3. De nouvelles formes de " partenariat imposé "

Avec la loi du 1 er décembre 1988, le choix a été fait du retour à une forme de cogestion en matière d'insertion des titulaires du RMI. Ce choix a été confirmé et amplifié en 1990 avec l'instauration des fonds départementaux de solidarité pour le logement (FSL) et en 1992 pour la mise en place des fonds d'aide aux jeunes (FAJ).

a) Le revenu minimum d'insertion (RMI)

A rebours de la logique initiale des blocs de compétence, la loi du 1 er décembre 1988 relative au RMI a imposé, au titre de la lutte contre l'exclusion sociale, de nouvelles formes de partenariat entre Etat et collectivités locales prévoyant des procédures de financement et de décision conjointes.

Ainsi, la mise en place des commissions locales d'insertion et des commissions départementales d'insertion, l'élaboration du programme départemental d'insertion, l'agrément de certains organismes d'accueil passent-ils par une décision conjointe du préfet et du conseil général .

Par ailleurs, le département est tenu d'inscrire dans son budget un crédit au moins égal à 20 % des sommes versées au cours de l'exercice précédent par l'Etat au titre de l'allocation attribuée à des personnes résidant dans le département.

Le rapport sur l'évaluation du RMI de mars 1992 265( * ) a analysé clairement les conséquences du nouveau dispositif au regard des principes de 1982 : " Le RMI a aussi contredit l'esprit des lois de décentralisation en pratiquant d'abord une certaine inversion des compétences : l'Etat verse une allocation qui n'est pas étrangère à l'aide sociale, et le département est invité à intervenir dans le soutien à l'insertion -qui passe surtout par l'emploi, compétence revenant à l'Etat-. Surtout, il est en contradiction avec la théorie des " blocs de compétence " en mettant en oeuvre une compétence cogérée, l'insertion, dans laquelle l'Etat est un partenaire " obligé " du Conseil général, alors que l'objectif d'autonomie des différentes collectivités -avec son corollaire : " qui décide paie "- était essentiel dans les lois de décentralisation " .

Dans le même sens, le rapport public de la Cour des comptes de 1995 souligne que le financement des dépenses liées à l'insertion s'est " écarté des principes posés par la loi de décentralisation " en établissant " un lien automatique et forfaitaire " entre les finances départementales et le montant des dépenses supportées par l'Etat au titre de l'allocation : " ce lien est d'autant plus dérogatoire que les départements ne sont pas associés à la décision d'attribution de l'allocation et que le montant et les conditions d'attribution du RMI sont fixés par voie réglementaire " .

Dans l'analyse qu'elle a réalisée près de dix ans après la création du dispositif de la loi du 1 er décembre 1988, l'ADF met en évidence le " manque de clarté et de lisibilité " du système avec une demande forte d'une clarification des compétences et des responsabilités de chacun.

La croissance élevée du nombre de bénéficiaires constatée de 1988 à 1999 est allée de pair avec une banalisation du dispositif par rapport à ses objectifs initiaux et au public originellement visé.

L'ADF regrette le taux d'insertion trop faible des bénéficiaires, malgré la mobilisation de plus en plus importante des départements, ainsi que la difficulté d'instruire de manière pertinente des contrats individualisés et annuels. Le dispositif d'insertion cogéré fait apparaître une absence de coordination entre les multiples acteurs de la prise en charge.

Le département est ainsi trop souvent placé dans la situation paradoxale d'être impliqué au coeur des difficultés de l'insertion sur le terrain, tout en ayant des moyens et des prérogatives trop réduits pour jouer un rôle véritablement efficace. La " cogestion " demande au département de jouer un rôle de " partenaire actif " sans pour autant lui confier les outils nécessaires pour faire face, au plus près, aux besoins d'insertion et en en ne lui permettant pas de devenir un véritable " chef de file ".

Le secteur de l'insertion fait intervenir les départements dans un secteur d'intervention où l'Etat dispose d'une large maîtrise des instruments de la formation professionnelle, de la politique de l'emploi et de la politique du logement social. Les relations avec les partenaires institutionnels, avec l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) notamment, sont souvent difficiles.

En conclusion, on peut se demander si la cogestion n'est pas un frein plutôt qu'un accélérateur pour l'insertion.

b) Le logement pour les plus démunis

L'Etat a toujours entendu restrictivement l'article 35 de la loi du 22 juillet 1983 qui a mis à sa charge les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réadaptation prévues par le code de la famille et de l'aide sociale : il a fait valoir que ce dispositif visait exclusivement le financement des CHRS.

