B. AU-DELÀ DE L'IMPACT DU LANCEMENT DU RSA, DES QUESTIONS STRUCTURELLES RESTENT À RÉGLER

1. La multiplicité des acteurs présente-t-elle plus d'avantages que d'inconvénients ?
a) Un état des lieux complexe et hétérogène

Le revenu de solidarité active est juridiquement attribué par le président du conseil général, qui peut déléguer l'exercice de tout ou partie de ses compétences à la Caf ou à la MSA.

La demande de RSA peut donc être déposée auprès du conseil général, de la Caf ou de la MSA, mais aussi éventuellement d'un centre communal ou intercommunal d'action sociale, des associations ou organismes à but non lucratif auxquels le président du conseil général a délégué l'instruction administrative, souvent des missions locales ou des Plie (plan local pour l'insertion et l'emploi), ou de Pôle emploi 6 ( * ) .

Le conseil général finance le « RSA socle », supervise l'ensemble du dispositif et, en raison de ses compétences traditionnelles, s'occupe du volet insertion sociale.

Les Caf et la MSA, pour leurs ressortissants respectifs, instruisent le dossier et versent l'allocation ; elles ont donc un rôle général de guichet d'accueil.

Pôle emploi et, éventuellement, d'autres organismes de placement professionnel sont chargés d'assurer un accompagnement professionnel adapté.

Cette multiplication des acteurs , dont le rôle est variable selon les spécificités locales de l'action publique, est une constante du monde social et le législateur a souhaité utiliser cette richesse tout en incitant à un travail collectif . Ainsi, de nombreuses conventions, bilatérales ou multilatérales, doivent-elles ou peuvent-elles être signées, principalement entre le conseil général, les Caf et Pôle emploi ; par exemple, le département est censé conclure, avec les parties intéressées par la mise en oeuvre du programme départemental d'insertion, un pacte territorial pour l'insertion (PTI), dont l'élaboration a cependant connu d'importants retards et soulevé des difficultés pour mobiliser les différents partenaires.

Ce choix d'acteurs multiples avec une grande marge d'initiative correspond peut-être le mieux à l'histoire administrative française, mais c'est moins le cas de la culture partenariale. Qui plus est, ce choix s'est heurté en pratique à des problèmes conjoncturels et structurels : création de Pôle emploi et réorganisation du service public de l'emploi, difficultés financières des départements, absence de lien hiérarchique entre les acteurs etc.

En outre, la région est peu présente dans le dispositif du RSA, bien qu'elle exerce une compétence liée qui est importante, celle de la formation professionnelle. Alors que le département a vu progressivement son rôle renforcé dans le domaine social et que sa compétence en matière d'emploi est faible sur le plan législatif, le RSA repose principalement sur l'insertion professionnelle, dont l'expertise n'est pas au coeur de l'action des conseils généraux.

b) Des territoires d'intervention différents selon les acteurs

De manière pratique, les différents acteurs ont organisé leurs structures territoriales en fonction de leur histoire propre ou de nécessités spécifiques. Elles ne coïncident donc pas toujours entre eux, ce qui peut naturellement poser des difficultés de mise en oeuvre.

Si toutes les Caf ne sont pas encore départementales, elles devraient l'être à la fin de l'année 2011, ce qui permettra une rationalisation de l'action publique.

La réforme de Pôle emploi a renforcé le niveau régional de son action, tout en organisant des délégations territoriales.

Comme toute collectivité territoriale, les conseils généraux s'administrent librement et s'organisent parfois en divisions territoriales disposant d'une grande latitude et non nécessairement liées hiérarchiquement au service central qui est souvent en contact direct avec la Caf. C'est par exemple ce que vos rapporteurs ont constaté en Isère.

c) Un éventuel cloisonnement entre les approches sociale et professionnelle

La loi pose un double principe de droits et devoirs : le bénéficiaire a droit à un accompagnement social et professionnel et est tenu, lorsque ses revenus mensuels sont inférieurs à 500 euros, de rechercher un emploi, d'entreprendre les démarches nécessaires à la création de sa propre activité ou de mener les actions nécessaires à une meilleure insertion sociale ou professionnelle.

