2. L'emprise de l'Etat

a) L'instrumentalisation des financements croisés

Le système de financement des actions culturelles est d'une grande complexité . Il présente certes l'avantage de permettre la réalisation d'investissements d'équipements trop coûteux pour une seule collectivité publique. Mais de nombreux observateurs (293( * )) constatent que l'une des parties contractantes, le plus fréquemment l'Etat, devient prescripteur des dépenses de l'autre, alors qu'elles sont liées par un accord de cofinancement. L'Etat instrumentalise les financements croisés : au titre d'une participation financière très minoritaire, les services centraux s'octroient la direction des projets culturels, notamment dans le domaine de l'enseignement musical spécialisé. De même, le dysfonctionnement des fonds régionaux pour l'art contemporain (FRAC) qui auraient dû être le lieu d'un partenariat décentralisé entre l'Etat et les régions montre que l'Etat suscite des partenariats déséquilibrés, impliquant des contributions financières des collectivités locales, alors qu'il conserve la maîtrise de la politique culturelle menée dans ce cadre.

Il semble que l'on ait atteint les limites de la contractualisation et du cofinancement et que le système actuel aboutisse à une mauvaise adéquation entre la nature des activités, leur mode de financement, et le niveau territorial qui en est responsable. Ainsi l'inventaire est une compétence de l'Etat qui est majoritairement financée par les départements, qui l'utilisent dans le cadre de leur politique culturelle. Dans certains domaines, il semble donc qu'un transfert de compétences et des ressources aux collectivités locales permettrait une meilleure lisibilité et une plus grande proximité entre le décideur et l'expression des besoins.

b) Les obstacles à la déconcentration

Malgré des annonces répétées, la déconcentration de la gestion des crédits du ministère de la culture s'est faite très lentement . Le taux de 30 % de crédits déconcentrés que le Premier ministre avait fixé comme objectif à la fin de 1995 n'était pas atteint à cette date. On estime aujourd'hui que la part des crédits déconcentrés varie de 15 à 30 % selon les secteurs concernés.

C'est sans doute dans ce domaine que les efforts les plus importants restent à faire, afin que les collectivités locales puissent s'adresser à un interlocuteur unique et que les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) puissent disposer d'une plus grande autonomie, pour d'adapter leurs interventions aux particularités locales.

Le récent rattachement des services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDAP) au ministère de la culture a rendu la situation plus complexe encore. En effet, les directions régionales de l'environnement, dont dépendaient auparavant les SDAP, conservent aujourd'hui encore certaines compétences, notamment en matière de suivi de la profession des architectes. De plus, la difficulté d'établir des liens de subordination entre les SDAP au niveau départemental et les DRAC au niveau régional pénalise largement la mise en oeuvre des politiques culturelles locales (294( * )) .

De même, les collectivités locales se heurtent à la multiplicité des acteurs intervenant dans le domaine des pratiques amateurs, de la jeunesse et de l'action culturelle dans les quartiers. Outre le ministère de la culture, interviennent en effet dans ces secteurs le ministère de la ville et le ministère de la jeunesse et des sports, par le biais des directions de la jeunesse et de l'éducation populaire.

L'attachement des services centraux à leurs compétences dans le secteur culturel, très lisible et valorisant, constitue sans doute l'un des obstacles les plus difficiles à surmonter, pour mettre en oeuvre une déconcentration efficace, adaptée au dynamisme et à l'efficacité des collectivités locales dans les différents domaines culturels.

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