction de leurs besoins afin de prévenir les redoublements. S'adresse à des lycées volontaires. Comprend l'aide au travail, l'entraînement aux épreuves d'examens, l'élaboration et approfondissement du projet d'orientation, la préparation à la poursuite d'études supérieures

- stages durant les vacances : 3 sessions d'une semaine 4 heures par jour, 5 jours par semaine, atelier de 10 élèves.

- session d'entraînement systématique aux examens

- Ecole ouverte : Cf. supra

Exemples de dispositifs éducatifs financés par les crédits de la politique de la ville

Dispositifs

Territoires d'intervention / public cible

Projet de réussite éducative (PRE)

Equipes de réussite éducative (ERE) : des équipes pluridisciplinaires prennent en charge individuellement et hors temps scolaire les enfants et adolescents les plus en difficulté.

Internats de réussite éducative (IRE) : ces internats accueillent les jeunes qui connaissent des difficultés compromettant leurs chances de réussir.

Enfant ou adolescent en grande difficulté habitant en ZUS ou scolarisé en ZEP.

Veille éducative

Précurseur des PRE, cette action n'est plus financée en tant que telle, mais est désormais intégrée dans les PRE ou dans les CUCS. Elle mobilise sous la responsabilité du maire ou du représentant de l'intercommunalité les élus, les équipes éducatives des établissements scolaires, les intervenants sociaux, les professionnels de l'insertion, de la santé, les parents pour organiser une continuité éducative.

Le territoire est au moins la commune.

Ecole ouverte : organisation pendant les vacances scolaires, d'activités éducatives dans l'enceinte des établissements scolaires. Un appel à projet est adressé chaque année aux acteurs locaux.

Critères d'éligibilité : établissements situés notamment en ZEP et ZUS, les établissements sensibles, des établissements proches de ces zones ou situés dans des communes qui connaissent des difficultés socio économiques.

Internats d'excellence (dynamique espoir banlieues)

Accueil en internat pour des collégiens et lycéens de l'éducation prioritaire et des territoires de la politique de la ville.

Accompagnement aux classes préparatoires aux grandes écoles. (dynamique espoir banlieues)

5% des élèves des lycées en éducation prioritaire doivent accéder aux classes préparatoires aux grandes écoles dans le cadre de la mise en oeuvre du plan « espoir banlieues ».

« Busing » (dynamique espoir banlieues)

Transport des élèves des quartiers difficiles vers des écoles offrant plus de mixité sociale.

Dans le cadre de la mise en oeuvre du plan « espoir banlieues », 50 sites au sein de quartiers en CUCS de catégorie 1 (faisant l'objet d'une convention de rénovation urbaine), à raison de 2 classes CM1-CM2 par site.

Mesures d'accès à l'éducation et à l'excellence (dynamique espoir banlieues)

Tutorat pour permettre aux élèves des territoires de la politique de la ville et de l'éducation prioritaire de développer une ambition scolaire et éducative. Mesure regroupée avec l'a ccompagnement aux classes préparatoires aux grandes écoles dans les « cordées de la réussite » de la dynamique espoir banlieues.

Les recteurs lancent les appels à projet ; les collèges en « RAR » sont privilégiés.

Ville, Vie, Vacances (VVV)

Permettre aux jeunes les plus en difficulté de bénéficier d'un accès aux activités culturelles, sportives et de loisirs durant les vacances scolaires.

Ensemble des départements.

Ecoles de la deuxième chance (E2C)

Elles accueillent des jeunes dans un objectif d'insertion professionnelle.

Jeunes de 18 à 25 ans, ayant interrompu leur scolarité ou leur formation depuis plus d'un an.

* 6 Déploiement de l'accompagnement éducatif dans toutes les écoles de l'éducation prioritaire à la rentrée 2008 ; création de banques de stages académiques ; repérage des jeunes en difficulté ; traitement du décrochage scolaire (le préfet, et ses délégués, se voient confier une mission particulière à ce titre) ; multiplication des dispositifs de deuxième chance ; aide à l'entrée de lycéens de quartiers défavorisés en classes préparatoires ; création d'internats d'excellence ; expérimentation du busing .

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