Ainsi, au moment de l'attribution du RSA, le conseil général oriente le bénéficiaire , « de façon prioritaire », en vue d'une insertion professionnelle, vers Pôle emploi ou un autre organisme de placement participant au service public de l'emploi (maison de l'emploi, Plie, réseau d'appui à la création et au développement des entreprises). L'allocataire et l'organisme concerné élaborent un projet personnalisé d'accès à l'emploi.

Lorsque l'allocataire n'est pas disponible pour occuper un emploi, notamment lorsqu'apparaissent des difficultés en termes de logement ou d'état de santé, il est orienté vers un organisme compétent en matière d'insertion sociale.

L'organisme d'orientation désigne lui-même un « référent unique ». Le conseil général désigne de son côté un correspondant chargé de suivre les évolutions de la situation du bénéficiaire et d'appuyer les actions des référents.

Entre six mois et un an après la première orientation, une équipe pluridisciplinaire , constituée à l'initiative du conseil général, examine le dossier des personnes qui restent durablement sur la voie d'une insertion sociale. Cette équipe est notamment composée de professionnels de l'insertion sociale et professionnelle (représentants du conseil général, de Pôle emploi, des maisons de l'emploi, des Plie etc.), ainsi que de représentants des bénéficiaires du RSA. Elle est consultée à des moments charnière pour l'allocataire : avant les décisions de réorientation et avant celles de réduction ou de suspension de l'allocation.

L'intervention de l'équipe pluridisciplinaire est peut-être trop tardive et trop perçue comme étant liée à une sanction ou à un contrôle .

En outre, certains conseils généraux estiment que la première orientation peut segmenter l'accompagnement des bénéficiaires et ne s'effectue pas dans une complémentarité suffisante entre les différentes expertises.

Lors des déplacements de vos rapporteurs, notamment en Gironde, il est d'ailleurs apparu que les bénéficiaires du RSA orientés vers Pôle emploi relèvent du droit commun des demandeurs d'emploi et ne sont pas suivis par des conseillers spécifiques ou des procédures adaptées.

d) Des problèmes persistants d'échanges informatiques

Un dispositif comportant autant d'acteurs ne peut correctement fonctionner que s'ils sont tous suffisamment informés des dossiers des bénéficiaires. Qui plus est, la loi a mis l'accent sur l'individualisation du traitement des dossiers, par exemple en créant un référent unique par allocataire, si bien que le partage des informations doit bien être le plus large possible.

Ceci impose des contraintes techniques indéniables , alors même que les systèmes informatiques sont par définition d'une ampleur et d'une configuration très disparates : celui des Caf, unique pour l'ensemble des prestations qu'elles gèrent, est l'un des plus volumineux de France ; les conseils généraux utilisent différents logiciels, par nature plus modestes.

Selon les conseils généraux, qui remboursent les Caf, les factures émises par elles ne sont pas toujours individualisées, ce qui peut alimenter des doutes sur la fiabilité des données et, dans le contexte financier actuel, susciter une fébrilité inutile.

Des groupes de travail ont été constitués, à l'initiative du Gouvernement et des acteurs nationaux concernés, afin d'améliorer la situation mais on peut s'interroger sur les modifications structurelles que la Cnaf engage mensuellement sur sa base de données et qui obligent chaque fois les conseils généraux à actualiser leurs systèmes informatiques . La Cnaf ne pourrait-elle pas y procéder moins fréquemment ? Les actualisations nécessitent-elles toujours une modification telle qu'elles empêchent la récupération des informations par les collectivités ? En effet, les fournisseurs informatiques des conseils généraux ne disposent que très difficilement des données complètes pour procéder aux évolutions et les services ne peuvent planifier la mise en place de l'intégration des flux.

En outre, le décret relatif aux traitements automatisés des données personnelles des bénéficiaires du RSA ne permet pas aux CCAS, même quand ils ont été les premiers à recueillir ces données en tant qu'organismes instructeurs, de les conserver ou de les récupérer. Ceci entraîne des contraintes administratives, par exemple de double saisie, voire des erreurs, ainsi que des démarches complexifiées pour les usagers, des difficultés pour distribuer ensuite les aides extralégales municipales sur des critères de ressources plutôt que de statut dans le droit fil de la réforme des droits connexes.

