PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

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QUESTIONS D'ACTUALITÉ

AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je rappelle que, conformément à la règle posée à l'unanimité par la conférence des présidents, l'auteur de la question et le ministre qui lui répond disposent, chacun, de deux minutes trente.

J'invite chaque intervenant à respecter rigoureusement le temps de parole qui lui est imparti, afin que toutes les questions et toutes les réponses puissent bénéficier de la retransmission télévisée : c'est une question d'élégance les uns envers les autres.

SITUATION DU GIAT

M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot.

M. Gérard Dériot. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre et porte sur le plan de restructuration de GIAT Industries qui a été présenté lundi dernier. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

Cette annonce a suscité, comme on peut le comprendre, un très fort émoi dans les départements concernés.

En effet, ce plan conduit à la destruction de 3 750 emplois et à la fermeture de certains sites, comme celui de Saint-Chamond, cher à mes collègues Bernard Fournier et Michel Thiollière, ou ceux de Cusset et Bellerive-sur-Allier.

Mme Josette Durrieu. Et Tarbes !

M. Gérard Dériot. Dans mon département, l'Allier, 385 emplois disparaîtraient, alors même que la filiale Manurhin semblait la plus viable du groupe, alors même que les employés, compétents et motivés, avaient consentit de nombreux efforts pour améliorer encore la performance du site.

Beaucoup a déjà été dit ou écrit sur les raisons de ce plan, sur sa nécessité et sur les engagements du Gouvernement, contraint d'assumer une situation que d'autres avant lui n'ont pas su affronter.

Aussi, monsieur le Premier ministre, aimerais-je vous demander quelle contribution apportera l'Etat à ce plan, mais surtout vous interroger sur deux points précis.

Quelles mesures concrètes de reclassement sont prévues, tout particulièrement pour les salariés qui ne sont ni fonctionnaires ni ouvriers d'Etat, comme c'est la cas pour ceux de Manurhin ?

Quels engagements forts l'Etat prend-il aujourd'hui en termes d'aménagement du territoire, de reconversion et d'incitation à la création d'emplois pour permettre aux bassins touchés de garder espoir ?

Monsieur le Premier ministre, ce sont l'indépendance militaire de notre pays, l'emploi et l'aménagement du territoire qui sont en cause dans ce dossier. Mais ce sont surtout des milliers de salariés, leurs familles et les habitants de ces bassins qui, profondément blessés et inquiets, en appellent à vous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est fermement résolu à maintenir en France une industrie d'armement, à apporter aux salariés touchés par ce plan une réponse sociale de grande qualité et, s'agissant de l'aspect territorial, à assurer une reconversion dans les bassins concernés.

Je rappelle que le plan proposé par GIAT est la condition nécessaire au maintien d'une industrie d'armement en France : il correspond aux besoins de l'armée de terre, confortés par la loi de programmation militaire ; il garantit aux personnels de l'entreprise une visibilité réelle à long terme ; il constitue une base solide pour des développements et des alliances.

M. René-Pierre Signé. C'est faux !

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Il convient de noter que le format retenu correspond au choix des concurrents de GIAT, qui ont su se restructurer et devenir ainsi rentables.

Il était temps que GIAT échappe aux conséquences de l'absence de décision ou de mauvaises décisions. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Sur le plan social, l'entreprise prévoit de donner la priorité au retour à l'emploi, en ayant recours aux meilleures pratiques pour tous les salariés, quel que soit leur statut : recours à des professionnels du reclassement ; diagnostic individuel et formation ; accompagnement indemnitaire renforcé ; filet de sécurité...

M. René-Pierre Signé. Il est troué !

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. ... pour les personnels les plus âgés reprenant les pratiques en vigueur dans le secteur de la métallurgie.

Ce plan doit se donner des moyens exceptionnels pour assurer le reclassement de tous les personnels, qui se verront proposer un accompagnement personnalisé et une ou plusieurs offres d'emploi.

Ce plan est désormais soumis à la négociation sociale. Le Gouvernement y est très attaché, mais c'est à l'entreprise de la mener.

Pour ce qui est de l'aménagement du territoire, l'Etat met en place une méthode, en mobilisant des outils qui ont fait leurs preuves par le passé.

La priorité doit aller aux actions concourant au développement direct d'activités économiques.

La défense a apporté une contribution immédiate sur certains sites. Mais on ne fait pas de l'aménagement du territoire exclusivement à coup de délocalisation d'emplois publics !

M. Jacques Mahéas. Tiens donc ?

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. La première priorité sera l'identification des projets de développement des entreprises locales ou de celles qui sont susceptibles d'y investir.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Le Gouvernement a insisté, notamment dans sa lettre de mission au président de l'entreprise, sur l'importance des projets de reprise.

Sachez, monsieur le sénateur, que notre volonté est forte de réussir ensemble cette nécessaire reconversion. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. René-Pierre Signé. Ce n'était pas bon, et c'était trop long !

M. le président. Monsieur Signé, souhaitez-vous faire un rappel au règlement ?...

SITUATION DU GIAT

M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.

Mme Josette Durrieu. Ma question, qui porte également sur le GIAT, s'adresse aussi à M. le Premier ministre, et je souhaiterais que ce soit lui qui me réponde.

Deux logiques s'affrontent, à l'évidence. Selon la vôtre, monsieur le Premier ministre, le GIAT a accumulé les pertes - c'est sûrement vrai - et le sauvetage passe par la réduction des effectifs, avec la suppression brutale de 4 000 emplois salariés d'ici à 2006. Qui donc a parlé de « patrons voyous » ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. Et vous, qu'avez-vous fait ?

Mme Josette Durrieu. C'est une approche politique et comptable brutale, qui provoque la stupéfaction.

A cela nous répondons : c'est la mort du GIAT ! Il restera 2 500 salariés. Ce ne sera plus une entreprise de taille nationale, et encore moins de taille européenne. J'aurais envie de dire : ce sera un atelier ! Quel peut-être son avenir ? Disparition ou privatisation ?

Votre approche entraînera aussi la perte de l'immense savoir-faire de ces salariés, qui ne sont pas responsables de la faillite.