La progression du nombre de personnes exclues du logement et de sans abri ont rendu nécessaire une programmation des capacités d'accueil d'urgence pour les personnes les plus démunies.

La loi n° 90-449 du 31 mai 1990, visant à la mise en oeuvre du droit au logement , dite " loi Besson ", a érigé le principe du droit au logement en " un devoir de solidarité pour l'ensemble de la Nation " et a institué le principe d'une " aide de la collectivité pour les personnes qui connaissent des difficultés particulières pour se loger " , a fixé des dispositifs d'action spécifique pour mobiliser les acteurs tant nationaux que locaux.

Le département a été retenu comme échelon pertinent pour évaluer les besoins et programmer les actions de la politique du logement pour les personnes défavorisées dans une logique de cogestion .

La loi crée le plan départemental pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD ) , élaboré conjointement par le préfet et par le président du Conseil général, qui détermine les catégories de personnes à prendre en charge ainsi que les objectifs à atteindre, notamment par la centralisation des demandes de logement et la création d'une offre supplémentaire de logements.

Par ailleurs, dans chaque département ont été institués des Fonds de solidarité pour le logement (FSL) destinés à verser des aides financières aux personnes et aux familles en difficulté pour l'accès à un logement ou pour le maintien dans les lieux ainsi qu'à assurer le financement de mesures d'accompagnement social.

Ces fonds présentent la particularité d'être financés à parité par l'Etat et par les départements, ces derniers étant tenus d'abonder les fonds au même niveau que les crédits délégués par le Préfet. Les crédits consacrés par l'Etat aux FSL ont connu une progression rapide : ils sont passés de 150 millions de francs dans le budget pour 1991 à 548 millions de francs dans le budget pour 2000. Les départements sont tenus d'abonder le montant inscrit en lois de finances à parité en complétant les enveloppes déléguées.

Les FSL ont fait l'objet de diverses critiques, les objectifs préventifs du FSL ont été perdus de vue, conduisant celui-ci à devenir un instrument de garantie financière pour les bailleurs et notamment les bailleurs sociaux. Par ailleurs, il a été regretté l'apparition d'une certaine confusion entre la notion " d'accompagnement social ", dont la mise en oeuvre relèverait de la responsabilité des bailleurs ou des associations, et la notion de " suivi social " nécessitant l'intervention appropriée d'un professionnel qualifié du secteur social. Enfin, les délais et coûts de gestion du dispositif par les caisses d'allocations familiales (CAF) ont donné lieu à des reproches dans de nombreux départements.

La loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions dans ses dispositions relatives à l'accès au logement, a cependant pérennisé les FSL en confirmant le principe de cogestion initié dans la loi du 31 mai 1990.

Le rôle de coordination du PDALPD triennal est souligné. Celui-ci intègre en tant que de besoin les dispositions du plan pour l'hébergement d'urgence pour les personnes sans abri introduit par la loi du 21 juillet 1994 relative à l'habitat.

De même, les FSL, pour lesquels l'Etat s'engage à un effort supplémentaire qui devra être accompagné par les départements, font l'objet de diverses mesures correctrices et de précision. La possibilité d'ériger les FSL en groupement d'intérêt public, présidé alternativement par le préfet et par le président du conseil général, permet d'asseoir l'existence de ces organismes qui peuvent ainsi acquérir la personnalité morale.

c) Les fonds d'aide aux jeunes (FAJ)

Créés par la loi n° 92-722 du 29 juillet 1992 portant adaptation de la loi relative au revenu minimum d'insertion (RMI), les FAJ ont pour objet de délivrer des aides financières directes et temporaires aux jeunes âgés de 18 à 25 ans pour une durée limitée.

De même que pour les FSL, le financement est assuré à parité par l'Etat et par le département, la participation de ce dernier devant au moins être égale à celle de l'Etat.

De même que pour l'accès au logement, la loi relative à la lutte contre les exclusions confirme la mission des FAJ dans l'esprit de la " cogestion obligatoire ". Le montant de la participation de l'Etat est de 285 millions de francs dans le budget 2000.

La loi précitée dispose que les jeunes relevant du programme TRACE qui rencontrent des difficultés matérielles, notamment de logement, bénéficient de l'accès au FAJ durant les périodes " interstitielles " où ils ne bénéficient pas d'une rémunération au titre d'un stage, d'un contrat de travail ou d'une autre mesure dans le cadre des actions d'accompagnement personnalisé.

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