Enfin, on le voit plutôt avec Pôle emploi, certaines difficultés sont apparues en termes de traitement des données personnelles. Elles semblent en voie de résorption, mais ne serait-il pas concevable d'autoriser l'automatisation des flux de transmission ? Il en résulterait une meilleure gestion de l'allocation grâce à un traitement plus précis des dossiers.

2. Les retards dans la mise en place de l'allocation personnalisée de retour à l'emploi et sa nécessaire simplification

L'allocation personnalisée de retour à l'emploi (Apre) a été créée pour compléter les aides existantes et répondre à des besoins spécifiques de retour à l'emploi, que ce soit en matière de transport, d'habillement, de logement, d'accueil des jeunes enfants, d'obtention d'un diplôme ou d'une certification.

Elle peut être distribuée par le référent unique, prévue par la loi pour accompagner les allocataires, c'est-à-dire le plus souvent par Pôle emploi.

Des crédits de 75 millions d'euros étaient prévus en 2009, mais très peu ont été consommés cette année-là : l'aide a été volontairement laissée à la discrétion des acteurs locaux, pour lui donner toute son efficacité, mais cela a pu entraîner une certaine inertie ou une peur de la dépense par des gestionnaires peu habitués à ce type de liberté...

En outre, les différents arrêtés permettant de « faire descendre » les fonds au niveau local ont beaucoup tardé : par exemple, en Isère, l'arrêté du préfet pour répartir les fonds a été signé le 27 novembre 2009 pour les crédits ... 2009. Il s'agissait certes de la première année. Dans ce même département, l'arrêté 2010 n'était pas encore signé lors du déplacement de vos rapporteurs début juillet.

Les crédits de l'Apre s'élèvent à 150 millions d'euros en 2010. Si la loi de finances pour 2011 les a fixés à 84 millions, ce montant semble suffisant vu la montée en charge, plus lente que prévu, de cette allocation quand bien même celle-ci peut être attribuée aux bénéficiaires du RSA jeunes depuis le 1 er septembre. En Isère, toujours, les crédits 2009 n'étaient consommés qu'à hauteur de 20 % à la date du 30 juin 2010.

Au final, l'Apre peut apporter un coup de pouce réel aux bénéficiaires du RSA, mais elle doit être simplifiée et sa gestion rendue plus réactive . Alors que le code du travail ne le prévoit pas explicitement, elle est de fait divisée en deux enveloppes : une nationale, gérée par Pôle emploi qui la redistribue dans ses antennes locales et qui représente 20 % de l'ensemble ; une départementale, attribuée par le préfet aux différents organismes compétents. Il semblerait plus opérationnel de confier directement l'ensemble de l'Apre à Pôle emploi ; c'est d'ailleurs la pratique que vos rapporteurs ont constatée en Isère.

Une circulaire du 16 décembre 2010 du directeur général de la cohésion sociale et du délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle revient d'ailleurs sur les modalités de prescription de l'Apre, afin de la rendre plus homogène sur l'ensemble du territoire. Au-delà de diverses précisions sur les conditions de gestion, cette circulaire invite les services déconcentrés de l'Etat à intégrer Pôle emploi dans les prescripteurs de la partie départementale de l'allocation. Cette invite pose, en creux, la question de l'intérêt de séparer l'Apre en deux enveloppes distinctes.

3. Les politiques de lutte contre la fraude se sont améliorées et doivent encore être confortées

Frauder consiste à enfreindre délibérément les règles d'octroi des prestations sociales ; il faut donc bien distinguer les indus liés à des erreurs ou des méconnaissances des conditions et procédures, il est vrai complexes, et les fraudes : les premiers, involontaires ou liés à des délais de traitement, sont largement détectés et recouvrés à 88 %, selon la Cnaf.

Le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale de septembre 2010 évoque spécifiquement la question de la lutte contre la fraude pour l'ensemble des prestations sociales du régime général.