Elle privera en outre la France d'une industrie d'armement qui garantissait sa souveraineté.

Quelle est, alors, l'ambition de la France dans une future Europe de la défense ? Quels seront nos partenaires industriels ? Qu'en sera-t-il de l'édification même de la défense européenne sans le rôle moteur de la France, à côté des Anglais et des Allemands ?

Ces enjeux stratégiques imposaient la prudence et justifient toujours le moratoire que nous vous demandons.

Vous assumerez aussi, M. Dériot vient de le dire, la fracture du territoire : dix sites touchés ; tous le sont plus ou moins, avec quelques choix partisans à la clef, mais trois sont liquidés, ceux de Saint-Chamond, de Cusset et de Tarbes.

A Tarbes, 650 emplois seront perdus, sans compter la sous-traitance. Vous nous laissez la pyrotechnie, c'est-à-dire les explosifs au coeur de la ville. Merci quand même ! Quand vous parlez de 170 emplois maintenus, je me demande d'ailleurs d'où vous tenez vos chiffres, puisque la pyrotechnie ne représente que 70 emplois. Quel gâchis industriel et humain de la part de l'Etat ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. Qu'avez-vous fait ?

M. Gérard Cornu. Le gâchis, c'est vous qui l'avez organisé !

Mme Josette Durrieu. Mais, aujourd'hui, pour les Bigourdans, la colère est plus forte que le désespoir !

Monsieur le Premier ministre, nous allons voir maintenant ce que, pour vous, décentralisation et aménagement du territoire veulent vraiment dire ! Au demeurant, nous avons déjà vu ! Nous demandions la maintenance du matériel à Tarbes : vous la mettez à Toulouse !

M. le président. Votre question, madame Durrieu !

Mme Josette Durrieu. Ma question est simple : quelles sont vos propositions pour les salariés qui seront encore en activité en 2004 - c'est l'échéance prévue en ce qui concerne Tarbes - et donnerez-vous la priorité à la réindustrialisation ? Avec quels projets ? Car ce n'est pas seulement l'argent qui compte ; nous voulons des projets !

Croyez bien, monsieur le Premier ministre, que je suivrai avec attention l'évolution de ce dossier et que, si c'est nécessaire, je vous interpellerai de nouveau. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre. (Exclamations sur les travées socialistes.)

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Merci, madame, de nous avoir rappelé, grâce à votre catalogue, toutes les conséquences qu'a entraîné votre absence de décision, conséquences que nous devons aujourd'hui gérer ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Vous avez en effet refusé de voter les lois relatives à la défense qui assurent aujourd'hui le formatage du GIAT auquel nous sommes parvenus. Face à ce type de réajustements, qui sont nécessaires, nous préférons le langage du courage et de la vérité à celui de l'impuissance ou de l'illusion.

M. Dominique Braye. Ce sont effectivement des illusionnistes !

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Nous avons clairement indiqué que, grâce aux crédits affectés par la loi de programmation votée par l'actuelle majorité, nous pouvions garantir le maintien d'une industrie d'armement solide.

M. Jean-Louis Carrère. La preuve !

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Puisque vous évoquez les Britanniques et les Allemands, qui paraissent être vos références, sachez que nous reformatons le GIAT à la dimension de l'industrie d'armement britannique.

Sur le plan social et sur le plan territorial, nous mettrons en oeuvre tous les moyens afin d'offrir à chaque salarié une procédure de reclassement et un emploi. Nous sommes convaincus que, avec votre vigilance et votre soutien, nous y parviendrons. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

SITUATION EN IRAK

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

M. René-Pierre Signé. Il ne répond pas !

M. Alain Fouché. Monsieur le Premier ministre, le régime de Saddam Hussein est tombé. Nous pouvons unanimement nous réjouir de la fin d'un tyran qui a opprimé son peuple pendant si longtemps et nous pouvons être soulagés que la guerre, qui est sur le point de s'achever, ait été relativement courte.

Vous avez toujours affirmé que la France restait fidèle au camp de la démocratie, contre celui de la dictature.

Cependant, le nombre bien trop élevé des victimes, en particulier civiles, est là pour nous rappeler qu'un conflit, si bref soit-il, est toujours un drame terrible pour les populations qui y sont confrontées.

Monsieur le Premier ministre, je voudrais tout d'abord connaître votre sentiment sur la chute de la dictature en Irak.

Je souhaiterais également savoir quelles mesures humanitaires d'urgence la France compte prendre afin de venir en aide aux populations qui souffrent encore sur les différents terrains d'opération.

Enfin, alors que nous entrons à peine dans l'après-guerre, pouvez-vous m'indiquer ce que compte faire la France pour permettre la mise en place rapide d'une autorité démocratique, légitimée par les Nations unies et qui soit fidèle aux aspirations du peuple irakien ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Le GIAT ! Le GIAT ! sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le sénateur, ce qui vient de se passer en Irak est très important, et je ne peux, ici, que faire écho aux propos tenus ce matin par M. le Président de la République.

La France se réjouit de la chute du régime de Saddam Hussein.

Elle partage les espoirs du peuple irakien pour davantage de justice et davantage de démocratie.

M. René-Pierre Signé. C'est beau !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Vous le savez, nous avons toujours été dans le camp des démocraties contre celui des dictatures et, dès que cette guerre a été engagée, la France a dit clairement qu'elle souhaitait la voir s'achever le plus rapidement possible, afin qu'elle soit le moins meurtrière possible.

M. René-Pierre Signé. C'était la moindre des choses !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Il y a des sujets sur lesquels, me semble-t-il, les polémiques sont inutiles ! (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Schosteck. Elles sont même ridicules !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Il reste que cette victoire de la démocratie s'est faite dans la violence, et je crois que nous devons respecter la mémoire de tous ceux qui ont payé cette victoire de leur vie.

Notre engagement, aujourd'hui, est donc empreint de gravité.

L'avenir, pour nous, c'est la paix dans la région, et nous espérons qu'un consensus à l'échelle internationale va pouvoir rapidement s'affirmer afin de régler le conflit israélo-palestinien, qui est au coeur du drame que connaît cette région du monde.

