3. Les contrats locaux de sécurité : un outil perfectible

a) Une procédure qui couvre une part croissante du territoire

Les grandes lignes de la politique des " contrats locaux de sécurité " (CLS) ont été définies lors d'un colloque tenu à Villepinte en octobre 1997 sur le thème : " Des villes sûres pour des citoyens libres ". Depuis, deux circulaires 175( * ) sont venues déterminer le cadre de l'organisation et du fonctionnement de ces contrats.

La " Rencontre nationale des CLS ", tenue au mois de septembre 1999 176( * ) a permis de réaliser un premier bilan de leur mise en place et de dénombrer 292 CLS, alors que 433 étaient, à cette date, en cours de négociation. Ce sont donc au total plus de 700 contrats qui seraient signés ou sur le point d'être conclus, dont plus de la moitié concerne les 26 départements considérés comme " très sensibles " par le ministère de l'intérieur, où 80 % des faits de délinquance sont constatés. Les CLS recouvrent, d'après le bilan dressé à cette occasion, 429 communes situées en " zone police ", dont la population est de 13 millions d'habitants, soit 45 % de la population de cette zone. En outre, les CLS en cours de préparation portent sur 406 communes, comportant 10 millions d'habitants, soit 35 % de la population située en " zone police ". C'est donc au total 80 % de la population de la zone dont la sécurité est confiée à la police nationale qui est concernée par la mise en oeuvre d'un CLS.

Le principe du CLS, exprimé dans la circulaire du 28 octobre 1997, est le suivant : la sécurité, estime le Gouvernement, " ne peut pas être l'affaire des seuls services de la police et de la gendarmerie nationale ", d'autant que le sentiment d'insécurité " ne résulte pas seulement du bon exercice de leurs missions " . Il dépend de nombreux autres facteurs : cohésion sociale, conscience civique, qualité de la vie urbaine qui relèvent, pour une part, des compétences des collectivités territoriales , mais aussi des " initiatives émanant de la société elle-même ". " C'est pourquoi il convient d'organiser un partenariat actif et permanent avec tous ceux qui, au plan local, sont en mesure d'apporter une contribution à la sécurité, notamment les maires et les acteurs de la vie sociale ".

Les CLS, qui concernent, en général, une commune ou un groupement de communes, comportent deux volets (prévention de la délinquance et conditions d'intervention de la police et de la gendarmerie) et visent à mobiliser les acteurs, à optimiser leur action et à améliorer l'efficacité de leurs relations et de leur répartition des tâches.

Ils sont élaborés conjointement par le préfet, le procureur de la république et le ou les maires concernés, en association avec le recteur d'académie. Ils sont signés par les trois premiers ainsi que, " s'il y a lieu, par le recteur d'académie, le président du conseil régional et le président du conseil général ".

Parmi les principales actions à entreprendre dans la cadre d'un CLS figurent des objectifs aussi larges que :

- l'apprentissage de la citoyenneté et l'enseignement de la morale civique ;

- la promotion d'une solidarité et d'une sûreté de voisinage ;

- le soutien aux actions locales de prévention à l'égard des jeunes en voie de marginalisation ;

- la non discrimination à l'embauche ;

- la prévention des toxicomanies , des violences urbaines, des phénomènes de bandes ;

- la prévention de la délinquance et de la violence aux abords des établissements scolaires et la prévention de la violence en milieu scolaire ;

- la prévention de la récidive , l'aide aux victimes, la médiation pénale ;

- l'aide à la génération adulte dans ses fonctions d'autorité et d'éducation à l'égard des jeunes ;

- la prise en compte de la sécurité dans la politique d'urbanisme ;

- la fixation d'objectifs en termes de présence des forces de police et de gendarmerie , d'accueil du public, de recueil et de suivi des plaintes.

L'Etat s'est initialement engagé, pour la mise en oeuvre des CLS, à créer des " emplois de proximité " : adjoints de sécurité auprès de la police nationale et agents locaux de médiation sociale.

Si le principe des CLS est celui d'une approche globalisée et non plus sectorielle du problème de l'insécurité, qui permet en théorie de proposer un traitement complet de cette question, force est de reconnaître que leur mise en oeuvre s'est heurtée à un certain nombre d'obstacles et a généré des dysfonctionnements.

b) Une méthodologie perfectible

Une évaluation 177( * ) de la mission interministérielle d'évaluation des CLS ainsi que les rencontres nationales des CLS organisées en septembre 1999 ont permis de mettre en évidence les principaux défauts méthodologiques de ces contrats .

On peut, notamment, citer l'insuffisance des diagnostics de sécurité initiaux, le problème du rythme de recrutement, mais aussi de la définition du rôle et de la qualification des agents locaux de médiation sociale. Par ailleurs, il semble que certains parquets, insuffisamment impliqués lors de la conclusion des contrats, n'aient en outre pas eu les moyens de fournir, qualitativement et quantitativement, la nouvelle réponse qui était attendue d'eux, sans parler des difficultés inhérentes à l'organisation territoriale des services de l'Etat -on pense notamment à la carte judiciaire des parquets des mineurs, mais aussi à la nécessité d'un redéploiement des forces de police et de gendarmerie-.

Les co-contractants de l'Etat n'ont pu, en outre, qu'être déçus par la modestie de l'effort supplémentaire en termes de moyens que ce dernier a été prêt à consentir dans le cadre de la conclusion des CLS, à tel point que M. Jean-Pierre Sueur, président de l'Association des maires de grandes villes de France, déclarait 178( * ) à propos du CLS de la ville d'Orléans, dont il est le maire : " Je ne signerai le contrat que lorsque j'aurai obtenu de la part de l'Etat des policiers supplémentaires dans les quartiers difficiles, dont les missions seront redéfinies et orientées vers une police de proximité. L'Etat ne peut pas défendre le statu quo concernant ses moyens dès lors qu'il signe un CLS avec une collectivité ".

Bien plus, les départements , quoique compétents notamment en matière de protection de l'enfance et de prévention spécialisée, deux thèmes pourtant essentiels des contrats locaux de sécurité, ont souvent été écartés de leur négociation et de leur signature.

Le rôle du département en matière de prévention spécialisée est défini à l'article 45 du code de la famille et de l'aide sociale :

" Art. 45. Dans les lieux où se manifestent des risques d'inadaptation sociale, le département participe aux actions visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l'insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles. Ces actions comprennent :

1° Des actions tendant à permettre aux intéressés d'assurer leur propre prise en charge et leur insertion sociale ;

2° Des actions dites de prévention spécialisée auprès des jeunes et des familles en difficulté ou en rupture avec leur milieu ;

3° Des actions d'animation socio-éducatives.
"

Cette situation, pour le moins paradoxale pour une démarche qui se veut globale et partenariale et, sans aucun doute, contraire à l'efficacité de l'action publique, a d'ailleurs motivé la rédaction d'une deuxième circulaire interministérielle en date du 7 juin 1999, dans laquelle il est expressément disposé que :

" Le partenariat avec les collectivités locales devra rechercher à associer plus étroitement les conseils généraux et notamment leurs services chargés de l'aide sociale à l'enfance et de la prévention spécialisée, ainsi que les conseils régionaux pour ce qui concerne la formation ".

La circulaire insiste, quelques paragraphes plus loin :

" Les préfets examineront avec les présidents de conseils généraux de quelle manière le développement des actions de terrain de la prévention spécialisée peut contribuer à la réalisation des objectifs figurant dans les contrats locaux de sécurité ".

Juste retour des choses dans un domaine où la contractualisation, loin d'avoir accompagné la décentralisation, en avait au contraire quelque peu nié les avancées !

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