Il y a clairement eu, ces dernières années, une prise de conscience de l'enjeu financier et social de sa détection. Le Gouvernement a ainsi créé en octobre 2006 un comité de lutte contre la fraude en matière de protection sociale, transformé l'année suivante en comité interministériel placé sous la présidence du Premier ministre. La direction de la sécurité sociale a publié, en décembre 2009, un guide pratique de la réglementation en matière de lutte contre la fraude sociale, afin de rassembler les informations utiles aux gestionnaires.

L' évaluation en a parallèlement été affinée ; en 2008, le montant des fraudes détectées dans les branches maladie, famille et retraite s'est élevé à 241 millions d'euros, soit respectivement 160, 80 et 1 millions pour chacune d'elles. Toutefois, les études révèlent une forte disparité de détection selon les caisses locales. Selon la Cour des comptes, les travaux les plus avancés sont ceux de la branche famille : le taux estimé de fraude y est très faible pour les prestations familiales ou la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje), à moins de 0,5 %, mais il est plus élevé pour l'API ou le RMI à un peu plus de 3 %.

Pour autant, la qualification même d'action frauduleuse est complexe et variée. Des définitions plus opérationnelles ont commencé à être publiées et il serait intéressant, comme le propose la Cour des comptes, d'en établir un référentiel commun.

Des outils juridiques et techniques nouveaux ont également été mis en place.

Les sanctions ont été diversifiées : des pénalités administratives ont été créées pour compléter l'éventail traditionnel, dans l'objectif qu'elles soient plus rapides, plus dissuasives et mieux adaptées, mais elles sont encore peu utilisées.

Les échanges d'informations ou d' accès pour les organismes gestionnaires à des données informatiques diverses ont été accentués et approfondis, par exemple en ce qui concerne le fichier national des comptes bancaires (Ficoba) ou l'usage du numéro d'identification au répertoire (Nir). Plusieurs mesures ont permis d'assouplir ou de lever les interdits liés au secret professionnel. Depuis fin 2008, les Caf reçoivent les déclarations fiscales de revenus de tous leurs allocataires, ce qui a d'ailleurs entraîné, au début, des difficultés de gestion pour les caisses. La branche famille a constitué, en 2008, un répertoire national des bénéficiaires (RNB), permettant de détecter les doublons d'allocataires. Au total, de nombreux croisements de fichiers sont prévus sur le plan national, même si trop peu sont à ce jour opérationnels.

Il reste des efforts à fournir pour mobiliser l'ensemble des acteurs, notamment au plan local, renforcer les effectifs spécialisés, mettre en place des outils de suivi et de références communs ou diversifier les modalités de prévention et de répression.

4. La question des droits connexes

L'adoption d'une allocation dégressive étendue comme le RSA modifie l'approche qui prévalait et qui consistait à attribuer des droits selon le statut de la personne. Aujourd'hui, les acteurs locaux ne peuvent plus fonder leurs aides sur ce critère et doivent donc s'appuyer sur le niveau des ressources .

Le Gouvernement a engagé, de longue date, diverses études sur cette question. Les droits nationaux (aide au logement, prime de Noël, abattement de taxe d'habitation, exonération de la redevance audiovisuelle ou encore CMU-c) ont ainsi été partiellement réformés pour prendre en compte le nouveau cadre juridique, mais l'ensemble de ces aides continuent d'avoir tout naturellement une périodicité variée, ce qui peut créer des complexités et laisser subsister des difficultés pratiques.

En ce qui concerne les droits locaux , attribués par les collectivités territoriales, voire les caisses locales de sécurité sociale, et donc très variables selon les territoires, l'article 13 de la loi du 1 er décembre 2008 généralisant le RSA précise que, « lorsqu'ils attribuent des aides sociales à caractère individuel, en espèces ou en nature, ou un avantage tarifaire dans l'accès à un service public, les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les groupements de collectivités et les organismes chargés de la gestion d'un service public veillent à ce que les conditions d'attribution de ces aides et avantages n'entraînent pas de discrimination à l'égard de personnes placées dans la même situation, eu égard à l'objet de l'aide ou de l'avantage, et ayant les mêmes ressources rapportées à la composition du foyer ».