Comme vous le souhaitez, monsieur le sénateur, le Gouvernement français s'impliquera avec détermination dans toutes les opérations humanitaires menées auprès des populations civiles qui ont souffert.

D'ores et déjà, nous avons dégagé une première enveloppe de 10 millions d'euros afin de financer les initiatives des ONG, notamment françaises, qui s'engagent sur le terrain, ainsi que le programme européen ECHO et le programme de l'ONU. La France est partie prenante dans l'ensemble de ce dispositif, pour être au plus près des populations civiles.

Nous nous engageons pour faire en sorte que, le plus rapidement possible, l'Irak puisse connaître un arrêt définitif des combats et que le peuple irakien soit en mesure de mettre en place des institutions que lui-même contrôle, de manière à maîtriser son avenir. Cette perspective exige la mobilisation de la communauté internationale, qui devra, selon nous, trouver son unité au sein de l'ONU. C'est la raison pour laquelle nous estimons que c'est à l'ONU que doivent se définir les stratégies qui assureront au peuple irakien son avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. René-Pierre Signé. On n'a rien appris !

DÉLOCALISATIONS

M. le président. La parole est à est à M. Christian Gaudin.

M. Christian Gaudin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

En décembre 2002, le chiffre mensuel de la production industrielle était en recul de 1,8 %, soit la plus forte baisse depuis cinq ans.

La suppression massive d'emplois à la production touche tous les secteurs d'activité, notamment de main-d'oeuvre, tels que le textile-habillement-cuir et l'électronique.

Ce constat, inquiétant, nous amène à nous interroger sur la capacité de notre pays à conserver une activité traditionnelle de production. La délocalisation, qui répond - temporairement - à la nécessité de rester compétitif, est souvent justifiée par la survie de l'entreprise. Mais cette voie, majoritairement utilisée dans certains métiers, souvent sous la pression de la grande distribution, a un coût humain et fiscal important qui n'a jamais été réellement évalué.

Le traitement social des emplois supprimés est lourd ; la reconversion des salariés licenciés est donc difficile.

Je n'ignore pas que le Gouvernement a déjà entrepris des réformes qui vont dans le bon sens. C'est ainsi que la création et la transmission d'entreprises ont été facilitées et que, prochainement, la formation et l'innovation seront encouragées.

Toutefois, le pays a besoin d'être assuré qu'il y a véritablement, au Gouvernement, une volonté de sauvegarder nos emplois de production.

Nos entreprises nous montrent souvent leurs performances en création-développement, mais nous alertent aussi régulièrement sur leurs difficultés à maîtriser leur perte de compétitivité en production.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter l'assurance que vous donnerez rapidement un signal fort en ce sens à nos entrepreneurs ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, nous avons déjà adressé des signes forts à nos entreprises en général, et à nos entreprises industrielles en particulier.

Le meilleur signal que nous puissions leur donner - et nous continuerons de le faire - consiste à leur montrer que nous les reconnaissons comme des acteurs indispensables à la réussite économique de notre pays, une réussite dont l'emploi est d'ailleurs le premier bénéficiaire.

N'oublions pas que, pendant un certain nombre d'années, dans un passé plus ou moins récent, cette reconnaissance ne leur a pas été accordée : elles étaient avant tout surchargées de contraintes. (Protestations sur les travées du groupe socialiste. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Ces contraintes, aujourd'hui, il est absolument nécessaire de les lever compte tenu de l'environnement concurrentiel très dur dans lequel nos entreprises sont plongées, sans parler d'une conjoncture particulièrement difficile.

Nous savons que c'est à travers leur propre développement et leur propre réussite que ces entreprises construiront leur futur.

Nous avons donc pour objectif de les doter d'un environnement favorable, de leur donner des incitations, de leur accorder parfois des aides, afin qu'elles puissent affronter cette concurrence dans les meilleures conditions.

M. René-Pierre Signé. C'est la voix du MEDEF !

M. Francis Mer, ministre. Je suis très au fait de la situation de l'industrie et croyez bien que j'y suis très attentif. Ce n'est certainement pas moi qui ne ferai pas tout pour maintenir le plus grand nombre possible d'entreprises industrielles compétitives dans notre pays.

L'industrie est soumise à la concurrence mondiale plus que les services. C'est ce qui explique que, l'année dernière, alors que 150 000 emplois étaient créés dans les services et dans la distribution, nous avons enregistré la disparition d'environ 80 000 emplois dans l'industrie.

Cela étant, l'industrie française reste forte. Elle est même proportionnellement plus forte, en termes d'emplois, que la plupart des industries européennes, exception faite de l'industrie allemande.

En confortant la valeur ajoutée de nos industries, nous entendons conserver une caractéristique positive de notre pays.

Nous ferons ce que nous devons faire, et les entreprises savent qu'elles peuvent compter sur un soutien responsable et actif de notre gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

SANCTIONS INFLIGÉES À LA FILIÈRE BOVINE

M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.

M. Bernard Murat. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

Monsieur le ministre, à l'automne 2001, au paroxysme de la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine en France, la Commission européenne a été incapable de gérer le marché de la viande bovine. Elle a donc acculé les éleveurs français de bovins à mener des actions sans précédent pour sauver leurs exploitations.

Dans une totale transparence et avec l'assentiment du gouvernement de l'époque, les organisations syndicales agricoles ont pris leurs responsabilités et ont conclu un accord sur un prix minimum de la viande bovine à la production, assorti d'une suspension temporaire des importations. Ces mesures avaient pour but de canaliser les mouvements de révolte et, surtout, de sortir de l'impasse dans laquelle les acteurs de la filière s'étaient égarés.

La situation exceptionnelle dans laquelle nous nous trouvions nécessitait des mesures symboliques fortes.

Dans le même esprit et en dépit des règlements européens, les collectivités se sont mobilisées elles aussi. Les cantines scolaires corréziennes, par exemple, ont alors privilégié les approvisionnements de viande bovine d'origine française.

