2. Les difficultés d'interprétation et de contrôle

a) Les incertitudes du cadre juridique résultent tout d'abord du droit communautaire

Le Traité de Rome pose comme principe que les aides accordées par les Etats sous quelque forme que ce soit sont incompatibles avec le marché commun dans la mesure où elles affectent les échanges entre les Etats membres. Cependant, ce principe admet des exceptions : sont possibles les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions... La Commission se réserve de statuer sur leur légalité lors de son examen de la compatibilité des régimes nationaux d'intervention économique avec les règles de la Communauté. Les aides des collectivités territoriales sont donc indirectement soumises au respect des obligations communautaires.

Dans le contrôle qu'elle exerce, la Commission apprécie les effets que les aides peuvent produire sur les marchés concernés . Cette appréciation est très largement fondée sur des circonstances de fait, telles que l'intensité de l'aide, l'importance de l'entreprise bénéficiaire et des courants commerciaux, la situation du marché (notamment au regard de difficultés conjoncturelles et structurelles), les éventuelles conséquences sur d'autres secteurs d'activités, l'incidence sur les marchés extérieurs et intérieurs.

La Commission dispose ainsi d'une compétence exclusive et d'un large pouvoir d'appréciation , sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes qui veille au respect des règles de procédure, afin d'assurer la protection des droits des tiers (Etats, entreprises concurrentes et entreprises bénéficiaires), tant par rapport aux décisions prises par les dispensateurs d'aides que par rapport à celles de la Commission.

En vertu de l'article 93-3 du Traité, les Etats membres sont dans l'obligation de notifier tout projet d'aide particulière ou de régime d'aides afin de permettre à la Commission de procéder à son examen préalable ; le projet ne peut être mis en oeuvre avant que la Commission ait reconnu définitivement sa compatibilité avec le marché commun.

En matière d'aides, le droit communautaire ne distingue pas entre aides directes ou indirectes , toutes les aides sont comptabilisées. Des aides régulières sur le plan national ne le seront pas forcément au regard du droit communautaire plus strict qui a été élaboré par la Commission. Une autre difficulté tient à ce fait justement que les dispositions applicables en droit communautaire résultent d'actes de la Commission dont la valeur juridique demeure incertaine. La Cour de justice ne s'est pas encore prononcée sur la compétence de la Commission pour arrêter de telles normes.

Enfin, ni les administrations déconcentrées de l'Etat ni les collectivités territoriales ne sont suffisamment informées des obligations de notification à la Commission des aides allouées. Les administrations françaises ne sont pas d'ailleurs seules en cause.

Le droit communautaire des aides aux entreprises

Les principes à partir desquels seront examinées au niveau communautaire les aides accordées par les Etats membres aux entreprises sont contenus dans des communications de la Commission qui sont dénommés " encadrements " ou " lignes directrices ".

Ces documents n'ont pas de portée juridique mais ils constituent la doctrine de la Commission en matière d'aides et leurs dispositions s'imposent dans les faits aux Etats membres dans la mise en oeuvre de leurs régimes d'aides.

Les principaux encadrements publiés à ce jour sont :

- l'encadrement des aides d'Etat aux petites et moyennes entreprises (paru au JOCE le 23 juillet 1996) qui prévoit que les taux d'aide maximaux à l'investissement sont de 15 % brut pour les petites entreprises (moins de 50 salariés) et de 7,5 % pour les moyennes entreprises (moins de 250 salariés). Dans les zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire pour les projets industriels, le taux d'aide est plafonné à 30 %. Dans les DOM, il peut atteindre 75 % .

- l'encadrement des aides à finalité régionale pour la période 2000-2006 (paru au JOCE le 10 Mars 1998 pour application au 1 er janvier 2000) établi des règles d'attribution des aides dans les zones en retard de développement (zones éligibles à la PAT " industrie " et DOM) ;

- l'encadrement des aides pour la protection de l'environnement (parue au JOCE le 10 mars 1994) concerne les aides aux investissement permettant de réduire ou d'éliminer la pollution. Il fixe des taux d'aide maximaux qui varient selon la nature de l'aide, la taille de l'entreprise concernée et sa localisation ;

- l'encadrement des aides à la recherche et au développement (paru au JOCE le 17 février 1996) régit les aides liées directement à la production ultérieure et à la commercialisation de nouveaux produits, procédés ou services. Les taux d'aide maximaux varient en fonction de l'activité aidée, la taille de l'entreprise concernée et sa localisation ;

- enfin, la communication " de minimis " (paru au JOCE le 6 mars 1996) qui fixe un seuil d'aide au-dessous duquel la Commission considère que l'aide ne peut fausser la concurrence, ce qui la dispense d'une notification préalable. Ce seuil est fixé à 100 000 euros par entreprise sur trois ans.

Il est à noter que le règlement du Conseil du 7 mai 1998 (JOCE du 14 mai 1998) habilite la Commission à arrêter des règlements d'exemption de notification sur les aides en faveur notamment des PME, de la recherche et du développement et de la protection de l'environnement. Ceux-ci, non encore arrêtés, auront vocation à remplacer les encadrements actuels.

b) La réglementation nationale est également génératrice de difficultés

Les règles concernant les interventions économiques des collectivités territoriales au profit du secteur marchand s'insèrent dans le droit administratif, mais elles coexistent par définition avec le droit bancaire, celui des sociétés et des principes de droit commercial ou civil.

Devant l'abondance de questions juridiques non résolues, il n'est pas surprenant que le contrôle de légalité s'exerce malaisément surtout lorsque les aides sont versées à partir d'un fonds global ou par l'intermédiaire d'un tiers.

De plus, les décisions à analyser sont nombreuses ; elles peuvent émaner, pour une même opération ou plusieurs opérations liées entre elles, de plusieurs collectivités de niveaux différents. Le secrétariat général pour les affaires régionales, la préfecture du département et une sous-préfecture peuvent, à propos d'une même affaire, être amenés à exercer leur contrôle de légalité.

Mais les préfets doivent prioritairement apporter leur concours au développement économique local et à la lutte contre le chômage. Or, tels sont les motifs affichés de toutes les aides. Le préfet est investi par le Gouvernement de l'obligation de participer activement à la sauvegarde et au développement de l'emploi alors que les moyens dont il dispose sont limités et qu'il est dès lors contraint à s'appuyer sur ceux des collectivités territoriales.

Au surplus, l'Etat n'est fréquemment plus capable de dégager, en face des crédits des fonds structurels européens qu'il doit mettre en oeuvre, les contreparties nationales requises par le principe communautaire d'additionnalité. Celles-ci sont alors négociées auprès des collectivités territoriales. Un contrôle strict de la légalité de l'intervention de ces dernières pourrait, dans de telles hypothèses, aboutir indirectement à priver notre pays de certains financements communautaires.

DEUXIÈME PARTIE




LES PROPOSITIONS

DE LA MISSION D'INFORMATION :

POUR UNE RÉPUBLIQUE TERRITORIALE


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