C. DES PERSPECTIVES NÉCESSAIREMENT LIMITÉES

1. Un faible nombre de projets

Vos rapporteurs constatent également qu'hormis en matière consulaire, les perspectives de développement d'implantations communes semblent très limitées.

Comme cela a été exposé précédemment, il n'existe que très peu de projets dans les domaines diplomatique et culturel , et certains de ceux envisagés depuis plusieurs années ont été abandonnés en 2010. La multiplicité des obstacles techniques constitue le motif officiel de l'absence d'aboutissement de ces projets. Cependant, l'argument technique peut parfois être mis en avant pour dissimuler des divergences de priorités entre pays initialement partenaires, elles-mêmes fondées sur un contexte de forte concurrence, particulièrement dans certains pays émergents.

Ces obstacles techniques sont d'ordre divers. Ainsi la coopération franco-allemande doit surmonter des divergences en matière de normes de sécurité des bâtiments, de modes de passation des marchés publics , et mettre en relation le ministère français des affaires étrangères et le ministère allemand de la construction, compétent en matière d'édification de bâtiments à l'étranger, ministères qui n'ont pas d'habitudes communes de travail.

Ainsi, la construction de deux ambassades, française et allemande, sur un même terrain donné par l'État mozambicain à Maputo, a été abandonnée à la fin 2009 par la partie allemande pour des raisons de sécurité liées au terrain envisagé (les constructions voisines, de 8 à 15 étages, ont une vue plongeante sur le terrain). Le coût du projet, plus élevé qu'initialement prévu, n'est plus jugé économiquement avantageux par la partie allemande. Une colocalisation consulaire limitée au service des visas est à l'étude : l'ambassade de France propose d'accueillir les services allemands dans ses locaux, dans le cadre d'une restructuration immobilière de l'ambassade et l'Allemagne pourrait profiter du matériel de recueil des données biométriques.

Un projet d'acquisition de terrains mitoyens à Gaborone, au Botswana, pour y construire un bâtiment abritant les deux ambassades, a également été abandonné.

Par ailleurs, il faut rappeler que c'est la France qui s'est retirée, en mars 2000, du projet de « campus diplomatique » qui devait abriter les ambassades de dix des Etats membres de l'Union européenne à Abuja, au Nigeria.

2. Une ambition souvent réduite

En outre, ces projets n'ont qu'une ambition relativement modeste, à la notable exception du centre culturel franco-allemand envisagé à Moscou ( cf. encadré ci-dessous).

De fait, dans les pays représentant les plus gros enjeux , et vers lesquels sont dirigés l'essentiel des moyens du réseau, la concurrence reste la règle en matière diplomatique et culturelle. Cela se comprend bien : les intérêts de chaque Etat, même entre partenaires, demeurent souvent divergents, chacun cherchant à « pousser » sa propre influence ou à faire rayonner sa propre langue et sa propre culture.

Le constat établi par vos rapporteurs à partir de la situation existante est donc appelé à être durable. Nulle perspective d'un développement important des implantations communes ne paraît réaliste, en particulier dans les pays avec lesquels la France entretient les relations les plus poussées.

Le projet de centre culturel franco-allemand à Moscou

L'édification de ce centre projeté en 2007 est conditionnée à un échange de terrains, situés respectivement à Moscou et Berlin, entre la Russie et l'Allemagne.

Le futur centre culturel franco-allemand réunirait, dans un même bâtiment, le centre culturel français et l'institut Goethe de Moscou. L'échange de terrains se négocie, de façon bilatérale, entre Moscou et Berlin et doit surmonter la volonté exprimée par le Sénat de Berlin de soumettre le bâtiment russe à une taxe foncière, ce que refuse la partie russe.

Le ministère russe des affaires étrangères considère que « le futur centre culturel contribuera à la richesse de la vie culturelle moscovite ».

Le centre culturel français se déploierait sur 1.815 m 2 et l'Institut Goethe, sur 2.129 m 2 .

Le calendrier initial prévoyait une ouverture en 2010, date qui sera sans doute différée du fait des délais requis par la négociation germano-russe.

3. La mise en place du service européen pour l'action extérieure ne devrait pas bouleverser le paysage à court terme

L'avenir pourrait aussi prendre la forme d'une place accrue de la représentation propre de l'Union européenne dans les pays tiers permettant, dans certains cas, une « réduction de voilure » des Etats membres.

A cet égard, la rédaction du traité de l'Union européenne modifié par le traité de Lisbonne 6 ( * ) fournit de nouveaux outils à l'échelon communautaire. Ainsi, d'une part, ce traité a créé un poste de Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité 7 ( * ) , qui reprend les fonctions diplomatiques autrefois exercées par le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune et par le commissaire européen chargé des relations extérieures, ce qui assure une meilleure unité d'action. Et, d'autre part, aux termes du 3 de l'article 27 du traité modifié, cette personnalité s'appuie sur un service européen pour l'action extérieure (SEAE). Ce service « travaille en collaboration avec les services diplomatiques des Etats membres et est composé de fonctionnaires des services compétents du secrétariat général du Conseil et de la Commission ainsi que de personnel détaché des services diplomatiques nationaux ». D'autre part, « l'organisation et le fonctionnement du service européen pour l'action extérieure sont fixés par une décision du Conseil. Le Conseil statue sur proposition du haut représentant, après consultation du Parlement européen et approbation de la Commission ».

A l'heure actuelle, les compétences, le recrutement du personnel, ainsi que le statut juridique du SEAE vis-à-vis de la Commission européenne, du Conseil et du Parlement européen font encore l'objet de débats.

Au-delà de ces frictions conjoncturelles, vos rapporteurs doutent que, dans un avenir prévisible, une éventuelle montée en puissance de la représentation communautaire puisse se substituer à la représentation des Etats membres, du moins à celle de pays à forte tradition diplomatique, comme la France. Pour autant, une meilleure coordination des approches, notamment sur des sujets à l'intérêt communautaire évident (par exemple le commerce extérieur ou la lutte contre le changement climatique) ne saurait nuire.


* 6 Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1 er décembre 2009.

* 7 Ce poste est actuellement occupé par la Britannique Catherine Ashton.

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