Dernièrement, une décision de la Commission européenne a condamné six organisations syndicales agricoles françaises au paiement d'une amende extravagante de 16,7 millions d'euros, dont 12 millions pour la seule Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, la FNSEA.

Cette décision nous a tous surpris par son extrême sévérité et parce qu'elle ne tient compte ni de la réalité des faits ni de leur contexte. J'ai vraiment le sentiment que la Commission européenne ne fait aucun effort pour comprendre les problèmes spécifiques à l'élevage bovin français.

M. Emmanuel Hamel. Quittons Bruxelles !

M. Bernard Murat. Monsieur le ministre, comme le président du Sénat, je suis inquiet quant aux conséquences de cette décision. Son ampleur financière « abracadabrantesque » (Murmures sur les travées du groupe socialiste) met en danger l'existence même des organisations professionnelles représentatives d'une branche d'activité qui oeuvrent en faveur de l'ensemble du monde agricole et de l'aménagement durable du territoire rural.

M. Jean-Louis Carrère. Et la question ?

M. Bernard Murat. Loin de moi toute démagogie ! Je ne prétends pas que les syndicats agricoles sont au-dessus des lois...

M. Jean-Louis Carrère. Il ne pose pas de question, monsieur le président !

M. Bernard Murat. ... mais que dirait-on si une amende égale à deux fois ses ressources annuelles était infligée à n'importe quelle organisation syndicale de salariés ?

Dans toute cette affaire, ces organisations professionnelles ont agi en organisations responsables et ont su gérer une sortie de crise par le haut, remplissant ainsi la fonction qui doit être celle d'un corps intermédiaire dans une démocratie.

Monsieur le ministre, avec mon collègue M. Georges Mouly - j'en viens à ma question, monsieur Carrère - nous souhaiterions connaître les positions que prendra le Gouvernement en faveur de ces organisations syndicales agricoles lors des actions contentieuses qui ne manqueront pas d'être engagées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je veux tout d'abord vous prier d'excuser M. Hervé Gaymard et vous dire, au nom du Gouvernement, notre extrême étonnement devant la sévérité de cette sanction.

Sévérité quant au contexte, étant donnée la gravité de la crise dite de « la vache folle », qui a engendré un drame économique et humain au sujet duquel la Commission elle-même avait d'ailleurs noté que les mesures prises, tant au niveau européen qu'au niveau national, n'étaient pas à la mesure du problème.

Sévérité quant aux modalités également, puisque cette décision a été prise dix-huit mois après les faits et que, sur de nombreux points, exclusivement techniques d'ailleurs, elle est sujette à caution.

Sévérité quant à son ampleur, enfin, puisque l'amende s'élève, vous l'avez rappelé, monsieur Murat, à deux fois et demie le montant des ressources annuelles de certaines des organisations concernées. Qu'aurait-on dit s'il s'était agit de formations syndicales représentant des salariés ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

On assiste donc à une situation paradoxale où, après s'être tous ensemble mobilisés pour lutter contre cette crise dite de la « vache folle », on en arrive à remettre en cause l'existence mêmes de formations syndicales qui ont oeuvré, par ailleurs, pour les intérêts du monde agricole.

Autant vous dire que le Gouvernement suivra le développement de cette affaire avec la plus grande attention, même s'il appartient, naturellement, à ces organisations d'apprécier ce qu'elles jugeront utile de faire, notamment en ce qui concerne les voies de recours. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

SITUATION EN IRAK

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Ma question porte sur l'Irak et s'adresse à M. le Premier ministre.

Je formulerai d'abord le voeu que la chute annoncée de Bagdad puisse arrêter les massacres.

Pendant trois semaines, bombardiers et missiles ont semé la mort, détruit massivement, provoqué des drames humains, meurtri à vie des enfants, fait fuir des familles entières.

Les scènes de pillage sont le versant humiliant d'une catastrophe humanitaire qui était, hélas ! prévisible.

Prévisible aussi était la supériorité militaire des Etats-Unis, dont le budget militaire équivaut à ceux réunis de toutes les armées de la planète !

Monsieur le Premier ministre, les sentiments que la chute d'un régime honni inspire ne peuvent masquer que l'administration Bush et ses alliés ont engagé une guerre hors du cadre de la légalité internationale, au motif que l'Irak était une menace pour la paix mondiale et détenait des armes de destruction massive.

Et je ne parle pas ici des liens qu'on lui prête avec le réseau Al Qaïda.

Or rien de tout cela n'a été prouvé.

Monsieur le Premier ministre, nous avons apprécié que la France n'ait pas suivi cette voie dangereuse pour l'équilibre de la région comme pour l'équilibre du monde et qu'elle ait oeuvré pour la poursuite d'un règlement pacifique, en accord avec l'immense majorité des peuples et des gouvernements. Nous continuons à l'apprécier.

Monsieur le Premier ministre, aucun débat n'ayant été organisé sur la situation en Irak depuis le début des hostilités, nous souhaiterions connaître votre appréciation, celle du Gouvernement, sur la situation actuelle.

Quelle initiative notre pays va-t-il prendre pour permettre « la fin rapide et effective des combats », comme l'a souhaité le Président de la République ce matin même ? Trop de sang a déjà coulé. Comment envisagez-vous la mise en place d'une force internationale qui permette le retour de la paix ?

Si nous voulons rester en cohérence avec l'attitude initiale de la France, l'heure n'est-elle pas à la prise de grandes initiatives diplomatiques pour organiser une conférence internationale, sous l'égide de l'ONU, qui associerait toutes les parties, y compris celles de la société irakienne, seule garantie d'un avenir souverain et démocratique pour le pays ?

Alors que les tueries continuent au Proche-Orient, ne pensez-vous pas, monsieur le Premier ministre, qu'il faut tout mettre en oeuvre pour relancer le processus de paix en Palestine ?

La France, qui a su parler d'une voix forte, ne peut rester spectatrice. Elle doit, avec les peuples épris de paix, agir pour le droit international et pour l'existence d'un monde multipolaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Madame la présidente, comme vous, nous avons le sentiment que la France a parlé d'une voix forte dans ce conflit. Notre devoir est aujourd'hui d'être très proches du peuple irakien, qui a connu des souffrances extrêmes.