Or, cette multitude d'aides diverses et de tarifs sociaux sont d'un montant unitaire faible, mais leur bénéfice cumulé conduit à des compléments de ressources pas toujours négligeables.

Pour ces raisons, le Gouvernement avait confié une mission à Sylvie Desmarescaux, sénateur, pour évaluer les modalités d'application du principe général posé par la loi. Rendu en mai 2009, son rapport 7 ( * ) se situe dans la continuité des travaux 8 ( * ) de la commission des affaires sociales du Sénat. Il cite toute une série de bonnes pratiques repérées sur le terrain, notamment celles qui permettent aux différents acteurs d'un même territoire d'avoir une appréciation commune du niveau de ressources ou encore de parler des mêmes choses avec les mêmes mots. Il préconise par exemple d'adopter une déclaration commune de principe, de publier un guide pédagogique, d'avancer dans la réflexion vers un dossier commun du demandeur des aides sociales locales.

5. Une première évaluation de la récente mise en place du RSA jeunes devra être rapidement menée

Annoncée par le Président de la République le 29 septembre 2009, l'extension du RSA aux moins de vingt-cinq ans est effective depuis le 1 er septembre 2010 en métropole. Pour rester dans la philosophie d'une réinsertion dans le monde du travail, cette extension est ciblée sur les jeunes qui ont déjà travaillé deux ans à temps complet dans les trois ans qui précèdent la demande, soit 3 214 heures de travail pour les salariés. Les éventuelles périodes de chômage indemnisé, dans la limite de six mois, ne sont pas prises en considération pour ce délai de trois ans, ce qui permet de remonter éventuellement jusqu'à trois ans et demi avant la demande.

Le montant du RSA jeunes est établi sur les mêmes bases que celles du RSA généralisé ; il varie de même en fonction des ressources et de la situation familiale.

Le Gouvernement a mis en place une campagne de communication adaptée en direction des « prescripteurs » et des bénéficiaires potentiels :

- des affiches destinées aux lieux d'accueil et de réception du public pour les conseils généraux, Pôle emploi, les missions locales etc. ;

- un spot radio diffusé début septembre sur des chaînes destinées aux jeunes, notamment musicales ;

- une campagne de bannières internet ;

- un dépliant destiné aux futurs bénéficiaires et distribué dans les missions locales.

Toutefois, Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, a relevé « une montée en charge très progressive et des difficultés ». A la mi-décembre 2010, environ 1 200 dossiers étaient déposés par semaine, ce qui aboutit à un total d'environ 16 000 demandes depuis début septembre. A la fin du mois de novembre, 5 024 foyers étaient bénéficiaires du RSA jeunes.

Il s'avère par exemple que la reconstitution des heures travaillées sur une période de trois ans est lourde à gérer et difficile à prouver pour les jeunes qui ont souvent connu des contrats précaires.

Les tous premiers résultats, encore très balbutiants en raison du faible recul, laissent tout de même apparaître un taux peu élevé d'accord par rapport au nombre de dossiers déposés. Il sera important d'en évaluer rapidement les raisons pour faire éventuellement évoluer le dispositif ; c'est d'ailleurs le mouvement que le Gouvernement a engagé.

6. L'extension aux départements d'outre-mer

L'ordonnance du 24 juin 2010 a organisé l'extension du RSA aux Dom, à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon à partir du 1 er janvier 2011 ; les principes de l'allocation sont appliqués dans les mêmes conditions qu'en métropole, avec quelques adaptations tenant aux spécificités locales. Ainsi, les relations entre les départements et les agences départementales d'insertion, organismes propres à l'outre-mer, sont précisées, ainsi que l'articulation avec le revenu de solidarité (RSo), allocation spécifique qui concerne les personnes entre cinquante et soixante-cinq ans. L'allocation de retour à l'activité (Ara) est supprimée car remplacée par le RSA.

Cette extension constitue naturellement une mesure de justice et d'équité.

