B. L'ENVELOPPE NORMÉE : UN " RENDEZ-VOUS MANQUÉ "

L'article 32 de la loi de finances pour 1996 a regroupé la dotation globale de fonctionnement, la dotation spéciale pour le logement des instituteurs, les dotations de l'Etat au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle et au fonds national de péréquation, la dotation élu local, la dotation globale d'équipement, la dotation générale de décentralisation, la dotation de décentralisation pour la formation professionnelle, la dotation générale de décentralisation pour la Corse, la dotation départementale d'équipement des collèges, la dotation régionale d'équipement scolaire et la dotation de compensation de la taxe professionnelle (hors réduction pour embauche et investissement) au sein d'un " ensemble ".

Cet " ensemble ", connu désormais sous le nom d'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales, comprend toutes les dotations de fonctionnement et d'investissement de l'Etat (à l'exception du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée et des amendes de police), ainsi qu'une compensation d'exonérations fiscales, la dotation de compensation de la taxe professionnelle.

L'enveloppe normée évolue en fonction d'un taux d'indexation indépendant du taux d'évolution de chacune de ses composantes.

Entre 1996 et 1998, les modalités d'indexation de l'enveloppe normée ont pris le nom de " pacte de stabilité ". De 1999 à 2001, le pacte a été remplacé par le " contrat de croissance et de solidarité ".

Lors de l'examen par le Sénat du texte qui allait devenir l'article 32 de la loi de finances pour 1996, le président de la commission des finances de l'époque, le Président Christian Poncelet, déclarait : " Voilà quatre ans, c'est à cette même tribune que j'ai lancé la formulation de " pacte de stabilité financière ". Je me réjouis qu'elle soit aujourd'hui reprise par le Gouvernement. Pourtant, je n'hésite pas à le dire, je ne reconnais pas mon enfant. Il est quelque peu défiguré. Je crains que le rendez-vous tant attendu ne soit un rendez-vous manqué. " 236( * )

Que s'est-il passé ?

1. Concilier maîtrise des dépenses publiques et stabilité des concours aux collectivités locales : une bonne idée ...

a) Maîtriser les dépenses publiques

Les concours de l'Etat aux collectivités locales ont augmenté à un rythme très rapide depuis le début des années 80. Ils ont été multipliés par deux entre 1988 et 2000, passant de 151,1 milliards de francs à 292,3 milliards de francs.

L'évolution d'une telle masse de crédits se doit d'être suivie avec attention, notamment en période de rareté de la ressource budgétaire.

Jusqu'au milieu des années 90, il n'existait pas de pilotage d'ensemble des concours de l'Etat aux collectivités locales, et l'Etat se contentait de mettre en place des dispositifs destinés à limiter l'augmentation du montant de ses concours :

- en matière de dotations, les modes d'indexation des enveloppes était sujets à des révisions fréquentes. Par exemple, le mode d'indexation de la dotation globale de fonctionnement a été revu à plusieurs reprises, en fonction de la situation budgétaire de l'Etat 237( * ) . De même, en 1994, il a été décidé de procéder à une réfaction du taux de compensation du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée, dont la seule justification était la recherche d'économies budgétaires 238( * ) . La réforme de la DGE en 1995 obéissait à la même logique.

- s'agissant des compensations d'exonérations d'impôts locaux, les ingénieux mécanismes de réfaction inventés entre 1991 et 1995 ont déjà été présentés 239( * ) . Le coût des dégrèvements de taxe professionnelle a pour sa part été contenu par le gel à son niveau de 1995 du taux retenu pour calculer la fraction des cotisations à la charge de l'Etat : depuis 1995, toutes les augmentations de taux de taxe professionnelle sont à la charge des entreprises et non de l'Etat 240( * ) .

Ces dispositifs ponctuels ont été mal vécus par les élus locaux car ils étaient ressentis comme arbitraires . De plus, ils n'ont pas permis de freiner significativement l'augmentation du coût pour l'Etat des concours financiers aux collectivités locales.

L'idée d'un " pacte de stabilité financière " pluriannuel avait donc pour but de créer les conditions d'une approche globale en matière de concours aux collectivités locales, afin que l'Etat puisse prévoir de manière fiable quelle serait l'évolution de ses dépenses en faveur collectivités locales et, le cas échéant, procéder à des ajustement concernant ses autres postes de dépenses de manière à respecter une norme globale d'évolution des dépenses publiques.

b) Améliorer la prévisibilité de l'évolution des budgets locaux

Le début des années 90 marque l'apparition d'une forte demande de stabilité financière chez les élus locaux, pour lesquels l'élaboration de leurs budgets devenait de plus en plus difficile en raison de la multiplication de mesures imprévues qui se traduisaient par des dépenses nouvelles, sans que les recettes ne soient modifiées à due concurrence. La première moitié de la décennie a ainsi été marquée par des majorations du taux de cotisation employeur à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) et du forfait hospitalier, par la prolifération des normes en matière d'environnement et de sécurité ou encore par la prise en charge par les collectivités de dépenses relevant de la compétence de l'Etat, notamment dans le cadre du plan Université 2000. Le rapport " Delafosse ", remis au Premier ministre en 1994, lançait le débat sur les transferts de charges " rampantes ".

Parallèlement à cette pression sur les dépenses, les concours de l'Etat aux collectivités locales étaient soumis à des fluctuations fréquentes. Le taux d'indexation de la DGF a été modifié quatre fois entre 1990 et 1995.

En matière fiscale, le Président Poncelet insistait, lors de la discussion au Sénat du projet de loi de finances pour 1996, sur les conséquences néfastes sur les budgets locaux " des ruptures de contrat ", des " entorses aux principes de la compensation ", de la " suppression des remises en cause des règles du jeu [découvertes ], chaque année, lors de l'examen des articles du projet de loi de finances ".

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