Ces trois semaines de bombardement ont atteint dans leur chair les populations civiles.

Nous sommes aux côtés du peuple irakien. Nous partageons aujourd'hui son espoir de liberté, de démocratie, de développement. Nous nous sentons engagés pour participer à cet avenir nouveau.

Nous sommes déterminés pour que, dès que la situation aura été sécurisée, une délibération puisse intervenir à l'ONU, afin que toute la communauté internationale puisse, à partir d'une résolution adoptée par tous, définir les procédures à mettre en oeuvre afin d'aider l'Irak à choisir le chemin de la démocratie et à construire son avenir.

Comme vous l'avez dit, madame Borvo, il faut que, dans ces circonstances, nous puissions agir également pour que le conflit israélo-palestinien débouche enfin sur une perspective de paix, que l'Etat palestinien soit reconnu et que la sécurité du peuple israélien soit assurée conformément aux résolutions que les Nations unies ont déjà adoptées.

Nous pensons vraiment que l'ONU doit jouer un rôle central en la matière afin que cette région du monde retrouve la paix et la liberté.

Avec nos partenaires du Conseil de sécurité, nous nous sommes engagés à poursuivre cette démarche.

Nous avons la conviction qu'il faut que le monde soit multipolaire et qu'il faut un équilibre entre différents pôles. Dans cette optique, notre projet européen reste essentiel pour équilibrer le monde, pour éviter que prédomine une vision unipolaire, qui pourrait, à terme, se révéler une vision de déséquilibre.

C'est l'équilibre que la France entend promouvoir. La majorité des membres du Conseil de sécurité partage ce point de vue. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

RÉFORMES EN MATIÈRE D'IMMIGRATION

M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.

M. Alain Dufaut. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Monsieur le ministre, depuis trop longtemps, la France a été privée d'un vrai débat de fond, rationnel et dépassionné, sur l'immigration.

Depuis près de vingt ans maintenant, la réplique a été donnée par les extrémistes de droite et les démagogues de gauche. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Les uns appellent à une immigration zéro irréaliste et en aucun cas souhaitable pour la France, qui s'est toujours enrichie et « oxygénée » grâce aux apports des autres cultures.

Les autres, au discours angélique, font croire que notre pays pourrait supporter une vague d'immigration sans contrôle, alors que le chômage frappe déjà lourdement nos concitoyens.

Monsieur le ministre, depuis votre entrée en fonctions, votre action pragmatique a démontré qu'il était possible d'engager enfin le débat de manière décomplexée pour mener une politique d'immigration ferme mais sans outrances. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jacques Mahéas. Et les charters !

M. Alain Dufaut. Le règlement rapide du problème posé par la fermeture du centre de Sangatte, alors que vos prédécesseurs nous expliquaient que tout accord était certes souhaitable mais totalement impossible, et les accords bilatéraux que vous négociez avec les pays qui sont à la source de l'immigration témoignent à l'évidence que, lorsqu'il y a une volonté politique, il y a toujours un chemin. Personne, ici, ne peut contester votre détermination et votre volonté.

Il n'en reste pas moins qu'en matière de gestion des flux migratoires un certain nombre de problèmes doivent être résolus rapidement.

La loi est ainsi faire que beaucoup de candidats à l'accueil jouent des règles en vigueur pour rester sur notre territoire. Je pense aux mariages blancs, qui sont de plus en plus nombreux dans les départements du Sud, à la paternité de complaisance ou, plus simplement, à l'obtention, parfois trop systématique, des cartes de résidents.

Tout cela se fait au détriment de ceux qui sont en parfaite légalité : ils sont discrédités et leur intégration est rendue plus difficile du fait de quelques autres.

J'aimerais donc savoir, monsieur le ministre, quelles mesures vous entendez prendre, au nom du Gouvernement, pour éliminer enfin les failles du dispositif migratoire actuel. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement raison : il ne pourra pas y avoir une politique d'intégration pleinement accomplie dans notre pays si l'on ne met pas en place parallèlement et en même temps une politique de maîtrise des flux migratoires.

M. le Premier ministre a présidé ce matin même un important comité interministériel sur l'intégration.

Les premières victimes d'une politique de l'immigration qui laisse passer tout le monde sont les étrangers en situation régulière. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

Contester cette réalité, c'est faire preuve d'irresponsabilité, et même d'inhumanité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Au-delà des mots, cela signifie deux choses très claires.

Cela signifie d'abord que les étrangers qui ont des papiers en règle seront accueillis en France avec le respect dû à chaque personne.

Cela signifie également - la politique du Gouvernement est sans ambiguïté sur ce point - que ceux qui viennent en France avec de faux papiers ou sans papiers seront reconduits dans leurs pays d'origine ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Je ne vois d'ailleurs pas en quoi il serait contraire aux droits de l'homme de raccompagner chez eux des hommes et des femmes malheureux, qui ne sont même pas entrés chez nous, puisqu'ils se trouvent en zone de transit à Roissy.

Le délai d'attente est de vingt jours, le choix est donc simple : soit on les raccompagne humainement et dignement chez eux, soit on les laisse entrer et ils deviennent alors des sans-papiers qui vivent dans des conditions indignes.

Faire les vertueux d'un côté et regarder les bras ballants cette situation indigne de l'autre, c'est parfaitement incohérent et cela se termine dans une impasse. (Très bien ! sur les mêmes travées.)

Le Premier ministre a fixé au 30 avril la discussion d'un projet de loi qui apportera à cet égard des réponses très précises.

En ce qui concerne les attestations d'accueil, les maires, de gauche comme de droite, en ont plus qu'assez de ne pas pouvoir les contrôler alors que certains vivent à quatre-vingts dans des deux pièces.

Quant aux mariages blancs, il y en a de plus en plus et les élus sont incapables de faire face à la situation.

Pour ce qui est, enfin, du détournement des visas de tourisme, nous allons créer un fichier des empreintes digitales, pour savoir d'où viennent ceux qui, malheureusement, ont perdu leurs papiers... à moins qu'ils ne les aient détruits.