Il faudra d'ailleurs veiller à ce que les moyens humains et techniques des gestionnaires soient ajustés pour gérer l'afflux certain de dossiers . Le passage du RMI au RSA est à peu près automatique mais la partie « activité » de l'allocation risque d'entraîner de très nombreuses demandes sur ces territoires où l'activité économique est particulièrement tendue.

Un problème particulier se posait dans ces départements : l'existence d'une allocation proche du RSA, le revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA) . Créé au printemps 2009 au moment de la crise sociale dans les Antilles, le RSTA tend à apporter un complément forfaitaire de rémunération à ceux qui travaillent mais dont les revenus sont inférieurs à un certain seuil : financé par l'Etat, il s'élève à 100 euros pour les salariés du secteur privé et les agents non-titulaires du secteur public, dont les rémunérations sont comprises entre 1 fois et 1,4 fois le Smic. En outre, le RSTA est individuel, quand le RSA tient compte des ressources du foyer, et il n'est pas subordonné à une condition d'âge, alors que le RSA jeunes présente des conditions plus restrictives que le dispositif de droit commun.

Conformément à la proposition du député de La Réunion, René-Paul Victoria 9 ( * ) , le Gouvernement a fait le choix de conserver parallèlement le RSTA , jusqu'au 31 décembre 2012 - date prévue dans les accords de sortie de crise -, pour ceux qui en sont aujourd'hui bénéficiaires et qui ne souhaitent pas passer au RSA.

Bien sûr, les deux allocations ne pourront pas être cumulées . Les bénéficiaires doivent choisir l'allocation la plus adaptée à leur situation individuelle et aucun nouveau droit n'est ouvert au titre du RSTA à compter du 1 er janvier 2011 ; cependant, il n'est pas certain que la population soit à même de faire ce calcul, assez complexe et dont les paramètres peuvent changer rapidement en fonction de la situation professionnelle ou familiale.

En termes de modalités de gestion, il faut noter que le RSTA est géré par les caisses générales de sécurité sociale (CGSS) qui assurent dans les Dom la gestion des risques maladie et vieillesse et qui s'occupent du recouvrement des cotisations, alors que le RSA est confié aux caisses d'allocations familiales (Caf).

Si le risque de déstabilisation et d'engorgement des Caf sera ainsi moins élevé qu'en métropole, la lisibilité des dispositifs pour les demandeurs en sera assombrie, notamment s'ils souhaitent obtenir un conseil sur le meilleur choix pour eux entre le RSTA et le RSA : comment un agent d'accueil de la Caf, formé au RSA, pourra-t-il apporter ce soutien ? Qui plus est, les décrets d'application 10 ( * ) ne datent que du 31 décembre 2010, ce qui laisse peu de temps aux bénéficiaires et aux gestionnaires pour être au courant des dispositifs, alors même que les allocataires du RSTA doivent opérer un choix irréversible.


* 6 Si son conseil d'administration le décide, ce qui n'est pas encore le cas.

* 7 Mission parlementaire sur les droits connexes locaux dans le cadre de la généralisation du RSA, mai 2009.

* 8 Rapport d'information n° 334 (2004-2005) de Valérie Létard, fait au nom de la commission des affaires sociales et déposé le 11 mai 2005, « Minima sociaux : mieux concilier équité et reprise d'activité », puis proposition de loi n° 425 (2005-2006), déposée le 27 juin 2006, portant réforme des minima sociaux et présentée par Valérie Létard, Nicolas About, Sylvie Desmarescaux, Jean-Marie Vanlerenberghe, Anne-Marie Payet, Michel Mercier et Bernard Seillier, sénateurs.

* 9 Propositions pour une transition entre le revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA) et le revenu de solidarité active (RSA) en outre-mer, rapport au Gouvernement, mai 2010.

* 10 Décret n° 2010-1784 du 31 décembre 2010 portant modification du décret n° 2009-602 du 27 mai 2009 modifié relatif au revenu supplémentaire temporaire d'activité et décret n° 2010-1783 du 31 décembre 2010 portant extension et adaptation du revenu de solidarité active dans les départements d'outre-mer, à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

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