Ce projet de loi sera présenté en conseil des ministres le 30 avril et il viendra en discussion devant la Haute Assemblée au mois de mai.

Nous pourrons alors donner aux Français le débat digne et républicain qu'ils attendent sur l'immigration. Il n'était que temps ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

SIMPLIFICATIONS ADMINISTRATIVES

EN MATIÈRE AGRICOLE

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Ma question concerne le ministre de l'agriculture et la ministre déléguée aux affaires européennes, mais aussi le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, auquel je m'adresserai plus particulièrement puisqu'il a pour mission de simplifier ou même de supprimer les problèmes administratifs dans lesquels sont englués les Français.

Les relations entre nos agriculteurs et la Commission européenne sont mauvaises. Elles ont atteint leur point d'orgue avec la condamnation des syndicats agricoles français à une amende absurde quant à son montant et totalement injustifiée quant à son motif. Comment peut-on condamner un syndicat d'avoir organisé, en toute transparence, pour la défense de ses mandants, une entente entre les éleveurs et les abatteurs, et sauvé ainsi des milliers d'exploitations ? La Commission a renoncé là au bon sens et préféré l'idéologie administrative.

Comprenez, monsieur le secrétaire d'Etat, le sentiment d'injustice qui exaspère les agriculteurs ! Ce sentiment se développe d'autant plus que les agriculteurs doivent se débattre dans un maquis administratif où chaque erreur est payée au centuple.

Il n'est pas normal qu'aujourd'hui un agriculteur doive recourir aux services onéreux du conseil juridique de sa chambre d'agriculture pour être certain de ne pas être sanctionné et de ne pas risquer de perdre la totalité des subventions européennes indispensables à sa survie à la moindre erreur de sa part.

Que ce soit pour l'obtention de ces aides, pour la déclaration des surfaces, pour les obligations relatives à l'identification des animaux, pour la mise aux normes des bâtiments d'élevage ou encore pour les modalités d'embauche, le nombre de formulaires à remplir chaque année n'est plus supportable, d'autant que la plupart des informations qu'ils contiennent sont déjà détenues par les services demandeurs.

Cette situation kafkaïenne est particulièrement accentuée par la multiplicité des interlocuteurs auxquels l'éleveur doit s'adresser - EDE, DDAF, OFIVAL, CNASEA, MSA - et par les contrôles tatillons et mal coordonnés auxquels il est soumis.

Le 8 octobre dernier, le comité de simplification des démarches administratives des agriculteurs a été installé. De quels résultats concrets et de quelles orientations de fond pouvez-vous nous rendre compte ? Ne pourrait-on, par exemple, imaginer un document unique pour les demandes d'aides liées à la politique agricole commune et la déclaration à la mutualité sociale agricole ?

Il y a également des propositions sénatoriales telles que l'aide unique et l'interlocuteur unique. Comptez-vous y donner suite ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. René-Pierre Signé. Voilà l'agriculteur !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le sénateur, vous avez mille fois raison de dire que les agriculteurs, comme tous nos concitoyens d'ailleurs, souffrent de la complexité des démarches et d'être suradministrés.

Vous avez évoqué la multiplicité des formulaires, la lourdeur des déclarations, le caractère tatillon des contrôles, la multiplicité des interlocuteurs. C'est la raison pour laquelle mon collègue Hervé Gaymard a installé, le 8 octobre dernier, le comité de simplification des démarches administratives des agriculteurs.

M. Raymond Courrière. Ah !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Ce comité a un caractère exemplaire puisqu'il rassemble des usagers, des représentants de la profession, mais aussi des fonctionnaires praticiens du contrôle des déclarations.

M. René-Pierre Signé. C'est Glavany qui a fait cela !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Ce comité a remis récemment sa copie au ministre en distinguant trois priorités : l'allégement des contrôles, la transparence des informations et la simplification des déclarations.

D'ores et déjà, Hervé Gaymard a annoncé qu'il y aurait un dossier unique dans les directions départementales de l'agriculture, ce qui représente, me semble-t-il, un progrès incontestable qui s'inscrit parfaitement dans les orientations préconisées par Jean-Paul Delevoye et moi-même au titre de la réforme de l'Etat.

Il faut aller plus loin et plusieurs mesures sont à l'étude : l'accélération des téléprocédures pour les contrôles ; l'harmonisation des critères d'éligibilité aux fonds communautaires en faisant en sorte de ne pas ajouter une complexité nationale à la complexité communautaire ; la simplification du programme de développement rural national, véritable serpent de mer qui a fait l'objet d'un mémorandum d'Hervé Gaymard à Bruxelles.

En effet, monsieur le sénateur, le ministre de l'agriculture a pour objectif de rassembler en un seul document les déclarations d'assolement qui sont faites pour la politique agricole communautaire et pour la mutualité sociale agricole.

En outre, les mesures nécessitant une modification de la loi seront présentées à l'automne lors du prochain train d'ordonnances, puisque le Premier ministre a décidé de lancer une vaste entreprise de simplification destinée à reconcilier nos concitoyens avec l'administration. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. René-Pierre Signé. C'est Glavany qui nous a sauvés !

CONTRAT D'ACCUEIL ET D'INTÉGRATION

M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.

M. Bernard Seillier. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

Monsieur le ministre, vous avez participé ce matin auprès du Premier ministre au comité interministériel à l'intégration, qui ne s'était pas réuni depuis 1990. Vous avez présenté à cette occasion une mesure phare qui avait été annoncée par le Président de la République en octobre dernier, je veux parler du contrat d'accueil et d'intégration.

Ce contrat était attendu pour qu'en France soit enfin créée une vraie politique d'intégration des immigrés, qui sont 100 000 chaque année à arriver dans notre pays avec un titre régulier.

Cependant, monsieur le ministre, ne craignez-vous pas que cette mesure, qui, je le répète, est essentielle, occulte la nécessaire valorisation simultanée des étrangers installés depuis longtemps dans notre pays et dont un grand nombre, surtout les jeunes nés sur notre sol, sont français ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Premier ministre a présidé ce matin le comité interministériel à l'intégration, le premier depuis 1990. Au cours de cette réunion, nous avons pris une série de décisions qui visent d'abord à relancer la politique d'intégration dans notre pays.

Les taux d'échec scolaire ou de chômage des jeunes issus de l'immigration sont trois fois plus élevés que ceux de la moyenne de la population française, et nous voyons s'accroître les situations de discrimination depuis plusieurs années.

Ce comité interministériel a aussi marqué une véritable refondation de la politique d'intégration, parce que nous avons décidé de rompre avec le « différencialisme » qui était à l'honneur depuis le début des années quatre-vingt et qui n'est finalement que l'antichambre du communautarisme. Nous faisons le choix de l'insertion plutôt que celui de l'institutionnalisation des différences. Nous pensons qu'à l'affrontement des cultures il faut opposer la République.

Dans cet esprit, nous avons décidé de mettre en oeuvre un dispositif d'accueil des étrangers en situation régulière, qui est le pendant de la politique de fermeté que le ministre de l'intérieur vient de présenter, avec un contrat d'intégration et des obligations réciproques, notamment en matière d'apprentissage du français, de nos règles et de notre culture, mais aussi de promotion sociale et d'insertion professionnelle.

A côté de ces mesures qui sont réservées aux primo-arrivants, nous avons mis en place une série de dispositions visant à améliorer la promotion sociale des jeunes issus de l'immigration qui vivent depuis longtemps sur notre territoire.

Ainsi, nous instaurons un dispositif beaucoup plus ambitieux au sein de l'éducation nationale, en développant notamment des liens entre les grandes institutions, comme l'Ecole polytechnique ou les grandes universités, et les lycées des quartiers difficiles (M. Jean-Louis Carrère s'exclame), en créant dix centres de préparation aux concours de la fonction publique dans les zones d'éducation prioritaire, car aujourd'hui moins de 400 personnes issues de l'immigration sont candidates aux concours de la fonction publique.

Enfin, nous avons proposé des mesures visant à lutter contre les discriminations, qui culmineront avec l'installation d'une haute autorité de lutte contre les discriminations. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Je pense que vous devriez être très modestes sur ce sujet, mesdames, messieurs de l'opposition, et, au lieu de railler nos propositions, vous devriez vous souvenir que vous avez pendant des années utilisé les questions de l'immigration et de l'intégration à des fins électoralistes (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE) et que vous êtes largement responsables de la situation désastreuse dans laquelle se trouvent aujourd'hui les générations issues de l'immigration dans notre pays ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-François Picheral. On verra les résultats !

M. Raymond Courrière. Provocateur !

M. Didier Boulaud. Allez Zidane !

NÉGOCIATIONS DE L'ACCORD GÉNÉRAL

SUR LE COMMERCE ET LES SERVICES

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Tout comme le Gouvernement n'a pas organisé de débat devant le Parlement sur la position de la France face à l'effondrement souhaité du régime de Saddam Hussein - absence de débat dont s'est d'ailleurs ému Claude Estier, président du groupe socialiste -, le Gouvernement prépare en silence les négociations de l'Accord général sur le commerce des services, l'AGCS. Pourtant, celles-ci font peser sur l'ensemble de l'humanité des risques sans précédent : il s'agit de la libéralisation économique des services tels que la distribution de l'eau, l'énergie, les transports, la recherche, les assurances sociales ou la poste.

Il n'est pas normal que les décisions concernant l'ouverture des services à la concurrence internationale se prennent sans même que les citoyens en soient informés et que le Parlement en débatte. Cela ne peut que nourrir la désaffection de nombreux électeurs pour la classe politique ; l'abstention, le 21 avril dernier, nous invite pourtant à les entendre.

Les déboires de l'Accord multilatéral sur l'investissement, l'AMI, et les succès du Forum social mondial devraient vous alerter : la mondialisation ne doit plus se faire au détriment des citoyens par la voie de négociations menées dans des cadres non démocratiques. La démocratie exige transparence et contrôle citoyen.

Une proposition de loi allant en ce sens vient d'être déposée par Claude Saunier, visant à créer des délégations parlementaires de suivi des institutions commerciales et financières internationales.

Les négociations semblent trébucher sur le mode 4 de l'AGCS : une entreprise pourrait importer le personnel jugé nécessaire à la fourniture d'un service sur le territoire d'un autre pays, important dans le même temps les conditions salariales en vigueur dans le pays d'origine des salariés. Cette clause de dumping social n'a heureusement pas été adoptée. Mais qu'en sera-t-il le 16 avril prochain à Bruxelles ? Il se dit que des quotas rendraient cela possible.

La France et l'Union européenne doivent défendre leurs services publics ou d'intérêt général - éducation, santé, culture - et respecter le droit des pays du Sud à protéger leurs services publics, le service public de l'eau en particulier. Car la paix ne se construit pas dans une concurrence entre les peuples exacerbée par les multinationales.

« Notre maison brûle », disait le Président de la République, et nous, nous voulons arrêter les incendiaires. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que ne soient pas bradés les biens communs mondiaux aussi essentiels que l'eau et la culture, la biodiversité et l'éducation, le climat et les services publics, le 16 avril à Bruxelles et dans les négociations suivantes ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Dominique Braye. Qu'avez-vous fait, vous ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame la sénatrice, je veux d'abord rectifier une affirmation de votre part en ce qui concerne l'Irak : un débat a eu lieu au Parlement et, à plusieurs reprises, des rendez-vous ont été organisés par le Premier ministre avec les principaux représentants des différents groupes parlementaires.

M. Claude Estier. Cela n'a rien à voir ! Nous parlons des derniers développements.

M. René-Pierre Signé. On ne s'en est pas aperçu !

M. Francis Mer, ministre. En ce qui concerne le sujet que vous évoquez, nous avons depuis longtemps décidé qu'il relevait de la responsabilité de la Commission européenne, sur la base d'un mandat qui lui a été transmis à partir de nombreuses discussions organisées à la fois dans les différents pays et à l'échelon de l'Europe.

Je vous rappelle tout de même que c'est pour nous une chance historique de développer nos activités de services à l'exportation, domaine dans lequel nous sommes très forts. Nous sommes en effet le troisième exportateur de services dans le monde.

M. Jean-Pierre Masseret. C'est l'héritage !

M. Francis Mer, ministre. Or, comme vous le savez, c'est dans ce secteur que se développent les emplois. Pour compenser les pertes d'emplois industriels que nous avons évoquées tout à l'heure, une des solutions consiste justement à créer des emplois dans les services ! Et les services que nous exportons font appel à la matière grise, c'est-à-dire à l'éducation, qui constitue notre atout !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce n'est pas si sûr !

M. Jean-Louis Carrère. Et vous réduisez les crédits de la recherche !

M. Francis Mer, ministre. Donc, contrairement à ce que vous pourriez penser, il est de notre intérêt collectif que les conditions d'exportation de nos services soient d'autant le plus ouvertes possible, d'autant que - et je ferai preuve d'un peu de cynisme - nous partons d'une position privilégiée en termes d'ouverture.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce n'est pas sûr !

M. Francis Mer, ministre. Je veux en outre indiquer que nous travaillons en toute transparence. De nombreuses réunions ont eu lieu. L'une d'elles, organisée par le ministre délégué au commerce extérieur, a réuni cent personnes à Bercy, dont vingt parlementaires, les associations, les organisations professionnelles et, bien entendu, les entreprises concernées.

Je veux vous indiquer qu'il est hors de question - et nous sommes tous d'accord sur ce point à l'échelon européen - d'introduire quoi que ce soit, dans les propositions que nous ferons, qui concernerait la santé, l'éducation ou la culture. (Exclamations sur certaines travées du groupe socialiste.)

La négociation sera menée d'ici à la fin de l'année 2004. Nous constaterons alors qu'elle aura été menée au profit de l'Europe et de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

DISPOSITIF EN FAVEUR

DE L'INVESTISSEMENT LOCATIF

M. le président. La parole est à M. Max Marest.

M. Max Marest. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

La situation du logement en France s'est considérablement dégradée depuis cinq ans, pour aboutir aujourd'hui à un véritable blocage,...

Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est vrai !

M. Max Marest. ... en particulier en ce qui concerne le logement locatif dans les grandes villes, où le foncier est cher, sinon très cher.

L'offre se raréfie, les loyers augmentent inexorablement et nos concitoyens locataires rencontrent toujours plus de difficultés à trouver un logement correspondant à leurs attentes.

L'investissement locatif privé est donc concerné et il semble qu'il soit nécessaire de le rendre attractif.

Avec un grand sens des réalités, M. le ministre a pris toute la mesure de la gravité et de l'urgence de cette situation. Nous ne pouvons que l'en féliciter.

Ma question est la suivante : pourriez-vous nous dire l'essentiel des nouvelles mesures que vous êtes en train de mettre en place et, surtout, celles que vous envisagez à plus long terme pour redonner toute sa cohérence à notre politique du logement ?

En effet, il faut rapidement relancer la construction de logements à louer, immeubles ou maisons individuelles. C'est dans cette perspective que vous avez récemment proposé un nouveau dispositif en faveur de l'investissement locatif visant à encourager un plus grand nombre de Français, professionnels et particuliers, à investir dans le logement locatif. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur Marest, vous avez eu raison de souligner que, peut-être parce que la précédente majorité n'a pas beaucoup agi en ce sens (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.- Applaudissements sur les travées de l'UMP), nous manquons terriblement de logements locatifs...

MM. Jean-François Picheral et Paul Raoult. C'est honteux !

M. Jacques Mahéas. Qu'avez-vous fait pour les logements sociaux ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. ... et un grand nombre de familles ont de plus en plus de difficultés à trouver un logement.

Les loyers, mesdames, messieurs de l'opposition, ont en effet très fortement augmenté au cours des dernières années, et vous n'avez rien fait pour faire cesser cette hausse, contraire aux intérêts des familles. (Très bien ! sur les travées de l'UMP. - Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Monsieur Marest, il faut donc construire plus pour augmenter l'offre locative et contribuer ainsi à réduire la tension sur le marché.

Le dispositif d'amortissement fiscal qui existait jusqu'à présent soumettait, vous l'avez dit, l'investisseur à des contraintes dissuasives, particulièrement dans les zones où les besoins de logements locatifs sont les plus aigus, zones que Jean-Louis Borloo connaît bien. (Le brouhaha sur les travées du groupe socialiste couvre la voix de l'orateur.)

Gilles de Robien, qui est retenu à Lyon et vous prie d'excuser son absence, et Jean-Louis Borloo ont donc proposé au Gouvernement un nouveau dispositif applicable aux acquisitions réalisées depuis le 3 avril 2003 et ayant pour objet de relancer l'investissement locatif dans le neuf et, sous certaines conditions, dans l'ancien.

Ce dispositif comporte deux volets. D'une part, les plafonds de loyers sont proches de ceux du marché et varient selon un zonage géographique plus adapté. D'autre part, les plafonds de ressources - il s'agit bien de politique sociale, messieurs les sénateurs - sont supprimés, car ils représentent une contrainte administrative qui décourageait nombre d'investisseurs.

Ce dispositif, monsieur Marest, est aussi destiné à développer la « pierre-papier » par la création de sociétés civiles de placements immobiliers en logement locatif.

Enfin, les conditions dans lesquelles ce dispositif sera applicable à l'acquisition d'un logement ancien sont en cours de définition.

Le Gouvernement et Gilles de Robien attendent de ce dispositif la mise sur le marché de 10 000 à 15 000 logements supplémentaires par an. (Protestations redoublées sur les travées du groupe socialiste.) Cela contribuera à la détente du marché locatif, au soutien de l'activité du bâtiment ; cela donnera à ce gouvernement, avec le soutien de sa majorité, une véritable politique sociale du logement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations prolongées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie ! Ayez conscience qu'on vous regarde !

M. Dominique Braye. On a honte pour eux !

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Avant d'aborder le point suivant de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Bernard Angels.)